💕 CHAPITRE 8 💕

Méryl avait élaboré un plan : Les huit prochains mois lui serviraient à établir son affaire en dehors du palais afin que celle-ci devienne, d'ici la fin de l'année à venir, son principal gagne-pain. Elle renoncerait inévitablement à la couronne, se servant intelligemment de son temps donné afin de démontrer qu'elle n'en était pas digne et mettrait, par la même occasion, fin à cinq années de mariage qui n'avaient aucun sens. Tout ce qu'il lui fallait faire maintenant été d'opérer sous les radars de son époux qui étrangement se trouva suffisamment de temps pour venir régulièrement la visiter ou bien même discuter avec elle. Chose impossible en temps normal car James était quelqu'un de minutieux et il devrait, en temps normal, avoir la tête dans les papiers notamment pour préparer leur visite au Duché. Mais pas cette fois-ci car depuis leur entrevue plus que musclée et mouvementée, ce dernier n'arrivait guère à se détacher de son épouse, bien décidé lui aussi à marquer des points de son côté.

- J'ai ouïe dire que vous aviez un rendez-vous avec le médecin dans l'après-midi, lui dit-il en posant soigneusement sa tasse devant lui.

- Comptez-vous réellement surveiller le moindre de mes faits et gestes ?

- Ce que vous appelez «surveillance», j'appelle ça de l'attention. N'est-ce pas normal pour un époux de s'inquiéter de l'état de santé de son épouse ?

- Ne jouez pas à ce petit jeu là avec moi, James. Vous avez d'ores et déjà réussit à faire fuir mes clients de la matinée afin de me monopoliser.

- Je ne vois absolument pas de quoi vous voulez parler. Néanmoins, il se pourrait que j'ai bel et bien dû mettre à l'amande les visiteurs non escomptés du palais. Après tout, nous ne vivons pas dans un moulin, mais cela, vous le savez.

- Insinuez-vous quelque chose ? Je ne suis pas certaine d'être en mesure de vous comprendre.

- Et je pense au contraire que vous me comprenez très bien, Méryl. Vous continuez, malgré mes nombreuses supplices, votre activité scandaleuse.

Il est vrai que cela pourrait heurter quelques sensibilités que d'entendre la moitié des choses que Méryl entendait dans son salon. Ce dernier était même devenu un lieu proche du confessionnal par moment, mais il n'y avait évidemment pas de «dieu» pour juger les nuits intrépides et les journées chargées de certains de ses nobles clients et clientes.

- Voyez mon activité comme un passe-temps si cela vous dérange tant. En outre, si cela était réellement une «activité» comme vous le dites si bien, j'aurai au moins le mérite de me faire rémunérer, mais la couronne prends déjà assez à ses pauvres gens !

- Un passe-temps tel que la broderie, la peinture ou bien la musique me plairait davantage.

- Navré d'apprendre que je vous déplais, cher époux.

- Non, au contraire. Vous le dites de façon si joyeuse que je sais pertinemment que vous le faites exprès.

James Catawey était bien des choses, mais idiot serait alors une insulte. Bien qu'il peinait grandement encore aujourd'hui à comprendre le comportement de Méryl, cette dernière s'était trouvé dans ce flou psychologique, un nouveau loisir avec lequel s'amuser. En outre, la jeune femme avait remarqué un étrange revirement de situation concernant le comportement qu'elle jugeait constamment inquiétant de la part de son époux et cela, outre le fait qu'il s'était prit de lubie de s'intéresser à son monde. James avait cessé d'être désobligeant concernant cette soi-disant activité révoltante. Bien évidemment, il glissa un mot ou deux quand cela lui prenait de le faire, mais il avait trouvé que le silence ainsi que le sabotage d'entretiens étaient, pour lui, beaucoup plus divertissant.

- Oh, mais regardez comme l'heure tourne ! fit Méryl en se levant, Je me dois de vous laisser ou je risque de râter mon rendez-vous avec ce brave médecin qui a coeur de surveiller ma pauvre santé.

Elle posa sa tasse, mimant rapidement une salutation et ramassa ses jupons en toute hâte avant de se retirer. Ce n'est que trois enjambées plus tard, qu'elle le vit à ses côtés, suivant le même trajet.

- Vous plaisantez, j'espère ? lança-t-elle irritée en s'arrêtant au milieu de son pas

- Comme je vous l'ai dit : Je suis inquiet.

Et les poules ont des dents ! Pensa alors la Princesse en le dévisageant, sourcils froncés, prête à partir en courant si elle le devait afin de le semer dans son sillage.

- N'avez-vous pas un voyage à préparer ?

- Tout est prêt, répondit-il instantanément

- Des documents à revoir ?

- J'ai laissé le regard expert de Romain se pencher sur la question.

- Dans ce cas, allez donc écrire une missive à votre maman.

- Ne soyez pas vexante en mêlant ma mère à tout cela, voulez-vous ?

Il est vrai. Cette dernière est déjà suffisamment au courant de leur vie conjugale pour l'être davantage.

- Et puis ainsi, je serais rassuré de savoir que votre santé, si faible ces derniers temps, ne cesse de s'améliorer ! Oh oui, comme cela m'enlèverait une épine du coeur.

- C'est vous, l'épine dans mon pied, grogna Méryl

- Vous avez dit ?

- Que je ne saurais vous remercier d'être aussi inquiet ! se reprit-elle en levant les yeux au ciel ne cherchant même pas à dissimuler son agacement

Vraiment, si Méryl n'avait pas déjà assez à faire sur les bras avec tout son projet d'escapade, il lui fallait dorénavant gérer James et son comportement. Douteux ne serait même pas assez fort pour le qualifier tant tout ceci paraissait sortir du cadre et du personnage. Jusqu'à présent, il s'était toujours présenté comme un homme droit, suivant un code de conduite très précis et n'ayant guère sortir des sentiers battus, mais depuis trois jours, il était devenu méconnaissable.

Sa déclaration dans les jardins était déjà un signe de sa démence, mais il fallait croire que son cas ne s'arrangeait guère au fil du temps.

Faisant le reste du trajet ensemble, quelle ne fut pas la surprise du médecin de la Cour quand il les vit assit tous les deux dans son propre salon.

- Ne faites pas attention à lui. Il vient chercher son traitement pour soigner sa démence, lança la Princesse

- Votre Altesse, désirez-vous passer dans mon cabinet ? Cela sera sans nul doute plus confortable, lui proposa alors le médecin

- Et je présume que je suis censé attendre ici tout seul ? souleva le Prince

- Quel homme intelligent et perspicace vous faites, mon cher époux !

- Que suis-je supposé faire en vous attendant ?

- Je n'en sais rien ? Comptez donc le nombre de rayures que vous voyez sur la tapisserie, mais je n'ai nulle crainte car à votre grand âge, vous saurez trouver une réponse à votre question, je n'en doute point !

- Vous vous moquez de moi, n'est-ce pas ?

Méryl sourit. Il y avait bien des façons dont elle pourrait répondre à cette question, mais une seule lui paraissait digne d'être prononcée.

- Cela fait cinq ans maintenant et vous ne vous en apercevez que maintenant ?

Pouffant de rire, elle le laissa alors dans sa solitude, entrant dans le cabinet. Ce n'était qu'une visite de contrôle, une simple formalité et pourtant, Méryl ne put s'empêcher de se questionner. Si, depuis sa fièvre elle avait réussie à s'en remettre, rien ne promettait qu'un nouvel épisode ne recommencerait pas. Sa mère elle-même avait connue cela et c'était ce même fléau qui l'avait arrachée à elle. A l'époque déjà, il n'y avait pas eu d'explications claires, pas de raison, rien. La reine était juste décédée, emportée par la maladie à l'âge de trente ans ce qui laissait une dizaine d'années à Méryl car elle ne pouvait s'empêcher de se comparer. Dix ans. Qu'est-ce que cela représentait dans une vie ?

- Avez-vous pu élucider ce mystère ? Je n'ai pas été souffrante depuis dix ans et d'un coup je reste clouée au lit pendant une semaine et demie ?

- Je suis navrée, Votre Altesse, mais je ne trouve aucune raison à votre état. Bien que vous vous en êtes parfaitement remise, aucune recherche concernant vos symptômes n'a été concluant.

- Donc vous restez sur une fatigue intense mélangée à un pic de stress. Comme cela est pratique de se dédouaner ainsi. Vous êtes médecin, non ? Comptez-vous rester aussi incompétent toute votre vie ?

- C'est que...

- Vous étiez déjà en charge du cas de ma mère et vous n'aviez aussi trouvé aucune explication, aucune logique à sa maladie et vous allez me sortir le même charabia pour moi ?

- Peut-être y'a-t-il un facteur commun dans vos gênes, mais je ne pense pas que...

- Vous ne pensez pas ? Justement, il serait peut-être temps de se mettre à penser. Je m'en vais pour un court séjour au Duché des Catawey et je veux des réponses à mon retour car sinon...pourquoi continuerions nous à vous entretenir ?

- Je ferais de mon mieux Votre Altesse, vous pouvez me croire.

- Alors faites en sorte que.

Ce n'était pas tant de la colère pour la jeune femme que de l'inquiétude ne pas obtenir les réponses qu'elle espérait avoir. Bien que cela fasse dix ans, elle n'avait jamais pu tourner la page alors qu'elle-même ne comprenait pas comment cela avait-il pu se passer. Tout ce dont elle se souvenait à présent de sa mère, outre les portraits, furent des rires, des sourires, des promesses et surtout des avertissements. Elle avait à peine dix ans quand la Reine lui avait dit de fuir le palais et de trouver sa voie. Dix ans lorsqu'elle lui fit promettre de ne rien concéder à la couronne et de toujours vivre selon ses propres rêves et propres désirs et pourtant... Elle était là, négociant avec un mari qu'elle peinait grandement à cerner. Ce n'était plus tant de la froideur qui émanait de lui à présent, mais plutôt une question à laquelle elle n'arrivait pas là aussi à obtenir de réponse.

Car qui ne lui garantissait pas, qu'une fois que James aurait ce qu'il désirait, tout ne recommencerait pas comme avant ? Les ordres. Les remarques. La solitude. La froideur. Toutes ces choses qui lui avait fait comprendre que jamais elle ne serait aimée et jamais elle ne vivrait d'amour. Tout ce à quoi Méryl pouvait croire et s'accrocher c'était en elle-même et en sa conviction qu'un jour, elle finirait pas sortir d'ici, la tête haute sans avoir eu à fuir.

D'ailleurs, quand elle sortit du cabinet, elle remarqua que ce dernier avait déserté sa position. Sans doute cela était-il pour le mieux. Il devait probablement être retourné à son bureau, jugeant trop ennuyant le rôle du «mari parfait» auquel il s'efforçait tant de jouer. Hélas, cela ne prenait pas sur Méryl. Il n'était ni convainquant, ni convaincu lui-même en fait et cela se ressentait dans sa façon d'être. Personne n'efface en trois jours, un comportement, une habitude, vieille de plusieurs années et James n'était ni amant, ni amoureux. C'était un mari amoureux de l'exemplarité qu'il cherchait par dessus tout à démontrer lui-même. Méryl, elle, était juste un énième «dossier». Un énième «cas». Un énième problème qu'il lui fallait résoudre et comme il aimait gagner et adorait par dessus tout avoir ce qu'il désirait, James se prêtait au jeu. Au rôle.

Il ne dupait personne, si ce n'était les domestiques croyant que soudainement, ils s'aimaient. Il n'y avait rien de plus tristement erroné.

- J'ai fini de boucler vos valises et les dernières préparations ont été faites en votre absence, Votre Altesse.

Lola, fidèle à elle-même et à son rôle de Dame de compagnie, ne les suivrait pas dans l'aventure bien qu'elle eut formulé le vœu de vouloir retourner sur ses terres natales. Malheureusement, il y avait tant à faire, à superviser et à revoir au Palais que Méryl avait soigneusement décidée de la confiner ici à son tour. Moins James emmènerait d'alliés, plus les choses pourraient enfin peut-être aller dans son sens. Du moins, c'était ce qu'elle pensait.

- Bien. As-tu également approuvé les dernières demandes de la guilde des fermiers ?

- A propos de l'opposition du Baron Berneby ? Oui, je m'en suis occupée selon vos directives.

- Parfait. Veille à ce que le Baron ne nous prépare pas une surprise car je n'aimerais pas qu'il me coupe l'herbe sous le pied.

- Oui, Votre Altesse.

- Et tâche d'offrir un support à sa fille, Madeleine.

- Je n'y manquerais pas.

- A mon retour, je veillerais à ce que Madeleine obtienne ce qu'elle désire.

Il y avait tant à faire. Tant à écouter. Tant à voir. Tant à corriger. Il y avait tant d'affaires s'empilant que c'était à peine si la Princesse avait le moindre temps pour elle. Il demeurait encore un paquet de lettres sans réponses et un autre paquet d'invitations à diverses soirées qui n'attendaient que la confirmation de sa venue. Malheureusement, elle n'avait guère la tête à festoyer.

- Comment s'est déroulé votre journée ? Avez-vous passé un bon moment en compagnie de Son Altesse ?

- Autant que si j'avais passé la journée avec un paon faisant la roue dans sa période nuptiale.

- Vous aviez pour habitude de vous battre, mais cela semble s'améliorer, non ?

En réalité, bien que personne n'avait osé poser la question, tout le monde savait à présent qu'ils s'étaient battus. Le vacarme provenant du bureau, puis cet étrange silence et enfin les nombreuses coupures et écorchures présentes sur le corps et le visage de l'un et de l'autre. Il ne fallait pas être né de la dernière pluie pour avoir comprit. Néanmoins, leur «marché» ne les avait guère empêché de se lancer alors dans une joute verbale dont le simple point gagnant serait d'irrité son voisin, chose à laquelle tous deux excellaient avec brio.

- Je te trouve toujours très curieuse et inquiète quand il est question de Son Altesse, Lola.

- Oh non ! Je ne voudrais surtout pas...

- Pourquoi te mets-tu ainsi sur la défensive ? N'ai-je pas le droit d'être à mon tour «curieuse» de cet intérêt que tu entretiens ?

- Votre Altesse, je n'oserais pas !

- N'oserais pas quoi, Lola ? L'approcher ou bien te glisser dans ses draps à la nuit tombée ? Tu sais au point où j'en suis, cela ne me choquerait même pas, bien que ta nuit de plaisir et de rêverie te coûterait très cher. Crois-moi, tu ferais mieux de cesser à présent.

D'ailleurs que se passerait-il si James venait, de lui-même, s'éprendre d'une autre femme ?

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