💕 CHAPITRE 20 💕
Il aurait fallut être sourd pour ne pas avoir entendu le ton monter dans la nuit ainsi que la porte claquer peu de temps après et il aurait fallut être aveugle pour ne pas voir un des jardiniers rentrer dans la demeure en étant armé d'une pince. Ce dernier ne pipa pas un mot sur la tâche qui lui avait été confiée, mais tous les domestiques de la maison savaient d'ores et déjà, au petit matin, qu'il s'agissait de la Princesse et du Prince. Certains avaient même parier, voyant le Prince entrer dans la chambre de la Princesse, que ces derniers passeraient la nuit ensemble. Un pari perdu, visiblement.
Au petit matin, la pluie avait cessée mais le ciel ne s'était pas dégagé pour autant, promettant alors une deuxième averse à venir. Les domestiques avaient commencés leur danse habituelle, jonglant de salle en salle, de chambre en chambre et le jeune Prince, bien que libéré de ses chaînes n'avait pas quitté la pièce dans laquelle il se trouvait. Il la voyait encore, se tenir devant lui, près du lit, les yeux remplis de larmes, la gorge nouée par la colère. Il pouvait encore voir son doigt s'agiter dans tous les sens et ses mots voler dans la pièce. L'image de Méryl était encore fraîche, même si cette dernière semblait avoir disparue il y a de cela plus de six heures. Quand le Prince questionna les domestiques venus l'aider, personne ne savait où la Princesse avait bien pu aller. Elle n'était dans aucune chambre, dans aucun salon, pas même dans la bibliothèque ou dans un bureau. Bien évidemment, James pensait à l'extérieur, connaissant son amour pour la nature, mais même elle ne s'aventurerait pas dehors avec un temps pareil. Alors où Méryl avait-elle bien pu emmener sa fureur ?
- Je devrais bien évidemment pas me mêler de tout cela, mais étant donné que l'on m'a réveillé aux aurores en me demandant le plus discrètement possible si je n'avais pas vu la Princesse...Je présume que tu as encore fait quelque chose, lança Elian en se tenant à hauteur de l'encadrement de la porte, bras croisés.
- Es-tu venu ici pour me narguer ? Pour jubiler ?
- Et à quoi cela rimerait-il au juste ? Contrairement à toi, cousin, je ne suis plus un enfant et je sais reconnaître mes torts quand j'en ai.
- Dans ce cas, peut-être pourrais-tu me conseiller car il semblerait que je peine à reconnaître les miens.
Elian entra dans la pièce, faisant signe à une jeune fille approchant avec un plateau repas de revenir plus tard. Il prit soin de fermer la porte derrière lui et venu se planter sur le tapis au centre.
- Je pensais sincèrement qu'en la laissant tranquille, sans m'imposer dans sa vie, cela la rendrait heureuse car je savais qu'elle n'a jamais voulu de ce mariage. Je me suis fait aussi petit que possible, me contenant de suivre les uses et les coutumes, l'étiquette, les codes de bonne conduite, cela lui rendrait la vie un petit peu moins pénible que ce qu'elle n'était déjà. Mais tout ce que j'ai fais, je ne l'ai fais en réalité que pour moi. Que pour me convaincre d'être une bonne personne. D'être la bonne personne. Tout cela parce que je l'avais promis. Même le jour de notre mariage, je ne l'ai pas touchée car j'ai estimé n'avoir aucun droit de le faire et qu'elle se devait d'être réservée à l'homme qu'elle viendrait à aimer. Cependant...Je suis incapable de la laisser partir. Rien que de l'imaginer heureuse avec un autre me rends fou, avoua le jeune homme la mâchoire crispée, Quel monstre suis-je au juste pour ne pas lui donner la seule chose qu'elle désire ardemment ?
- J'aurai été une bonne personne, je t'aurai effectivement aidé, mais nous savons tous deux que je n'en suis pas une donc te voir souffrir me paraît légitime.
- Remue donc le couteau dans la plaie, je ne dirais rien.
- Après toutes ces années, tu n'as décidément rien comprit et j'ai pitié de toi. Pour ma part, j'ai passé la majorité de mon temps sur des champs de bataille, à me battre pour ma propre survie parfois tandis que tu menais une vie si douce et si...Ah, ça me fatigue !
Elian se jeta sur le divan et hésita longuement en voyant l'état dans lequel James se trouvait. Bien qu'ils n'aient jamais été très proches, ils furent autrefois frères de lait et cela devait bien compter pour quelque chose si aujourd'hui, le Prince décidé de requérir son aide.
- J'ai toujours su que de nous deux, James, tu étais le plus lent, mais je ne pensais pas que ta lenteur affecterait un jour ton cerveau. Cinq ans de mariage. Cinq ans à la regarder de loin et tu n'as rien apprit sur la Princesse si ce n'est des banalités, soupira Elian, Je suis certain que si j'étais seul avec elle, je...
- Cherches-tu à rencontrer la mort plus tôt que prévu ? l'interrompit-il en le foudroyant du regard.
- Doucement, je n'ai encore rien dit de réellement vexant. Viens donc t'asseoir, tu me donnes mal au crâne en faisant le piquet dans ton coin.
Étrangement, James s'exécuta et vint se poser sur le canapé en face. Il avait l'air d'un chiot abattu, approchant la queue entre les jambes et les oreilles baissées comme s'il savait qu'il avait fauté. Et il avait fauté !
- Et maintenant ? lui demanda-t-il plus calmement
- Tu vas te bouger ! répondit Elian en lui lançant un coussin à la figure, Je serais une femme, je t'aurai soit quitté pour un autre il y a des lustres de cela, soit je t'aurai empoisonné au dîner, honnêtement, je ne sais que dire de la patience dont fait preuve ton épouse avec un cas désespéré comme le tiens. Ne vois-tu donc pas que la Princesse attends tout simplement plus que des mots de ta part ? Tu as cinq ans de retard dans ta relation et tu espérais rattraper cela en quoi ? Une semaine ? Ta femme n'est pas un dossier ou un «problème» comme ceux que tu as toujours traité, triple buse
- Je devrais te faire exécuter pour insulte sur membre de la famille royale.
- Et qu'est-ce que cela apportera ? Une énième guerre entre deux nations ? Bravo ! Quelle grande intelligence ! En outre, c'est toi qui insulte la famille royale en t'y joignant. Sais-tu qu'il est connu de tous que les prétendants se ruent sous les fenêtres de ton épouse ? Qu'il lui suffirait d'un regard ou d'un hochement de tête pour que le premier gusse venu te remplace ? Certes, tu n'es guère dans son coeur donc cela ne devrait pas être une tâche trop ardue pour quiconque y mettrait du sien, mais étrangement, elle semble...Je ne saurais dire...Aimer te détester ?
- Vraiment tu es d'un réconfort affolant. Finalement, je vais peut-être opter pour l'exécution.
Elian se passa une main sur le visage, voyant l'ampleur du travail qui l'attendait. Il avait toujours su que James et lui été différents, mais il ne pensait pas que cet homme dépourvu de tous traits romantiques, serait également dépourvu de logique. Les femmes n'étaient pas de si grandes énigmes et pour les interactions qu'il s'était permis d'avoir avec Méryl, il savait que la Princesse n'en était pas une. En y réfléchissant, il venait presque à regretter de ne pas avoir forcé le destin et de s'être lui-même frayé un chemin dans son coeur. Elle était si belle, si intéressante, si drôle et si...particulière car quelle princesse aussi raffinée soit-elle, s'amuserait à grimper aux arbres ? L'image lui était alors restée.
- Vous vous êtes disputés et elle est partie. Lui as-tu couru après ?
- Non.
- James ! Les femmes aiment qu'on leur court après ! Que tu la rattrapes, la saisisse alors par le poignet et la regarde comme si ton monde n'existait qu'en elle ! Diable que tu es stupide, je ne peux plus rien faire pour toi. Qu'un enfant soit aussi...Je ne saurais comment le dire, mais un adulte ? Un homme adulte ! Sais-tu ce qu'un homme de ton âge fait de ses soirées ? Et ne me réponds pas «Il travail» car je jure devant dieu, je vais te cogner, grogna le jeune homme en menaçant son cousin d'un poing levé.
Jamais encore James ne s'était sentit aussi blessé dans son orgueil, mais aussi idiot car il savait que tout ce que disait son cousin était légitime et vrai. Il était stupide, il avait toujours été. Il savait ô combien le royaume se précipiterait à ses pieds si Méryl le désirait, or elle n'en avait jamais rien fait. Elle avait aidé tant de gens, conseillé tant de couples, écouté tant d'histoires les plus salaces les unes que les autres, mais jamais elle ne s'était dit qu'elle franchirait le pas. Non. Méryl voulait vivre une histoire d'amour, James le savait. Elle voulait une de ces histoires d'amour que l'on ne vit qu'une fois, qui vous brise et qui vous marque à jamais. Une de celles que l'on jalouse aux quatre coins du continent et une de celles que l'on fantasme chaque jour un peu plus quand on la remarque ailleurs. Méryl était une Princesse et elle attendait qu'une seule chose : son Prince. Cependant, ce dernier semblait tarder à venir.
- A l'heure actuelle, la Princesse, ton épouse, est introuvable, et ce, depuis plusieurs heures. Elle pourrait très bien avoir quittée la demeure et avoir été enlevée ou pire au village plus bas, même pas tu le saurais. Elle pourrait s'être blessée, être aux portes de la mort, là encore, tu n'en saurais rien car tu es incapable d'agir en homme. Tu te caches derrière ta forteresse, gardant tes émotions pour toi comme trésor, mais James, laisse-moi te dire : Ce n'est pas une vie car celle-ci me paraît si fade et édulcorée comparé à celle que tu pourrais vivre en réalité. A ta place, je courrais. Partout. Je courrais à sa recherche et je ne trouverais de répit que si je venais à la retrouver. Je me mettrais à genoux et implorerais son pardon si tenté qu'elle veuille bien me l'accorder car encore une fois, j'aurai fauté.
- Et si elle ne veut pas...Si...Si elle...commença James en bredouillant, terrifié de ce qui l'attendait.
- Alors si tu l'aimes vraiment, tu lui accorderais ce qu'elle te demande tant. Jusqu'à présent, elle n'a ni fuit, ni chercher à te tuer pour se débarrasser du boulet que tu es. N'as-tu donc rien compris ?
Oh que si, il avait comprit.
James partit si rapidement qu'il manqua de peu de se prendre les pieds dans le tapis, traversant la chambre tel un boulet de canon. Il bouscula chaque personne se trouvant sur son passage et il n'eut guère besoin de fouiller toute la maison pour la trouver car au fond, il savait déjà où la trouver. Il la connaissait.
Le plus surprenant était que la jeune femme n'avait absolument pas quittée la demeure contrairement à ce que tout le monde semblait penser.
- Je vous vois, fit James à voix basse
Il ignorait encore comment, jusqu'à maintenant, Méryl avait fait pour échapper aux recherches, mais au fond, plus rien la concernant ne pouvait encore l'étonner.
- Puis-je m'approcher ?
N'ayant aucune réponse de sa part, James resta à sa place. Néanmoins, il prit la peine de s'accroupir afin de se mettre à sa hauteur. Méryl demeurait silencieuse, enveloppée dans une couverture, assise près de la baie vitrée aux rideaux tirés. Si ce n'était pour ses pieds qui dépassaient, jamais il ne l'aurait trouvée.
- Je sais que vous ne voulez probablement ni me voir, ni m'entendre, toutefois j'ai des choses à vous dire et je ne m'en irais que lorsqu'elles seront dites, s'élança James en tentant d'avancer petit à petit.
Il pouvait voir ses pieds se crisper et le rideau bouger tandis qu'il continua sa progression vers elle. Bien que sa conversation avec Elian semblait lui avoir éclairer l'esprit, James n'en était toujours pas moins maladroit avec ses mots et il ne savait quoi dire sans prendre la peine de la blesser. C'était ainsi à chaque fois qu'ils essayaient d'échanger.
- Rien de ce que je dirais ou ne ferais ne pourrait réparer le mal que je vous ai fait, j'en ai conscience. Je pourrais vous supplier, vous implorer, mais quel droit aurais-je de le faire ? Cependant, aussi arrogant que cela puisse paraître, je vous conjure de le faire, de me laisser une chance, aussi infime soit-elle. J'ai été horrible avec vous sous prétexte que je ne savais pas moi-même comment gérer la situation et au lieu de vous en parler, au lieu d'essayer de trouver une solution ensemble, je me suis contenté de suivre des règles implacables car je pensais sincèrement qu'en observant et en tenant un code de conduite, alors tout finirait par s'arranger. Je pensais qu'en ne m'introduisant pas dans votre vie, je vous laisserais une certaine liberté et je ne m'en rends compte que maintenant, comme un idiot, que j'avais faux. J'avais faux sur toutes la ligne, Méryl. Il y a quelques temps, je vous ai dit que vous étiez mon erreur, mais en réalité ce n'est pas vous l'erreur, c'est moi. Toute la responsabilité me revient parce que je n'ai pas su...Je n'ai pas su...
Si ce n'était pour la larme qui venait de s'échouer sur la commissure de ses lèvres, le prince ne se serait probablement pas rendu compte qu'il pleurait. Ce n'était pas tant de la tristesse, mais c'était bel et bien une immense honte surplombée par un profond regret. Il s'en voulait. Lui qui avait toujours été persuadé d'avoir constamment raison, s'était très largement trompé et fourvoyé sur la direction à prendre et cela en avait résulté la situation dans laquelle il se trouvait. Un mariage raté.
- Je suis désolé, tellement désolé.
Ce n'est que lorsqu'elle entendit les sanglots étouffés provenant de l'autre côté du rideau que Méryl décida de sortir de sa cachette, lui bondissant dessus tel un écureuil volant.
- Que suis-je supposée faire de vous, James ? murmura la jeune femme
- Je ne sais pas. Faites de moi ce que bon vous semble, je suis à vous.
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