💕 CHAPITRE 17 💕

Le dîner était très différent du déjeuner. Les petits plats avaient été mis dans les grands et la salle à manger ressemblait à s'y méprendre à une salle de danse où l'on ne pouvait entendre résonner que les talons des domestiques faisant des constants aller et retours afin de servir tous les plats. Un véritable banquet était de mise alors qu'il n'y avait à table que quatre personnes n'ayant guère échangé plus que quelques formalités. Méryl s'était contenté de garder le silence et de s'effacer comme elle savait si bien le faire tandis que la Duchesse concentra toute son attention sur son neveu qui ne dissimulait pas sa gêne quant au nombre impressionnant de questions que son hôtesse pouvait lui poser. Néanmoins, la Princesse éprouva une grande satisfaction à cela car pour une fois elle n'était ni sujette à l'attention malveillante de la Duchesse ni au froid ambiant de la pièce et les domestiques se contentèrent de la servir comme ils auraient servit n'importe quel autre invité de marque. Elle mangeait à sa faim, ne manquant jamais de rien et était ravie de voir un autre se faire passer à la loupe. Mais quoi de plus normal ? Personne ne s'attendait à la venue d'Elian et un Prince venant dans un royaume voisin, non allié au sien, non sous couvert d'une visite officielle ne pouvait que cacher des choses même si Elian possédait un certain talent pour éviter ou dévier les sujets les plus fâcheux.

Au vue de ce qu'il lui avait dit plus tôt dans l'après-midi, ce dernier n'était guère friand de la Duchesse et il n'était donc pas ici par choix non plus.

- Vous semblez terriblement gêné mon neveu, vous n'avez eu de cesse que de bouger sur votre chaise. N'êtes-vous pas à votre aise ?

- Bien entendu que si, je me suis simplement...

Pendant ce qui semblait être une minuscule seconde, son regard s'arrêta alors sur Méryl qui détourna immédiatement les yeux afin de contempler son verre d'eau à moitié vide.

- Fais mal au dos. Une mauvaise chute. A cheval, précisa-t-il, Mais n'ayez crainte, rien qu'une bonne nuit de sommeil ne puisse guérir.

- Je peux aussi faire venir un médecin si vous préférez.

- Non. Cela ira. Il se fait tard et je ne voudrais surtout pas dérangé. Ma présence a assez causée de remue ménage comme ça et j'abuse également de votre douce hospitalité ma tante.

- Il est vrai que vous m'avez fait part de votre venue bien tardivement. Ne vous méprenez pas, cela me fait plaisir de vous voir, mais j'aurai aimé pouvoir vous accueillir mieux que cela.

Elian lui répondit simplement par un sourire poli et rien de plus tandis qu'encore une fois, son regard ne vienne trouver celui de Méryl.

- Je ne vais guère abusé et je vais par ailleurs me retirer. La route a été particulièrement longue et rester assis me paraît être une torture. Vos Altesses...Madame la Duchesse.

Saluant la tablée avant même que le désert n'arrive à leur hauteur, Elian ne mit que quelques minutes à sortir de la salle, laissant le reste des convives à leur silence.

James examina de près ses couverts. La Duchesse s'essuya alors délicatement le rebord des lèvres avec un coin de sa serviette et Méryl...

- Je vais faire de même, je ne me sens pas très bien donc je vais m'allonger, signala-t-elle en se levant à son tour

- Je vous raccompagne, s'empressa de dire James en se levant

- Ne vous en faites pas, je saurai trouver mon chemin. Je vous laisse. Merci encore pour cette douce soirée Duchesse et mes compliments au chef, les plats étaient fabuleux.

- Je ne manquerai pas de les lui transmettre, Votre Altesse, répondit-elle sur un ton dès plus solennelle.

Prenant grand soin de refermer la porte de la salle à manger derrière elle, Méryl s'adossa à cette dernière brièvement, laissant un soupir lui échapper. Certes, elle était devenue invisible, mais il ne lui tardait de quitter ces lieux. James avait dit qu'ils resteraient deux jours, mais deux jours paraissaient être une éternité quand le temps n'avançait pas.

Traversant les couloirs qui la mèneraient jusqu'aux escaliers, elle sentit soudain une main sur son poignet avant de se retrouver attirer dans un recoin entre deux sculptures. L'espace était si étroit qu'elle pouvait sentir un corps pressé contre le sien.

- Cette situation a pour moi un air de déjà vu, pas vous ? la questionna une voix amusé

- Vous avez du culot pour osé un tel geste. Et si l'on nous voyait ?

- Oh, je ne doute pas que l'on crierait alors au scandale du siècle, mais j'ai l'impression que même si cela venait à se produire cela serait alors le cadet de vos soucis, n'est-ce pas ?

- Disons que ma frivolité n'a pas de limites.

- Dit la femme fidèle. Mariée depuis cinq années et pas un seul amant. Cela tient du miracle quand on sait qui vous avez épousé.

- Je vois que quelqu'un a fait ses devoirs avant de venir. Souhaiterez-vous une récompense pour cela ?

- Je me contenterais bien d'une médaille en chocolat, mais cela me paraît si peu pour le risque que je prends.

Méryl ne pouvait le cacher, elle ressentait encore une fois cette même excitation que celle ressentie précédemment dans les jardins. Cette impression étrangement familière qui la mettait de suite à l'aise avec Elian, cette voix dans sa tête qui lui disait d'avoir confiance alors que tout en elle semblait vouloir se défaire de cette étreinte frôlant l'intimité. Il n'avait rien de comparable à son époux et pourtant, dans ses yeux sombres, elle y trouvait une certaine similitude. Cette façon de la regarder. De la considérer.

- Vous n'êtes pas venu jusqu'ici pour jouer les prétendants, souleva-t-elle dans un demi sourire, Je vous pose donc la question : Que voulez-vous de moi Elian ?

- En sommes-nous à nous appeler par nos prénoms ?

- Étant donné que nous nous retrouvons constamment dans une telle...intimité, je présume que nous pouvons faire une exception sur le respect de la bienséance.

- Je n'en espérais pas moins de celle que l'on dénomme «Princesse Casanova». Est-il vrai que vous donnez des conseils conjugaux ? Alors que votre propre couple bas ainsi de l'aile ? Comme c'est étrange.

- Vous ne connaissez dont pas le proverbe «Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais» ? En outre, James et moi ne sommes pas...Enfin...C'est une situation compliquée. Donc ? Comptez-vous répondre à ma question ? Je doute que vous m'ayez fait venir dans ce recoin pour me demander conseil sur votre vie sexuelle.

- Je souhaiterais avoir une audience avec le Roi, lui dit-il de but en blanc

Méryl fut si étonnée par sa demande qu'elle hésita pendant une minute ou deux. Une audience avec le Roi ? Ne pouvait-il pas emprunter les canaux administratifs habituels ?

- Je vois. Tout ceci n'a rien de formel, n'est-ce pas ? releva la jeune femme.

- Je préférerais éviter, en effet.

- Et je présume que passer par votre propre cousin, ce qui vous simplifierait la tâche grandement, est hors de propos ?

- Vous comme moi savons qu'il n'y a rien de «simple» avec James. Serions-nous dans ce genre de situation pouvant aisément prêter à confusion dans le cas contraire ?

- Quelque chose me laisse à croire que oui.

- Me connaîtiriez-vous déjà par coeur ? s'amusa Elian en l'approchant davantage.

- Vous n'êtes pas très difficile à cerner. Cependant et même si l'idée est tentante, je ne prendrais pas d'amant.

- Vous me vexez, bouda-t-il en la dévisageant

- Et vous, vous abusez.

- Vous ne savez donc pas ce que vous ratez. Je ferais un excellent amant. Ce n'est pas pour me vanter, mais... Je pourrais vous faire vivre.

- Dites-vous cela à toutes les charmantes et jeunes demoiselles un peu naïves que vous croisez ? Vous n'êtes rien de plus qu'un papillon volant de fleur en fleur.

- L'image est mignonne, je l'admets. Un papillon de nuit dans ce cas-ci.

- Ils sont éphémères et vilains, enchaîna Méryl.

- Mais redoutablement efficaces.

- Vous commencez à me dégoûter.

Elian se mit alors à éclater de rire si fort qu'ils furent presque découverts tandis qu'un des hommes de la garde de la Duchesse passait par là. Hélas, le bougre ni vue que du feu et ne se doutait point de ce qu'il se passait sous son nez.

- Réfléchissez bien, Votre Altesse Royale, Vous ne pourriez ne pas avoir de partis aussi bon que le mien.

- Vous aimez vous flatter et cela est très drôle à voir.

- James est un personnage dénué de bon sens, croyez-moi. Il ne vous aimera jamais comme vous le désirez. Il ne sera pas non plus l'incroyable amant auquel vous rêvez secrètement. Ce type n'est qu'un gratte papier tout à fait ordinaire et ennuyeux.

- Et je ne peux malheureusement pas vous contredire sur ce point-là, c'est certain.

- Mais il y a un «mais», n'est-ce pas ?

Il y en avait effectivement un. Le «mais» qui la laissait croire en lui et au changement encore possible. Le «mais» qui lui promettait que demain, tout serait différent. Le «mais» d'une vie moins pénible car c'était là tout ce qu'il lui avait promit.

- Vous n'êtes pas amoureuse, mais vous tenez à lui.

- Cela fait-il de moi une personne ennuyante à vos yeux ?

- Non. Je suis simplement étonné. Vous semblez attendre quelque chose de sa part et vous êtes prête à sacrifier votre propre bonheur pour cela. Il y a quelque chose d'admirable. D'idiot, mais d'admirable.

- Vous avez raison. Je pourrais prendre un ou dix amants, être épanouie en tant que femmes si le sexe pouvait seulement faire à lui seul mon épanouissement, mais je ne l'ai pas fait car je suis une incorrigible romantique. J'ai attendu cinq années durant, qu'un homme que je connaissais à peine, devenu mon mari par la force des choses, me remarque et me plaise et alors que je pensais tout espoir perdu...voilà que ce dernier semble s'être soudainement réveillé d'un long, très long sommeil. Je ne prétends pas l'aimer, c'est vrai. Sans doute que cela ne sera jamais le cas, c'est vrai également. Mais...

- Mais vous espérez encore. Toute fois, j'ai une question. Une ultime question : Que ferez-vous s'il venait à vous décevoir ? A vous tromper ?

Méryl se surprit à rire à son tour. Comment James pouvait-il encore la décevoir et la tromper alors qu'il n'avait eu de cesse de le faire ? Pouvait-il tomber plus bas qu'il ne l'était déjà ?

- Je ne serais guère surprise, mais dans ce cas-là, j'abandonnerais tout espoir et peut-être que oui, je penserais alors un petit peu à moi.

C'était une réponse claire à laquelle elle-même ne s'attendait pas à entendre de ses propres lèvres, mais il fallait cesser que de se voiler la face. Cette dernière semaine avait été à la fois frustrante, énervante, épuisante, mais aussi follement amusante. Elle avait prit du plaisir à se tenir en sa compagnie, à échanger et à réaliser à quel point leur point de vue et leur monde tout entier étaient opposés. Ils ne partageaient pas la moindre passion en commun, ni n'aimaient les mêmes choses à table et pourtant, malgré ses différences si marquantes, Méryl avait réalisé que son mari n'était peut-être pas le monstre qu'elle s'était imaginé. Elle ne le comprendrait probablement jamais, bien qu'elle espérait un jour avoir quelques réponses et quelques clés, mais pour l'instant, elle saurait se contenter de ce qu'il lui donnait car en échange tout ce qu'elle lui offrait fut sa patience et la bonne volonté qu'elle pouvait encore y mettre.

Certes, elle désirait le divorce, elle désirait déposer sa couronne à même le sol et s'enfuir au plus loin d'ici, mais elle pouvait encore espérer que James en changeant, la changerait également.

- Vous auriez pu être un amant d'exception, je n'en doute point, mais vous n'êtes pas là pour cela non plus, n'est-ce pas ? Vous voulez notre aide pour quelque chose, quelque chose de suffisamment grave pour que vous ayez à vous déplacer vous-même, et ce, pratiquement seul et sous le manteau. Je ne sais point de quoi il en retourne, mais je peux essayer malgré tout de vous aider.

- Parce que vous me prenez en pitié ? ricana-t-il

- Non. Parce que j'ai une dette à payer.

- Une dette ?

- Je vous ai fait du mal cette après-midi dans les jardins. Je tiens à réparer cela. Je ne savais pas.

Il pouffa puis passa une main sur sa nuque. Elle était différente de bien d'autres princesses qu'elle ne s'en rendait probablement pas compte elle-même.

- Nous partageons un trait en commun, je dirais. Tout comme vous recherchez la tranquillité, je la recherche également. Par moment, j'aimerais que les choses soient différentes et que l'on ne me traite pas pour ce que je suis, mais pour qui je suis. De plus, James a dû vous le dire, je ne suis pas un prince de sang.

- Non, vous l'êtes par l'honneur et cela devrait vous rendre d'autant plus fier. C'est cela, que vous devriez retenir.

- Vous savez, pour une princesse soit disant frivole, je vous trouve par moment une drôle de sagesse.

- Il m'arrive de user de mon cerveau, mais je déteste cela. C'est épuisant. Et puis, personne n'apprécie une femme intelligente.

- Tout dépend de qui.

Finissant leur échange sur un entendu amical, Elian embrasse le dos de la main de Méryl avant de disparaître une nouvelle fois derrière les escaliers. Quant à la jeune femme, elle demeura un instant sur place, réfléchissant à cet intriguant échange, à ses drôles de confessions concernant James ainsi qu'à l'étrange requête d'Elian.

Quelque chose se préparait, telle une tempête attendant de souffler, et Méryl n'avait aucune idée de comment y faire face.

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