💕 CHAPITRE 1 💕
Comme chaque matin précédent celui-ci, il y avait encore ce même raffut au sein même du Palais. Une longue ligne de gens, entassés les uns derrière les autres, attendant que les portes du Bureau déignent enfin s'ouvrir. Les domestiques, dans l'habitude, zigzagaient entre les passants, cherchant à se frayer un chemin et espérant qu'enfin, cette vulgaire comédie cesse un jour, mais cela ne dépendait que du bon vouloir d'une seule et même personne : La princesse Méryl. Héritière, bien malgré elle, au trône, la jeune femme ne semblait pas vouloir arrêter de conduire ses affaires au sein même du palais pour le plus grand déplaisir de tous. Chaque journée, de nouvelles personnes venaient et affluaient des quatre coins du royaume car la Princesse mettait un point d'honneur à accueillir quiconque se présentait à sa porte.
Personne ne comprenait d'où lui venait cette obscession soudaine de vouloir se mêler des affaires de coeur du royaume quand l'avenir de ce dernier dépendait entièrement d'elle. C'était comme si elle s'était prise de passion pour les histoires d'autrui, et ce, malgré son propre et catastrophique mariage.
Car oui, la princesse était mariée et cela, personne ne l'ignorait, sauf elle-même peut-être. Ils ne se voyaient guère ou très peu durant des occasions particulières. Ils n'échangaient pas et préféraient très largement s'ignorer mutuellement, mais tandis que le Prince James faisait de son mieux pour tenir le royaume à bout de bras, s'occupant d'affaires qui n'étaient guère non plus les siennes, sa très jeune épouse se prélassait dans un canapé, écoutant récits après récits.
Ils s'étaient mariés sans s'aimer comme ils vivaient sans se désirer mutuellement. Lui avait accepté cela comme un marché en retour de quoi il se verrait obtenir tout ce qu'il désirait et elle l'avait accepté comme étant une punition divine car le mariage était la condition pour pouvoir être, d'ici la fin de l'année, couronnée Reine. Or Méryl n'en avait que faire. De la politique, des finances, de l'Histoire, des traditions, des uses et des coutumes. Méryl, comme toute jeune femme rêvait du grand amour et faute de pouvoir vivre le sien, elle vivait à travers les histoires des nobles et des bourgeois.
Quand enfin, sur l'heure du midi, une pause lui fut permit, Méryl sortit de son propre salon, fatiguée, usée et assoiffée. Elle passa de longues minutes à s'étirer, passant de positions disgracieuses en positions disgracieuses, se mouvant dans tous les sens tel un chat pour enfin rejoindre les jardins dans lesquels une collation lui avait été préparée. Il n'y avait rien de plus important que cela : L'amour et la nourriture. Si elle l'avait su d'ailleurs, elle aurait épousé le cuisinier du palais plutôt qu'un homme dont elle peinait encore à reconnaître la silhouette parmi une foule.
- Encore une matinée fort chargée, Votre Altesse, vous devez vous sentir épuisée.
Lola était ce qui s'apparentait le plus à une amie. Dame de compagnie depuis près de cinq ans, elle faisait partie du cortège du Prince quand celui-ci est arrivé au palais. Etonnament, Méryl pensa plusieurs fois qu'elle devait très probablement être sa maîtresse mais non. James ne lui donnait pas plus d'intérêt qu'il n'en donnait à la fourmi qu'il venait d'écraser sous sa botte.
- Je ne saurais dire. Je ne me sens pas particulièrement fatiguée, mais je dois bien admettre que la journée s'annonce chargée.
- Vous avez aidé de nombreuses personnes encore ce matin ! J'ai même cru voir Monsieur Crampbell ! Madame n'était-elle pas déjà cliente ?
Pauvre Lola. Elle n'avait décidemment rien comprit à ce qu'était une véritable vie de couple. Mais il était vrai que Monsieur et Madame Crampbelle étaient devenus de réels habitués. Elle, venait deux fois par semaine recueillir de précieux conseils quant à son lit conjugal tandis que Monsieur a commencé à venir il y a de cela deux mois maintenant, probablement suite aux efforts fournis par Madame. Bien que cela soit un secret, Monsieur Crampbell s'était trouvé fort content quand Madame Crampbell avait réussi à faire de leur nuit un moment pour le moins...excitant et il cherchait tout bonnement à lui rendre la pareille.
Car si certains clients de la Princesse n'étaient restés qu'aux prémices de leurs amours, d'autres, au contraire, avaient d'ores et déjà bien avancés. La majorité du temps le problème que rencontraient les gens venant la trouver était dû à une mauvaise communication mais il y avait aussi des problèmes d'érection ou d'incapacité à produire un héritier pour la lignée. Ce qui se disait dans le «Bureau» de le Princesse aurait largement de quoi faire rougir plus d'une jeune demoiselle comme Lola, mais pour Méryl, il y avait un petit côté excitant et à la fois pervers que de se savoir mêler de façon si intime à certains. Même si globalement, tout le royaume savait pour l'entreprise personnel de la princesse, personne ne se doutait qu'elle était à même de fournir potions, filtres et petits jouets pouvant pimenter bien des nuits s'annonçant froides. Ainsi, sa réputation de marieuse ou bien même d'héroïne était toute faite. Toute faite, mais guère appréciée. Méryl était la princesse, l'héritière, la fille unique du Roi et par conséquent une jeune dame dès plus respectable et admirée. Or, elle n'avait que faire de ses diverses étiquettes et faisait même tout son possible pour les fuir. Tout comme son mari.
- Avez-vous vu...Son Altesse récemment ? demanda Lola en hésitant
Il n'était pas inconnu par certains domestiques qu'aborder la question du Prince était un sujet fort fâcheux et ils étaient même connu de tous qu'il valait mieux ne pas aborder le sujet du tout. Pourtant, Lola s'y risquait et elle n'eut pour seule réponse qu'un regard détaché et menaçant.
- J'ai terminé de déjeuner, je m'en retourne travailler. Ne prends pas la peine de me déranger. Je te ferais signe si j'ai alors besoin de quoique ce soit, signala la Princesse
Elle ne portait évidemment aucune chaussure, déhambulant complètement pieds nus à même le sol rougeux du jardin. Ses doigts passèrent de fleurs en fleurs et de branches en branches, caressant avec espoir la venue prochaine du printemps. L'hiver avait été particulièrement long et froid et voir les jardins se remplir de nouveau de vie lui fit particulièrement plaisir. Méryl aimait ces jardins comme elle aimait la personne qui les lui avait offert : Sa mère lors de son huitième anniversaire. Bien que la Reine soit décédée depuis une dizaine d'années à présent, la jeune princesse aimait croire que son esprit vivait à travers chaque abeille, chaque oiseau et chaque fourmi venant se poser par ici. C'était là son endroit préféré. Son sanctuaire de paix. Là où elle venait se réfugier après chaque dispute avec son père ou bien chaque silence de son époux. Pendant un temps, elle se souvient avoir cherché son affection, mais hélas, jeune et éprise qu'elle était, rien ne pouvait l'aider à surmonter le mur gigantesque devant lequel elle s'était retrouvée confrontée.
- Votre Altesse.
Plusieurs domestiques la saluèrent, s'inclinant devant elle alors que ses pieds furent recouverts de terre et que le bas de ses jupons fut déchiré de part et d'autres en traversant l'herbe fraîche. Tous avaient prit l'habitude de la voir ainsi. Débraillée. Désordonnée. Comme si tout son être était fait pour ressembler à une de ces fées sortant tout droit d'un buisson. Par moment, il lui arrivait même de revenir avec le corps couvert d'herbe, de feuilles et parfois de boue et cela n'aurait pas été choquant, si la Princesse n'approchait pas de ses vingt ans. Encore aujourd'hui et malgré son corps d'adulte, elle semblait se comporter comme une enfant boudant devoir et responsabilités.
A peine installée de nouveau sur son canapé préféré, prête à se remettre à l'ouvrage, la porte s'ouvrit brusquement mais elle ne le lui adressa pas même un regard. Pas un domestique ne s'aventurerait à la déranger et elle avait dit plutôt à Lola de ne pas s'approcher non plus alors il n'y avait que deux personnes capables de se risquer à ses foudres. L'un deux étant en déplacement diplomatique, il n'en restait plus qu'un.
- Qu'ai-je méfait ai-je encore commit pour vous voir ainsi arriver sans même prendre le temps d'être annoncé ? demanda-t-elle d'un ton plus élevé
Elle n'eut pour seule réponse qu'un silence avant d'entendre le claquement au sol de deux semelles soigneusement collées à une paire de bottes noires dont elle ne connaissait que trop bien le propriétaire. Son regard passa alors de cette même pair au yeux noirs de jais qui la dévisageait sévèrement.
Il pouvait être dit beaucoup de choses sur le Prince James, mais sa beauté naturelle pouvait faire bien des jalouses. De longs cheveux noirs constamment attachés en un chignon bas, un visage aussi pâle qu'un matin de neige et de grands yeux noirs servant probablement d'entrée vers son âme. Si tenté qu'il en avait une car le Prince ne supportait ni l'indiscipline, ni le chaos, ni tout ce qui pouvait faire défaut à un cadre strict et ordonné. En somme, tout l'opposé de Méryl et sans doute avait-elle fait exprès d'accentuer ses plus mauvais traits expréssement dans le seul et unique but de le contrarier.
- Le Palais est encore plongé dans l'anarchie et cela ne peut continuer davantage. J'ai été extrêmement patient avec vous, mais vous devez arrêter de suite votre...cirque.
Et évidemment, ces deux-là ne pouvaient ni se voir en peinture, ni s'entendre.
- Est-ce un ordre que j'entends ? reprit-elle plus calmement, Ne me faites pas rire, voyons.
- Ne vous rendez-vous pas compte de ce que vous provoquez au sein même du Palais ? Pensez-vous vous trouver dans une foire paysanne ? Le Palais royal est un lieu saint !
- Que Dieu me préserve, j'oubliais que je vivais dans un couvent ! Heureusement que votre grande sagesse est là pour me rappeler à l'ordre Mon Père, cracha la Princesse sans retenue.
Il n'y avait aucune émotion bienveillante ou signe de douceur provenant de cet homme. Seulement une conduite stricte et autoritaire. Cependant, James n'était Prince et titré que parce qu'il avait épousé une Princesse et c'était là le seul point qui jouait en sa défaveur et il en avait parfaitement conscience.
- Sommes-nous constamment obligés de nous battre, James ? Nous nous voyons une fois par mois et je n'entends de votre bouche que reproches, méprise et insultes quand vous êtes dans vos bons jours. Cela devient lassant.
- Ne vous comportez pas comme une enfant et alors, peut-être, j'envisagerais de reconsidérer le peu d'estime que j'ai pour vous. Vous êtes une insulte envers votre lignée, les efforts fournis par tous ceux avant vous afin de faire de ce royaume ce qu'il est aujourd'hui. Vous vous donnez en spectacle par simple esprit de contradiction parce que vous n'êtes pas capable de faire autre chose que cela.
Il y avait une part de vérité dans sa méchanceté et bien que Méryl en soit aujourd'hui une habituée, l'entendre de nouveau de vive voix ne lui faisait pas plaisir. A dire vrai, jamais une union n'avait été aussi malheureuse et rien de ce qu'elle pouvait faire, dire ou bien même fournir ne semblait suffisant pour lui.
- Vous êtes d'une gentillesse à couper le souffle, releva la jeune femme
- Et vous d'une gratitude remarquable. Je me tue jours et nuits à combler votre absence, à m'occuper de votre travail et vous prenez tout cela pour un jeu. Un simple jeu. Vous n'êtes digne ni de votre rang, ni de la couronne qui vous attends, maudit-il
- Pour une fois nous sommes d'accord sur quelque chose ! Vous savez ce qui serait juste ? Que l'on me déshérite et que vous preniez une amante.
Ce n'était qu'une vérité parmi tant d'autres. Si James avait une maîtresse, cela ferait maintenant des années qu'il aurait eu un enfant. Un héritier. Héritier que Méryl refusait coûte que coûte de lui donner. Ils n'avaient passés qu'une nuit ensemble, celle suivant leur union et elle avait été tout bonnement horrifique. Bien qu'il ne se soit rien passé entre eux, ils étaient restés enfermés dans la même pièce, s'ignorant pendant dix longues heures. Elle avait tenté de le séduire mais même un tronc d'arbre aurait eu une meilleure réaction que son nouvel époux. A croire qu'il était fait de marbre, comme le disait certaines rumeurs le concernant.
- Vous êtes révoltante ! s'empressa-t-il de dire avant de se détourner d'elle, Comment osez-vous aller jusqu'à baffouer une union sacrée faite devant Dieu ?
- Oh pitié, épargnez-moi cela ! Vous osez me parler d'union sacrée quand vous n'avez même eu le courage d'accomplir votre devoir !
- Je vous demande pardon ?
- Vous m'avez parfaitement entendu ! Vous êtes restés là, dans votre fauteuil, me repousant comme si j'étais la chose la plus dégoûtante et monstrueuse que vous n'avez jamais eu à voir ! Vous vous complaisez dans votre petit rôle de seigneur uniquement parce que vous n'avez pas le courage d'annoncer notre séparation. Honnêtement, James, je suis peut-être une enfant car je m'amuse d'un rien et que je prends du plaisir dans les choses simples de la vie, mais vous...vous n'êtes pas un homme.
Le ton était monté si rapidement que Méryl pouvait encore ressentir sa colère et sa rage stagnant dans les tréfonds de sa gorge. Jamais encore elle n'avait osé lui parler ainsi, lui faire part de ses propres sentiments et émotions car elle était restée persuadée que l'ignorer était une sage décision. Ignorer son existence même ferait de lui qu'un cauchemars de plus parmi ceux qu'elle avait déjà. Malheureusement, les cauchemars disparaissent au petit matin, mais James non.
- Vous voyez, il n'y a pas que vous qui sait dire des méchancetés. Mais sans doute devrais-je vous remercier car vous avez été un exceptionnel professeur durant ces cinq dernières années.
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