💕 CHAPITRE 21 💕
Méryl avait réfléchie une bonne partie de la nuit, enveloppée confortablement dans la couette, regardant l'orage brisé les ténèbres de part et d'autres. Un soupir lui échappa quand elle réalisa qu'elle n'avait pas eu la maîtrise de ses émotions comme elle le souhaitait et qu'encore une fois, tout semblait avoir débordé de lui-même comme si elle ne contrôlait rien. Elle le reconnaissait, il n'y avait que James et James seulement pour la mettre dans un tel état, toutefois elle n'était pas insensible à ce qu'il se passait entre eux depuis quelques jours. C'était nouveau, délicat et fragile, mais quelque part affreusement plaisant et enivrant. C'était comme découvrir une toute nouvelle facette d'eux-mêmes, elle qui pensait alors tout savoir de son époux. Hélas, James était encore à même de la surprendre, de la déstabiliser et de la choquer. Pendant des années, son petit esprit s'était animé à imaginer toutes sortes de raisons qui auraient pu en toute logique, expliquer le comportement de ce dernier. Peut-être n'aimait-il pas le contact physique et que cela lui provoquait alors des crises d'urticaires. Peut-être avait-il dû mal à garder un regard fixe et constant plus de quelques minutes dû à une trop grande timidité qu'il essayait de cacher. Elle en était même venue à penser que sa préférence physique se portait alors sur les hommes, ce qu'elle ne jugerait pas, mais comprendrait parfaitement au vue du nombre d'heures qu'il passait en compagnie de son assistant. Mais non. Ce ne fut rien de cela. Toutes ses idées les plus farfelues éclatèrent telles une multitudes de petites bulles quand il avoua l'aimer.
Cependant, «aimer» était un mot si difficile et englobant tellement de choses que même eux semblaient en avoir une définition différente. Elle n'avait jamais requit son amour, comme elle ne l'avait jamais espéré. Tout ce qu'elle avait souhaité discrètement sur l'autel fut d'avoir une vie paisible et heureuse. Une vie que sa mère n'avait jamais eu.
D'ailleurs, quand Méryl se mit à penser à sa mère, une ombre vint la trouver. Pourquoi lui avait-elle fait promettre de fuir le palais alors qu'elle avait fait promettre à James de la protéger ? Cela n'avait pas de sens. Toute cette époque, ne faisait pas de sens. Avait-elle perdue la raison sur les derniers jours de sa vie à cause de la fièvre ? Délirait-elle lorsqu'elle avait fait promettre à deux enfants l'impossible ?
Sans doute était-il temps de laisser le passé à sa place, chose que la Princesse n'avait jamais pu faire jusqu'à présent. Elle était liée à cette promesse et cette promesse l'enchaînait à ces jours sombres dont elle n'avait que de vagues souvenirs. C'était à peine, si aujourd'hui, elle se souvenait encore de l'enterrement.
Alors pourquoi s'entêter à poursuivre sur cette voie qui, finalement, ne lui faisait que du mal ?
Parce qu'elle se savait constamment sur le départ, parce qu'elle savait que ce moment finirait par arriver, Méryl s'était contenté d'obéir à des règles qu'elle maudissait. Elle avait joué le rôle de la princesse parfaite, et ce, jusqu'à accepter bien malgré elle, un mariage qu'elle n'a jamais voulu. Etait-ce une façon de l'enchaîner davantage ? Avait-on si peur qu'elle puisse être un jour elle-même ? Pleine et entière ?
Puis, quand elle pensa enfin que tout était perdu, le vent se mit à souffler en sa faveur.
Elle ne savait pas encore très exactement ce qui avait pu provoquer un tel changement chez James, mais quelque part, elle en était reconnaissante même si elle ne le lui dirait jamais. Il semblait avoir ouvert les yeux ou tout du moins, avoir enlevé les œillères qu'il portait. Pour une raison qui lui échappait, James s'ouvrait à elle. Il discutait. Riait. Tentait parfois de la séduire avec la délicatesse d'un éléphant. Était ouvert à ce qu'elle disait. Et enfin, il l'aimait. A sa façon. Il l'aimait. Bien que cela ne pardonnait pas cinq années de solitude, cela ne le condamnait pas pour autant à être le pire saligaud.
Tout ce qui lui fallait décider à présent était de savoir si elle lui laisserait cette chance qu'il semblait lui réclamer à genoux.
- Honnêtement, James, je ne sais pas où est-ce que tout cela nous mène. Tantôt, nous arrivons à nous entendre et tantôt tout semble partir de travers.
- Je sais. Je sais également que j'y suis grandement pour quelque chose, mais je veux essayer, Méryl. Je veux faire en sorte que ça fonctionne entre vous et moi. Je suis probablement le mieux placé pour savoir que nous éprouvons tous deux des sentiments contradictoires et que vous ne me portez pas dans votre coeur et je ne peux vous en vouloir. Toutefois, lorsque je vous ai dis que je souhaiterais, si possible, vous rendre la vie un petit peu moins pénible, je le pensais honnêtement. Peut-être, si cela est possible même si l'idée me paraît folle, mais pourrions-nous devenir au moins des amis. Qu'en pensez-vous ?
Si de prime abord, elle le dévisagea avec un regard perplexe, rapidement Méryl éclata de rire. Décidément, il avait le don pour dire des choses incongrues, des mots qu'elle ne pensait pas entendre un jour de sa part.
- Vous et moi ? Amis ? répéta-t-elle encore sous l'effet de surprise.
- Cela vous paraît-il farfelu comme idée ?
- Oui. Enfin, non ! Non, bien sûr que non. Seulement comment comptez-vous faire de nous des amis au juste ?
- Eh bien il est vrai que nous ne sommes pas des as de la communication, mais nous pouvons toujours essayé et si parler devient trop difficile, que pensez-vous de s'écrire ?
- Écrire ? Des lettres ? reprit-elle de plus belle en riant
Elle le voyait déjà. Assis derrière son bureau, s'arrachant les cheveux en cherchant la formule la plus parfaite possible. Parce que James n'était pas du genre à «écrire», mais plutôt à «rédiger». Il se relirait trois fois pour être certain de n'avoir oublié aucun point ni aucune majuscule.
- Là encore...ce n'est que folie, n'est-ce pas ? lui dit-il en s'apercevant qu'elle ne lui répondait pas
- Non, mais...Je ne sais pas, je ne vous imaginais pas en train d'écrire tout bonnement.
- Vous imaginiez vous avoir une conversation avec moi il y a de cela un mois ?
- Pas vraiment.
- Dans ce cas, pouvons-nous au moins essayer ? Peut-être que si nous couchons par écrit ce que nous peinons à nous dire en face, cela nous sera plus facile pour nous comprendre mutuellement ?
Méryl approuva l'idée et quelque part, une petite pointe de curiosité naquit en elle en se demandant si réellement il y avait de l'espoir pour établir une quelconque relation entre eux ? Malgré tout, elle était prête à essayer car c'était là une ultime occasion de se prouver que rien ne marcherait pour eux. Ils ne se détestaient ni se haïssaient et pourtant, il n'y avait pas de relation plus curieuse et étrange que la leur.
- J'ai conscience que je vous en demande beaucoup et que vous n'êtes pas tout à fait prête à accéder à toutes mes requêtes, cependant je voulais vous dire à quel point cela me touchait que de savoir que vous étiez prête à...essayer, souffla James dans un sourire timide
- Disons que si cela échoue, j'aurai une raison supplémentaire de réellement vous détester, bien que, malgré tous mes efforts, je ne semble pas y parvenir actuellement et je ne comprends même pas pourquoi. Je ne me comprends pas. Il aurait été facile de vous faire assassiner ou de fuir le palais, mais je ne l'ai pas fait parce que j'ai l'impression qu'à chaque fois, quelque chose m'en empêche. Comme si une main invisible retenait la mienne.
Et peu importe à qui était cette main, Méryl lui en voulait bien plus qu'à James. En réalité, elle était plus énervée contre elle-même que contre lui la majorité du temps. A son âge, chacune de ses réflexions n'aurait dû être qu'une goutte de plus sur la toile cirée de son indifférence, mais le problème de Méryl était tout là : elle peinait grandement à être indifférente.
- Aucune main ne vous a pourtant retenu lorsque vous m'avez roué de coups dans mon bureau à ce que je sache, releva James
- Je ne vous ai pas «roué» de coups, n'exagérons pas. J'ai exprimé mon mécontentement, se défendit la jeune femme l'air de rien
- Et vous le faites souvent ?
- Quoi donc ?
- Exprimer votre mécontentement. Parce qu'ainsi, je pourrais mieux me préparer pour la prochaine fois.
- Désirez-vous qu'il y ait une prochaine fois ? Vous souhaitiez que l'on devienne amis pas plus tard qu'il y a deux minutes.
- Devenir votre ami me permettrait-il d'être à l'abri d'une deuxième tentative de meurtre ?
- Non.
- Cela a le mérite d'être honnête au moins. Je pensais au moins avoir une certaine immunité.
Ils échangèrent cependant un rire complice tandis que leur regard respectif se plongea vers la fenêtre. Quelques gouttes commençaient à refaire leur apparition et l'on pouvait entendre de nouveau, l'orage tonner au loin.
- On dirait bien que le temps est à la pluie, releva James
- Une merveilleuse journée qui s'annonce...Que comptez-vous faire aujourd'hui ?
La question était d'une banalité, mais James ne put s'empêcher de se retourner vers son épouse se tenant encore tout près de lui, presque dans ses bras. Jusqu'à présent, Méryl ne lui avait jamais posé ce genre de questions. Elle ne s'inquiétait pas de ses journées ni ne se demandait ce qu'il pouvait bien faire des heures durant enfermé dans son bureau, enchaînant les réunions, les rencontres et autres besognes administratives.
- Ne me dévisagez pas ainsi, j'étais simplement curieuse ! se justifia-t-elle
- Non, mais cela me fait plaisir que vous me le demandiez.
- Un rien vous rends-t-il heureux ?
- Je dirais que je sais me contenter de peu mais au vue des tumultes que traverse notre relation, le fait de parler banalité me plaît énormément.
- Dans ce cas, parlons de banalités. Je vous demanderais comment s'est passé votre journée et vous en ferez de même. Nous parlons de la météo en dernier recourt et nous critiquerons ces horribles vieilles veuves que nous croisons parfois à certaines soirées. En somme, nous aurons les discussions les plus ennuyeuses que la terre n'ait jamais connue.
- Je préfère l'ennui à l'aventure, mais ça, je pense que vous le saviez déjà.
- Il est vrai. Mais vous n'avez toujours pas répondu à ma question.
- Honnêtement ? Je ne sais pas. J'ai encore beaucoup à voir avec ma mère. Et vous ? A quoi allez-vous occuper le reste de votre journée ?
Méryl souriait et tout en se levant, gardant précieusement la couverture sur les épaules, lui dit alors :
- Dormir. Les nuits blanches n'ont pas pour coutume de me réussir.
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