Chapitre 9
J'ai ouvert les yeux en sursautant vivement. Des coups retentissaient contre ma porte, et j'étais prête à parier que c'était Marc. Ça n'a pas loupé, il a ouvert la porte sans même attendre ma réponse et il est entré, suivi d'une domestique tenant un plateau argenté rempli de mets plus appétissants les uns que les autres. Derrière elle, Sophie et Agnès, la couturière, sont entrées en souriant, la première tenant mon voile et mes accessoires, la seconde portant ma robe.
– C'est le grand jour !, s'est exclamée Sophie en souriant avant d'ouvrir en grand les rideaux de ma fenêtre.
J'ai cligné des yeux, à moitié éblouie par la luminosité.
– Et en plus il fait beau !, a enchaîné Agnès.
C'était vrai que la veille, le temps avait été affreux. Il avait plu une partie de la soirée ainsi qu'une partie de la nuit, et j'avais vraiment espéré qu'il ne pleuve pas le jour de mon mariage. Avec ma grande robe et tout le tralala, de quoi aurais-je eu l'air s'il avait plu ?
– Votre petit-déjeuner, Votre Altesse, a alors dit la femme que je ne connaissais pas en me tendant le plateau.
J'avais le ventre noué pourtant j'ai mangé la totalité de ce qui se trouvait sur le plateau. Il fallait que je prenne des forces, sinon je n'allais pas tenir la journée.
Une demi-heure plus tard, Marc était reparti, de même que la domestique et son plateau, et Agnès et Sophie ont commencé à me préparer. Au bout d'une heure et demi, il ne restait plus que Sophie et moi dans ma chambre.
– Voulez-vous que je mette votre peigne, Princesse ?
J'ai hoché la tête et j'ai jeté un coup d'oeil au miroir. Sophie regardait encore mon peigne à cheveux d'un drôle d'air, aussi j'ai demandé :
– Est-ce qu'il y a un problème avec ce peigne, Sophie ?
Cette dernière a sursauté comme si je l'avais frappée et a levé les yeux vers moi.
– Je vous demande pardon ?
– Le peigne, ai-je répété. Est-ce que quelque chose ne va pas ?
Elle a secoué la tête mais je voyais très bien qu'elle mentait, aussi j'ai insisté jusqu'à ce qu'elle m'explique enfin.
– C'est une longue histoire, a-t-elle alors murmuré. J'avais un peigne comme celui-ci, quand j'étais plus jeune, beaucoup plus jeune. Je devais avoir quatre ou cinq ans, peut-être même six. Je ne me souviens plus très bien.
Elle a soupiré, et je croyais que l'histoire s'arrêtait là avant qu'ellene continue :
– Un jour, ma grande sœur a décidé de partir. On avait toujours vécu ici, toutes les deux, avec nos parents. Mais elle en avait marre du château, alors elle a décidé d'aller vivre sa vie en ville. J'avais six ans, elle en avait douze. Elle est partie avec mon père, et comme je savais que je ne la reverrais sans doute pas avant longtemps, je lui ai donné mon peigne à cheveux préféré. Un peigne semblable à celui-ci. C'était il y a trente ans, je ne l'ai jamais revue depuis, mais nous avons gardé contact par lettre. Je sais qu'elle s'est mariée avec un garçon du village, qu'ils ont ouvert une taverne et qu'ils ont eu deux enfants. Aux dernières nouvelles, elle avait donné ce peigne à sa fille aînée. Alors voir un peigne si ressemblant, ça me rappelle un peu ma sœur.
Je suis restée clouée sur place. Le peigne... le peigne qu'elle me mettait dans les cheveux était le sien, c'était indéniable. Je ne connaissais pas la ville par cœur, mais il me semblait qu'il n'y avait qu'une seule taverne qui pouvait correspondre. Et j'étais tombée amoureuse du neveu de ma femme de chambre. Comment était-ce possible ? Une telle coïncidence, c'était forcément impossible, non ?
– Enfin, a soupiré Sophie en posant enfin le-dit peigne dans mes cheveux. C'était il y a longtemps.
Elle m'a regardée tendrement avant de sourire.
– Vous êtes ravissante.
Je l'ai remerciée avant de respirer un grand coup.
Deux heures plus tard, c'était le grand moment. J'ai rejoint Philippe devant les grandes portes du château. Là, un carrosse nous attendait. Nous sommes montés à l'intérieur puis il est parti en direction de la place de l'église.
Chaque seconde qui passait me stressait un peu plus. Je savais qu'Erwan et les autres devaient me chercher dans la foule, et je priais secrètement pour qu'ils soient assez loin pour ne pas me reconnaître.
– Tout va bien, Princesse ?, a alors demandé Philippe.
J'ai tourné les yeux vers lui et j'ai vu dans son expression qu'il venait de m'appeler par mon prénom et non par un titre. Je détestais ce prénom, nom de dieu !
J'ai simplement hoché la tête, ce qui m'évitait d'avoir à répondre. Je n'étais pas certaine que ma voix résiste si je parlais maintenant.
Le carrosse s'est arrêté et la porte s'est ouverte. Nous étions au bout de la place de l'église, il allait falloir la traverser à pieds. J'ai donc jeté un bref coup d'oeil dans les environs. Aucune trace d'Erwan et des autres à l'horizon.
Je suis donc sortie, suivie par Philippe, sous les applaudissements et les cris de la foule. Tous me découvraient pour la première fois, et j'aurais clairement préféré ne jamais avoir à vivre ça.
Nous avons commencé à marcher, Philippe et moi, ma main sur l'avant-bras du prince. Derrière moi, la petite sœur de ce dernier marchait tout en tenant ma traîne. À côté d'elle, trois autres petits tenaient également mon voile et ma traîne. Je ne me souvenais pas de leurs noms, je savais juste que c'étaient des enfants de nobles qui avaient le privilège de servir de demoiselles et damoiseaux d'honneur de la princesse.
Jusque là, tout allait bien. Mes talons ne s'accrochaient pas trop dans les pavés, j'arrivais plus ou moins à respirer normalement malgré le trac. Et puis je l'ai vu.
Il était là, debout au bord de l'allée. Je ne pouvais pas le rater, ni lui ni les autres, et ils ne m'ont pas ratée non plus. Dès qu'ils m'ont vue, leurs yeux se sont écarquillés. Puis Erwan a vacillé et trébuché sur les pavés avant de s'écrouler sur le sol, juste devant mes pieds.
J'ai ravalé mes larmes et continué à marcher le plus dignement possible. J'avais le cœur en miette de le voir là, étalé par terre, devant mes pieds, mais je ne pouvais pas m'arrêter. J'étais censée ne pas le connaître, alors je devais faire comme si.
– Elsa, a murmuré Erwan, un air d'incompréhension totale sur le visage.
C'était dur mais j'ai dû faire comme si je ne le connaissais pas. C'était très dur. J'ai lutté contre l'envie de me retourner, j'ai lutté contre les larmes, contre la douleur, contre la haine qui m'assaillaient. Et j'ai continué à avancer, comme ça, sous les regards hébétés de mes amis, accrochée au bras de Philippe.
– Est-ce que vous allez bien ?, m'a-t-il alors demandé.
Je me suis rendu compte que j'avais crispé automatiquement ma main sur son bras, et que par conséquent, il avait évidemment remarqué que quelque chose n'allait pas.
– Je suis un peu nerveuse, c'est tout, ai-je prétendu.
– Elsa !, a crié Erwan, qui s'était relevé.
Il s'est précipité vers moi mais un garde s'est interposé en l'attrapant brutalement. Il l'a emmené, et j'étais sûre qu'il allait avoir des problèmes. Mais je me débrouillerais pour l'en sortir. C'était la moindre des choses.
– Qui était-ce ? Il avait l'air de vous reconnaître. Et pourquoi vous a-t-il appelée Elsa ?, a alors demandé Philippe.
J'ai haussé les épaules tout en continuant à marcher. J'essayais de calmer ma respiration, mais c'était quelque chose de délicat, surtout dans la situation actuelle.
– Je ne sais pas. Je ne suis jamais sortie du château, il a dû simplement me prendre pour quelqu'un d'autre. Ou alors il a eu une hallucination, avec ce soleil, il a dû avoir trop chaud. Je ne me mêle pas aux gens du peuple, vous savez. Il ne peut pas me connaître, je ne suis jamais sortie avant aujourd'hui.
Il a hoché la tête avec l'air pensif, puis a souri. Nous étions enfin devant les portes de l'église, mon cœur s'est mis à battre la chamade.
Le reste de la cérémonie s'est déroulée comme dans un brouillard. Je me souviens vaguement de m'être agenouillée face à l'hôtel, d'avoir prié, récité mes vœux, puis échangé les anneaux avec Philippe. Cependant, je me souviens parfaitement de la sensation désagréable que j'ai eu lorsqu'il a fallu que mon nouvel époux et moi nous embrassions. Tout d'abord, dans l'église, pour finaliser le mariage devant dieu. Et puis une seconde fois devant les portes, pour que la foule puisse admirer la princesse du royaume enfin mariée.
Bien sûr, je rayonnais. C'est ce que diront tous ceux qui m'ont vue ce jour-là. Mais ce n'était qu'une façade, car au fond, j'étais brisée. Je m'étais mariée avec un homme que je n'aimais pas, tandis que celui qui comblait mon cœur de bonheur avait certainement été envoyé au cachot pour avoir osé m'approcher.
Je me souviens également de manière floue de la réception grandiose donnée le soir. Je me souviens du nombre considérable d'invités, de l'énorme pièce montée. Et puis je me souviens également être montée dans ma chambre. Ma nouvelle chambre.
À présent que j'étais mariée, je ne pouvais pas continuer à dormir dans mon ancienne chambre de princesse. Ou du moins, pas pour la nuit de noce. Aussi, au petit matin, Philippe et moi sommes montés dans la chambre nuptiale, préparée juste pour nous.
J'étais assise sur le lit en chemise de nuit, légèrement gênée, quand il est entré dans la pièce. J'ai aussitôt rougi, n'ayant pas l'habitude que quelqu'un d'autre que mes domestiques me voit en petite tenue.
– Est-ce que vous allez bien ?
Il a semblé remarquer que ce n'était pas le cas car il a souri tendrement avant de venir s'assoir à côté de moi sur le lit.
– Soyez sans crainte, je ne vous toucherai pas, a-t-il alors déclaré d'une voix douce. Sauf si vous me le demandez.
Je suis restée sans voix quelques secondes avant de bafouiller :
– Mais... mais la nuit de noces... mon père... le peuple...
Il a haussé les épaules.
– Ils ne peuvent pas savoir ce qu'il se passe dans nos appartements.
Je dois avouer que j'étais plutôt soulagée. Si j'avais eu peur du mariage, la nuit de noces m'avait carrément fait l'effet d'un ouragan retournant mes viscères.
– Je... je vous remercie, ai-je chuchoté.
– Je vous en prie, a répondu Philippe. Je sais que tout ça est nouveau pour vous, qu'il y a une semaine encore, vous n'étiez pas au courant. Je ne voudrais en aucun cas vous brusquer. Prenez votre temps, et quand vous serez prête...
Il n'a pas fini sa phrase mais j'avais saisi l'idée. Il faudrait bien que le royaume est un héritier ou une héritière, au moins, un jour ou l'autre.
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Hey ! Et voilà ce nouveau chapitre, j'espère qu'il vous plaira ! Plus que six maintenant avant la fin de cette histoire !
Comme d'habitude, je vous remercie de lire cette fiction ! 💖👑
Axelle
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