Chapitre 7

Pour une fois, je n'ai pas eu de problèmes pour sortir du château. Depuis que l'apprenti cuisinier savait qui j'étais, il ne criait plus quand il me voyait. Il me laissait passer comme si je n'étais pas là. J'avais cependant discuté avec lui quelques minutes avant de sortir. J'ai donc appris qu'il s'appelait Alexandre, qu'il avait dix-sept ans, et que lui non plus n'était jamais sorti du château et ne connaissait pas la ville. J'aurais pu lui proposer de venir avec moi, mais j'avais besoin de lui pour garder la porte. De plus, je ne savais pas comment l'intégrer dans mon mensonge face à Erwan et les autres.

Au moment où je refermais la porte des cuisines derrière moi, une silhouette s'est détachée dans l'obscurité. Un garçon attendait, assis sur le bord du trottoir, et il s'est levé en me voyant.

– Elsa !, s'est exclamé Erwan en me plantant deux bises sur les joues, comme la veille.

– Salut, ai-je répondu en sentant mes joues rougir, encore une fois.

– Il faut que je passe chez moi, si ça ne te dérange pas ? Je dois récupérer un truc. Après on rejoint les autres sur la place de l'église.

J'ai hoché la tête. Bien sûr que non, ça ne me dérangeait pas. Sans attendre plus longtemps, donc, nous sommes partis en direction de la taverne.

– Erwan !, a fait son père en souriant. Tu n'étais pas censé aller marcher avec tes amis ?

Il m'a alors aperçue et a souri encore plus.

– Ça alors ! Elsa, c'est ça ? Mon fils m'a beaucoup parlé de toi, depuis l'autre soir !

J'ai souri d'un air gêné tandis que les clients de la taverne tournaient tous leurs yeux vers moi.

– On monte dans ma chambre une minute, j'ai un truc à récupérer. Après on y va.

Il m'a fait signe de le suivre et a gravi les marches de l'escalier, derrière le comptoir. Alors que nous étions au premier étage et que nous nous apprêtions à monter au deuxième et dernier étage, j'ai entendu le père d'Erwan parler à un client assis en face de lui :

– Mon fils a bien choisi, je trouve.

– C'est vrai, a répondu l'homme. Elle est très jolie, je suis sûr que vous aurez de beaux...

La suite de la phrase s'est perdue entre le rez-de-chaussée et le deuxième étage, mais cet échange m'a intriguée. Que voulait dire le père d'Erwan quand il disait que ce dernier avait bien choisi ? Qu'avait-il bien choisi ? Quelle était cette jolie chose ?

– Entre, a alors dit Erwan, me tirant de ma rêverie.

Il avait ouvert une porte et me faisait signe de rentrer, alors je me suis exécutée.

La pièce où je venais d'entrer était la chambre du garçon, c'était indéniable. Elle était meublée simplement. Un lit double à moitié défait trônait dans le coin droit de la pièce, en face d'un bureau en bois et d'une petite chaise. À côté, une armoire qui semblait du même bois que le bureau et le lit se tenait debout, les portes fermées, dont l'une d'elle était à moitié miroir. Entre le lit et le bureau, une fenêtre était entrouverte et laissait voir quelques lumières de la rue.

– Bienvenue dans ma chambre.

Sa chambre était très simple, beaucoup plus simple que la mienne, et beaucoup plus petite. Mais elle semblait plus chaleureuse, plus accueillante. Par comparaison, la mienne semblait froide et hostile.

– C'est magnifique, ai-je soufflé.

Aussitôt, le regard d'Erwan s'est assombri et il a baissé les yeux.

– Je suis désolé, a-t-il murmuré. Je sais que ça ne doit pas être simple, d'être apprentie au château. Je suppose que tu n'as pas ta propre chambre ? Je suis vraiment désolé...

Je suis restée scotchée, ne savant pas quoi dire. Il était désolé ? Mais c'était moi qui devait être désolée ! Il n'avait pas à l'être, sa chambre était parfaite, et s'il avait su quelle était la mienne, il n'aurait jamais dit ça !

– Ne le sois pas. Ta chambre est vraiment parfaite.

Il a souri et a ouvert le tiroir de son bureau. Il a commencé à farfouiller dedans, poussant des soupirs et des exclamations murmurées à intervalles irréguliers.

– Je t'en prie, assieds-toi, a-t-il alors dit en me pointant le lit du doigt. Je ne sais pas où je l'ai rangé... j'en ai peut-être pour un bout de temps !

Il a ri tandis que je m'asseyais sur le lit, posant mes mains à plats sur le bord du matelas. Jamais, ô grand jamais, je ne m'étais assise sur le lit de quelqu'un. Même pas sur celui de mes parents. Le seul lit où j'avais jamais posé mes fesses, c'était le mien. Alors m'assoir sur le lit d'Erwan, sur le sien en particulier, c'était assez spécial pour moi. Heureusement qu'il était occupé à chercher je ne sais quoi dans ses tiroirs, sinon il m'aurait très certainement vue rougir et m'enfoncer dans son lit.

– Et voilà !, s'est-il exclamé au bout de quelques minutes.

Il a brandi devant mon nez un objet minuscule, comme une sorte de petite boîte.

– Je savais que je l'avais rangé quelque part !

– Qu'est-ce que c'est ?, ai-je demandé en levant un sourcil interrogateur.

Il a haussé les épaules.

– C'est à Lou. Je devais lui rendre la semaine dernière déjà, mais j'avais complètement oublié.

Il s'est tourné vers moi avec un sourire triomphant et m'a tendu la main.

– On y va ?

J'ai hoché la tête et nous sommes redescendus. Là, les clients nous ont tous suivis du regard comme s'ils s'attendaient à quelque chose, mais je ne voyais pas quoi. Peut-être s'attendaient-ils à ce qu'Erwan leur montre la si jolie chose qu'il avait choisie et dont parlait son père et le client quand nous étions montés. Mais nous sommes sortis sous leurs regards curieux et nous avons rejoint Jim, Lou, Sabrina et Jacob sur la place de l'église.

– Hey !, a fait Sabrina en nous voyant arriver. On se demandait où vous étiez !

– J'avoue, a ajouté Jacob en souriant d'un air malicieux. Sérieux mec, on se demandait même si t'avais pas osé déclarer ta...

Un coup de poing dans le bras d'Erwan lui a fait avaler ses mots et ils ont éclaté de rire tous les deux. Quant à moi, je ne voyais pas très bien pourquoi ils riaient, ni pourquoi Erwan venait de frapper son ami.

– T'inquiètes pas, a dit Jim en apercevant mon regard perdu. Entre potes, on fait ça souvent. On se frappe, mais c'est jamais bien fort et jamais bien méchant. C'est une manière de plaisanter, si tu veux.

J'ai hoché la tête. Je n'étais pas bien sûre de comprendre en quoi c'était amusant de se frapper, même doucement, mais je n'avais pas été élevée en ville, alors le sens profond de la plaisanterie ne devait pas être mon fort.

– Je vois que ce n'est pas le cas, alors, a ricané Jacob en lançant un regard appuyé à sa petite-amie. J'avais donc raison. Il a pas le cran.

Erwan a rougi et m'a souri bizarrement avant de se tourner vers Lou.

– Oh, au fait, j'ai ça pour toi !

Il lui a tendu la boîte et la fille a souri.

– Il était temps ! Je pensais que tu ne me le rendrais jamais !

Elle a glissé la petite boîte dans sa poche tandis qu'Erwan et Jacob commençaient à se chamailler à propos de dignité masculine. Je voyais d'ailleurs Erwan qui se décomposait à chaque nouveau mot prononcé par son ami, alors je suis intervenue :

– Alors ? Quoi de neuf sinon ?

Ma phrase a coupé court à la discussion et Jacob est resté silencieux, comme figé dans le temps. Mais il a vite repris contenance et a ri :

– Sauvé par ta petite amie !

– Ce n'est pas ma petite amie !, a crié Erwan au même moment où je m'exclamais :

– Ce n'est pas mon petit copain !

Nous nous sommes tous regardés avant d'éclater de rire simultanément. Puis nous avons commencé à nous raconter notre journée, et la conversation a dérivé lentement sur d'autres sujets, pour enfin terminer sur un sujet de filles : le mariage de la princesse.

– Tout le royaume sera convié, on va enfin pouvoir la voir !, disait Lou d'un air rêveur tandis que Jim faisait semblant de vomir.

– Tu seras là ?, a alors demandé Erwan en tournant ses yeux verts vers moi.

– Tout le monde sera là, ai-je répondu en étant parfaitement consciente que ce n'était pas ce qu'il avait demandé.

Mais comment lui expliquer, comment leur expliquer que je serais là en tant que mariée et non pas simple cuisinière ?

J'ai jeté un coup d'oeil à la montre que portait Erwan autour du poignet et j'ai tressailli.

– Mon dieu ! Il est déjà deux heures !, me suis-je exclamée. Il faut que je rentre, je vais être épuisée demain ! Et Philippe va encore me demander pourquoi je...

Je me suis tue tandis que quatre regards interrogateurs se posaient sur moi.

– Qui est Philippe ?, a questionné Erwan.

Vite, il me fallait un nouveau mensonge. Mais à force d'inventer des mensonges pour tout ce qui concernait ma vie, comment pouvais-je être sûre d'avoir une histoire qui tiendrait la route ? Dieu, je réfléchissais trop !

– Le cuisinier en chef, ai-je lancé à brûle-pourpoint.

Je me suis levée précipitamment, et après avoir dit au revoir au reste du groupe, Erwan et moi nous sommes précipités vers l'entrée des cuisines. Il était vraiment gentil à me raccompagner à chaque fois.

– Bon, eh bien, à demain, a-t-il alors dit en posant un baiser sur ma joue.

– À demain, ai-je soupiré d'un air à moitié rêveur.

Je suis alors rentrée, croisant au passage Alexandre, qui gardait la porte. Je suis remontée dans ma chambre, je me suis changée et je me suis couchée. Et, une fois endormie, j'ai rêvé d'Erwan. 


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Salut à tous ! Et voilà ce nouveau chapitre ! J'espère sincèrement qu'il vous plaira !

Comme toujours, je vous remercie de lire cette histoire 💖

Axelle

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