💕 CHAPITRE 10 💕
Sur les cinq heures de voyage qui les attendaient, voilà déjà deux heures que le convoi avait prit la route et s'était éloigné du palais ainsi que de la ville. Il n'y avait que l'horrible route abîmée par les récentes pluies et un paysage monotone défilant sous leur yeux. Méryl s'était affalée de son côté du carrosse, laissant James à sa lecture. Ce qu'il s'était passé plus tôt dans la matinée la hantait encore et elle pouvait sentir ses mains entourant sa taille, son assurance dans sa poigne ainsi que le demi-sourire amusé qu'elle eut une nouvelle fois juré d'avoir vu se nicher sur le coin de ses lèvres. Parce que James ne souriait jamais pleinement de peur qu'un malheur lui arrive. Qui sait, peut-être que le bonheur serait contagieux ? La jeune femme soupira, maudissant la banquette d'être si peu confortable et son époux de s'être terré dans son monde imaginaire.
- Vous semblez ravie d'être du voyage, lui lança alors ce dernier sans même la regarder
- Entre rendre visite à votre mère et me pendre, j'aurai préféré me passer la corde au cou.
- Vous savez, Mère s'est de très nombreuses fois inquiétée de votre état de santé. Par deux fois elle m'a demandé de vos nouvelles.
- Oh mais oui ! Je me doute bien que la Duchesse s'inquiète pour moi. Quel dommage que je ne sois pas assez potelée à ses goûts, cela la rassurerait peut-être.
- Méryl...soupira James en refermant son livre
- Je n'ai plus quinze ans, James. Je sais reconnaître les signes quand une personne ne me porte pas dans son coeur.
- Elle a seulement...beaucoup d'attentes vous concernant. C'est une femme ayant vécue toute sa vie dans la tradition et...
- Veuillez cesser ? le coupa-t-elle, Nous savons très bien tous deux que la seule chose qu'elle attends est que je lui offre un petit-enfant sur un plateau. Hélas, il serait temps qu'à son grand âge elle comprenne que pour que cela fonctionne, il faut en théorie être deux.
Elle soutenait son regard en se disant que peut-être, par télépathie, ce dernier comprendrait. Mais James faisait encore semblant de ne pas comprendre. Encore une fois. Habituellement, il évitait soigneusement le sujet, mais il fallait croire que même cela lui était devenu épuisant.
- Dites-le moi si vous êtes impuissant. Je le comprendrais tout à fait.
Le pauvre homme manqua de s'étrangler de son côté au vue de la réflexion qui venait de lui être jetée en pleine figure.
- Croyez-moi, je n'ai aucun problème de ce côté-ci ! s'exclama-t-il
- Comment en être sûr ? Vous ne prenez aucune maîtresse et n'avez pas à coeur de me toucher. Je suis mille fois plus excitée par les histoires de mes clients que par votre silence.
- Méryl !
- Ne soyez pas choqué, cela ne vous sied guère, mon cher. N'est-ce pas naturel pour une épouse que de s'inquiéter l'état de...eh bien, de ce genre d'affaires là ? s'inquiéta-t-elle en le voyant fondre de son côté du carrosse
Si James pouvait se cacher entre les coussins et les couvertures disposés ici et là sur la banquette, nul doute qu'il le ferait volontiers. Malheureusement, Méryl avait lancé un sujet de conversation pour lequel elle éprouvait beaucoup de passion et ne comptait pas en changer.
- J'ignorais que vous aviez à coeur d'accomplir vos devoirs d'épouse ! répliqua le Prince en essayant de se ressaisir.
- Il y a tellement de choses que vous ignorez sur moi que c'est à se demander si vous en revanche, vous faites convenablement vos devoirs d'époux
- Oh mais qui vous dit que je suis un parfait ignorant ? Après tout, je ne suis rien de moins qu'un homme et n'est-ce pas le propre de l'homme que d'être dans un constant apprentissage ? la nargua-t-il à son tour
Méryl se mise à rire. James ? Apprendre ? Il valait mieux entendre cela que d'être sourd.
- Ne viens-je pas de marquer un point dans votre petit jeu ? la piqua-t-il fier de lui-même
- Il n'y a que vous pour tout prendre pour jeu, c'est tout de même incroyable. Comme si tout était une compétition à laquelle il vous fallait vous illustrer et remporter la victoire.
- Alors là, c'est l'hôpital qui se moque de la charité. Vous êtes la première à tout prendre pour une compétition. La preuve en est : Votre petit marché. N'est-ce pas une question de victoire et de défaite nous opposant également ?
- Vous l'avez dit vous même, c'est un marché. Pas un jeu.
- Pourquoi ai-je donc l'impression que vous vous amusez beaucoup plus ces derniers temps ?
Touchée. Coulée.
Méryl savait que James était observateur et que peu de choses lui passaient sous le nez, mais elle ne s'attendait pas à faire l'objet d'une ses nombreuses analyses. N'avait-il donc rien à faire d'autre de ces journées que de la regarder ? De la détailler ?
- Vous vous trompez, répliqua-t-elle plus froidement
- Pourtant, vous souriez. Le problème du sourire, Méryl, est qu'il est une des rares mimiques de notre visage qui est difficile à imiter sincèrement. Le cas contraire se remarque immédiatement et croyez-moi, actuellement, je n'ai de yeux que votre sourire.
- Comptez-vous le nombre de fois où je souris dans une journée ? Vous êtes un grand malade.
- Si je le pouvais, je le ferais. Hélas, je ne vous ai pas toujours à portée. Il faudrait pour cela que vous restiez près de moi, s'appliqua James à détailler en insistant sur chacun de ses derniers mots.
Pendant un bref instant, il la vit rougir et ne put s'empêcher alors de ressentir une immense satisfaction. Rendre Méryl plus inconfortable qu'elle n'était capable de vous mettre, relevait en soit du miracle. Néanmoins et avec attention, James cru avoir comprit comment elle fonctionnait. Elle était peut-être la scandaleuse Princesse Méryl, mais il y avait en elle, cachée au plus profond, une petite fille encore naïve et innocente sur bien des aspects et c'était sur cette même innocence que le Prince comptait appuyer.
- Si je ne vous connaissez pas mieux, je pourrais croire que vous essayez désespérément de flirter avec moi.
- Qui vous dit que je ne le fais pas actuellement ?
- James, soyez sérieux...
- Oh, mais je le suis. Après tout, n'avons-nous pas encore trois heures de voyage à faire ?
- N'avez-vous pas un livre à finir ? Cela avait l'air d'être une lecture passionnante.
- Ne fuyez pas Méryl. Assumez. Vous êtes après tout, la première à avoir lancé sur le sujet.
Se redressant légèrement et manquant de faire basculer le carrosse, James posa une main sur le toit de ce dernier et une autre venue se mettre près du visage de Méryl. Son corps empêchait alors tout mouvement de la part de la jeune femme se retrouvant cernée de part et d'autre.
- A quoi jouez vous pour l'amour de dieux ? s'inquiéta-t-elle en le voyant de si près
- Peut-être devriez-vous vérifier par vous-même que je ne suis pas impuissant.
Elle lui fit les gros yeux, complétée choquée. S'était-il cogné la tête en se levant ?
- Vous rougissez.
- Parce que j'ai chaud ! Vous vous tenez devant la fenêtre, idiot.
- Non...vous rougissez pour une autre raison.
- Ne puis-je donc pas rougir en paix ? s'étrangla-t-elle
Ses yeux parcoururent le carrosse de bas en haut, cherchant désespérément un moyen de se sortir de ce traquenard mais il ne lui laissait aucun espace pour. Il était là, devant elle complètement recroquevillée contre la banquette, tandis qu'il l'encadrait, tout sourire. Puis soudain, Méryl eut une prise de conscience. Ce n'était que James se tenant devant elle.
- Vous bluffez mon cher ! le provoqua-t-elle
- Vraiment ? la corrigea-t-il tout sourire
«Ce n'était que James» se répéta-t-elle alors en espérant voir surgir l'homme venu si maintes fois interrompre ses séances qu'il jugeait scandaleuses et honteuses. Il ne pouvait que de jouer d'elle mais si tel était son désir, Méryl comptait bel et bien lui prouver qu'il ne gagnerait pas un seul point sur son propre terrain de jeu. Elle avait entendu plus choquant que cela. Elle avait été témoin de plus choquant que cela également. Ce n'est pas le corps d'un homme se tenant debout devant elle qui la ferait vaciller. Surtout pas celui de James.
- Dans ce cas, vous m'excuserez, je vais m'attaquer à ce qui se trouve à ma hauteur, commença Méryl en empoignant la ceinture de James
Il lui fallut quelques secondes pour comprendre. Mieux encore, pour réaliser ce qu'elle était en train de faire et où est-ce qu'elle avait posé ses mains. Malheureuse ! Elle n'avait même pas encore enlevé le bout de cuir de la boucle qu'elle sentit une main nerveuse venue l'arrêter dans son geste.
- Je peux savoir ce que vous faites ?
- Il va m'être difficile de m'apercevoir de quoique ce soit si vous gardez votre pantalon, répondit la jeune femme très calmement alors qu'elle réprimait l'envie de lui rire au nez
- Je suis tout à fait à même de m'occuper de mon pantalon.
- Oh vraiment ? Pourtant, vous tremblez.
- Parce que je suis debout et que la route est...impraticable. Ne devrait-on pas envisager de la refaire ?
Méryl ne put alors se contenir davantage et craqua. Son rire se déversa à l'intérieur de l'habitacle sans aucune retenue jusqu'à en avoir la larme à l'oeil. Jamais elle n'aurait cru qu'une telle scène aurait été possible et pourtant...
- Rasseyez-vous donc James avant de vous ridiculiser davantage, lui lança-t-elle, Vous êtes bien des choses, mon époux, mais vous n'êtes pas un séducteur. Pas plus que vous n'êtes un fripon capable de voler la vertu d'une dame dans un carrosse.
- Comment faites-vous ? lui demanda-t-il alors en reprenant sa place
- De quoi ?
- Pour ne pas être choquée ! Vous devez...enfin...entendre tellement de choses ! Cela ne vous gène-t-il dont pas ?
Jusqu'à présent, la question ne s'était jamais réellement posée. Méryl ne s'était demandée si son activité avait quoique ce soit de choquant ou bien même d'outrageant. Elle la faisait avec plaisir car elle savait que d'une manière ou d'une autre, elle pouvait aider. Ce n'était peut-être pas grand chose, mais elle y arrivait. A sa petite échelle. Certes, elle était la princesse, l'héritière au trône, la future reine de ce royaume, mais tout cela lui passait bien au dessus de la tête comparer à ce qu'elle pouvait faire pour les gens venant la trouver.
- Je ne vois pas pourquoi je serais gênée ou bien même choquée. Vous savez, parfois, les gens n'ont besoin que d'une petite oreille. Juste ça. Ils ont besoin d'être écoutés et de vider leur sac. Ils ont besoin de se sentir compris et...Je leur offre tout ça. La majorité des gens qui viennent me consulter ne viennent en réalité que pour avoir une réponse qu'ils ont déjà eux-même trouvés. Je ne fais que la leur mettre sous le nez. C'est pour cela que vous pourrez dire tout ce que vous voulez et pensez ce que vous voudrez de moi...Jamais je n'aurai honte de ce que je fais. Vous les hommes avaient bien des façons de vous montrer digne ou de faire honneur au royaume, nous les femmes devons encore trouver notre propre voie et j'ai la mienne.
Étrangement, James paraissait comprendre. Peut-être qu'il ne l'acceptait pas ou qu'il ne l'approuvait pas, mais il comprenait et pour Méryl, c'était tout ce dont elle avait besoin. Elle n'avait pas besoin de le rendre fier ou de le satisfaire, elle avait simplement besoin, qu'il lui laisse faire ce qu'elle aimait.
- Et pour information, je peux vous paraître timide sur certains sujets, mais ayez l'obligeance de ne pas m'insulter. Après tout, j'ai peut-être un salon de discussions pour vous, mais j'ai également un commerce derrière cela et je ne fais pas que vendre mes conseils.
- Que vendez-vous donc ? Des filtres d'amour ? Cela serait étonnant ! Je ne vous ai jamais vu vous vanter de cela.
- Mon pauvre James, soupira Méryl en le voyant si ignorant.
Devait-elle le lui dire ? Cela ne risquerait-il pas de l'achever ? Probablement, mais elle payerait cher pour voir tout son être se décomposer en apprenant la nouvelle.
- Il n'y a pas que les enfants qui ont des jouets, mon cher. Sachez-le.
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