💕 CHAPITRE 23 💕
Selon les nombreux petits pas et autres piétinement qu'elle pouvait entendre derrière la porte de sa chambre, Méryl savait que l'ensemble du personnel de la maison était de retour. Certains étaient revenus aussitôt que la pluie se soit calmée, d'autres n'avaient malheureusement pas eu cette chance et s'était prit une bonne averse, probablement la dernière de l'après-midi. Bien que le soleil se couchait à l'horizon, on pouvait percevoir quelques rayons traversant bravement les feuillages de la forêt, perçant les arbres et les buissons, s'éclatant contre les fenêtres que l'on rouvrait à peine.
Demain, elle partirait.
Cette simple pensée la fit légèrement sourire et la soulagea d'un poids sachant qu'elle ne reviendrait probablement pas ici avant de très longues années et encore. Il n'y avait, à l'origine, aucune raison qui nécessitait sa présence si ce n'était le caprice de James, mais quelque part, malgré sa réticence, Méryl fut reconnaissante. Elle avait pu gagner le soutien de son mari, affirmer son autorité auprès de la Duchesse et très probablement gagné un ami même s'il était encore bien trop tôt pour l'appeler ainsi. Après tout, cela ne faisait que deux jours. Deux jours qui lui parurent interminables. Rares furent les moments où elle s'était absentée du palais et elle imaginait déjà retrouver Lola dans tous ses états, n'ayant très certainement pas réussi à calmer clients et clientes désireux d'obtenir un entretien ou tout du moins des réponses pour certains. Combien de lettres l'attendrait à son retour ? Combien de gens se précipiteraient de nouveau au palais en apprenant celui-ci également ? Son sourire s'étira de lui-même.
Mais il effaça rapidement quand, après deux tocs à la porte, James se retrouva sur le seuil de cette dernière, plateau en mains.
- Ai-je l'autorisation d'entrer ?
- Cela dépends. Qu'est-ce donc ? demanda Méryl en pointant le plateau d'un coup de tête curieux
- Une offre de paix ?
Elle lui fit signe d'entrer et de refermer la porte derrière lui, ce qu'il fit sans poser de questions. Il déposa alors le plateau sur une petite table et l'invita à le rejoindre.
- Vous n'avez rien mangé de la journée et je me suis dit que vous deviez avoir faim alors...
Qui l'eut crû ? Que James puisse avoir une attention si douce.
- Je remarque qu'il y a deux assiettes, poursuivit la Princesse
- Je pensais que nous pourrions dîner ensemble, si cela ne vous convient.
- Et qu'en est-il de votre mère ?
- Elian saura très bien s'occuper d'elle pour une heure ou deux.
Méryl avait cette image d'Elian poignardant Béatrice avec un couteau à beurre ou lui planter une fourchette à huîtres dans un œil. Ce n'était peut-être pas une bonne idée que de les laisser dîner en tête, mais elle se porterait volontiers volontaire s'il lui demandait de l'aide pour cacher un corps.
- Je mentirais si je disais que cela ne me paraît pas étrange, votre changement, mais je dois bien admettre que tout compte fait, ce n'est pas déplaisant. J'apprécie vos efforts, James. Je les apprécie sincèrement même si je ne dis rien.
- Merci, cela me touche ce que vous dites.
- J'espère sincèrement que nous réussirons à être amis, étant donné que nous avons échoués dans toutes les autres formes de relations que puissent avoir deux êtres humains.
- Personnellement, je ne parlerais pas d'échec. Nous n'avons juste pas su comment commencer, mais il n'est jamais trop tard pour essayer de réparer cela, rectifia James
- Il est vrai. Néanmoins, vous ne pouvez pas dire qu'il n'est pas «trop tard».
Méryl savait qu'en ayant cette conversation pour la énième fois, elle ne ferait que répéter toutes les choses qui avaient déjà été dites cette dernière semaine passée. Toutefois, elle ne pouvait s'empêcher de penser que James n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle ressentait réellement. Toutes les choses qu'elle avait enfouis en elle. Tous les mots qu'elle ne lui avait jamais dit. On ne pouvait réparer cinq ans de silence en si peu de temps.
- Je sais, fit James d'une voix plus basse, Je veille à être plus...prudent.
- Puis-je au moins vous poser une question ?
- Je vous en prie, vous n'avez pas à me demander l'autorisation. J'ai promis d'essayer d'être le plus honnête et le plus ouvert possible et si je n'y arriverais pas, je vous écrirais. Je n'ai qu'une parole.
- Pourquoi m'avoir évitée ? Je veux dire, si vous m'aimiez réellement...si vous m'aimez vraiment, James, pourquoi avez-vous fait de moi une paria dans la cour du Roi ?
Bien qu'il se reposa sur une silence, se mordillant la lèvre inférieure comme s'il souhaitait retenir ses mots, James se perdit sur les broderies du tapis, n'osant relever les yeux vers Méryl. C'était là une question légitime et qu'il savait qu'elle finirait par venir un jour ou l'autre et même s'il lui avait plus ou moins d'ores et déjà donné un premier élément de réponse, il se devait d'être honnête. Méryl méritait au moins cela.
- Cela va vous surprendre, mais, je n'ai pas réellement de réponse à vous donner.
La voyant commencer à s'offusquer, il décida de poursuivre sur sa lancée afin de lui couper l'herbe sous le pied.
- Je pourrais me dédouaner en disant que cela relève de la promesse que j'ai faite à votre mère, mais je mentirais car...Qu'est-ce qu'un petit garçon pouvait savoir de ces choses-là ? J'ai bêtement présumé qu'en me retirant de votre vie, de votre environnement et ne gardant que des rapports strictement...cordiaux, cela serait plus facile. Pour moi. Plus facile de vous voir trouver une autre personne, de vous voir vous épanouir, de vous voir devenir une femme, une Reine. Je ne souhaitais pour rien au monde me mettre en travers de votre chemin ou bien de vos rêves et j'ai conscience, aujourd'hui, que je l'ai tout de même fait car bien que vous me réclamiez le divorce, je suis incapable d'y consentir alors que je n'ai aucun droit de vous retenir contre votre gré. Cela fait de moi votre tortionnaire, je l'admets. Cinq années sont passées si rapidement que je ne saurai suffisamment m'excuser ou exprimer mon profond regret quant à ce que je vous ai fait et ce n'était nullement mon intention de faire de vous une paria, sachez-le.
- Donc si je suis votre logique, vous m'avez évitée afin que je puisse trouver le bonheur ?
- C'est cela. C'est tordu, je le conçois.
- Pourtant, quand je vous le demande...Vous me le refusez. C'est plus que tordu à ce niveau-là. C'est illogique.
- Et je ne m'attends pas à ce que vous me comprenez, en fait. Par moment, c'est à peine si je me comprends moi-même et pourtant... Dieu seul sait que j'essaye.
Si lui-même éprouvait tant de mal, comment pouvait-il s'attendre à ce qu'elle le comprenne ou bien même comprenne son raisonnement ? Si encore il en avait un.
- Je sais que je continue à vous en demander beaucoup, Méryl et...
- Je n'ai pas envie de me battre avec vous James, vraiment. Je suis lassée de nous voir tourner en rond et d'entendre les mêmes mots à chaque fois. Toutefois, mes intentions n'ont pas changées : je ne désire pas le trône. La lignée des Valentenzia se termine avec moi. D'un certain côté, il est vrai je vous en ai longtemps voulu pour ce qu'il s'est passé durant notre nuit de noce, mais avec le recul, je vous en suis reconnaissante. Cinq années auraient très largement suffit pour faire naître un potentiel héritier et grâce à vous et à vos efforts fournis, il n'y en a aucun. Je ne laisserais donc rien derrière moi.
- Puis-je à mon tour vous poser une question dans ce cas ?
Méryl le rejoignit tandis que James commençait à dresser la table, sortant couverts et verres à pieds du plateau qu'il venait d'apporter.
- Pourquoi cette obsession pour vous séparer de la couronne ? Vous êtes née pour régner, ce n'est pas rien.
- Vous allez peut-être trouver cela ridicule, mais j'estime ne pas être faite pour cela. Certes, j'ai eu l'éducation qui m'a donné les clés nécessaires pour le faire et je pourrais, comme vous le dites si bien, «régner», mais à quoi ressemblerait ma vie ? Aucun Valentenzia n'a eu une vie heureuse. Mon père a épousé ma mère pour consolider son pouvoir. Avant lui, mes aïeux avaient déjà recours à ce genre de procéder car le mariage ne sert qu'à cela pour eux. Ce n'est qu'une façon comme une autre ou pour le moins, plus sophistiquée pour former une alliance avec un pays voisin, un duché ou que sais-je ! Nous-mêmes sommes mariés car mon père avait besoin de l'appui de la famille Catawey et de sa richesse pour poursuivre ses divers travaux dans l'ensemble du royaume. Vous n'êtes que la plume signant le chéquier de mon père chaque mois.
Méryl prit la prince, se servit dans le saladier et marqua un arrêt sur James qui n'avait de cesse de l'observer.
- Je veux aimer et être aimée, James. Je veux vivre libre, loin des attentes, de la pression et de cette...prison dorée ! Certes, je suis une princesse et j'ai probablement tout ce qu'il faudrait à n'importe quelle femme pour être heureuse. Sans doute, certaines jalousent ma condition dans l'ombre, j'en ai conscience. Mais j'échangerais volontiers ma place contre celle d'une femme du peuple. Je ne veux pas régner sur les gens...Je veux régner sur ma propre vie uniquement. Cela fait-il de moi une pauvre folle ? Probablement car je sais que je n'aurai jamais ce que je désire. Cependant, je peux essayer de le frôler, de toucher mon rêve du bout des doigts. Je saurai même me contenter de cela.
- Et cela ne peut-il pas être moi ?
Laissant tomber sa fourchette à même le sol, Méryl se retourna vivement vers James qui le regardait toujours avec la même supplique dans les yeux. Sans doute cela aurait-il pu être lui comme cela aurait-il pu être Elian s'il était arrivé un an plus tôt dans sa vie, qui sait ?
- Vous m'entendez, mais vous ne m'écoutez pas, souffla Méryl, De plus, comment cela pourrait-il être vous ? Vous ne m'aimez pas, pas plus que je vous aime. Vous confondez seulement ce sentiment que vous gardez au plus profond de vous depuis cette fichue promesse comme si cela était réellement de l'amour, mais ça ne l'est pas. Je ne doute pas que vous éprouvez une grande affection pour moi, je ne remets pas cela en question, mais vous ne m'aimez pas. Pas plus que moi. Il est vrai que je pensais être amoureuse, je pensais, en vous épousant que je faisais alors l'affaire du siècle ! Mais pas du tout. En fait, j'ai éprouvé et je crois, que je l'éprouvais toujours, une certaine admiration pour vous James, mais c'est tout.
- Pourtant, je pourrais mourir pour vous, Méryl.
Elle éclata de rire et cela le surprit. Se moquait-elle de ses intentions ?
- Vous voyez, vous venez de me prouver que j'avais raison, dit-elle en s'essuyant les yeux.
- Quoi donc ?
- Pauvre James... Vous n'avez donc pas compris, n'est-ce pas ?
Non, visiblement, il ne comprenait pas où elle voulait en venir et elle ne pouvait lui en vouloir. James était si terre à terre que des concepts comme celui-ci devait totalement échapper à sa logique.
- Je ne vous demande pas ni ne vous demanderais jamais de mourir pour moi. Je veux que vous viviez pour moi, James. C'est ça, l'amour.
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