💕 CHAPITRE 13 💕

Le déjeuner s'était déroulé dans un silence quasi monastique où le seul bruit qui s'échappait fut celui des couverts s'entrechoquant. Il n'y eut pas un mot. Pas un regard. Rien que le silence. Méryl avait à peine touchée à ses assiettes, ne grignotant que quelques petits bouts par ci par là, se contentant tout au plus de verres d'eau que l'on prenait à lui resservir dès qu'elle en terminait un. Une fois qu'elle fut libérée de ses obligations, la Princesse partie dans les jardins afin de trouver le coin le plus éloigné de la demeure même si cela devait l'emmener jusqu'à l'orée de la forêt. Petite, les domestiques lui racontait que cette forêt était maudite et qu'une énorme bête sauvage s'y cachait, dévorant chasseurs et malheureux s'y étant aventurés. Elle n'avait jamais vraiment crû à cette fable, mais elle n'en était resté pas moins fascinée par l'impact qu'avait, encore aujourd'hui, le folklore sur les gens. Leur capacité en croire en des choses irréelles, intangibles et impossibles.

Au fond, elle n'était pas moins différente, elle-même croyant encore à l'amour à son âge.

Enlevant les boucles de ses chaussures et les abandonnant au pied d'un arbre, elle en entreprit l'ascension quand une voix, bien curieuse, venue l'interrompre.

- Que faites-vous ?

- Seigneur !

Son coeur manqua un battement. Ou bien même deux, elle ne saurait dire. Elle remarqua alors ce jeune homme, bien trop vêtu pour être un domestique de la demeure ou un fermier des environs, se tenir juste là, derrière elle tandis que son regard la dévisager de la tête aux pieds.

- La vue est-elle à votre goût ? rouspéta alors la jeune femme en se plantant devant lui.

- Je dois bien admettre que j'en ai vue des bien plus belles, mais je saurai me contenter de celle-ci, lui répliqua-t-il tout sourire

- Vous êtes grossier, Monsieur.

- Je préférerais le terme de «curieux», mais je saurai me contenter de celui que vous m'attribuerez là aussi. Ne me dites pas que vous comptiez grimper cet arbre ?

- Pourquoi ? Allez-vous m'en empêcher ?

- Disons qu'il est peu commun de voir une Dame de votre...condition s'adonner à ce genre de pratique. D'ailleurs, je ne crois pas avoir vu une seule dame le faire.

- De ma... ? releva Méryl avant de rester bouche bée devant ses paroles, Ravie d'apprendre que je vais être votre première Dame dans ce cas !

- Vous savez, vos mots peuvent prêter à confusion.

- Je n'en ai que faire. Aidez-moi.

- Et en plus vous aimez donner des ordres ! Une vrai princesse !

«Vous n'avez pas idée» pensa-t-elle en souriant. Malheur alors à celui qui ne savait pas qui était son interlocutrice. Ils n'étaient pas rares les gens ignorant le visage de l'héritière au trône, mais il était rare d'en croiser dans une région aussi proche de la capitale. Sans doute venait-il alors d'une contrée plus éloignée ? Probablement. Ce rustre n'avait aucune manière.

- Et comment puis-je vous aider au juste ? demanda-t-il amusé

- Faites-moi la courte échelle.

- Je vous demande pardon ?

- La courte échelle ! Faites-moi la courte échelle ! Vous avez les épaules larges et votre physique laisse à penser que vous saurez me soulever. A moins que vous ne sachiez pas faire la courte échelle ?

- La question, Madame, n'est pas de savoir si oui ou non je sais faire la courte échelle, mais je ne vais pas vous...Enfin... En vous portant, je risque de...Vous voyez non ?

- Quoi donc ?

- Vous me faites rougir, mais il en va de mon honneur et du vôtre donc : Je risque de voir sous vos jupons.

Soudain, Méryl fut prise d'une vague de honte et le regarda presque outrée. Les gens de la campagne étaient-ils tous aussi directs ?

- Eh bien vous fermerez les yeux ! lui ordonna la Princesse en rassemblant ses jupons

- Comment pourrais-je ? Et s'il vous arrivait malheur ? se scandalisa-t-il

- Croyez-moi Monsieur, ce n'est pas la première fois que je grimpe à un arbre. Il ne m'arrivera rien.

- Ah ! Donc cela est dans vos habitudes ?

- Disons...Que j'aime prendre de la hauteur.

- En plus de donner des ordres, ne l'oublions pas.

- Je vous trouve bien critique pour quelqu'un qui ne me connaît point et dont j'ignore toujours le nom.

- Pourquoi vous voudriez le savoir ? Vous ne vous êtes pas présentée non plus.

- Nous sommes sur la propriété de la Duchesse Béatrice Catawey.

- Et donc ? Êtes-vous la Duchesse ? Non, je ne pense pas.

- Je pourrais l'être.

- Certainement pas.

- Et pourquoi pas ?

- La Duchesse est une femme d'une cinquantaine d'années, ayant la réputation d'être aigrie, vile et autoritaire. Si vous êtes cette femme-là, sachez, Madame, que vous ne faites pas votre âge.

Ils échangèrent un regard complice avant d'en rire tous les deux. C'était bien la première fois depuis son arrivée ici que Méryl riait ou bien même qu'elle en allait jusqu'à oublier où elle se trouvait. Elle avait quitté la table si abruptement qu'elle ne savait même pas où était James, ni ce qu'il faisait, mais le connaissant, il ne devait pas être très loin de sa chère maman. En revanche, le jeune homme avec qui elle échangeait depuis cinq minutes avait tout d'un plaisantin charmant.

- Je sais ce que nous allons faire, attendez !

Méryl le regardait sans rien rater tandis qu'il déboutonnait son veston, relevait les manches de sa chemise et retira ses bottes, se retrouvant nus pieds comme elle. Sans le moindre effort, il grimpa alors à la base même du tronc depuis laquelle il lui tendit une main. Cette main, à cet instant, était semblait-il tout ce qu'elle désirait : Un permis d'oubli. Une invitation à s'amuser. Une proposition indécente.

- Venez ! Je vais vous tirer, l'invita-t-il confiant

- Et qui vous dit que je ne suis pas lourde ?

- Eh bien, Madame, comme vous avez eu l'audace de me dévorer du regard, sachez que j'en ai fais du même, se vanta-t-il sans crainte, Vous êtes plus menue qu'une brindille à première vue. Vous n'êtes que cachée par...tout vos froufrous et votre dentelle !

«Froufrou» suffit à la faire exploser de rire jusqu'à en pleurer. Elle était là, parlant avec un parfait inconnu comme si elle le connaissait depuis des années et ayant avec lui cette étrange familiarité qu'elle découvrait petit à petit.

- Si vous me lâchez, le prévient-elle en saisissant sa main, Je vous promets de vous faire pendre haut et court.

- Vos désirs sont des ordres, Madame

Et ni une, ni deux, il la tira sans le moindre mal, la déposant presque délicatement à ses côtés, une main sur sa taille. Ils se tenaient là, corps contre corps, front contre front, cachés par des feuillages les dissimulant à la vue de tous. A la vue du monde et aux obligations de chacun.

- Quel dommage, je n'ai point vue sous vos jupons, lui chuchota-t-il dans le creux de l'oreille

- Je ne sais toujours pas votre nom, le relança-t-elle

- Tout comme j'ignore le vôtre, mais faut-il nous en encombrer ?

Il n'avait pas tort. Méryl ne le reverrait probablement jamais après cette délicieuse après-midi pleine de rires. Tout ce qu'elle semblait savoir sur lui n'était qu'une spéculation sur sa tenue, son comportement, mais aussi ses manières. Si douces et pourtant si brusques. Il ne s'était guère entiché de protocoles ou bien de formalités, non. Il s'était tout simplement immiscer dans son monde avec une simple question. Une question c'était là tout ce que cela lui avait demandé.

- Oh, mais que vois-je là ?

Lui attrapant délicatement la main, il la releva à hauteur et remarqua la bague sertie d'une pierre rouge, un rubis, entourant son doigt.

- Voilà que mon secret est découvert, soffusqua-t-elle en riant, Je suis mariée. Qu'allez-vous faire à présent ? Me jeter dans l'herbe comme une mal propre ?

- Nullement. Bien que l'image me paraît plaisante. Je m'interroge. Où est votre mari, Madame ?

- Quelque part...Pourquoi ?

- Eh bien...A sa place, je ne laisserais pas ma femme grimper sauvagement à des arbres, souria-t-il

- Non, vous l'aideriez. C'est pire !

- Mais ainsi je serai certain qu'elle ne court aucun danger, si je peux la tenir contre moi.

D'un mouvement subtile, il la rapprocha de sorte à se plaquer contre elle. Il pouvait sentir sa surprise dans son souffle, mais aussi son amusement dans son ricanement. Elle ne semblait pas vouloir crier au loup comme elle ne semblait pas vouloir le repousser. Elle était simplement à sa merci.

- Vous les hommes êtes donc tous les mêmes au fin de compte. Quelle tristesse. Votre impressionnante masculinité et votre attrait pour chasser la femelle faible et fragile vous aveugle tous, lui murmura-t-elle à son tour, Regardez donc où est placé mon genoux, idiot du village.

Il baissa un instant les yeux et sentit la légère pression exercée par ce dernier contre contre entrejambe. Un seul mouvement suffirait à lui couper toute envie tout comme cela mettrait fin à d'éventuelles générations à venir. Il se recula alors brusquement, la lâchant tandis que Méryl, satisfaite, venue se loger contre une branche imposante.

- Au passage : Ceci est mon arbre, je l'ai trouvé la première.

D'un grand coup de pied contre son torse, Méryl fit basculer son compagnon d'infortune qui partit en arrière et s'écroula à même le sol dans un bruit ne présageant certainement rien de bon pour son dos. Il n'y avait de la place que pour un ici, cela devenait bien trop étouffant.

- Vous êtes si cruelle Madame, lui fit alors ce dernier allongé dans l'herbe

- Ai-je mentionné une seule fois le fait que j'étais gentille ?

Même s'il riait, Méryl pouvait l'entendre grogner de douleur tandis qu'elle le dévisageait fièrement. Sans doute aurait-il mieux valut qu'il lui fasse la courte échelle.

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