💕 CHAPITRE 31 💕
Cela faisait bien une heure et demie que les femmes de chambre de la Princesse s'appliquaient à tenter de la recouvrir de la tête aux pieds afin de dissimuler une quelconque trace de lutte. Les manches de la robe de substitution qui avait été trouvée étaient suffisamment longues pour recouvrir ses bras, mais il restait les deux bleus à couvrir sur son visage. Sans doute une bonne couche de fond de teint suffirait-elle ? Le plus étrange dans tout cela, fut que la Princesse ne dit pas un mot. Elle qui avait l'habitude de protester dès que l'on couvrait plus que nécessaire son corps, voilà qu'elle se retrouvait être docile, se laissant manipuler ici et là.
- Vous voilà prête, Votre Altesse ! Désirez-vous que l'on vous aide à vous lever ?
- Non, cela ira, je sais encore marcher.
Elle pouvait sentir la moindre fibre de son corps la suppliant de rester allongée et de ne pas y aller, mais Méryl ne pouvait échapper à la soirée. Quand elle se regarda dans le miroir, elle ne vit rien d'autre qu'une image. Sans doute cette fille-là était tout ce que son père souhaitait car elle ressemblait à s'y méprendre avec une poupée de porcelaine que l'on pourrait aisément retrouver dans une de ces nombreuses boutiques du centre-ville. Elle n'aimait pas ce qu'elle voyait. Comme elle n'aimait ni la coiffure lui serrant la tête, ni le corset lui écrasant la poitrine et encore moins cette robe si bouffante qu'elle peinait à se déplacer convenablement. Danser avec un tel attirail lui paraissait déjà être impossible, du moins, non sans se ridiculiser. D'un geste de la main, elle décida donc de chasser tous les femmes de chambre à l'exception de Colette. La jeune Colette. Elle avait six ans de moins qu'elle et bien qu'elle n'eut pas souvent l'occasion d'avoir à faire à elle, Colette était une avide du «bien faire afin d'être bien vu».
- Aide-moi à me débarrasser de cette robe, je ressemble s'y méprendre à un épouvantail ! se hâta-t-elle en enlevant tous les lacets et boutons la retenant
- Oui, Votre Altesse !
A deux et avec un petit peu de nerfs, elles parvinrent à venir à bout de la tenue en question qui fut jetée de l'autre côté de la pièce.
- Apporte-moi la robe violette, celle qui est dans mes placards avec les étoiles dessus, fit Méryl en enlevant boucles d'oreilles et bracelets en se précipitant derrière son paravent.
- Cette robe-ci ne risque-t-elle pas de montrer...
- Plus que ce que la décence ne veut bien accepter ? Oh que oui. Mais n'est-ce pas mon rôle, en tant que Princesse, de faire en sorte que cette soirée demeure dans les esprits pendant un long, très long moment ? Va à présent, et ne tarde pas.
C'était son plan, depuis le début. Cette soirée ne serait pas celle de son père ou bien celle de la paix, mais belle et bien la sienne car les gens se souviendraient de ce que la Princesse Méryl Valentenzia avait osé faire. Il fallait que les gens sachent, d'une façon ou d'une autre, que c'était là son cri pour quémander la liberté.
Entendant la porte de sa chambre s'ouvrir de nouveau, Méryl finit de se détacher les cheveux tandis qu'elle vit la robe glissée par dessus son paravent.
- Merci Colette, tu me sauves !
Mais Colette ne répondit pas et Méryl fut bien trop prise par le temps. Il lui fallait se préparer en quatrième vitesse et bénit le simple fait qu'elle n'eut à porter ni corset ni autres bouts de tissus étouffants et oppressants. Il n'y avait que son corps légèrement drapés et ses dessous à peine dissimulés car la robe était toutefois, bien échancrée. Peut-être même trop. Ne parlons même pas de ce décolleté laissant une vue magnifique sur ses seins. Elle enleva délicatement toutes les poudres et les artifices qui servaient à dissimuler ses bleues ou autres marques faites par les bons soins de son époux et n'enfila qu'une légère parure nacrée pour seuls bijoux.
- Colette ? Peux-tu m'aider pour le dos ?
A peine les doigts l'avait-elle effleurée que Méryl reconnue immédiatement qu'il ne s'agissait pas de ceux de sa jeune femme de chambre. Se retournant vivement, elle vit une silhouette familière et pourtant surprenante se tenir devant elle.
- Elian ! Que faites-vous ici ? s'étrangla-t-elle en peinant à réaliser qu'il se tenait là.
- J'ai ouïe dire que le Roi organisait une soirée et je me suis permis de m'ajouter à la fête, lui répondit-il très calmement avant de sortir une enveloppe de la poche intérieur de sa veste, Je remplace ma tante, bien trop souffrante pour venir.
- La question ne concernait pas ce sujet-là et vous le savez. Que faites-vous dans ma chambre ?
- Oh, j'ai soudoyé un ou deux valets puis je suis tombée sur votre jeune femme de chambre qui, pétrifiée, m'a gentiment indiquée le chemin.
- L'avez-vous menacée ?
- Me prenez-vous pour un monstre ?
- Je n'en sais rien. En êtes-vous un ?
- Cela est vexant. A croire que vous devenez experte dans l'art de me blessé. Avez-vous une quelconque dent contre moi ?
- Je devrais étant donné que vous vous trouvez là devant moi. Vous ne devriez pas être ici.
- Pourquoi ? Craignez-vous que cela choque une quelconque personne de vous trouver en présence d'un autre homme que votre époux dans vos appartements ? J'ai cru comprendre qu'il n'était lui-même pas très familier avec les lieux. De plus, étant donné votre réputation, je ne pense pas que cela soit très inquiétant.
- Je vous trouve tout de suite bien moins charmant que lors de notre première rencontre. Je réitère ma question, que faites-vous ici ?
Elian s'approcha vivement de Méryl en une seule enjambée et cela ne la fit guère reculée. Essayait-il de l'intimider ou bien de l'impressionner ? Dans les deux cas de figure, sa petite parade ne fonctionnait pas. Bien au contraire. Néanmoins, elle se rappellerait de trouver ces valets ayant été gracieusement payés avant la fin de la soirée.
- J'ai beaucoup réfléchi et je me suis dit que je ne pouvais m'imposer à vous donc j'ai moi-même décidé de profiter de l'occasion et de requérir une audience auprès du Roi.
- Vous m'en direz tant...
- Vous ne me croyez pas, n'est-ce pas ?
- Je ne suis pas une idiote, Elian. Vous ne vous êtes pas donné la peine de venir jusque dans mon intimité pour me dire «Laissez tomber, Princesse, je vais me débrouiller tout seul comme un grand», le fusilla-t-elle du regard.
Elian sourit presque fier d'avoir été percé à jour.
- Je suis venu vous rappeler mon bon souvenir. Par ailleurs, cela ne semble pas vous déranger car vous n'avez ni crié, ni tenté, comparé à notre première rencontre, de m'assassiner. C'est drôlement pervers comme fantasme, releva Elian, Devrais-je passer par la fenêtre la prochaine fois ? Histoire de rajouter un tout petit peu plus de piquant à nos rencontres ?
- Essayez donc et je me ferais une joie de jeter votre corps par dessus le rebord de la fenêtre.
- Et je finirais par m'écraser au sol ? Ouïe, cela risquerait d'entacher vos si jolis jardins.
- Il paraît que le fumier est un excellent nutriment pour les plantes.
- Méryl, Méryl, Méryl... Vous êtes si...piquante !
Méryl l'avait su à l'instant où ses yeux s'étaient posés sur lui : Elian était un séducteur. Son comportement, son attitude, tout en lui transpirait cette confiance hallucinante qu'ont les hommes quand ils sont persuadés d'avoir ferré le bon poisson. Malheureusement pour le Prince, cette pêche si s'annonçait dès plus compliquée. Malgré cette sensation de familiarité à laquelle elle ne pouvait se détacher, la Princesse comprit qu'Elian était tout sauf un honnête homme. Se pourrait-il que l'étiquette du prince ne serve qu'à dissimuler une autre étiquette bien plus sombre ?
- Je vois que mon cher cousin a su...marquer le coup ! reprit le jeune homme en se saisissant du visage de Méryl, Car sinon vous porteriez un maquillage de bien mauvais goût.
- Mêlez-vous donc de ce qui vous regarde ! Et encore, je reste polie.
- Est-ce là votre notion d'affection et vos attentes concernant une relation saine ?
- Vous êtes prompt à juger sans savoir visiblement.
- Disons qu'il est difficile d'ignorer les rumeurs qui courent, elles vont si vites. Il n'aurait jamais dû lever la main sur vous.
- Je l'ai frappé la première !
- Parce que vous le défendez ? Pauvre Princesse. Visiblement, les coups à la tête ne vous ont pas réussis. Vous vous gâchez en restant à ses côtés et nous le savons tous les deux. Un homme qui se respecte ne lève pas la main sur une femme et encore moins sur la sienne. Vous l'avez frappé en première ? Et alors ? Il aurait dû arrêter votre coup. Il aurait dû prévoir, mais ça...La prévention, ce n'est pas le fort de James.
- Laissez-moi deviner, vous voulez remettre sur le tapis la conversation que nous avons eu dans le couloir chez la Duchesse ? Ma réponse demeure inchangée, je ne vous prendrais pas en tant qu'amant, Elian.
- Il n'est pas question de cela. Bien que vous me voyez comme une sorte de...fripouille ou que sais-je encore ce que vous avez en tête...
- Parce que ce n'est pas là l'oeuvre d'une fripouille justement que de s'immiscer dans les quartiers d'une femme ?
- M'auriez-vous ouvertement parler ou m'auriez-vous ne serait-ce qu'accorder un peu de votre temps si nous nous étions vus durant la soirée ? Je ne pense pas.
- Vous n'en savez rien.
- Voyons, Méryl. Il n'est pas difficile de vous connaître. Vous voulez peut-être vous rendre plus complexe que vous ne l'êtes pour amuser la galerie ou vous moquer de mon idiot de cousin, mais cela ne fonctionne pas avec moi.
Il était affolant de voir à quel point Elian pouvait être dans le vrai. A dire vrai, cela accompagnait cette sensation de familiarité qui semblait lui coller à la peau. Il y avait définitivement quelque chose chez Elian qui le distinguait et le différenciait de James, quelque chose qui le rendait plus...perspicace la concernant et c'était peut-être pour cette curiosité grandissante que Méryl n'avait toujours pas hurlée dans sa chambre et qu'elle l'avait laissé tranquille. Si James était aveugle à encore tant de choses la concernant, Elian semblait, pour sa part, l'avoir complètement percée à jour et pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. Quelle sensation désagréable que de se rendre compte qu'un inconnu vous comprends et connaît mieux que votre propre époux.
- Ce qui me fait de la peine en vous voyant, c'est que vous semblez vous obstinez à emprunter une voie qui n'est pas la vôtre. Quand je vous ai vue rire sous cet arbre, grimper ce tronc comme si de rien n'était et rire aux éclats, je me suis honnêtement demandé ce qu'une femme telle que vous faisait à jouer à la Princesse comme une petite fille jouerait à la dînette. Cela ne vous sied pas, Méryl et vous et moi le savons.
- Parce que vous pensez que je peux claquer des doigts et du jour au lendemain, cette fichue couronne descendait alors de ma tête ? Vous croyez que je n'en rêve pas ? Que chaque soir, je ne suis pas à genoux à ma fenêtre, suppliant les étoiles, les cieux, les dieux pour me libérer de ce fardeau ?
- Mais n'avez-vous toujours pas comprit que ce n'est pas dieux de vous donner la vie dont vous rêvez mais que cela vous revient entièrement de la saisir à pleine main ? Si j'ai pu me faufiler jusqu'ici, je paris d'ores et déjà que vous savez également vous faufiler jusque de l'autre côté de ces murs, de ces remparts, n'est-ce pas ? Je mettrais ma main au feu que vous connaissez la moindre petite sortie et la moindre petite brèche que contient cet impressionnant palais. N'ai-je pas raison ? Osez me dire que je me trompe.
Elle n'en fit rien. Pendant une petite seconde, Méryl hésita sur ses mots et son silence finit par en dire plus long. Aucun mot n'aurait pu, de toute façon, suffire à exprimer sa frustration. Son impatience. Son exaspération.
- Je crois savoir ce qui vous retient entre ces murs et je peux d'ores et déjà m'avancer en vous disant que vous espérez pour rien, mais là encore, je pense que vous le savez, sinon...pourquoi ces marques sur votre corps ?
- Qu'attendez-vous de moi, Elian ? Non, qu'espérez-vous de moi ?
- Honnêtement ? Rien. Je pourrais vous dire «tout et rien à la fois», mais vous n'êtes pas encore prête à m'offrir le «tout» pour le moment, mais je sais que cela viendra. Je sais qu'un jour, vous finirait par ouvrir les yeux et que tout vous semblera alors soudainement plus clair.
- Je ne vous comprends vraiment pas.
- Et je suis persuadé que si. Je pense qu'une infime partie de vous croit encore en ce rêve inatteignable et je crois que celle qui s'y accroche autant à ce rêve, c'est la petite fille qui sommeil en vous. Mais Méryl, il est temps d'ouvrir les yeux et de grandir, vous n'êtes plus cette petite fille aujourd'hui. Vous êtes une femme et vous êtes même la plus belle femme du Royaume. Bien des hommes se battraient pour vous et feraient de vous leur priorité.
- Êtes-vous l'un de ces hommes en question ? demanda Méryl en arquant un sourcil, Hmmm ? Seriez-vous un homme suffisamment digne pour faire de moi votre priorité ?
Bien qu'Elian ne lui répondit pas de suite, préférant glisser ses yeux sur la superbe robe dévoilant son corps à certains endroits, il ne put s'empêcher toutefois de glisser sa main dans la sienne, laissant ses doigts se confondre avec les siens et à sa plus grande surprise, elle ne le lui refusa pas ce geste.
- Ne suis-je pas déjà en train de le faire en venant vous voir ? Vous aviez raison tout à l'heure, j'ai pris des risques et je me suis donné beaucoup de mal pour venir vous trouver jusqu'ici et sans doute que, si je venais à être prit, on me tuerait ou on me réserverait un sort encore plus funeste...Certes, je le conçois, mais le jeu en vaut la chandelle. Vraiment.
- Vous êtes fou, ma parole.
- Pour faire ce que je fais, il faut l'être. Je n'ai pas gagné une guerre en étant sain d'esprit, je dois bien l'admettre.
- Je ne répéterais pas ce que je vous ai déjà dit à plusieurs reprises.
- Et je l'ai entendu, à plusieurs reprises également et je ne vous force pas la main. Cependant, la vôtre est encore au creux de la mienne et ne semble pas vouloir s'en défaire.
Devant cette remarque, Méryl se précipita de reculer, profitant de l'occasion afin de s'éloigner d'Elian de quelques pas. Une fripouille, en effet. Voilà tout ce qu'il était, une fripouille.
- Vous devriez y aller à présent. Nous nous reverrons durant la soirée, lança-t-elle sans lui faire face.
- Vous ne devriez même pas y aller. Je veux dire, regardez-vous...
- Croyez-moi, ce n'est pas l'envie qui m'en manque que de m'y soustraire, mais je ne peux le faire.
- Votre ténacité est parfois admirable, mais aussi incroyablement stupide. N'êtes-vous pas la Princesse ? C'est dans ce genre de moment que votre étiquette doit vous servir, bon sang. Envoyez-les tous se faire voir ! Qu'est-ce qui vous oblige à assister à une soirée où la plupart des invités ne viennent que pour se moquer de vous ?
- Encore une fois, vous semblez avoir rudement bien fait vos devoirs. Presque comme si vous aviez quelqu'un dans nos murs.
- Je n'ai placé aucun espion et je n'en aurai jamais besoin car je ne serais jamais ô grand jamais votre ennemi. Je suis venu requérir de l'aide pour mon peuple car je me trouve dans une position délicate, mais même si le Roi refusait de m'apporter son aide, cela ne me vexerait pas.
- Tantôt vous êtes si noble et tantôt si...piquant ! fit Méryl
- Ah ! Vous voyez que vous et moi avons beaucoup en commun !
- Beaucoup trop, mais nous avons déjà fait ce constat me semble-t-il ?
- Vous n'êtes toujours pas convaincue par l'adage «qui se ressemble s'assemble» ?
- Aucunement.
- Pourtant, il vous faut bien l'admettre, vous et moi... On ferait des merveilles.
- Mais cela ne m'intéresse pas au plus haut point. N'est-ce pas vous qui disiez il n'y a pas cinq minutes de cela que vous ne me forcerez pas la main ? Vous êtes particulièrement tenace.
- Parce que je m'efforce de vous sauver de votre propre naufrage, mais au lieu d'attraper la main que je vous tends, vous vous obstinez à vous maintenir la tête sous l'eau pour une raison qui semble m'échapper.
- Et que cela dure !
Elian sourit en la voyant lever les bras en l'air. Décidément, elle n'était pas une femme facile, mais elle méritait d'être attendue.
- Vous savez, Méryl, Votre Altesse, si vous étiez un brin moins obstinée, vous seriez tout à fait charmante.
- Et vous, Elian, Votre Altesse, si vous étiez un brin moins confiant, vous seriez tout à fait plaisant.
- Je présume donc que nous avons tous deux nos propres défauts. Cependant, sachez que je continuerais.
- A faire quoi ?
- A vous courtisez, sourit Elian, Je vous l'ai dit, n'est-ce pas ? Le jeu en vaut très largement la chandelle.
- Disparaissez de ma vue avant que je ne vous méprise.
Attrapant le dos de sa main et y déposant un baiser, Elian disparu en laissant derrière lui que cinq petits mots qui eurent au moins le mérite de dresser un sourire amusé sur le visage contrarié de Méryl.
- Vos désirs sont mes ordres.
Si seulement cela était vrai.
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