💕 CHAPITRE 18 💕

Une fois avoir finie de se préparer pour la nuit et après avoir congédié les deux femmes de chambre venues l'aider, Méryl resta un long moment à fixer la seule fenêtre non couverte par un rideau. Il faisait si noir à l'extérieur que l'on ne distinguait même plus les lumières du jardin, mais l'on pouvait aisément ressentir les vibrations contre le verre provoquées par le souffle du vent. Le temps s'était nettement dégradé et la Princesse se mis secrètement à espérer que cela n'était que provisoire. Pendant de longs moments, elle se remémora sa journée que cela soit de son arrivée au Duché, le trajet, les rires dans le carrosse à cette conversation avec James, sa confrontation avec sa mère, l'arrivée d'Elian et cette délicieuse après-midi passée. Tout cela s'était déroulé en l'espace d'une seule et même journée.

«Pour vous ce ne sont là que des mots, mais si vous pouviez ne serait-ce que m'accorder le bénéfice du doute.» Cela n'avait été qu'une phrase parmi tant d'autres qu'elle avait entendu aujourd'hui, mais Méryl ne pouvait s'empêcher de se demander si derrière ces mêmes mots, il n'y avait pas plus. C'était une simple requête qu'il lui serait alors aisée d'accorder, mais elle aurait aimé qu'il y ait plus. Qu'il lui en dise plus. James était loin d'être, ce que l'on pouvait appeler, un homme «ouvert» mais depuis cette dernière semaine, il n'avait eu de cesse que de lui faire la conversation pour une raison ou pour une autre. La majorité du temps, leur dialogue tournait en eau de boudin et l'un d'eux finissait indéniablement par vexé ou blessé l'autre sans le vouloir. On aurait dit deux débutants, dansants au milieu d'une salle remplie de monde et ne pouvant s'empêcher de se piétiner mutuellement. Il y avait de l'attention, mais tout était encore bien trop maladroit. Or, la maladresse leur était-elle permit ? Ils n'étaient ni des enfants, ce qui aurait grandement pu excuser leur comportement, ni tout à fait des adultes car ils s'obstinaient tant qu'il leur était difficile de percevoir ce que chacun avait sous son propre nez. C'était là deux grands enfants à la différence qu'ils étaient mariés. Mariés car le Roi cherchait à consolider son pouvoir grâce à l'appui d'une des familles les plus influente du royaume. Mariés car la Duchesse lorgnait depuis bien trop longtemps sur le trône. En réalité, rien de tout cela n'était de leur choix ou de leur fait, ils avaient été poussés l'un vers l'autre, deux inconnus se connaissant à peine.

«Vous n'êtes pas amoureuse, mais vous tenez à lui.» Il y avait du vrai également dans ces mots-ci comme il y avait du faux. A dire vrai, Méryl ne s'était jamais demandé si elle serait un jour capable d'aimer son époux. Plus depuis la nuit de noce en tout cas. Encore maintenant, avec le recul, quand elle y repensait, elle ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi il était resté assis toute la nuit. Pourquoi avait-il refusé de faire son devoir envers elle ? Ce n'était pas de la galanterie, non, il avait eu ses raisons, mais lesquelles ? Même si elle venait à lui demander alors que leur relation s'était légèrement améliorée, elle était certaine qu'il ne le lui dirait pas. James était une énigme pour elle et elle n'avait ni l'envie, ni la patience de la déchiffrer. En fait, elle pourrait aussi bien se contenter de cela. De cette paix approximative qu'ils s'étaient mutuellement accordée. Tout ce qu'il lui restait à présent été de trouver son propre bonheur. En dehors du palais.

Car elle lui avait promis. Elle lui avait promis de fuir dès que le moment serait venu.

- Méryl ?

James toqua si délicatement à la porte qu'elle ne l'avait pas entendu et n'aperçut de sa présence que lorsque ce dernier frappa pour la troisième fois.

- Entrez, la porte est ouverte, l'invita-t-elle

Le dîner avait visiblement traîné en longueur et cela devait l'avoir épuisé car il semblait en ressortir plus fatigué que jamais. Elle le voyait à ces petites cernes qui se dessinaient sous ses yeux, à ses cheveux ébouriffés et à cette chemise légèrement déboutonnée. James ne se permettait pratiquement jamais un tel désordre au niveau de sa propre présentation, mais il avait pour habitude de le faire quand il était fatigué. Sans doute lui-même ne l'avait pas remarqué et passait machinalement une main dans ses cheveux afin de les défaire de leurs attaches.

- Je venais m'assurer que vous alliez bien, avoua-t-il comme s'il avait besoin de se justifier, Comme vous étiez trempée tout à l'heure, j'ai cru que vous ne vous sentiez pas bien et je...Mais peut-être que je vous dérange et que vous vous prépariez à aller au lit.

Oui, Méryl ne pouvait qu'éprouver de la difficulté à cerner son époux. Tantôt il y avait cet homme froid, autoritaire et distant avec elle tantôt il y avait ce jeune homme perdu, bafouillant, inquiet, presque tendre. C'était à ne plus savoir sur quel pied danser.

- Rassurez-vous, je vais bien. Juste...Un petit peu fatiguée, mais cela ira probablement mieux demain matin, le rassura-t-elle d'un sourire

- Tant mieux.

- Vous ne veniez que pour cela ?

«Dites non, dites non, dites non». Secrètement, Méryl se retrouva encore une fois à espérer.

- Oui...

- Bon.

Et encore une fois, ses espoirs ne purent que se transformer en une immense déception.

Cependant, elle avait passé bien trop de temps dans son salon à écouter ses clients et clientes raconter leurs diverses histoires, qu'elle savait aussi que James ne lui disait pas toute la vérité. Il ne se déplacerait pas pour s'inquiéter de son état de santé uniquement, il était venu parce qu'il voulait quelque chose.

- Je présume que la conversation avec votre mère a été dès plus éprouvante...relança-t-elle en espérant qu'il se confesserait de lui-même

- Comment ... ?

- Vous avez très certainement parler de moi.

A sa tête, elle devina qu'elle marquait un point.

- Possédez-vous un quelconque pouvoir de voyance ? se soucia-t-il en regardant dans la pièce

- Non James. Je suis une femme.

Comme si son attribut pouvait alors tout expliquer.

- Je me doute que la conversation a dû tourner autour de ce qu'il s'est passé en début de soirée. Probablement avez-vous fait part à votre mère de votre...désapprobation concernant son comportement et sans doute vous a-t-elle promit que de faire des efforts.

- Êtes-vous certaine de ne pas avoir écouté aux portes ? Cela est effrayant de vous voir réciter notre conversation de la sorte.

- Il n'est pas bien difficile pour moi que de savoir à quoi pense votre mère. A force de reproches, je commence à la connaître. Peut-être même mieux que vous.

- Peut-être bien, en effet.

James se laissa alors tombé dans un fauteuil, tentant tant bien que mal d'enlever les quelques mèches fines et rebelles qui se tenaient devant ses yeux. Méryl, par réflexe, venue se planter devant lui et le fit à sa place, de quelques gestes habiles de la main.

- Merci...dit-il à voix basse

Ils restèrent un moment à se regarder l'un et l'autre et c'était sans doute la première fois que Méryl lui trouva un air si fragile.

- Qu'y a-t-il ? demanda James sans bouger

- Rien, je vous regarde. Je n'ai jamais réellement prit le temps de vous regarder.

- Et ce que vous voyez est-il à votre goût ?

- Je ne saurais dire.

Sa main venue alors plaquer ses mèches derrière ses oreilles. Puis sur le haut de sa tête. Pendant cinq bonnes minutes, elle s'amusa à lui donner différents visages. Différentes allures. Pendant cinq bonnes minutes, Méryl oublia alors qu'elle ne jouait pas avec une poupée, mais bel et bien avec son mari.

- Comme c'est étrange, finit-elle par dire, Vous avez une cicatrice juste là, au dessus de votre œil droit.

Elle la caressa du bout de son pouce, ne faisant que la frôler et pourtant, ce simple et petit geste arracha un frisson à James qui demeurait à sa merci.

- Vous avez également un grain de beauté ici, sur le lobe de votre oreille droite, poursuit-elle.

- Méryl...

Méryl avait définitivement oublié. Oublié qu'elle tenait là, chaque infime partie du corps d'un homme dont elle ignorait presque tout, mais qu'elle s'amusait à découvrir telle une enfant émerveillée par chacune de ses découvertes aussi insignifiantes soit-elle.

- Vous avez une autre cicatrice près de votre cou...murmura-t-elle en poursuivant sa quête

- Méryl...pitié, cessez...souffla James, les mains agrippées aux accoudoirs du fauteuil.

Plus crispé que jamais, James pouvait ressentir jusqu'au moindre des souffles de la jeune femme dans le creux de son cou et ce n'est que quand cette dernière aventura une main indiscrète à hauteur de l'ouverture de sa chemise qu'il l'attrapa aussi sec en la dévisageant. Il voyait son sourire malicieux, formant deux légères fossettes. Il voyait aussi ses yeux pétillants et plus encore, il pouvait sentir sa peau, sa chaleur, tout contre lui. Ce n'était définitivement pas la première fois qu'il la tenait contre lui, mais c'était la première fois, pour lui, que le monde eut l'impression d'avoir cesser de tourner.

- Vous n'imaginez pas la retenue qu'il me faut avoir présentement, souleva James

- Je n'avais pas fini...

- Et moi je pense que ça ira pour ce soir.

La libérant de son emprise, Méryl profita d'avoir les mains dégagées afin de le pousser en arrière, le laissant retomber de nouveau dans son fauteuil. Ne lui laissant guère une seule opportunité pour se relever, elle vint s'asseoir sur ses genoux, à califourchon, tandis qu'elle le regarda tout sourire.

- Le problème étant, James, que c'est moi qui décide quand nous en aurons terminé.

- Vous savez que je peux me lever ? lui fit-il remarquer

- Vraiment ? Dans ce cas faites-le. Levez-vous.

Il le fit sans aucune difficulté, lui obéissant et à peine fut-il debout que Méryl, pour ne pas tomber en arrière, enroulant ses jambes autour de sa taille et s'agrippa à son cou.

- Et maintenant ? releva James en la regardant accrochée, Que faisons-nous ?

- Je ne lâcherai pas.

- Je m'en doute. Vous savez, je pourrais très bien traverser le couloir ainsi. Cela ne me poserait aucun souci.

- Mais cela ne résoudrait pas votre problème, n'est-ce pas ? Car au final, je serais toujours là.

Vrai. Tant qu'il n'arriverait pas à la faire lâcher prise, Méryl risquait de rester dans cette position.

- Je vous lâche qu'à une seule condition : Portez-moi jusqu'à mon lit.

- Rien que cela. Je vous trouve bien autoritaire ce soir.

- Vous savez aussi bien que moi que je l'ai toujours été, mais je dois bien admettre que j'éprouve un petit peu plus de plaisir que d'habitude.

- Il faudrait être aveugle pour ne pas le voir, soupira-t-il

Néanmoins, James obéit encore une fois. Il quitta les abords de la table basse, prenant grand soin à ce que le corps de Méryl ne rentre en collision avec aucun meuble, ni aucun objet et la conduisit jusqu'à son lit.

- Vous voilà arrivée, Votre Altesse.

Elle n'était pas la seule à s'amuser de cette situation à dire vrai. Bien qu'il ne voulait pas le reconnaître, James éprouvait plus de satisfaction qu'il ne le montrait. Il s'efforçait bien malgré lui de garder la tête froide, de ne pas penser à sa poitrine appuyée contre son torse, ni même de ses cheveux qui lui chatouillaient le menton. Cela relevait d'une toute nouvelle sorte de torture psychologique, mais il y arrivait. Il y arrivait. Il...

Entendit un clic ?

Ses yeux s'ouvrirent en grand quand il comprit d'où le «clic» venait et ce que cela engendrait comme conséquences. Quant à Méryl, fidèle à elle-même, elle était assise sur le rebord du lit, jambes croisées, faisant tournoyer une petite clé argentée du bout de son index.

- Vous savez, le problème quand on est une femme d'affaire, c'est qu'il faut avant toute chose vérifier soi-même la qualité des produits que l'on vends. A ce propos, si vous pouviez me faire un retour client après utilisation cela serait fort généreux de votre part.

Il en resta bouche bée. Complètement.

- Maintenant vous et moi allons pouvoir passer le reste de notre nuit à discuter sans que vous ne puissiez vous enfuir.

- Des menottes ? Sérieusement Méryl ?

- Ne me regardez pas comme si j'étais un monstre à la fin !

- Vous me séquestrez ! Comment suis-je supposé vous regarder ?

- Je dirais bien comme «La femme de votre vie», mais vous et moi savons que je n'aurai jamais ce rôle-là, poursuit la jeune femme en dissimulant soigneusement la clé dans sa chemise de nuit.

James grogna un moment tandis que Méryl éclata de rire.

- Après vous pouvez toujours essayé de récupérer la clé, vous savez où elle est.

- Je ne vais pas passer la nuit attaché à votre lit !

- Non, bien sûr que non ! Voyons, pour qui me prenez-vous ? Je suis peut-être folle, mais j'ai tout de même mes limites.

- Première nouvelle !

- Ne faites pas le choqué. Vous, plus que quiconque, savez que je ne suis pas connue pour être docile. Vous pensiez sérieusement pouvoir venir dans ma chambre et en ressortir juste sous prétexte que vous vous inquiétiez pour ma santé ? Je n'ai jamais entendu plus gros mensonge de votre part James. Vous ne faites réellement plus aucun effort ces derniers temps.

- J'étais réellement inquiet pour vous. Et je le suis toujours, mais vous ne semblez pas le croire.

- Convainquez-moi dans ce cas. Après tout, n'avez-vous pas que cela à faire à présent ?

Le prince soupira, se passa la main libre sur le visage. La nuit promettait d'être affreusement longue.

- Très bien, très bien, se résout James d'un ton plus sec, Vous voulez que l'on discute ? Discutons.

- A la bonne heure ! Je savais que vous étiez un homme de raison, se satisfait Méryl en restant à bonne distance de ce dernier

- Ai-je le choix ?

Elle lui sourit alors avec ce même sourire qu'elle avait pas plus tard qu'il y a une dizaine de minutes avant qu'elle ne le coince. Le sourire de la victoire.

- Mon pauvre James, sachez que l'on a toujours le choix.

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