💕 CHAPITRE 6 💕
Méryl peina encore grandement à croire à la scène à laquelle elle assistait. Plusieurs fois et en toute discrétion, elle se pinça le bras, puis la joue et enfin la cuisse, prétextant une piqûre, mais à chacun de ses arrêts et à chacune de ses réalisations subites, James se tenait là, devant elle, l'attendant, la regardant. Ils n'avaient tous deux pas dit un mot depuis qu'ils eurent quittés sa chambre et tous les domestiques et jardiniers avaient visiblement dû être congédiés ou prohibés d'entrer dans les jardins car il n'y avait autour d'eux, pas une seule âme qui vive. La princesse espéra secrètement tombé sur quelqu'un afin de pouvoir fuir cette malaisante promenade, mais apparemment quelqu'un l'avait devancée et il n'y avait qu'une personne, mise à par elle, ayant cette autorité sur le personnel du palais. James. Que cherchait-il ? Quel était son but ? Voulait-il la tuer et cacher secrètement son corps entre deux rosiers ? Probablement, bien que peu discret.
Il n'y avait à ce jour, qu'une seule façon de mettre un terme à un spectacle aussi ridicule que grotesque.
- Dans mes souvenirs, nous n'avions guère terminés notre conversation, lança-t-elle
James fit une hâlte, se rappelant de cette nuit-là et sur quoi elle avait terminée.
- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, dit-il
- Vous pouvez faire l'ignorant tant que cela vous chante et s'il me faut le dire clairement, je le dirais : Divorcez-moi.
Il y avait bien des sujets et des conversations qu'il souhaitait par dessus tout ignorer ou bien même éviter, mais c'était sans compter sur la tenacité de sa jeune épouse. Quand Méryl avait une idée en tête, elle ne la lâchait pas et c'était cette même tenacité qui avait fait d'elle la «Princesse Casanova». Un titre ridicule, une moquerie généralisée mais dont elle n'avait visiblement que faire. Cela lui plaisait bien et elle faisait même tout pour entretenir cette réputation de «marieuse».
- Non, répondit-il sèchement
Elle se planta alors devant lui, main sur les hanches.
- Pourquoi ? Regardez-vous, vous n'êtes pas heureux avec moi ! sortit-elle brusquement en faisant de grands mouvements
- Puis-je savoir ce qui vous fait penser cela ?
- Avez-vous vu votre visage dans un miroir ?
- Qu'est-ce qu'il a mon visage ?
- Vous plissez des yeux...insista la jeune femme
- Parce que le soleil est particulièrement fort !
- Vos narines sont dilatées.
- C'est pour mieux respirer l'odeur de ces...si jolies fleurs ! répondit-il alors
- Vous grincez des dents.
- Alors cela est totalement faux. Je ne grince pas des dents.
- Si, vous le faites ! Vous n'êtes pas heureux d'être dehors parce que vous n'aimez pas être dehors. Vous êtes comme l'un de ces monstres que l'on retrouve dans de nombreux livres pour enfants, vous n'aimez pas le soleil.
- Parce que j'ai le teint fragile !
Il y eut entre eux une longue bataille de regard que Méryl finit par perdre, déconcentrée par le passage d'un papillon.
- Décidemment, je ne vous comprends pas, dit-elle en allant s'asseoir sur un banc plus loin
- Et vous n'avez pas besoin de le faire. Je ne vous divorcerais pas, Méryl, c'est la seule chose que vous devez retenir. Vous et moi, nous sommes mariés, nous nous sommes jurés fidélité et je ne veux plus entendre vos inepties jusqu'à ma mort.
- Donc vous désirez être malheureux jusqu'à la fin des temps ? Triste perspective d'avenir.
- Je n'ai jamais dit que j'étais malheureux.
- Vous n'en avez jamais eu besoin, il suffit de vous regarder. Vous ne souriez jamais. N'avez jamais éprouver le moindre désir ou formuler la moindre de vos envies si ce n'était dans le cadre protocolaire du palais. Vous ne partagez rien. Vous êtes là, tel un soldat de bois, agissant dès qu'on vous le demande et vous ne faites jamais d'erreur.
- Oh croyez-moi, j'en ai fais des erreurs et je continue par ailleurs d'en faire.
- Très bien ! Dans ce cas, citez-moi une seule erreur que vous ayez commise, répliqua la jeune femme déterminée
Quelque part, il fut étonnant de les voir se tenir l'un en face de l'autre dans un tel cadre sans entendre le moindre cri, la moindre remarque désobligeante, ni rien ce qui était habituel d'entendre les concernant. Ils semblaient échanger simplement comme si chacun découvrait l'autre de son mieux. Méryl n'était guère réticente à la conversation et aussi surprenant que cela puisse paraître, James lui répondait en formulant des phrases de plus de trois mois.
Habituellement, elle parlait et il ne le lui répondait que si et seulement si, cette dernière dépassait les bornes. Une visite chez le médecin ne lui ferait probablement pas de mal car il devait forcément avoir avalé quelque chose de travers.
- J'attends ! relença-t-elle impatiente
- Vous ne me laissez même pas le temps de la réflexion ? s'indigna-t-il dans un sourire
- Est-ce utile ? Vous venez de dire que vous avez fait des erreurs ! Si vous le savez, c'est que vous devez avoir des exemples précis en tête, non ?
- J'en ai, oui, mais je ne peux tout simplement pas sortir cela comme ça sur un coup de tête.
- Pourquoi pas ?
- Parce que.
- C'est vrai que c'est une réponse argumentée digne d'un adulte, ça !
- Est-ce adulte que de presser son prochain ?
- Est-ce adulte que de faire poireauter son prochain ?
- Poireau...Je ne vous fait pas attendre !
- Si regardez. Oh dieu ! Je défaille sous cette chaleur étouffante ! Que quelqu'un me vienne en aide ! mima Méryl au mieux de son jeu d'actrice
- Vous ne serez jamais actrice, répliqua-t-il désespéré
- Vous ne savez pas apprécié l'art, c'est tout.
- L'art existe pour toucher un être...
- Ah parce que vous voulez être touché, il suffisait de le dire.
Sans attendre et sans crier gare, Méryl posa alors un doigt sur son bras en appuyant de toutes ses forces avant de le dévisager avec un sourire moqueur.
- Voilà. Touché. Satisfait ?
Elle ne devait même pas se rendre compte de son propre comportement, de la façon qu'elle avait de constamment le provoquer sans attendre la moindre conséquence de sa part. Elle était tout simplement assise sur son banc, à l'ombre d'un saule pleureur, tout sourire, quelques mèches de ses cheveux blonds dansants au grè du vent. Elle était tout simplement...si belle dans son état le plus naturel et cela le rendait fou. Fou de rien pouvoir lui dire. Fou de rien réussir à lui dire. Fou de ne pas pouvoir la prendre dans ses bras et de l'emmener dans ses appartements. Fou de devoir se tenir juste là, à quelques mètres d'elle. Comment réagirait-elle alors s'il se lançait ? Quelle réaction lirait-il sur son visage légèrement rosie par le soleil ? Soudain, James fut saisie par une immense curiosité la concernant. Il voulait le savoir, le découvrir et cela le dévorait de l'intérieur.
- Et pour information, vous n'avez toujours pas répondu à ma question et j'attends une réponse de votre part !
- Vous ! sortit-il brutalement en essayant de chasser toutes ces pensées impures la concernant, Vous êtes mon erreur Méryl.
Certainement, elle ne s'attendait pas à une telle réponse, mais était-ce surprenant de sa part ? Non. Elle avait toujours su au plus profond d'elle-même qu'il avait très peu de considération pour elle. Mais delà à la juger d'erreur, sans doute allait-il trop loin.
- Vous êtes si charmant quand vous vous y mettez, souffla-t-elle
- Non. Vous ne m'avez pas comprit.
- Honnêtement, que me reste-t-il à comprendre quand vous dites cela ? releva-t-elle visiblement plus attristée
- Allez-vous me laisser parler ? s'agaça James en la dévisageant
- Parce que vous n'avez pas fini ?
Encore une fois, James avait fait un pas de travers. Peut-être même plus qu'un pas, une enjambée. Mais comment lui expliquer ? Comprendrait-elle ? Elle était simplement en train de regarder leur moment tandis que lui transpirait déjà à grosses gouttes. Il n'aurait jamais dû le lui dire. A dire vrai, il était plus facile d'ignorer Méryl que de lui parler car à chaque fois...à chaque fois...Il finissait indéniablement par la blesser, et ce, bien malgré lui.
- Quand je disais que vous étiez mon «erreur», je le sous-entendais dans le fait que j'ai l'impression de ne plus savoir parler ou bien même réfléchir en votre présence. En réalité, ce n'est pas tant vous l'erreur, c'est moi. Je n'ai pas été une seule fois attentioné à votre égard. Pas une seule fois je ne vous ai complimenté alors que... dieu m'entende, vous êtes une femme superbe. Pas une seule fois je ne vous ai prêté la moindre attention. Pas une seule fois je ne vous ai dit quelque chose de gentil...Pas une seule fois je n'ai su être à la hauteur de ce que vous attendiez de moi. Je vous ai allègrement délaissée et mise de côté parce que le simple fait d'interagir avec vous m'effrayait et je sais, je sais que cela sonne comme la pire d'excuse mais la vérité est là. Je ne sais pas vous parler sans vous blesser visiblement. Je ne sais pas être...ce que vous attendez de moi parce que tout cela me dépasse. Donc il y a du vrai dans ce que vous avez dit : Nous ne nous aimons pas, mais cela n'est vrai que parce que nous n'avons même pas essayé... de nous aimer.
James pouvait sentir les battements de son coeur lui tambourinant la poitrine. Il avait mené bien des combats, mais il n'avait encore jamais éprouvé une telle crainte, une telle peur. Celle de tout gâcher. Celle de la voir s'écrouler comme elle l'avait fait et de la perdre. Celle de la voir le regarder avec mépris et colère comme si souvent elle l'avait fait également. L'existence même de Méryl le terrifiait car tout son être le faisait remettre sa vie, ses croyances, ses rêves et ses objectifs en question. Elle le bouleversait si profondément et avait une telle emprise sur lui que cela le rendait fou à un point inimaginable.
- Je sais quel sorte de monstre horrible je suis à vos yeux. J'ai également conscience de tout le mal que je vous ai fait et jamais je ne pourrais le réparer comme jamais je ne pourrais faire amande honnorable pour cela. Je vous ai pris injustement cinq ans de votre vie et je vous en ai égoïstement privé. J'en suis navré, croyez-moi, poursuivit James
Méryl resta là, surprise, bouche bée, confuse, mais aussi perdue. Incapable de comprendre. Incapable de réaliser. Tout ce qu'elle pouvait faire n'était que de l'écouter. D'écouter son plaidoyer. D'écouter un homme sortir tout ce qu'il avait sur le coeur comme une sorte de poids dont il souhaiterait s'en débarrasser. S'en libérer.
- Je pourrais poser le monde à vos pieds, Méryl, mais je sais que ce n'est pas ce que vous souhaitez. Vous n'avez jamais voulu le monde et la seule chose que vous désirez ardemment, je ne peux hélas pas vous l'offrir et cela me peine énormément. Votre liberté signerait alors ma condamnation. Je ne saurais l'accepter car tout ce que je vous demande, tout ce dont je vous implore de faire c'est d'essayer. N'essayez pas de m'aimer, mais essayez de me voir comme un allié. Je ne vous trahirais pas. Jamais. Je ne vous ferais pas de mal ou du moins pas consciemment, mais je suis un homme maladroit et je ferais des erreurs alors apprenez-moi. Apprenez-moi à être un homme meilleur, un homme que vous n'essayerez pas de fuir. Un homme avec qui, boire une tasse de thé, vous paraîtrait être un moment agréable car c'est là tout ce que j'aspire à faire : A vous rendre la vie plus agréable. Elle ne sera jamais plus facile, mais je ferais de mon mieux pour vous soutenir. C'est un des voeux que j'ai formulé lors de notre mariage et je ne reviendrais pas dessus.
Mais rapidement, la surprise et la confusion firent place à l'amertume et la colère.
- Cinq ans, murmura-t-elle
- Je vous demande pardon ?
- Cela vous aura demandé cinq ans afin de rassembler votre courage et de prononcer ces mots. Que croyez-vous donc qu'il se passerait une fois que je vous aurai écouté ? Que je sauterais, folle de joie, dans vos bras ? Que nous vivrons heureux jusqu'à la fin des temps ?
- Non, bafouilla-t-il surprit
- Savez-vous ce que représente cinq années dans une vie James ? Une éternité pour certains, trois fois rien pour d'autres, mais pour moi, ces cinq années que vous m'avez «prises» justement étaient censées être les meilleures années de ma vie. Et vous, vous là, déclarant haut et fort que vous désirez être un allié, mais c'était ce dont j'avais besoin au début de notre mariage ! Que pensez-vous que l'on disait de moi ? La «pauvre princesse abandonnée», «Son mari ne l'a même pas touchée», «C'est juste une union de convenance, très vite il y aura une maîtresse au palais». Savez-vous combien ces mots peuvent blesser jusque dans la chair d'une femme ? Savez-vous combien de larmes ont été versées secrètement car vos propres mots «maladroits» m'ont attaqués jusqu'au fond de moi-même ? Vous pouvez vous excuser si cela vous chante, mais cela ne signifie par pour autant que j'ai l'attention de vous pardonner.
Méryl se leva alors brusquement de son banc, prête à repartir, mais James s'interposa entre elle et le chemin du retour.
- Je ne vous demande que d'essayer...D'essayer de me tolérer, la supplia-t-il
- Sachez, cher époux, c'est que je fais déjà depuis cinq ans. J'essaye de vous tolérer. Vous ne voulez pas entendre parler de ma liberté dans ce cas, je ne souhaite pas entendre parler combien il vous ai «difficile» de me voir. Pauvre James. Qui de nous deux a réellement la vie dure ? Réfléchissez donc à cela.
Elle partit de son côté, regagnant ses appartements tandis que James resta planté sur place, au beau milieu des rosiers. Il s'était imaginé tellement de choses concernant ce moment qu'il n'avait pas osé penser au rejet.
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