💕 CHAPITRE 33 💕
Les portes de la salle des fêtes s'étaient ouvertes, plongeant l'assemblée déjà réunie dans le plus grand des silences. Le couple royal sur lequel tous les regards s'étaient retournés faisait son entrée. Il n'était pas difficile d'entendre les murmures s'élever dans la foule alors que certains ne pouvaient s'empêcher de remarquer que pour la première fois, la Princesse et le Prince se tenaient sciemment la main.
Ce n'était pas tant pour le spectacle, mais plutôt par caprice car à peine s'étaient-ils mit d'accord sur leur numéro de présentation avant de pénétrer au milieu de tous les nobles rassemblés, que James s'était emparé de la main de Méryl et s'y était fermement accroché. Habituellement, la main de la jeune femme était délicatement posée sur l'avant-bras de son époux, le tenant à peine, comme si à tout moment, si elle venait à le toucher, son bras se briserait. Il fallait donc croire que les choses avaient changées et pour le mieux.
- Ne les regardez pas, lui souffla-t-il à l'oreille, ne faites qu'avancer.
Hélas, le regard de Méryl s'échappa à plusieurs reprises de l'allée, se dirigeant sur la foule, cherchant et scrutant. Par moment, elle vit quelques sourires de visages dès plus familiers et dans d'autres instants, elle tomba sur des visages plus fermés qui ne faisaient que la dévisager. Elle entendit même plusieurs vieilles dames discuter de sa robe qu'elles qualifièrent de «révoltante» et «d'insulte à la bienséance» ce qui eut au moins le mérite de la faire sourire. Evidemment, il n'y eut aucune remarque désobligeante ou foncièrement méchante sur James. Evidemment. Malgré les récentes rumeurs le concernant et son étrange et bouleversant changement de comportement, il restait l'élu des vieux nobles, voyant en lui un futur souverain digne de ce nom. Sans doute l'était-il et même si Méryl s'appliquait à ruiner son image quasiment parfaite, il avait encore dans sa poche tous ceux ayant au moins l'âge de son père. La majorité devait voir en lui, le fils caché du Roi, celui que l'on aimerait tous voir à la tête du pays. Quel dommage que le Roi eut une fille dans ce cas là !
Arrivant justement à hauteur de ce dernier, le couple s'arrêta et salua de façon très cérémonial le Roi qui fit un bon de son fauteuil.
- Qu'est-ce que...siffla-t-il entre ses dents en empoignant sauvagement le bras de sa fille, Comment oses-tu ?
- Une fête aussi grandiose comme celle-ci, Votre Majesté, je ne pouvais me vêtir autrement.
- Je t'avais expressément demandé de la tenir à l'oeil, s'adressa-t-il au Prince en le fusillant du regard le plus discrètement possible.
- Il me semble que votre long voyage vous a épuisé Votre Majesté, car vous avez omis un détail : Je suis son époux, pas son garde-fou, répondit James très calmement.
Prise par surprise à l'annonce de ces mots, Méryl jeta un regard inquisiteur au Prince s'interposant alors entre elle et le Roi afin de lui faire lâcher prise.
- Aurais-tu été blessé à la tête mon garçon ? lui demanda le Roi.
- C'est ce que je me tue à lui demander, rajouta la Princesse.
D'abord la Duchesse, maintenant le Roi. Jamais encore cela n'était arrivé que James prenne sa défense ou n'intervienne en sa faveur et pourtant, Méryl avait été un témoin direct de ces deux événements la concernant. C'est à peine si elle pouvait y croire et se demandait encore si l'homme qui l'avait si soigneusement évitée même jusque devant l'autel était bien le même homme que celui se dressant progressivement à ses côtés.
- Avez-vous décidé tous deux de faire de cette soirée un échec ?
- Nullement, Votre Majesté, se précipita de dire le Prince en s'abaissant devant lui, Cependant...Il se pourrait que la Princesse et moi-même avons décidé de mettre nos différends de côté afin de mieux servir la couronne et ses intérêts.
- Pourquoi je n'en crois pas un mot ? Méryl n'est qu'une tête de mule et toi, James, tu es bien trop sournois pour cela.
- Le Prince dit vrai, rajouta Méryl, D'un commun accord et après de longues discussions, il nous est parvenu l'idée de faire de notre mieux et...
- Me prenez-vous à ce point-là pour un homme sénile et idiot ? Je ne sais pas ce que vous mijotez tous les deux, mais quelque chose me dit que cela ne me plaira pas quand je le découvrirais.
S'il le découvrait un jour.
Méryl était encore persuadée à l'heure d'aujourd'hui que dans six mois, elle gagnerait son pari et quitterait le palais en femme libre, laissant aussi bien la couronne que son mariage derrière elle car il n'y avait aucune raison pour que James vienne à la suivre lui qui ne désirait que cela. Cependant, elle commençait à croire qu'effectivement, son époux pourrait être Roi à sa place et qu'elle n'aurait alors à s'inquiéter de rien si ce n'était de ne plus jamais le recroiser. Il trouverait parmi les nombreuses filles de nobles, une reine qui lui conviendrait, auraient alors leurs propres descendants et mettraient un terme au règne chaotique des Valentenzia qui s'éteindraient avec Méryl en guise de dernière représentante. Le plan était tout vu et il ne lui fallait que tenir six mois dans un jeu pervers dans lequel elle s'était lancé contre son époux redoublant d'effort pour lui prouver qu'il l'aimait. Toutefois, Méryl n'était pas prête de céder car au jeu de la séduction, elle était déjà Reine depuis longtemps.
Le Roi leur ordonna alors te disposer et de sortir de sa vue, de peur que leur numéro de cirque ne vienne gâcher les festivités et sa soirée, ordre auquel la Princesse se plia sans grande difficulté et avec beaucoup de plaisir car une fois qu'elle aurait dansé avec James, elle pourrait enfin se retirer et profiter de sa soirée comme il le lui plaisait de le faire. Mais alors qu'elle s'apprêtait à se mêler à la foule, avide de lui sauter dessus, son regard en croisa un autre se tenant plus loin, vers l'orchestre.
Elian.
«M'auriez-vous ouvertement parler ou m'auriez-vous ne serait-ce qu'accorder un peu de votre temps si nous nous étions vus durant la soirée ? Je ne pense pas.»
Ses propos revinrent percuter Méryl de plein fouet tandis qu'elle le voyait se tenir au loin, la fixant, n'essayant même pas de s'approcher. C'était comme si personne d'autre mise à part elle, ne le voyait. Comme si, un seul de ses regards suffisait pour la couper du reste du monde.
- Votre Altesse ! Votre Altesse ! s'écria une voix.
Étonnamment, la première personne qui réussit à se frayer un chemin fut la jeune Madeline Berneby qui contre toutes attentes, se planta complètement essoufflée devant Méryl, coupant la file qui commençait à se préparer devant elle.
- Je vous en prie, il faut que vous m'aidiez, lui fit la jeune femme la voix étranglée.
Ce n'était ni le lieu, ni le moment pour ce genre de conversation dont Méryl connaissait d'ores et déjà le sujet et bien que James fut à quelques mètres d'elle, discutant avec d'autres messieurs, elle jeta un oeil rapide à la foule se tenant devant elle, attendant patiemment leur tour. Généralement, avoir une audience pareille ne la gênait guère et elle en avait même l'habitude car les jours du «Bureau» ressemblaient à cela, mais les premières notes de musique ne tarderaient pas à se faire entendre et James se mettrait alors à la chercher afin d'ouvrir la danse comme cela était coutume de le faire.
- Je suis au courant de votre situation Mademoiselle Berneby, mais il y a une différence notoire entre venir me voir durant les heures faites pour et interrompre une soirée, lui souffla Méryl sentant les regards curieux et inquisiteurs sur elles.
- Je sais que mon comportement est plus que déplacé, mais je vous en conjure, il faut que vous m'écoutiez, mon père... Pendant votre absence, il...
- Rassurez-vous, rien de ce qu'il souhaite ne se réalisera. Je vous ai promis de vous aider et je le ferais, mais pour que cela se fasse sans remous il faut avant toutes choses que vous me fassiez confiance. Me faites-vous confiance Madeline ?
- Comment cela pourrait-il en être autrement ? Vous avez tant fait déjà pour plusieurs de mes amies et...
- Dans ce cas, je vous suggère de profiter de la soirée et nous nous verrons au petit matin si vous le voulez bien.
- Mais, Votre Altesse, je...
- Madeline, la coupa Méryl, ne soyez pas impertinente en plus d'être impolie.
Il y avait effectivement plus d'une personne curieuse de savoir ce que ces deux jeunes femmes pouvaient bien se dire, mais quand Méryl chassa la jeune fille en la poussant légèrement sur le côté, lui faisant comprendre qu'elle ne pouvait rien faire pour elle durant la soirée, Madeline comprit qu'elle était abandonnée. Son père allait la marier au premier vieux noble qu'il avait réussit à trouver durant l'une de ses soirées de jeux et sa vie se finirait ainsi.
- Un problème ? intervient James en arrivant dans son dos.
- Vous avez la manie d'arriver au moment où je vous attends le moins, répliqua Méryl.
- Dois-je comprendre que j'arrive à vous surprendre ?
- Ce n'est pas ce genre de «surprise» là que j'attends de votre part, cher époux.
- Et moi qui m'appliquait pourtant à la tâche. Mais nous pouvons aussi très bien reprendre là où nous en étions dans le couloir.
- Vous avez voulu jouer à deux reprises à ce jeu-là et pourtant à deux reprises vous avez cédé le premier. Ne vous lancez donc pas dans des entreprises qui vous sont trop difficiles.
- J'ai perdu dans le seul et unique but de vous laisser gagner ! releva James amusé.
- Cela vous plaît-il de le croire ou en êtes-vous convaincu ?
- Ce n'est pas moi qui rougissait dans le carrosse il y a de cela quelques jours seulement.
- Ah.
Méryl attrapa alors la veste de James pour l'attirer à sa hauteur afin de lui murmurer dans l'oreille :
- Il est vrai que vous, vous êtes plutôt du genre à être titillé.
Touché.
Au même moment, un des serviteurs du palais passa par-là afin de proposer des rafraîchissements à quiconque en voudrait bien et James en profita pour attraper les deux coupes soigneusement posées sur le plateau d'argent qu'il portait.
- Je propose un toast ! dit-il en tendant le verre à Méryl
- Et puis-je savoir en quel honneur ?
- Que pensez-vous du nôtre ? Nous pourrions nous féliciter des progrès que nous avons fait vous et moi.
- Des progrès ? releva Méryl en pointant les blessures apparentes de son mari, Nous n'avons pas la même définition.
- Il est vrai que...Nous avons encore nos travers, mais je suis persuadé que vous et moi pouvons réussir à nous apprécier. Sans faux-semblants, sans artifices, juste une affection réelle et mutuelle.
- Levons alors nos verres à la pire des relations !
- Oh, il doit bien y avoir des gens plus malheureux que nous.
- Certes. Tout comme il doit en exister des plus heureux, rajouta la Princesse.
Mais à peine le couple avaient-ils respectivement levé leur verre que les premières notes de musique retentirent dans l'assemblée, signe qu'il était temps d'ouvrir la danse. James et Méryl échangèrent alors un regard et partirent au centre de la pièce.
- Tâchez de ne pas me marcher sur les pieds cette fois-ci, mes orteils vous en seront reconnaissants, lui souffla le Prince amusé.
- Malheureusement, je ne peux rien vous promettre.
- N'allez-vous donc rien m'épargner après la journée que nous venons de passer ?
- Si je le faisais, cela vous ennuierez, lança Méryl dans un clin d'oeil coquin.
Il était devenu de coutume que de laisser la première danse à la Princesse et bien que ces dernières finissaient toujours sur un véritable fiasco, il était étonnant de voir en ce début de soirée que le couple dansait en parfaite harmonie. Il n'y avait ni faux pas, ni mouvements trop lourds, trop grossiers. C'était comme voir deux petites figurines d'une boîte à musique virevolter au gré des notes. Comme si, le temps de cinq minutes, il n'y avait qu'eux. Leurs mains se frôlant à peine comme si leurs doigts ne faisaient que s'approcher sans oser tandis que leurs corps agissaient à l'unisson sans qu'il n'y ait besoin de mot. Seul le regard qu'ils se portaient suffisait.
Pendant ces cinq minutes ils s'étaient comprit comme jamais cela n'était arrivé auparavant et ils savaient très exactement où l'autre désirait l'emmener.
Après de longues minutes et visiblement à bout de souffle, mais tentant tant bien que mal de le dissimuler, Méryl et James se regardèrent pendant de longues secondes dès que la musique se tue. Il n'y avait plus un bruit, pas même un seul murmure dans la salle. L'assemblée s'était muée dans un silence contemplatif tandis qu'ils se tenaient encore là, l'un devant l'autre, le regard hagard, les lèvres entrouvertes.
- Vous ne cesserez donc jamais de m'épater, fit James, Je savais que vous saviez danser.
- Je n'ai jamais dit le contraire. Je vous ai simplement laissé croire le contraire sans prendre la peine de vous corriger car c'était bien plus amusant pour moi que de vous voir m'imaginer en une sorte de tortionnaire d'orteils. Sans doute aurais-je vous marcher dessus une fois ou deux afin de vous rappeler à ce bon souvenir.
- Mes orteils vous sont gré de votre clémence à leur égard, croyez-moi. C'est peut-être la seule partie de mon corps que vous avez sciemment épargné aujourd'hui.
- Vous n'êtes pas non plus y aller de main morte, releva Méryl.
- Je présume alors que nous nous quittons sur cette danse, la salua James en s'abaissant légèrement en avant.
- C'est là tout ce que nous nous sommes promis, me semble-t-il ? Une danse et rien qu'une seule.
- Dans ce cas, je vais finir mon verre et me retirer avant de vous laisser le devant de la scène. Tâchez tout de même de ne pas trop faire d'ombre à votre père, il n'est pas dans sa meilleure humeur.
- L'a-t-il jamais été ?
Il lui sourit sans lui répondre, mais elle pouvait largement se contenter de son silence. Jusqu'à maintenant, Méryl ne s'était jamais demandé quelle relation ou bien quels rapports pouvaient avoir son père et James. Le voyait-il comme un membre supplémentaire à sa famille ou se servait-il de lui à ses propres fins ? Le connaissant, la seconde option paraissait être la plus logique. Non pas que le Roi fut totalement dépourvu d'exprimer le moindre amour, mais il était suffisamment égoïste pour se faire passer en priorité sur absolument tous les plans et s'il pouvait encore lui être permit d'avoir un minimum de contrôle sur les événements et la situation actuelle, alors il était certain qu'il avait encore entre ces mains les rênes du pouvoir.
Il n'y avait pas de haine profonde entre les membres de la famille royale, seulement un jeu de nerfs et de pouvoir tandis que chacun de ses membres souhaitait quelque chose aux antipodes des souhaits des autres ce qui ne manquait jamais de provoquer quelques discussions pour le moins houleuses.
Tandis que la musique reprit, laissant libre à tous ceux le désirant de danser à leur tour, James et Méryl tentèrent de regagner leur petit coin de tranquillité là où leurs deux verres les attendaient patiemment.
- Peut-on conclure sur ce fabuleux toast que nous n'avons pas réussi à faire tout à l'heure ? proposa le Prince en lui tendant le verre.
- Pourquoi pas. Je ne vais pas en mourir que de rester deux minutes de plus avec vous.
- Heureux d'apprendre que vous n'êtes pas prête de mourir, ria-t-il, cela m'embêterait fortement. A votre santé, donc ?
Il n'y avait pas à y redire, lors des soirées, les meilleurs alcools étaient de sortis et Méryl put enfin en profiter, même si elle aimait toujours autant se glisser dans la réserve personnelle de son père. D'ailleurs, il était étonnant qu'il n'est pas encore remarqué que certaines bouteilles disparaissaient à grande vitesse.
- Je présume qu'à présent, nos chemins peuvent se séparer, glissa Méryl en posant son verre.
Tout ce que la Princesse eut pour réponse fut une quinte de toux, s'en suivit d'un filet de sang que le Prince se mit à cracher violemment.
- James ?
Rapidement, la panique s'installa tandis que ce dernier s'écrasa au sol, presque dans ses bras, le teint livide. La foule qui semblait si joyeuse et festive se transforma en amas de curieux terrorisés alors que l'on se rendait progressivement compte de ce qu'il se passait. Contre toutes attentes, le Prince James venait d'être empoisonné.
- Faites venir le médecin, vite ! ordonna Méryl, James ? Oh mon dieu, James ! Restez avec moi. Je vous en supplie, restez avec moi.
Sa respiration se faisait de plus en plus difficile comme si l'air lui manquait et qu'il s'étouffait, seul, vomissant bile de sang et sur bile de sang. Les gardes continrent la foule au plus profond de la salle des fêtes tandis que le médecin fit une percée entre les nobles.
- Ecartez-vous, Votre Altesse !
Malgré l'ordre explicite du médecin, Méryl ne se mouva pas d'un pouce et resta à même le sol, le corps tâché de sang, tenant à bout de bras son époux. James allait mourir. Cette phrase ne faisait que se répéter dans son esprit. James allait mourir et elle n'allait rien pouvoir y faire. James allait mourir, là, dans ses bras.
James allait mourir et pendant un millième de seconde, Méryl dans toute son atrocité, s'en sentit soulagée. Si le Prince venait à décéder, elle serait alors libérée de toutes ses obligations et de toutes ses entraves. Elle pouvait aussi bien le laisser-là, aux bons soins de ce médecin n'ayant jamais rien pu faire pour elle en connaissant d'avance l'issu de la nuit. Car oui, au petit matin, Méryl serait libre.
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