💕 CHAPITRE 22 💕
Méryl s'était réveillée en milieu d'après-midi alors que le ciel s'était assombrit donnant l'impression d'un début de soirée. Elle avait rejoué au moins mille fois sa conversation avec James tandis qu'elle s'étirait sous les draps en se demandant si elle n'avait tout simplement pas rêvé. Il s'était montré si vulnérable et si ouvert avec elle que cela ne ressemblait à rien à ce à quoi il l'avait habituée ces derniers temps, mais voilà qu'il disait vouloir rectifier le tir, se corriger, s'améliorer et peut-être même devenir son ami. C'était un bien grand mot que celui-ci. Toutefois, c'était leur dernière chance. Ils avaient échoués en tant qu'inconnus, échoués en tant qu'époux alors qu'est-ce que l'amitié pourrait changer dans leur relation ? Ils étaient différents en tout point de vue, avaient des objectifs de vie différents et ne partageaient même pas un semblant de passion commune. L'un aimait être enfermé à l'intérieur tandis que l'autre rêvassait de grands espaces. L'un était un bourreau de travail de travail et l'autre travaillait quand cela lui chantait. Méryl n'était certainement pas une acharnée, mais elle faisait les choses en temps et en heure, ce qui lui permettait de se libérer suffisamment de temps pour s'adonner à ses propres petits plaisirs. Aussi étranges et sulfureux soient-ils.
Quittant sa chambre, elle remarqua le silence ambiant régnant dans la demeure comme si tous les domestiques avaient désertés les lieux. A dire vrai, il n'y avait pas qu'eux qui semblaient être partis, mais il y avait aussi les quelques hommes formant la garde rapprochée de Béatrice. Les couloirs étaient vides. Les fenêtres avaient, pour la grande majorité, été fermées avec les rideaux tirés. Où donc étaient-ils tous passés ?
- Vous ressemblez étrangement à une enfant perdue, lui murmura une voix dans le creux de l'oreille.
Elle bondit tandis que se dressa la silhouette d'Elian, non fier de sa farce, derrière elle.
- Cherchez-vous à me tuer ? lui demanda-t-elle, posant une main sur son coeur agité.
- Si tel était le cas, je vous poignarderais dans le dos, je ne chercherais pas à vous susurrer des mots doux.
- Quel mots doux au juste ? Où sont passés...
- Ah. Son Altesse a donné le reste de la journée à l'ensemble de la maisonnée. Fort aimable de sa part.
- Pardon ?
- Du coup, tout le monde est au village. Certains sont à la taverne, d'autres font des petites courses personnelles, d'autres profitent de leurs familles respectives...Chacun s'occupe comme il peut. Il doit ne reste que le cuisinier et peut-être la femme de chambre de la Duchesse car dieu seul sait qu'elle ne sait pas se démaquiller toute seule, expliqua Elian en levant les yeux au ciel.
Ce n'était pas la première fois que Méryl entendit Elian avoir des mots particulièrement durs ou sévères envers la maîtresse de maison. Non pas que cela ne lui plaisait pas de voir une sorte d'allié en lui tandis qu'elle pensait être la seule personne à mépriser cette femme, mais elle pensait la famille Catawey plus unie que cela. Sans doute, eux aussi, avaient-ils leurs petits secrets.
- Vous ne l'appréciez pas, n'est-ce pas ? releva la Princesse
- Est-ce si flagrant ?
- Disons que vous ne prenez pas vraiment la peine de vous en cacher.
- Béatrice est la sœur de ma mère. L'aînée des deux.
- Et je présume qu'elles n'entretenaient pas réellement une bonne relation ?
- Oh non. Elle n'est pas devenue méchante, froide, aigrie et manipulatrice depuis son mariage, non. Ça, ce sont les qualités qui lui ont permis d'avoir ce mariage. Tout ce qui intéresse cette femme...c'est d'être au centre de l'attention. Un mariage parfaitement réussie. Un fils qu'elle a quasiment placé sur le trône... Une amitié insoupçonnée avec le Roi...C'est comme si tout ce qu'elle désirait, lui arrivait servit sur un plateau en or. Mais peut-on parler de réussite quand tout ce qu'elle fait consiste à détruire autrui et à marcher sur le dos de chacun comme on marcherait sur un escalier afin d'accéder à l'étage supérieur ?
Personne dans la haute société ou ailleurs, ne pouvait nier cela. Béatrice Catawey était un exemple de réussite. Celle qui était née au sein d'une famille de bourgeois campagnard s'était hissée en quelques années au sein même d'une des positions les plus importantes et les plus prestigieuses du royaume. Et personne ne savait comment un tel miracle avait-il pu avoir lieu ? Par ailleurs, d'étranges rumeurs s'étaient mises à circuler, bien que rapidement tuées dans l'oeuf, concernant son désir d'évoluer en tant que Reine. Hélas, la place fut prise par une autre, bien que cela n'est guère duré plus de treize années.
Pour avoir été témoin et victime des desseins maléfiques de cette femme, Méryl savait qu'elle ne se laisserait très certainement pas faire même si pour cela elle devrait s'opposer à son propre fils. Le fait que James prenne soudainement le partie de Méryl changeait absolument tout car plus le temps passait et plus Méryl, de part ses prises de positions mais aussi sa réputation, se forgeait des alliances. Si certains nobles de la vieille école étaient encore scandalisés par ses activités annexes à son rôle, d'autres avaient prit le partie de la défendre car il fallait bien admettre qu'elle en avait aidés plus d'un. Baron, Marquise, Comte ou Comtesse, officiers de la garde royale, ses activités, son talent s'étaient alors étendus jusqu'aux quatre coins du royaume ce qui faisait maintenant obstruction au contrôle que la Duchesse pouvait avoir sur elle.
- Mais trêve de bavardages et je ne veux surtout pas vous gâcher le reste de votre après-midi, rectifia Elian toujours en souriant aimablement, Je présume que vous étiez en quête de votre époux ? J'ai ouïe dire que tout s'était arrangé. Tant mieux.
- Je ne dirais pas «tout» car cela relèverait alors de la magie, or la magie n'existe pas, mais des efforts sont à venir, je n'en doute pas.
- Donc je n'ai plus une seule chance pour le poste d'amant ? Quel dommage.
- Vous n'aviez aucune chance à l'origine Elian, fit Méryl
- Puis-je en moins en connaître la raison ? Oh, laissez-moi deviner : Trop de charisme ?
- Non. Je n'aurai tout simplement pas supporter d'avoir à faire à quelqu'un qui me ressemble beaucoup trop.
- Justement ? Ne dit-on pas «Qui se ressemble, s'assemble» ?
Méryl sourit. Elle secoua la tête avant de reprendre sa marche en choisissant d'ignorer sa dernière remarque.
- On dit aussi : «Les opposés s'attirent», pour votre information.
Elle l'entendit rire mais décida ne pas y prêter attention.
Peut-être que dans une autre vie ou dans un autre univers, Elian et elle auraient pu avoir leur chance car il n'en restait pas moins charmant. A dire vrai, Elian rassemblait toutes les qualités que Méryl appréciait chez un homme, mais elle se garderait bien de le lui dire de peur qu'il ne se mette à imaginer des choses.
Elle traversa les différents couloirs, pieds nus comme à son habitude, les épaules couvertes d'une étoffe mais portant encore et toujours cette robe de chambre provocatrice. Légèrement transparente et ouverte en une fente laissant apparaître ses jambes dénudées à chacun de ses pas. S'habiller et s'apprêter auraient été de trop tandis qu'elle ne cherchait à trouver son époux, se trouvant probablement dans l'une des vingt-cinq pièces de la maison.
- Votre Altesse, un mot je vous prie.
Quand Méryl entendit la voix de la Duchesse provenant du salon devant lequel elle passait, ses pas se figèrent sur place. Elle pourrait très bien partir en courant ou faire la sourde oreille, confondant paroles et sifflements du vent, mais une part d'elle ne put s'empêcher de se demander ce qu'elle lui voulait car depuis son arrivée, la Duchesse avait redoublée d'efforts pour ne pas lui parler. Pas même en privé.
La vieille femme, vêtue d'une robe aux couleurs lilas, était assise confortablement dans son divan préféré, sirotant une tasse de thé. A ses côtés se tenait une domestique qui disparue aussitôt que la Princesse eut fait son entrée.
- Vous pouvez vous asseoir, l'invita alors la Duchesse en désignant le fauteuil près d'elle
- Je ne compte pas m'attarder donc je préfère rester debout. J'étais en chemin afin de rejoindre...
- James ? la coupa-t-elle, Je l'ai envoyé au village afin de faire une course pour moi. Vous venez de le rater.
- Dans ce cas, raison de plus pour laquelle je devrais retourner dans ma chambre.
- A vous entendre, je pourrais presque croire que vous me fuyez. Vous aurais-je offensée d'une quelconque manière que ce soit, Votre Altesse ?
Bien évidemment, Béatrice Catawey n'était pas une femme idiote. Elle savait que le vent tournait en sa défaveur et qu'elle perdait du terrain. Terrain qu'elle pensait conquit et acquit, mais plus le temps passait et plus son autorité se faisait mince, notamment sur Méryl qui ne pouvait s'empêcher de la dévisager avec mépris.
- Ne jouons pas à cela, vous et moi, voulez-vous ? lança Méryl en gardant sa position
- Pourtant, j'ai cru comprendre que vous vous plaisiez ici. Que vous vous amusiez même ! Après tout, vous avez à vos pieds les deux hommes les plus remarquables de notre famille et je me demande bien comment cela a-t-il pu devenir possible, souligna Béatrice en sirotant sa gorgée
- Je n'aime pas ce que vous insinuez, Duchesse, mais allez-y poursuivez car je suis curieuse de savoir jusqu'où votre imagination perverse peut aller.
- Ne me parlez pas de perversité jeune fille ! s'étrangla Béatrice
La Duchesse s'était levée si brusquement que Méryl eut un léger mouvement de recul sans même s'en rendre compte.
- Vous êtes là, à vous pavaner sous mon toit, charmant mon fils et mon neveu. Oh oui ! Je sais tout ! Que croyez-vous qu'il se passerait ? Que vous pourrez vous amusez chez moi sans que je n'en sache rien ? Vous n'êtes pas plus une Princesse que ne l'était votre défunte mère ! Toutefois, je dois bien admettre que vous savez user de vos charmes.
- Modérez vos paroles, vous pourriez être amenée à les regretter.
- Et qu'allez-vous me faire ? Vous ne savez que vous cacher derrière mon fils. Que lui avez-vous promit contre son allégeance ? Une nuit d'amour et de passion ?
La gifle partie si rapidement que le tintement résonnait encore dans la pièce. C'était la première fois que Méryl avait osé lever la main sur quelqu'un. Elle pouvait tolérer bien des choses, mais jamais elle ne laisserait une vipère pareille s'en tirer à si bon compte comme elle l'avait laissée faire jusqu'à présent.
- Comment osez-vous ? siffla la Duchesse choquée
- Que se passe-t-il ici ?
James était entré au même moment dans la pièce, constatant la scène avec effroi. Il ne lui fallut pas plus d'une seconde pour comprendre ce qu'il venait de se produire tandis que la main de Méryl tremblait encore.
- Personne ne compte me répondre ? J'ai posé une question, relança le Prince en s'approchant rapidement.
- J'ai mis au jour l'affaire qu'entretenait ton épouse avec ton cousin et décidée à avoir des explications sur son outrageux comportement, je l'ai confrontée et cette dernière m'a menacée avant de me violenter !
Méryl garda le silence et fit abstraction des nombreux regards inquisiteurs de son époux.
- Vous avez toujours été très prompt à déformer ou amplifier la vérité, Mère, mais de là à inventer une telle histoire ! fit James, Comment cela serait-il possible ? Méryl et Elian ne se connaissent que d'hier. En outre qu'est-ce qu'une telle affaire peut bien vous faire ?
Béatrice regarda son fils, choquée mais aussi surprise de comprendre qu'il ne changerait pas pour revenir de son côté. James s'était finalement décidé à suivre Méryl et il la suivrait jusqu'au bout.
- James, ne comprends-tu donc pas ?
- Cela suffit maintenant. Ne vous ridiculisez pas davantage, je vous en prie.
- Avec elle à la tête du royaume nous tomberons dans la débauche et la décadence ! Elle nous condamnera tous ! Ne le vois-tu pas ?
- Assez ! A l'heure actuelle, c'est vous, Mère, qui tombez bien bas. Cessez et nous classerons cet incident comme sans suite. Persistez et vous serez condamnée pour avoir insulter la future Reine de ce royaume.
Sans s'attarder davantage, James prit Méryl par la taille et la fit sortir de la pièce, prenant soin de refermer la porte derrière lui.
Elle n'avait pas dit un mot, mais aucun ne serait à même d'être suffisamment fort pour décrire ce qu'elle ressentait. Cette nausée montante. Cette colère grondante. Tout semblait tourbillonner en elle.
- Je suis désolé. Tellement désolé que vous ayez dû affronter cela. Croyez-moi, un tel affront ne restera pas impuni, je vous le promets, mais...Oh Méryl, comme je suis désolé, fit James.
- Pas autant que moi, dit-elle enfin.
Elle détourna les talons sans demander son reste et partie, disparaissant au détour d'un de ces couloirs froids et austères.
Pour la première fois de sa vie, Méryl avait elle-même exaucée l'un de ses souhaits les plus chers : En mettre une à cette infernale mégère.
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