Chapitre X - Combattre le Mal - Partie 2



Isaak s'installa à son secrétaire et désigna aux autres des marécages sur la carte de Mendoza.

— C'est à cet endroit même que nous trouverons les Waâ locks et que nous les anéantirons ! lança-t-il avec hargne.

Le militaire se pencha sur la carte et l'examina avec minutie.

— Sauf mon respect, dit-il. Comment pouvez-vous être si sûr que les Waâ locks seront là précisément !

— Je connais fort bien ce genre de monstres aux mœurs nocturnes qui ne sont guidés que par leurs instincts primaires. Les Waâ locks ne se déplaceront que pour se nourrir ou chercher un point d'eau... or cette zone marécageuse et boisée, au nord de Kanji, est le seul lieu où ces bestioles iront car elles ne se risqueront pas de se déplacer en rase campagne où elles seront vulnérables et sans abris pour se cacher le jour.

De ses lèvres pincées, Aalongue laissa échapper quelques jurons.

— Le seigneur Isaak à raison ! Les Waâ locks ne supportent pas le soleil donc ils se terreront en journée dans les profondeurs des sous-bois ou de cavernes ! Ils n'ont peu de choix en fait... soit ils resteront dans les ruines de Kanji ou ils seront dans cette zone tout indiquée.

— Très bien ! lança l'officier froidement. Quels sont les ordres ?

— Il faut immédiatement envoyer des éclaireurs pour tenter de nous donner au plus vite la position des Waâ locks, ainsi que plusieurs cavaliers pour prévenir la population locale du danger qu'elle encourt.

— Je m'en occupe personnellement !

L'administrateur de Mendoza replia la carte avec délicatesse puis la plaça dans une de ses poches.

— Que toutes nos troupes soient prêtes à partir d'ici deux heures ! ordonna-t-il, le visage crispé par une souffrance intérieure.

Aalongue et Gildric furent satisfaits de cette décision, et cela n'échappa pas à l'officier en chef. Dans son regard, on pouvait y lire une ironie méprisante.

— Je me demande si nous serons assez nombreux pour combattre ces terribles monstres ? dit ce dernier, d'un air pensif.

Isaak tapa l'épaule du militaire, en un geste qui se voulait apaisant, puis s'adressa à lui avec détermination :

— Lors de notre voyage, nous traverserons des villages et des citées. Il y a fort à parier qu'en apprenant cette invasion, de nombreux volontaires voudront s'enrôler avec ardeur et dévotion pour nous aider à défendre Isgard. Tous ces hommes grossiront considérablement les rangs de notre armée.

L'officier mit son poing sur le torse puis s'inclina :

— Je vais faire sonner l'alerte de suite... et nos soldats seront prêts à se mettre en marche dans peu de temps.

— Mon seigneur ! dit Aalongue en s'agenouillant. Moi et mon jeune ami voudrions combattre à vos côtés.

Isaak lui fit signe de se relever.

— Toutes les forces sont les bienvenues, sourit-il. On va vous donner des vivres ainsi que des armes, et vous nous accompagnerez !

Lorsque les trois hommes eurent quitté le bureau. L'administrateur de Mendoza retourna à son secrétaire et rédigea une lettre pour expliquer la situation à son souverain. Il la cacheta du sceau royal puis la remit au valet qui attendait, stoïque et silencieux, dans un coin de la pièce.

— Il faut que cette missive arrive au plus vite au roi Kårde !

— Un messager va partir sur le champ ! promit le valet qui s'éclipsa à son tour.

Isaak alla ranger le petit livre d'illustration dans la bibliothèque puis éteignit la lampe à huile qui exhala alors une puissante odeur de graisse. Il se dirigea vers la fenêtre qui filtrait à peine la pâle lumière de la lune pour l'entrouvrir puis regarda la nuit. L'ancien chevalier, qui avait connu tant de combats, était horriblement angoissé. Ce n'était pas le futur assaut contre les Waâ locks qui le tourmentait mais la crainte que cette incursion de ces maudites créatures ne soit que les prémices d'une invasion de plus grande envergure.


°°°


Isgard, dans la campagne de la province Aygon.


Dans l'obscurité et le silence total, entouré de sa troupe de cavaliers, l'extravagant carrosse de l'impératrice de Lanki sillonnait à allure modérée les petites routes de campagne vers le lac Rouge. Le faible éclat de la lune descendante et les reflets des étoiles qui dansaient sur la surface laquée de l'immense tulipe blanche sur roue, la rendaient encore plus étrange et originale qu'elle ne l'était déjà.

À cause de légères secousses, Gladys de Vantimire se réveilla puis vit son garçon, le front contre la vitre, qui regardait à l'extérieur. Il fixait les hautes cimes des arbres qui se détachaient dans la nuit étoilée.

— Tu devrais essayer de dormir un peu, dit Gladys à l'intention de son fils. La route va encore être longue avant d'arriver au port Tanrka.

— Je sais ! répondit Henry.

— Puis ensuite... nous devrons encore voguer quelques jours sur le fleuve Rubis avant d'être chez nous au palais, reprit l'impératrice sur un ton doux.

— Je sais ! répondit à nouveau Henry, toujours sur le même ton.

L'impératrice de Vantimire se frotta rapidement les yeux, épousseta sa robe d'un geste délicat et se rapprocha de son fils :

— Nous avons vécu une atroce et effrayante expérience... si tu as besoin d'en parler...

— Mère, ne vous inquiétez pas pour ça ! coupa le jeune prince. Je vais bien.

— Qu'y a-t-il alors ? demanda Gladys en lui prenant la main avec tendresse.

Henry plongea son regard dans celui de sa mère. Il semblait peiné.

— Ce que la famille Kårde a subi... cette tragédie sur Ania et ces agressions surnaturelles au sein du palais d'Isgard m'horrifient au plus profond de mes entrailles ! Ces forces occultes nous dépassent complètement, et je crains que nous ne puissions rien faire pour les soutenir ou les secourir si d'autres attaques surviennent.

— Il est évident que la sorcière Iorga est aussi puissante que machiavélique. Nous avons été manipulés et nous sommes que de vulgaires pions sur son grand échiquier. Il nous faudra être plus vigilant à l'avenir.

Le prince se renfrogna :

— Nous ne sommes pas une nation guerrière et assez forts pour la combattre... puis nous n'usons pas de la magie !

Gladys se raidit, puis prit une posture déterminée.

— Certes, sourit-elle en serrant les dents. Mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas lutter contre le mal quelles qu'en soit ses formes ! Chacun de nous possède en lui une faculté ou un potentiel, même minime, pour prendre part aux combats contre les nombreux fléaux qui nous guettent...

Les trous et les déformations d'une route cabossée secouèrent avec vigueur le carrosse et surprirent ses deux occupants qui fixèrent simultanément au-dehors.

— Vous avez raison ! reprit henry. Chacun à sa façon peut œuvrer pour le bien et le maintien de la paix. Toutefois, je me demande bien comment nous allons pouvoir aider la princesse Kårde.

— J'ai ma petite idée l'a dessus, lâcha l'impératrice de Vantimire.

Henry fit un bon.

— La malédiction qui pèse sur Ania est impossible à rompre ! Même le grand Argos Morlon ne peut rien faire...

— Il est vrai !

— Alors qu'est-ce que vous pourriez bien faire de plus qu'un mage blanc ou des médecins qui sont dans l'incapacité de faire quoi que ce soit ? se demanda le prince.

— Pour ce qui est du sortilège jeté sur Ania, on ne peut rien faire ! dit Gladys, la voix terne. Mais pour ce qui est de ses yeux qui sont de toute évidence fort malades... il y a peut-être une solution.

Henry resta perplexe :

— Aucun des docteurs qui l'ont auscultée n'a pu trouver une médication ! Ils demeurent tous impuissants face à son cas.

— Encore une fois, il est vrai ! Aucune médecine ne peut soigner la princesse Kårde car celle-ci est atteinte de dégénérescence oculaire.

— C'est ce que vous avez remarqué chez Ania quand vous l'avez examinée avec votre lancetier lors de notre première rencontre ?

L'impératrice de Vantimire hocha la tête puis continua :

— Je suis persuadé que les docteurs l'ont découvert eux aussi, mais ils ne peuvent rien faire... d'où leur silence accablant. C'est comme leur demander de faire repousser une main atrophiée, ils en sont bien incapables !

Henri cligna plusieurs fois des yeux de stupeur et s'adressa à sa mère avec espoir.

— Si vous me dites tout ça ! C'est que vous connaissez un remède ?

Gladys fit une légère moue et pinça ses lèvres pulpeuses :

— Une légende raconte qu'un ancien peuple, vivant dans les profondeurs d'une forêt de Lanky, pouvait vivre éternellement et guérissait de toutes les maladies ainsi que des plus terribles blessures.

— Ce n'est qu'une légende ! souffla Henry en plissant son front.

— Je te l'accorde ! Aucune personne ne peut accéder à l'immortalité. Toutefois, chaque légende à sa part de vérité, gloussa l'impératrice de Vantimire. Ce peuple a bien existé par le passé, et il utilisait une substance naturelle pour soigner de nombreux maux que peut subir un corps tel que les fractures, les plaies ou un organe détérioré.

Henry se rapprocha de sa mère et lui prit ses mains, le regard intense :

— Quel est ce remède ? demanda-t-il, expéditif.

L'impératrice de Vantimire caressa avec délicatesse le visage de son garçon, puis lui susurra à l'oreille :

— Il s'agit du mucus d'Ankilud.

Henry s'enfonça dans sa banquette les bras croisés, le visage déterminé :

— Je n'en ai jamais entendu parler ! Dites-moi en plus.

— C'est une immense salamandre, craintive et extrêmement rare, vivant dans des marais difficiles d'accès pour les hommes. Il y a bien fort longtemps qu'on n'en a plus vue une, et il se raconte que ce batracien géant n'existe plus depuis plusieurs siècles mais je n'y crois pas un instant. Auparavant, l'Ankilud était souvent fort convoitée par les mages ou les sorciers pour son mucus qui a des vertus de régénération impressionnante. Il peut presque tout soigner, et même faire repousser des membres tranchés.

Le visage du prince s'illumina :

— Il y a donc un espoir... on peut soigner les yeux d'Ania !

Gladys secoua la tête frénétiquement.

— Je le pense, dit-elle avec assurance. Toutefois, il faut que je me replonge dans mes vieux archives pour retrouver les cartes qui situaient la localisation des Ankiluds à Lanky. Une fois cela fait, tu devras partir en expédition avec nos meilleurs chasseurs et pisteurs pour trouver cet animal aux pouvoirs prodigieux.

— J'ai hâte d'être au palais puis de partir pour cette formidable aventure ! s'extasia Henry.

— Cela ne sera pas une mission simple ! lança l'impératrice de Vantimire, la mine sérieuse.

— J'ai bien compris toute l'importance de ma tâche et de cette responsabilité qui m'incombe.

Gladys fit un sourire mélancolique à son fils car elle savait bien qu'il risquerait surement sa vie pour la princesse Kårde durant son périlleux voyage au cœur des profondes forets sauvages de Lanky.

— Il est temps de dormir un peu à présent ! La route est encore longue. Nous reparlerons de tout cela sur le bateau.

Le jeune prince acquiesça puis, comme fit sa mère, se calla confortablement sur sa banquette.

Très vite, Gladys et henry sombrèrent dans un profond sommeil tandis qu'ailleurs à Isgard, dans le cœur de la nuit, une terrible bataille contre de malfaisantes créatures se préparait activement.

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