💕 CHAPITRE 12 💕

Alors que le jeune couple tardait de finir à discuter, la porte du salon s'ouvrit si abruptement que cela leur arracha mutuellement un sursaut, les interrompant complètement. Il n'y avait qu'une seule personne à ce jour qui pouvait avoir le culot d'entrer dans une pièce où se tenait la Princesse et le Prince sans prendre la peine d'être annoncée avant : la propriétaire des lieux, la Duchesse Béatrice Catawey. Méryl pouvait d'ores et déjà deviner sa colère tandis qu'elle osait la fustiger du regard et s'il n'y avait pas eu James, il était fort à parier qu'elle aurait alors exprimé sa pensée. Hélas, la retenue était de mise en cette fin de matinée.

- Puis-je savoir pourquoi nous nous voyons ici alors que je me suis donnée tant de mal à préparer le grand salon pour vous recevoir ? lança cette dernière.

- Vous avez manqué à vos obligations d'hôtesse, répliqua Méryl sans plus attendre.

- Et je ne vois pas comment. Certes, j'ai été retardée car il y avait beaucoup à faire et un domestique avait fauté. Je n'aurai pu vous recevoir en laissant la faute impunie. Cela vous a-t-il donc contrarié à ce point, Votre Altesse ?

Bien évidemment qu'elle aurait une excuse. Cette femme était perverse, sournoise et bien d'autres qualificatifs peu glorieux pourraient également lui être attribués, mais cela n'en valait pas la peine. Tout ce que Méryl souhaitait c'était d'en finir afin de pouvoir se retirer et s'éloigner au plus vite de cette femme la rendant toujours aussi anxieuse et mal à l'aise.

- Oh James ! Comme je suis heureuse de vous revoir, mon enfant ! Avez-vous fait bon voyage ?

- Mère...

- J'espère que vous au moins, vous comprendrez. Vous savez comme j'ai à coeur que les choses soient...en ordre et comment aurai-je pû pallier à la propre incompétence de mon personnel ? Vous me voyez sincèrement navrée de vous avoir manqué à votre arrivée, mais l'important n'est-il pas que nous nous retrouvons maintenant ?

- Je suis persuadé que vous aviez vos raisons, mais veillez à ce que cela ne se reproduise plus à l'avenir, je vous en serai gré.

- Vous avez la sagesse de votre père, que le ciel soit loué !

La Duchesse, se terrant aux côtés de son fils, jeta un regard à Méryl sans prendre la peine de dissimuler son sourire victorieux.

- J'ai ouïe dire que votre venue a été tristement retardée par l'état de santé de Son Altesse. Vous me voyez peinée d'apprendre que vous ayez été souffrante !

- Je suis parfaitement remise.

- Voyager qui plus est dans de telles conditions, comme cela a dû être éprouvant pour vous. Un domestique serait ravie de vous montrer votre chambre si vous souhaitez vous reposer. A votre âge, la santé doit passer avant toute chose ! proposa la Duchesse en feinéant la gentillesse

Tout ce que cette femme souhaitait été de se débarrasser d'elle. Guère étonnant connaissant le personnage, mais stratège peu habile.

- Il me semble que vous ne m'ayez pas entendue la première fois, répliqua Méryl, donc je vais me répéter. Votre sollicitude me touche, mais comme je viens de le dire...Je suis parfaitement rétablie. Vous ne m'avez probablement pas entendue la première fois dû à votre grand âge !

Dieu seul sait la tournure qu'aurait prit cette conversation s'il n'y avait pas eu James au milieu de la pièce tandis que Méryl soutenue le regard noir de son hôtesse. Elle pouvait aisément sentir son animosité envers elle et quelque part, cela lui rappelait ses jeunes années passées ici.

- Oh vous m'en voyez rassurée ! Savoir que la Princesse se porte aussi bien rassura probablement le peuple du royaume qui s'interrogeait alors sur la venue ou non d'un héritier.

- Mère !

- Ne puis-je partager les pensées inquiètes de votre peuple, Votre Altesse ?

- Le Prince et moi sommes ravis d'apprendre que vous êtes au plus près du peuple, Duchesse. Sans doute comprendrez-vous alors la nécessité de participer cette année encore, aux œuvres de charité. Je ne doute point qu'avec votre grand coeur, vous saurez faire preuve d'une immense générosité à leur égard étant donné votre...proximité ! proposa Méryl

Il était bien connu que la charité était l'une des tâches des nombreuses familles aisées du royaume, dont la famille Catawey, mais le Duché, depuis cinq ans maintenant, avait cessé tout don ou presque. Cela n'était pas passé inaperçu et si Méryl avait désespérément chercher un moyen de faire revenir la Duchesse dans le droit chemin, la Princesse venait probablement de trouver une solution à son problème. Elle ne pourrait revenir sur des mots qu'elle donnerait en présence de son fils.

- Vous pouvez bien sûr compter sur moi, Votre Altesse, lui sourit-elle à contre coeur.

- Heureuse de l'apprendre. Si vous saviez comme cela me rassure que de vous compter parmi nous, Duchesse.

Bien que Méryl peinait encore à comprendre sa présence ici, elle n'en était pas moins ravie du voyage. Il y avait bien longtemps maintenant qu'elle rêvait de donner à la Duchesse la monnaie de sa pièce et elle savait qu'elle ne pourrait jamais le faire au sein même du palais sans provoquer un émoi de la part des nobles alliés de la famille des Catawey. En revanche, ici, sur son propre terrain, elle pourrait s'en donner à coeur joie et lui faire vivre un enfer. Elle pourrait retourner sa maison voir la réduire à néant, pierre par pierre. Mais alors que l'idée séduisante lui traversait l'esprit, le regard inquiet de James la rappela à l'ordre. Il n'avait rien dit depuis tout à l'heure si ce n'était une ou deux exclamations. C'était comme s'il gardait son propre partie, n'essayant de blesser ni l'une, ni l'autre. Malheureusement pour lui, la vie était faite de choix et il était impératif qu'il commence à faire les siens.

- Méryl et moi allons nous retirer car nous devons encore nous préparer pour le déjeuner. Nous vous rejoindrons plus tard, soyez sans crainte, intervint James

- Souhaitez-vous que je fasse ouvrir le cabinet de votre père ?

- Nul besoin. Nous ne comptons pas nous attarder. Si nous le pouvons, nous reprendrons la route dans deux jours.

- Déjà ? Mais vous venez à peine d'arriver !

- Plusieurs affaires...Nous appellent, lui répondit son fils en posant un regard sur sa femme restée en retrait près de la fenêtre.

Il lui tendit la main cette fois et l'invita à le suivre délicatement, mais Méryl hésita. Le faisait-il pour convaincre sa mère ou le faisait-il parce qu'il avait entendu ce qu'elle venait de lui dire juste avant ? Peu importe. Cette main était, pour une fois, la seule chose qui la sauverait d'ici et elle s'en saisit. Ils quittèrent la pièce sous le regard médisant de la Duchesse et Méryl se laissa presque tombée à même le sol si ce n'était pour le bras que James lui offrait.

- Êtes-vous souffrante ? s'inquiéta-t-il

- Je suis simplement fatiguée. Ce n'est rien de grave.

- Pourtant, vous tremblez.

- Ce n'est rien, insista Méryl en se redressant d'elle-même.

Elle aurait dû rester au palais.

Combien de fois s'était-elle dit cette phrase depuis qu'elle avait vu les parois de pierres se dresser devant elle ? Combien de fois s'était-elle vu partir en courant, loin d'ici ?

- Y'a-t-il des choses que vous ne me dites pas Méryl ?

- Cela dépend. Avez-vous l'impression que je vous cache quoique ce soit ? Dans ce cas, vous avez probablement raison de vous fier à votre intuition.

- Je sais que...Vous et moi ne sommes en rien les champions de la communication et je sais...Je sais que je suis probablement la dernière personne à qui vous voudriez vous confier sur cette terre. Néanmoins, si jamais et je dis bien...si jamais vous en ressentiez le besoin, sachez que je suis tout disposé à vous écouter.

- Par moment, vos paroles sont si déroutantes. J'aimerais pouvoir, James, croyez-moi, j'aimerais pouvoir vous croire, croire en vos mots, mais j'éprouve tellement de difficultés à le faire. Je ne sais pas pourquoi. Sans doute ai-je dû mal à croire que soudainement, vous éprouviez un quelconque intérêt pour moi.

- Ce n'est pas soudain, s'empressa de lancer le jeune homme comme s'il essayait de la convaincre.

Or, il savait déjà que Méryl ne le croirait pas car il y avait quelque chose dans son regard qui lui criait qu'il était peut-être trop tard. Du regret ? Du chagrin ? Il ne saurait dire. Mais elle ne le regardait plus comme avant.

- J'ai énormément à rattraper, non, à me faire pardonner, j'en ai conscience. Je l'ai dis et le redis, mais il est vrai que je ne peux effacer ces cinq dernières années et je ne sais pas moi-même pourquoi j'ai attendu aussi longtemps, mais...

- Vous n'avez pas besoin de me convaincre de vos bonnes intentions. Je le sais. Je ne vous ai jamais jugé comme un homme foncièrement mauvais, loin de là. Certes, j'ai ressenti...Beaucoup de choses à votre égard et je crains qu'aujourd'hui, je ne sache simplement pas où j'en suis. Cependant, j'espère que ces mois que nous allons vivre ensemble se passeront paisiblement car c'est là tout ce que je nous souhaite. Nous n'avons pas réussi à vivre ensemble et nous n'avons pas réussi à surmonter nos propres difficultés ensemble...Cependant, nous pouvons essayer de rendre l'avenir un petit peu moins pénible qu'il ne l'a été pour l'un comme pour l'autre.

- Et que faites-vous donc de notre marché ? L'abandonnez-vous ?

- Non. Mais regardez-nous. Nous en sommes réduis à devoir faire cela parce que nous sommes incapables de donner à l'autre ce qu'il souhaite. Il faut se rendre à l'évidence, nous peinons grandement à gérer notre propre couple, si tenté que nous pouvons appeler cela comme ça, alors comment pourrions-nous gérer un pays ?

- Vous voyez le verre à moitié vide quand moi je le vois à moitié plein. Je ne suis pas un utopiste et je ne crois pas en une vie parfaite et harmonieuse, mais je crois en nos forces mutuelles que nous pourrions joindre. Je ne suis pas idiot Méryl, contrairement à ce que vous pensez croire. Je sais des choses. J'ai vue des dossiers entiers passés. Des rapports détaillant chacune de vos actions ces cinq dernières années, mais je n'ai rien dit. Et je continue de ne rien dire. Je sais ce que vous mijotez dans l'ombre quand vous pensez que je ne regarde pas.

- Et que fais-je selon vous ?

Elle l'aidait. Elle-même ne devait pas en avoir conscience, mais à travers ses nombreuses petites actions discrètes, Méryl n'avait eu de cesse de gérer le royaume. C'était comme si, à chacun de ses mouvements, elle lançait une petite pierre dans une marre et dont l'impact fut beaucoup plus grand que ce qu'elle n'espérait.

- Vous dirigez. Vous vous cachez derrière ce titre de «Princesse Casanova» parce que vous ne voulez pas que les gens sachent, mais vous avez aidé tant de mondes. Vous avez soutenue la guilde des fermiers durant la famine qui nous a touché il y a deux ans. Vous avez subtilement changé le règlement de l'armée afin d'accueillir les jeunes gens de tout bords et de tout horizons. Petit à petit, à votre échelle, vous avez apporté tant de changements que vous avez amélioré le pays sans même vous en rendre compte.

- Donc, vous me surveillez ?

- Non. Je ne suis juste pas l'idiot du village que vous pensez que je suis. Je ferme les yeux parce qu'il vous plaît de croire que vous pouvez me berner.

Méryl laissa alors échapper un soupir s'approchant plus du grognement que du soulagement.

- Et là encore vous avez attendu cinq ans pour faire mon éloge ? Décidémment, James, votre timing est vraiment mauvais.

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