💕 CHAPITRE 2 💕
Toute l'après-midi durant, Méryl s'était concentrée sur une seule tâche : Oublier ce qu'il venait de se passer. Ce n'était pas chose aisée, mais heureusement pour elle, elle avait de l'expérience en la matière. James était repartit aussi soudainement qu'il était arrivé et n'avait pas dit un mot de plus après ses propres dires. Il s'était contenté de la regarder, hésitant, le regard blessé et quelque part, Méryl ne put qu'éprouver une pointe de fierté. Elle lui avait fait mal, elle en était persuadée et dans son malheur, elle éprouva une once de bonheur. De soulagement même. Ce mariage malheureux était voué à l'échec et pourtant, il avait osé lui parler d'union sacrée. Rien n'était plus ironique que ce terme-là car il n'y avait rien de sacré dans ce qu'ils partageaient si tenté que là aussi, ils partageaient quoique ce soit. A tout bien y réfléchir, Méryl réalisa que c'était là la première grande conversation qu'ils eurent depuis des semaines voir des mois. Habituellement, il se contentait de la saluer, de lui faire un reproche sur sa tenue ou bien son comportement et l'échange s'arrêtait là. Dans l'immense océans d'amertume qu'elle ressentait.
Si la jeune fille qu'elle était s'était prise de passion pour les rumeurs concernant cet étrange héros ayant défendu la frontière ouest avec bravoure et courage, sauvant par la même occasion des milliers de vies, la femme qu'elle était devenue peinait à croire que ces mêmes ragots pouvaient concerner son mari. James n'était à ses yeux, ni un héros, ni un brave. Il se terrait sans cesse sous l'excuse du travail et n'accordait à son épouse que très peu d'attention. Bien évidemment, pour faire bonne impression, ils s'étaient déjà tenus la main une fois ou deux. Ils avaient même danser ensemble même si cette dernière s'était conclue sur un florilège de reproches concernant sa posture et le fait qu'elle lui ait écrasé les pieds deux fois. Mais cela n'allait jamais plus loin que ça car pour James, il n'y avait rien de plus important que l'impression que l'on avait de lui. Jeune Duc devenu Prince par chance ou par malchance, il occupait aujourd'hui la position que bien des hommes avaient autrefois convoités bien que certains ne s'étaient jamais réellement arrêtés dans leur ambition. Des lettres et des déclarations d'amour à l'attention de la Princesse n'étaient pas denrée rare au Palais, bien au contraire. Toutes les semaines apparaissaient un nouveau prétendant. Tantôt des chevaliers de la garde, tantôt de jeunes nobles tout juste sortis du dessous des jupons de leurs mères. Il n'y avait pas de quoi rire et pourtant, pour Méryl il n'y avait rien de plus flatteur que de ce savoir encore désirée.
Peut-être était-ce elle qui devrait prendre un amant et sans doute son lit serait moins froid la nuit.
Mais elle n'en fit rien.
Non pas que cela ne l'amuserait pas, mais justement parce que l'idée l'amuserait beaucoup trop. Or elle ne souhaitait nullement impliquer un inconnu dans sa vie maritale désastreuse. Personne ne devrait subir son malheur si ce n'était elle-même. Après tout, rien ne l'obligeait à dire «oui» ce jour-là.
- Vous semblez bien pensive, Votre Altesse. Seriez-vous contrariée ?
La Duchesse Catawey, mère du Duc James Catawey devenu jeune Prince, était le portrait craché de l'une de ces marâtres dont on se passerait bien la compagnie. Pourtant, l'ascension fulgurante de son fils lui avait visiblement octroyé certains pouvoirs dont un droit de visite duquel elle adorait abuser. Chaque mois, la Duchesse se rendait au Palais pour constater avec effroi que le ventre de la Princesse ne semblait pas gagner ne serait-ce qu'un centimètre.
- Vous avez pourtant l'air dès plus forme. Tout comme la dernière fois que nous nous sommes vues, reprit-elle
- Je suis un régime strict et pratique des exercices réguliers, répondit Méryl
Il n'était nullement question de sa santé mais plutôt de sa forme physique. Après cinq années de mariage, aucun enfant ne semblait vouloir pointer le bout de son nez au plus grand désespoir de la Duchesse car elle ne semblait attendre que cet évènement.
- Avez-vous vu le Prince ces derniers temps ?
Encore cette question.
- Plus tôt dans la journée, oui.
- Merveilleux ! Avez-vous discuté ?
- Bien entendu. Ce fut une conversation...Intéressante.
Mouvementée aurait été un terme plus juste et approprié mais s'il y a bien une chose que Méryl se préservait de faire, c'était de parler de sa vie privée avec sa belle-mère car il n'y avait à ce jour pas pire anguille que celle-ci.
- J'ai cru comprendre qu'il se rendait dans le Duché la semaine suivante. Vous serez avec lui, évidemment.
- Evidemment. Je ne saurais laissé mon époux seul, cela me désolerait.
- Vous...
Il s'était bien gardé de la prévenir d'un quelconque déplacement extérieur au palais. Mais difficile de faire l'étonnée quand en réalité, jamais Méryl et James n'avaient échangés sur quoique ce soit. Il était d'ailleurs fort à parier que le Prince n'avait pas prévu d'emmener sa femme et que la présence de cette dernière ne lui plairait guère. Elle le voyait déjà mentir à sa propre mère, trouvant une excuse idiote afin de prévenir son absence. Peut-être partirait-il sur une fièvre soudaine ou un malencontrueux incident l'ayant empêchée de voyager. Le problème étant que Méryl portait en elle une étrange résistence aux maladies. Cela faisait dix ans maintenant qu'elle n'avait pas eu ne serait-ce qu'un rhume.
- Je ferais donc préparer la chambre parentale et m'occuperait de tout ce qui est nécessaire à votre confort, Votre Altesse. N'hésitez donc pas à me dire par avance si vous avez besoin de quoique ce soit.
- C'est tellement gentil de votre part, Duchesse. Vous êtes d'une douceur avec moi...soupira la jeune femme s'épatant elle-même par son jeu d'actrice.
Si un jour elle venait à perdre la couronne, d'une quelconque façon que ce soit, elle s'arrangerait probablement pour faire de la scène. Avoir un rôle, prétendre, tout cela elle le maîtrisait d'ores et déjà. Au moins, sur scène, elle aurait quelque chose qu'ici, au palais, elle ne pouvait avoir : La liberté.
- Je suis tout de même curieuse, Votre Altesse : Serez-vous à même de faire le voyage ? J'ai ouïe dire que vous aviez votre propre entreprise maintenant et cela accaparait la majorité de votre temps.
- Vos oreilles doivent t'être dotées d'une étrange magie, Duchesse. Du duché vous entendez autant de choses ? C'est remarquable ! Surtout pour quelqu'un de votre âge.
- Qu'insinuez-vous ?
- Rien, mais j'ai moi-même ouïe dire que plus les années passent et moins nos sens performent. Votre sens du respect s'était déjà perdu il y a deux ans, mais j'apprends avec grand bonheur que celui-ci est compensé par votre ouïe extraordinnaire !
- Vous moqueriez-vous ? Cela ne saurait être toléré, Princesse.
- Je n'oserais point, voyons Duchesse, calmez-vous donc. Peut-être devrais-je demander à faire venir un thé à la camomille pour vous.
- Votre Altesse ! se révolta la Duchesse en se levant brusquement de sa chaise
Bien entendu, la matriarche avait comprit que la princesse moquait éperduemment d'elle, mais il y avait indéniablement quelque chose d'amusant là-dedans pour elle. Jamais encore en cinq ans, Méryl n'avait osé répondre ou bien même rétorquer quoique ce soit. Elle se contentait de mimer des sourires, des hauchements de tête et attendait patiemment que l'orage passe. Mais aujourd'hui, le vent avait décidé de souffler de l'autre côté de la table. Elle ne saurait tolérer une journée où le fils et la mère ferait de sa vie un enfer. Certes, elle n'était pas parfaite, mais elle ne méritait ni leur dédain, ni leur irrespect et encore moins leur attidude vis à vis d'elle.
- Je pense que je devrais m'en aller. Je vous ai déjà sentie érintée quand je suis arrivée et je vais mettre cela sur le coup de votre passe-temps. Mais sachez une chose, une telle attitude ne saurait être tolérée au Duché. J'espère donc sincèrement que vous serez vous reprendre, Votre Altesse. Pour votre prore bien.
Menaces encore et toujours. La Duchesse était peut-être une vieille femme, mais il ne demeurait pas moins qu'elle devait avoir quelques tours dans une de ses manches bouffantes dissimulant ses bras imposants. Comment aurait-elle pu donner naissance et élever un fils comme le sien sinon ?
- Sachez néanmoins que j'en avertirais, James.
- Faites donc. Je vous en conjure, faites donc, fit Méryl sans sourciller
Qu'allait-il faire de plus ? Ne venait-il pas de passer cinq minutes à lui rappeler qu'elle n'était rien et qu'elle ne servait à rien ? Il ne pourrait certainement pas faire pire. Néanmoins, Méryl ne le voyait pas débarquer devant elle afin de lui reprocher son comportement vis à vis de sa mère. C'était comme si, là aussi, il s'en fichait. Tout semblait lui glisser sur la peau à cet homme et rien ne semblait avoir d'importance pour lui si ce n'était...Le royaume. C'était louable. Inutile, mais louable. Le royaume n'avait que faire qu'il se tue à la tâche. Tout ce qu'il désirait c'était d'être en sécurité, d'avoir à manger dans son assiette et de quoi se divertir. Or, Méryl s'occupait de tout cela à son échelle par le biais de différents mécénats. Elle était sainte patronne de l'Eglise. Directrice de la guilde des fermiers. Commandante en cheffe des armées royales. Des rôles que beaucoup ignoraient à son sujet mais dont elle s'occupait avec prudence et diligence. Certes, c'était une conseillère matrimoniale extraordinnaire mais elle était encore plus brillante quand il s'agissait de garder le moindre de ses mouvements anonymes et discrets aux yeux de tous.
Ce n'était probablement pas grand chose, mais en réalité, Méryl gouvernait déjà dans l'ombre, et ce, depuis cinq années à présent.
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