💕 CHAPITRE 3 💕

Il n'y avait dans le palais aucune activité faite pour occuper les soirées si ce n'était parcourir les jardins, s'enfermer dans la bibliothèque ou bien compter le nombre de vitraux présents dans la grande salle, derrière le trône du Roi. Habituellement, Méryl optait pour les jardins, s'y réfugiant et y passant de longues heures, attendant que la lune daigne pointer le bout de son nez ou bien que les premiers nocturnes poussent la chansonnette, mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, elle avait opté pour la fontaine dans la cour intérieure, s'asseyant sur le rebord de celle-ci et jouant avec les quelques gouttes d'eau ayant le courage de venir l'éclabousser. Parfois, sa mère venait ici quand elle semblait pensive et parfois même elle l'y emmenait en lui faisant promettre devant la fontaine qu'elle ne se laisserait jamais ô grand jamais influencée par son père. Or, sa vie ne fut qu'influences. Elle n'avait jamais demandé à naître princesse et encore moins à se marier avec un homme n'ayant ni amour, ni intérêt pour elle. Encore maintenant, elle ne pouvait s'enlever ses mots de la tête. Certes, James était connu pour sa langue accérée, mais elle lui avait trouvé aujourd'hui un côté encore plus piquant. Sans doute avait-il lui aussi passé une mauvaise journée et avait-il jugé préférable de s'en prendre à la seule personne qui n'oserait pas se rebeller contre lui ? Après tout, cela s'était inscrit comme une routine. Les remarques désobligeantes et autres réflexions méchantes faisant de lui un homme dénoué de toute sympathie. D'ailleurs, Méryl n'était pas la seule à subir un tel traitement, les domestiques les plus jeunes et les plus inexpérimentés n'étaient guère épargnés. A la moindre erreur, il les renvoyait sans aucun ménagement ou sans leur laisser la moindre seconde chance car pour lui l'erreur n'était tout simplement par permise. Quel grand homme ! Bien évidemment, à chaque renvoi injustifié, Méryl se vit contrainte d'intervenir, sauvant de la misère bien des familles. Elle leur trouva un nouvel emploi en ville ou aux alentours dans le pire des cas, tirant chaque ficelle qu'elle pouvait tirer et demandant sans honte faveur après faveur à d'autres qu'elle avait précédemment aidé également. James ne devait même pas être au courant que la plupart des gens qu'il avait renvoyé, travaillaient encore à sous son nez. Certes, plus dans le palais en lui-même, mais ils étaient coursiers, livreurs, marchands...des positions qui les faisaient côtoyés chaque jour les murs même dans lesquels ils étaient.

- Votre Altesse, puis-je ?

La voix de Romain, se tenant à proximité des arches permettant l'entrée dans la cour sortit Méryl de ses pensées. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il vienne la trouver car Romain était tout bonnement l'assistant le plus proche de son époux. Venu lui aussi avec la suite de James il y a cinq ans, Romain s'était vuu offrir le poste d'assistant mais aussi de conseiller auprès du jeune Prince. Frère de lait de ce dernier et cousin de Lola, James semblait avoir installé dans ces murs, la plupart de ses alliés pouvant ainsi garder un oeil bien ouvert sur les faits et gestes de son épouse, la tristement célèbre «Princesse Casanova».

Outre le rôle d'assistant, Romain servait depuis cinq ans, d'intermédiaire également, livrant à Méryl lettres et mots provenant de la main même de James et cette fois-ci ne faisant pas coutume...Elle le vit penché à sa droite, lui tendant une enveloppe bleue.

- Qu'est-ce ? demanda-t-elle en feinéant l'ignorance

- Une lettre de la part de Son Altesse, votre mari, le Prince James. Il vous prie de bien vouloir prendre connaissance de son contenu et de me faire part de vos réflexions afin que...

Sans qu'il n'eut le loisir de terminer son explication, Méryl déchira la lettre en de si petits confettis qu'ils s'écrasèrent un à un à ses pieds tels une tombée de flocons.

- Va donc lui rapporter ceci : S'il a quelque chose à me dire, qu'il vienne me le dire en face. Je l'attends.

Il ne se fit pas prier et partit immédiatement tandis que Méryl s'en retourna à sa rêverie, aux histoires d'amour folles et palpitantes qu'elle avait entendues aujourd'hui. Ce qu'elle ne donnerait pas pour vivre à son tour le grand frisson. Elle pourrait renoncer à son titre, à sa couronne et à son héritage. Elle pourrait tout abandonner pour pouvoir partir, loin de cette prison dorée. Mais hélas, une princesse ne disparaît pas ainsi. Comment réagirait son père et qu'en penserait James ? Quoique...ce dernier devait probablement ne rien en avoir à faire. Sans doute cela le soulagerait-il d'ailleurs !

Quand elle entendit de nouveau le bruit si particulier de ses pas résonner dans le couloir menant à la cour, Méryl s'arrêta et fit en sorte, une nouvelle fois, de lui tourner le dos.

- Vous vouliez me voir, me voilà, dit-il d'un ton ferme

C'était comme si elle pouvait sentir sa présence. Cet air froid qu'il semblait dégager et cette angoise constante montant en elle dès qu'elle entendait le son de sa voix. Depuis ses quinze ans et jusqu'à maintenant, il lui faisait peur.

- N'est-ce pas un record ? Nous nous voyons deux fois dans la même journée, finit-elle par dire enfin tentant de dissimuler les tremblements dans sa voix, Sans doute cela veut-il dire que nous ne nous verrons plus sur les prochains mois.

- J'ai encore beaucoup de travail donc faites attention à ne pas me faire perdre mon temps. Bien que cela soit votre passion première dernièrement.

Un reproche. Encore et toujours un reproche. Cela faisait longtemps. Ne pouvait-il donc pas dire un mot gentil ? Allait-il mourir subitement et de façon foudroyante si une seule attention sortait de ses lèvres l'ayant de si nombreuses fois blessée ?

- Dans ce cas, ne me faites pas perdre le mien en envoyant votre pigeon messager. Vous avez quelque chose à me dire, dites-le moi, reprit Méryl

- Veuillez ne pas insulter les gens qui me sont proches. D'abord ma mère cette après-midi et maintenant Romain. Êtes-vous de nature si acerbe ?

- Je suis la nature, cher époux. Je suis violente, changeante, versatile même. Mais cela, vous devez probablement l'ignorer étant donné que vous ignorez tant de choses de moi.

Elle se retourna enfin vers lui, lui adressant ce regard tantôt froid, tantôt vide. Quelque fois, Méryl aimerait ressentir ne serait-ce que de la colère ou de la pitié pour cet homme mais quand elle le voyait, aussi beau qu'il était, elle n'éprouvait rien d'autre qu'un immense vide. C'était comme si tout ses sentiments s'étaient évaporés en cinq années de vie.

Les yeux de James passèrent alors de ce visage impassible aux petits bouts de papiers gisant à même les petits pieds froids de Méryl. Puis vint un soupire, une main lasse et fatiguée passant de son cou à son visage. En vérité, lui-même ne devait plus savoir comment l'aborder étant donné que ne serait-ce que communiquer semblait impossible.

- Fort bien, reprit-il, Vous m'accompagnez lors d'un voyage. Je dois m'en retourner chez moi pour régler quelques affaires.

C'était donc cela.

- Et pourquoi accepterais-je ? Qu'attendez-vous de moi au juste ? Que je joue le rôle de l'épouse parfaite que vous pourrez exhiber comme un prix à vos amis ?

- Pour une fois ! Pour une seule et unique fois, ne pouvez-vous pas vous contenter de faire ce que l'on vous demande ?

- Ah parce que cela était une demande ? J'ai cru y voir un ordre de votre part car voyez-vous, mon cher, une demande aurait été formulée avec plus de douceur. Sans doute devrais-je vous en écrire un exemple ?

- Meryl ! s'écria-t-il de nouveau, Vous me fatiguez. Je ne vous ai rien demandé en cinq ans, ne pouvez-vous pas faire un effort bon sang ?

- Rien demandé ? ria-t-elle, Alors je n'ai jamais rien entendu d'aussi drôle. Ma parole, vous ne vous en rendez même plus compte. De vos jugements, de vos «demandes», de vos réflexions, vos remarques, vos insultes, votre méchanceté et de votre...grogna-t-elle en s'arrêtant au milieu de sa phrase

- Si je suis méchant, vous, ma chère, êtes particulièrement cruelle, releva James à son tour en s'approchant d'elle encore un peu plus

- Ce qu'il ne faut pas entendre...C'est donc moi la méchante de l'histoire ?

- Savez-vous dans quelle position vous me mettez ? Il n'y a pas un jour sans que vous ne me ridiculisiez. Vous êtes là, recevant dans votre petit salon, dans vos robes les plus provoquantes, des hommes, des inconnus et cela pendant des heures durant ! Il n'y a pas une semaine qui s'écoule sans que vous ne receviez des lettres de prétendants provenant des quatre coins du royaume. Pas un seul mois sans qu'une rumeur concernant votre trahision n'apparaisse au sein du Palais. Et vous ignorez tout du mal que je me donne pour faire disparaître ces rumeurs ! Pour préservez le peu d'honneur que vous semblez avoir. Pour espérez qu'un jour...Vous comprendriez...

Il l'imita ainsi à son tour et pendant de longues minutes, tous deux se dévisagèrent comme s'ils étaient à bout de souffle. Cela faisait cinq ans que cette mascarade durait et pourtant, c'était la première fois qu'ils parlaient.

- Divorcez-moi, murmura-t-elle

- Pardon ? Vous n'allez pas recommencer avec vos inepties.

- Divorcez-moi. Vous n'êtes pas heureux, je ne suis pas heureuse, nous ne sommes pas heureux ensemble, James ! Même un aveugle le verrait. Nous ne nous aimons pas. Nous ne nous apprécions pas et nous éprouvons tous deux un mal fou à tolérer l'autre. Divorcez-moi. Vous arrêterez alors de souffrir car tout ce que je comprends c'est ô combien vous vous tuez à la tâche et vous souffrez de mon comportement et moi, j'arrêterais d'espérer d'être aimée pour celle que je suis.

- Je ne vais pas me séparer de vous, ne soyez pas idiote.

- Pourquoi ? Pourquoi refusez-voir la vérité pour ce qu'elle est ? Pourquoi s'obstinez dans un mariage malheureux ? Avez-vous peur du jugement dernier ? Avez-vous peur qu'une quelconque punition divine vous tombe dessus parce que vous n'aurez pas réussir à tenir la promesse que vous m'avez faite à l'autel ?

Pendant un bref instant, Méryl cru apercevoir de la détresse dans son regard. Comme si soudainement, cet homme habituellement si terrifiant, s'était changé en un petit garçon perdu.

- Je vous libère de votre promesse, James.

Mais cela ne semblait pas l'aider ni même le ramener. James semblait s'être enfoncé dans ses pensées, dans son monde. Dans l'incompréhension.

- Vous avez un amant, c'est cela ? finit-il par murmurer à haute voix, Cela ne peut être que ça. Vous avez un amant. Vous désirez vous séparer de moi car vous avez trouver quelqu'un d'autre.

- Quoi ?

- Soyez honnête pour l'amour de dieu ! Vous avez quelqu'un d'autre dans votre vie et vous souhaitez faire votre vie avec.

- Mais pas du tout ! Comment osez-vous ?

- Alors votre demande ne fait aucun sens ! Pourquoi désirez-vous vous séparez de moi ? Cela ne...Cela ne...Non...

- Mais regardez-nous ! cria-t-elle violemment

Son regard au naturel si froid se planta alors dans ses iris comme s'il y cherchait une réponse. Une réponse cohérente. Logique. Acceptable. Mais James y trouva tout autre chose. Il n'y avait dans les yeux que Méryl qu'une supplique silencieuse. Une prière. Un désir. Il n'y avait dans les larmes qu'elle retenait tant bien que mal, qu'une seule envie.

- Vous...chuchota-t-il

Sa main, tremblante, hésitante, maladroite, venue trouver sa joue froide et humide. Elle était restée dehors des heures durant. Elle était restée là, à l'attendre. Elle était restée au bord de cette fontaine, à espérer.

- Libérez-moi, James, le supplia-t-elle presque à genoux, Laissez-moi partir. Laissez-moi vivre. Laissez-moi aimer. Par pitié...Laissez-moi.

- Je suis navré, Méryl, sincèrement. Mais je ne le peux.

Elle s'effondra alors à même le sol, hurlant sa douleur, hurlant sa peine. Elle s'effondra si brusquement que le Prince eut presque de la peine à la retenir, à la soutenir. Elle s'effondra de tout son être. Au fond, la jeune princesse qui ne rêvait que d'amour et de liberté, se brisa en un millier de petits morceaux.

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