💕 CHAPITRE 35 💕
Selon les dires du médecin de la cour, le poison utilisé contre le Prince avait pour base une concoction que l'on faisait boire aux chevaux de l'écurie royale en fin de vie et bien que sa vie ne soit plus en grave danger, il lui restait encore toute la nuit à passer. Nuit qui allait s'avérer être pour l'ensemble du palais dès plus longue et dès plus chaotique car tandis que Son Altesse Royale se faisait escorter en urgence, les gardes avaient d'ores et déjà ouvert l'enquête. Malgré le portrait du domestique dressé par la Princesse, personne n'était en mesure de dire si oui ou non, ils avaient croisés l'individu durant la première partie de la soirée comme personne n'était en mesure d'assurer qu'aucun individu suspect n'avait circulé. A dire vrai, en terme de sécurité, cette soirée était un fiasco total, démontrant les lacunes profondes de la garde royale plus fantoche qu'efficace.
Laissant les gardes poursuivre avec les nobles présents, Méryl avait, quant à elle décidé de prendre les choses en main. Débarbouillée, vêtue d'un pantalon léger et d'une chemise, les cheveux remontés, la Princesse s'adonnait à ce qu'elle savait faire mieux que quiconque : Pister un mensonge.
Combien d'hommes ou de femmes lui mentaient sur des bases régulières lors de leur entrevue ? Combien espérait secrètement berner la Princesse en lui racontant simplement une vérité bien édulcorée ? Malheureusement pour eux, la Princesse de ce royaume avait bien des travers, des torts et des défauts, mais elle avait passé ces dernières années à analyser et comprendre le comportement humain. Après tout, être sexologue n'était guère de tout repos.
A ce propos, elle savait déjà par où commencer, car qui de mieux placer pour connaître les petits secrets du palais que les gens y travaillant quotidiennement. Elle avait donc fait réunir la majorité des domestiques et autre personnel supposé travailler ce soir, dans la cuisine, les alignant comme des criminels prêts à se faire exécuter. La majorité des visages lui était familier, mais elle n'était guère capable de mettre un nom sur ces derniers.
- Vous plus que quiconque devez d'ores et déjà savoir pourquoi je vous réunis, vous sortant un à un de vos lits, en cette heure bien tardive. Sachez que je ne trouverais ni repos, ni répits tant que je n'aurai pas satisfaction dans mon entreprise et vous me connaissez étant donné que vous servez ma famille : Je suis obstinée.
- La rumeur est donc vrai, Votre Altesse ? Le Prince a été...lança une voix dans la foule.
Murmures et tremblements se mêlèrent aisément à la curiosité. Certains craignaient de ne pas avoir le soleil se lever demain tandis que d'autres craignaient de se faire injustement accusé. Théoriquement, tous étaient en tort et ils le savaient car la faute leur revenait. Si le Prince avait pu être si aisément touché par un tel drame c'est que le plateau contenant le verre empoisonné n'était passé ni par les cuisines, ni par les goûteurs officiels. Il s'était simplement mêlé à la foule et personne n'avait alors rien dit sur ce personnage visiblement bien trop doué dans l'art de se déguiser.
- Sachez qu'aucun de vous ne sortira de cette pièce tant que je n'aurai pas terminé, répéta Méryl en faisant monter la tension d'un cran.
- Vous allez mener vous-même les interrogatoires, Votre Altesse ? Ne devriez-vous pas plutôt être aux côtés du Prince ?
- Je ne me présenterai à ses côtés que lorsque j'aurai dans ma tête, la tête encore ensanglantée de celui ou celle qui a osé l'empoisonner.
La nature pour le moins décontractée de la Princesse, n'était pas inconnue au sein même du Palais, bien au contraire. Tout le monde savait qu'elle aimait courir dans les longs couloirs en étant pieds nus, qu'elle portait souvent des robes pour le moins révélatrices, qu'elle jouait dans les jardins à longueur de journées et surtout qu'elle avait une passion affirmée pour les histoires les plus intimes et coquines. Cependant, une rumeur courait à son sujet depuis quelques temps : On disait que la Princesse avait changée. Comme si, la flamme qui l'animait encore il y a peu, s'éteignait à vue d'oeil. Certaines femmes de chambres notaient son manque d'appétit, les jardiniers disaient qu'elle venait de moins en moins à l'extérieur et enfin les assistants et autres secrétaires peinaient à distinguer un sourire son visage. Elle semblait triste. Constamment triste.
A côté de cela, on la voyait côtoyant le Prince qu'elle ne pouvait supporter. On l'entendait répondre au Roi et pire encore, une majorité du palais l'avait vu se battre becs et ongles tout en se traînant dans la terre. C'était comme si la Princesse habituellement joviale perdait petit à petit la raison et se transformait chaque jour en se réinventant toujours un petit peu plus afin que personne ne puisse deviner son prochain mouvement. Il était donc surprenant et à plus d'un égard, de la voir dans une telle tenue, debout, les bras croisés et fusillant l'assemblée du regard. Jamais jusqu'à présent, elle ne s'était mêlée des affaires internes au Palais.
- Je vous suggère de réfléchir à ce que vous allez me raconter car si votre récit ne me convient guère... mima-t-elle en passant lentement son pouce sous sa gorge afin de décrire significativement la punition à venir.
Il y avait en tout et pour tout, une cinquantaine de personnes devant elle et la lune était encore haute dans le ciel, cela lui prendrait peut-être deux à trois heures d'entendre chacun, mais l'un d'eux devait forcément avoir le petit élément, l'indice, qui lui manquait.
Pourquoi s'attaquer au Prince ? Non, il y avait une multitude de raisons de le faire. A dire vrai, Méryl elle-même l'aurait probablement fait si James ne s'était pas métamorphosé de petite chenille visqueuse à papillon collant. Mais pourquoi l'avoir attaqué ce soir ? Un assassinat aurait été plus prudent à un moment où il se serait retrouvé seul. Etait-ce un coup d'essai ? Une maladresse ? Une urgence ? Elle avait beaucoup retourner ces questions dans tous les sens, aucune réponse ne semblait la satisfaire car aucune ne faisait sens.
C'était un fait connu que s'en prendre à la famille royale était un crime de haute trahison et que le châtiment encouru était la mort donc qui aurait, non...Qui avait ce courage ? Peu importait. Si quelqu'un souhaitait réellement mourir ce soir, Méryl serait plus qu'heureuse d'y contribuer et de l'aider en retrouvant le criminel.
Si la piste des cuisines ne donnait pas grand chose, deux livreurs du palais passant régulièrement depuis le marché, disaient avoir vu un jeune homme correspondant à la description que Méryl avait fait du serveur, discuter avec un des garçons d'écurie. C'était bien faible comme piste, mais cela ne la faisait pas mourir, bien au contraire. Toutefois, quand la Princesse arriva sur place, un groupe de gardes était déjà présent, entourant un corps recouvert d'un drap.
- Votre Altesse ! s'empressèrent-ils de dire la voyant arriver à leur hauteur, Que faites-vous ici ?
- Visiblement la même chose que vous. Que s'est-il passé ?
- On nous l'a signalé il y a de cela une vingtaine de minutes. Le bougre s'est noyé.
- Noyé ?
Cela ne faisait pas de sens et pourtant, en y regardant de plus près, Méryl vit une toute petit flaque d'eau sous le corps. Une seule flaque d'eau ? Il n'y avait pas eu de pluie depuis hier et cette partie du palais n'était guère plus boueuse que d'habitude alors...En outre se noyer dans l'une de ces flaques paraissait impossible. Non. Pas impossible. Ridicule et l'idée était encore pire.
- Qui est-ce ? Avez-vous pu l'identifier ?
- Un jeune garçon ayant commencé à travailler ici il y a de cela trois mois.
- Et il s'est noyé ? Avez-vous fait venir le médecin pour qu'il puisse nous en dire plus ?
- C'est à dire que...
Bien évidemment que non. A l'heure actuelle, le médecin de la cour veillait sur le Prince et il ne lui était donc guère possible de se déplacer. Entre un mort et un mourant, le choix est vite fait.
- Ne devriez-vous pas être dans vos appartements ? Il est si tard et...
- Comment pourrais-je dormir alors que le Prince est dans un état critique ?
Malgré la rumeur du carrosse, Méryl constata entre le personnel de cuisine et quelques gardes, que personne ne pouvait croire qu'elle viendrait un jour à s'inquiéter pour le Prince. Comment pouvait-elle leur en vouloir ? Ce ne sont définitivement pas quelques jours passés ensemble qui rattraperont cinq années de vide, de mépris, de disputes. Elle en avait conscience. Sans doute devrait-elle redoubler d'effort si...
Non. Non. Non.
Pourquoi chercherait-elle à convaincre le personnel du palais de son affection pour James ? Tout ce que Méryl souhaitait, c'était de quitter cet endroit. Cela avait toujours été son désir le plus cher. Néanmoins, quelque chose changeait en elle, elle le sentait. Etait-ce les efforts de James qui payaient ou bien ces jours passés ensemble semblaient lui montrer une nouvelle facette de son époux ?
- Qu'avez-vous apprit d'autre sur ce garçon ? relança Méryl impatiente d'obtenir des réponses.
- Rien de probant. Nous nous efforçons de comprendre ce qui lui est arrivé.
Quelle désastreuse soirée et cela ne semble point vouloir se terminer. Le Prince se fait empoisonner, un jeune garçon d'écurie est retrouvé noyé et ensuite ?
Dans tous les cas, tous ces funestes événements sont liés d'une façon ou d'une autre et Méryl, lancée, avait bien l'intention de le prouver.
- Qu'en est-il des nobles ?
- Nous continuons de les interroger, mais la grande majorité est encore sous le choc, Votre Altesse.
- Vous moquez-vous de moi ? Le Prince est aux portes de la mort et vous êtes là, à prendre en considération les sentiments de vieilles personnes ? Ne devriez-vous pas revoir votre ordre de priorité ? haussa-t-elle d'un ton.
- C'est que nous avons ordre de...
- Rappelez-moi une chose : Qui vous donne des ordres ici ? A qui obéissez-vous au juste ?
- A vous, Votre Altesse, se corrigea le garde en baissant la tête.
- Dans ce cas, il est grand temps que vous vous rendiez utiles et capables ! Laissez pénétrer un assassin dans l'enceinte même du palais royal qui est censé être le lieux le plus sûr du royaume ne vous suffit donc pas comme exemple d'incapacité ? Ou peut-être devrais-je tous vous mettre au piloris pour vous punir ?
Aucun garde ne su quoi répondre, si tenté qu'il y avait quoique ce soit à répondre. Quant à Méryl, elle se montrait plus autoritaire que jamais. Quelque chose bouillonnait en elle, transformant n'importe quelle émotion en un torrent de colère, mais surtout de culpabilité.
Cinq ans à être à la tête de l'armée royale de Sa Majesté et tout cela pour quoi ? C'est à peine si elle s'était soucié jusqu'à présent du recrutement, de la formation et de tout ce qui pouvait concerner de près comme de loin, l'armée. Tout ce qui l'intéressait n'allait pas plus loin que son nombril.
«Il a, sur le point administratif, endossé toutes les fonctions qui devaient être les vôtres et vous a libéré d'un poids et d'une charge dont vous n'imaginez très certainement pas la lourdeur.»
Décidément, les paroles qu'eut Elian ne semblaient plus vouloir la quitter. Plutôt qu'à la garde, Méryl s'en voulait à elle-même de n'être qu'au final que la «Princesse Casanova» et rien de plus au moment où le «plus» aurait pu lui être utile.
- Je vous donne jusqu'au petit matin pour me trouver un élément qui saura nous dire ce qu'il se passe ici. Ne me décevez pas, finit-elle par dire.
- Oui, Votre Altesse !
Un prince empoissonné était une chose, une terrible chose, mais il ne manquerait plus que le coupable derrière tout cela se mette à laisser derrière lui une traînée de corps.
Qui pourrait bien s'amuser à cela ?
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