💕 CHAPITRE 38 💕

Bien que Méryl ne portait en elle aucune certitude, elle savait néanmoins qu'elle avait raison sur cet unique point. Le responsable de l'empoisonnement du Prince et de toute la panique ayant suivie cet incident n'avait jamais quitté le palais. Il ou bien elle était toujours à l'intérieur des murs et se terrait entre les nombreux assistants, secrétaires, domestiques qui circulaient ici et là à chaque heure de la journée. Fermement décidée à en informer le capitaine de la garde royale, la Princesse avait quitté ses appartements si brusquement qu'elle manqua à deux reprises d'entrer en collision avec deux domestiques ayant le malheur de croiser son chemin. Oh, ce n'était pas la première fois que l'on pouvait la voir courir dans les couloirs du palais, ça non, mais c'était sans aucun doute la première fois que l'on pouvait la voir avec un air aussi grave. Bien que l'état d'amélioration dans lequel se trouvait le Prince n'était pas encore connu de tous, que se passerait-il si le potentiel assassin venait à l'apprendre ? N'essayerait-il pas de finir le travail ? Le temps jouait définitivement contre elle et même en parcourant la moitié du palais en ayant les jambes à son cou, Méryl marqua un arrêt quand elle atteignit le terrain d'entraînement des gardes. Un point de côté.

- Le Capitaine ? Il a été convoqué plus tôt par Sa Majesté et n'est pas revenu depuis, l'informa un des hommes en la voyant arriver à bout de souffle.

Cela faisait deux jours que le Roi ne s'était pas manifesté ni n'avait donné aucune directive concernant la marche à suivre ou bien même la procédure encadrant le palais, mais soudainement ce dernier sortait de son antre en convoquant le Capitaine ?

Partant dans l'autre sens, tentant de garder sa lancée, Méryl finit par atteindre la salle du trône totalement ébouriffée et déconfite.

- Mes instructions ont-elles été suivies ?

Le Roi parlait. Cachée derrière la porte, la main tendue vers la poignée, Méryl resta derrière celle-ci, l'oreille plaquée, à l'écoute.

- Oui, Votre Majesté. Conformément à vos souhaites, nous avons fait de notre mieux pour mettre la Princesse à l'abri.

- Est-elle au courant ?

- Non, Votre Majesté. Les hommes qui sont sur l'enquête ont pour ordre ne rien lui révéler même si elle venait à poser des questions, chose qu'elle a commencé à faire.

- Bien. Je ne veux pas que Méryl soit mêlée à tout ceci. Il est certes malheureux que le Prince se soit interposé, mais je suis certain que l'ennemi ne tardera pas à resurgir de nouveau.

- Avec tout mon respect, Votre Majesté, n'était-ce pas un plan risqué ? Vous saviez que la Princesse était la principale visée par cette tentative d'assassinat, mais vous n'avez prit aucune disposition pour empêcher le malheur. Sans l'intervention fortunée de Son Altesse, il se pourrait que...

- Cela fait trop longtemps maintenant que j'entends des plaintes et que l'opposition gagne des partisans concernant le couronnement futur de la Princesse. Méryl sera Reine quoiqu'il puisse se passer et sa sécurité, sa survie principalement est essentiel à la survie du royaume. Le Prince n'est...qu'un filet de sécurité parmi tant d'autres que nous avons mis des années à préparer pour ce jour-ci. Encore heureux que celui-ci se soit montré coopératif en la protégeant ! Il fut si difficile à convaincre auparavant.

- Que se passera-t-il le jour où la Princesse apprendra tout cela ?

- Voyons, il n'y a aucune raison pour qu'elle l'apprenne et tout ce que je fais, je le fais pour elle. Elle est encore trop immature pour le comprendre donc je compte sur vous pour continuer à opérer dans le plus grand des secrets. Fort heureusement pour nous, le désintérêt certain dont à fait preuve Méryl ces dernières années nous a grandement facilité la tâche pour préparer tranquillement son couronnement et sa mise en place en tant que future Reine.

- Et le Prince ? N'avez-vous pas peur qu'il lui parle ? Selon les dernières rumeurs opérant au palais, ces derniers se seraient fortement rapprochés.

- Dans ce cas, vous savez ce qu'il vous resterait à faire si le cas échéant venait à se présenter. Depuis le départ, James Catawey n'est qu'un pion sur mon échiquier. J'aurai aimé qu'il développe son utilité en réussissant à produire un héritier, mais il semblerait que ce dernier rechigne encore à s'exécuter. Toutefois, si ce rapprochement est véridique, je peux bien leur laisser encore les six prochains mois, ils finiront indéniablement à un moment ou un autre par commettre la faute. En attendant, finissez ce que je vous ai demandé.

- A vos ordres, Votre Majesté. Nous effacerons toutes traces possibles comme à chaque fois.

- Je n'en espére pas moins de votre part, Capitaine. Après tout, vous ne m'avez jamais déçu jusqu'à maintenant.

Ce n'était plus tant la course qui lui tambourinait la poitrine à présent, mais bel et bien tout ce qu'elle venait d'entendre par inadvertance.

Prise d'un élan de panique en entendant les bruits des bottes en cuir du Capitaine se rapprocher dangereusement de la porte, Méryl finit par se cacher précipitamment derrière un rideau et attendit de le voir disparaître de l'autre côté du couloir pour en sortir encore sous le choc. Comment était-ce possible ? Qu'est-ce que son père avait fait ? Non...Que faisait-il ? Lui qui avait toujours arboré à son égard ce regard empli de mépris et qui n'avait eu de cesse de contrôler le moindre de ces faits et gestes...

- Une marionnette...C'est tout ce que je suis...un simple pantin articulé, bafouilla-t-elle en réalisant qu'en réalité, jamais elle n'avait eu le contrôle sur quoique ce soit.

Toute sa vie, son entourage s'était donné corps et âme afin de lui mentir et de lui faire emprunter le chemin que son père désirait qu'elle emprunte. Toute sa vie, il l'avait poussée dans son sens et même quand elle pensait enfin s'en être détournée, il s'avérait que ce n'était qu'une douce illusion. Ces cinq dernières années ne furent qu'une illusion et le pire dans tout cela était que James le savait. Il l'avait toujours su, il était avec le Roi. Bon sang, elle qui pensait qu'enfin... Enfin quelqu'un serait de son côté ! Mais non !

Méryl traversa de nouveau le palais telle une furie, renversant un secrétaire du Roi au passage et rejoignit ses appartements desquels elle chassa chaque femme de chambres. La colère était là, nouée comme un nœud au milieu de sa gorge, la brûlant petit à petit. Tout n'était que mensonge, tromperie et supercherie. Tout.

Sa vie ne lui appartenait pas. Elle ne lui avait jamais appartenu. Soudainement, elle se mit à renverser chaque meuble, elle lança une chaise à travers la baie vitrée et causa un important fracas. Le bruit fut si fort qu'il provoqua l'arrivée d'une dizaine de personnes, gardes compris, qui la regardèrent tous avec surprise.

- Votre Alt...

- Dehors ! leur hurla-t-elle en leur lançant des vases ou bien des livres, tout ce qui lui était à portée de main.

Personne n'avait encore vu la Princesse dans un état de furie pareil. Si certains la pensait secrètement folle dû fait de son activité jugée tordue, d'autres avaient aujourd'hui la conviction absolue que leur Princesse avait perdue toute trace de raison. Le visage rouge, les yeux presque imbibés de sang, les pieds ouverts de part et d'autres à force de marcher sur les éclats de verre se trouvant à même le sol. La raison devait l'avoir abandonnée.

Ils savaient. Ils avaient toujours su parce qu'ils avaient le contrôle. Sur elle, sur ce qu'elle faisait, pensait, mangeait. Ils savaient. Quelle belle idiote faisait elle. Pendant combien de temps l'avaient-ils aveuglés en lui faisant miroiter l'idée qu'elle était libre de faire ce qui lui chantait ? Pendant combien de temps avaient-ils tous profité de sa crédulité ? Pendant combien de temps espéraient-ils le faire ?

«Vous êtes la Princesse de ce Royaume», qu'il lui avait dit. Mais quel genre de Princesse avait-elle été si ce n'était la poupée de son père ?

Voilà pourquoi il ne lui avait jamais rien dit que ce soit pour sa petite entreprise, son comportement, ses choix. Il la laissait faire car il savait que quoi qu'il puisse advenir d'elle, il avait le contrôle et elle ne lui échapperait pas. Jamais.

Pas tant qu'elle resterait ici. Pas tant qu'elle attendrait sagement dans sa prison dorée.

Alors Méryl comprit qu'il n'y avait pour elle qu'une chose à faire : Fuir. Partir d'ici. Partir le plus loin possible. Partir avant qu'il ne soit trop tard si ce n'est pas déjà le cas. Partir avant que l'on ne pose sur ses cheveux roux cette couronne qu'elle ne désirait pas et qui ne servirait qu'à enfermer son esprit sauvage une bonne fois pour toutes. Il lui fallait fuir en courant. Fuir sans se retourner de peur que quelqu'un la rattrape à n'importe quel moment.

Elle ne serait ni Reine, ni épouse, ni mère. Rien de ce qu'il pouvait désirer ou rien de ce qu'il pensait déjà avoir obtenu ne serait alors à sa portée. Elle fuirait. Là où personne ne viendrait ou ne pourrait la retrouver.

Quittant sa chambre, laissant les domestiques plantés devant la dévisager avec effroi, elle partie en direction de l'annexe des invités car elle savait d'ores et déjà comment mettre son plan à exécution. Il l'aiderait.

- Votre Altesse ? fit Elian en se redressant de son fauteuil en la voyant arriver dans tous ses états.

- Je sais ce que vous êtes venu faire dans notre Royaume, Prince Elian. Je sais ce que vous voulez et je peux vous aider, mais en échange, vous allez m'aider.

Pas un mot ne sortit de sa bouche car Elian savait qu'enfin, le vent tournait en sa faveur et qu'il allait pouvoir en profiter.

- Aidez-moi à fuir mon Royaume et je vous aiderai à financer votre guerre dans le vôtre. Avons-nous un marché ? proposa Méryl en tendant sa main à son encontre.

- Marché conclu.

Un adage connu disait que l'on obtenait pas d'omelette sans casser des œufs.

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