Chapitre 15
Je me suis levée. Maintenant que je n'étais plus enceinte et que j'étais reposée, je pouvais à nouveau repartir en escapade nocturne dans la ville. La présence d'Erwan me manquait trop, j'avais tellement besoin de le voir !
J'ai enfilé mon jean et un t-shirt ainsi que mes baskets, et j'ai souri tandis que mon regard se posait sur mes enfants.
Passant la corde de rideaux par la fenêtre, je suis descendue dans le jardin où je suis allée jusqu'aux cuisines. Là, Alexandre était assis sur une table, à moitié endormi. Il a sursauté en m'entendant marcher et a brandi une poêle :
– Arrière, bande de brigands !
Il a alors semblé se rendre compte que c'était moi et a souri.
– Oh, Princesse, excusez-moi. Je ne vous avais pas reconnue. Il faut dire que cela fait longtemps que vous ne passez plus par ici.
Je lui ai souri gentiment.
– En étant enceinte jusqu'aux dents, il est évident que j'aurais eu du mal à sortir de ma chambre. De toute manière, j'étais bien trop fatiguée. Mais maintenant, ça va beaucoup mieux.
J'ai jeté un coup d'oeil à l'horloge au-dessus des fourneaux. Elle indiquait une heure du matin, ce qui était quand même assez tard pour sortir. Mais je n'en avais rien à faire.
– Je pense que je serais de retour dans une heure ou deux, penses-tu pouvoir monter la garde ?
Il a souri d'un air espiègle et ses yeux ont pétillé de malice.
– Bien sûr Votre Altesse. Comme au bon vieux temps.
– C'est ça, exactement.
Sans attendre sa réponse, je suis sortie et me suis dirigée vers la place de l'église, où se réunissaient toujours mes amis depuis des lustres.
Quand je suis arrivée, il n'y avait que Lou, Sabrina, Jim et Jacob. Ils semblaient d'une humeur maussade, et perturbés. Quand ils m'ont aperçue, ils se sont immédiatement raidis.
– Elsa ?, a murmuré Lou tandis que les autres baissaient les yeux piteusement.
– Où... où est Erwan ?, ai-je demandé, soudain inquiète.
Même si cela faisait plusieurs mois que nous ne nous étions pas vus, lui et moi, je savais que l'état de notre passion restait le même. Nous avions échangé de nombreuses lettres, transmises par Alexandre.
– Où est-il ?, ai-je redemandé d'une voix plus forte tandis que mes amis évitaient tous mon regard.
– Il va partir, a alors lâché Jacob d'un air triste.
J'ai sursauté comme s'il m'avait frappée.
– Quoi ? Mais pourquoi ?
À ce moment-là, Sabrina a levé les yeux vers moi et j'ai été étonnée de ne voir que pour la première fois à quel point elle pouvait être effrayante. Toute la haine et la peine du monde semblaient passer dans son regard, et j'ai reculé, légèrement troublée.
– Pourquoi ?!, a-t-elle craché, elle qui avait toujours été si gentille avec moi. Oh, laisse-moi voir... Peut-être à cause de toi, voilà pourquoi !
– Sabrina, arrête !, s'est écrié Jim. Elle n'y est pour rien, ce n'est pas de sa faute ! Calme-toi !
Mais la jeune fille ne semblait pas vouloir se calmer. Je voyais bien qu'elle écumait.
– Non !, a-t-elle crié d'une voix pleine de colère. Je lui avais dit qu'elle lui briserait le cœur, je le lui avais dit dès le premier jour ! Mais il a refusé de m'écouter ! Et maintenant, il va partir à cause d'elle ! On ne le reverra sans doute jamais ! Tout ça à cause d'elle !
Elle a pointé un index accusateur sur ma poitrine, et je me suis doutée que si Jim n'avait pas bondi pour la retenir, elle m'aurait transpercée de ses doigts.
– Sabrina !, a tenté Lou en faisant un geste apaisant de ses mains. Tu sais bien que ce n'est pas la faute d'Elsa.
– Elle ne s'appelle même pas Elsa !, a hurlé Sabrina, hors d'elle. Je te déteste, tu comprends ? Erwan était mon meilleur ami, notre meilleur ami, depuis l'enfance ! Et tu as tout gâché ! Tu es arrivée, tu as tout chamboulé, et voilà qu'il s'en va à cause de toi ! Notre meilleur ami !
Je suis restée saisie par sa violence. Je savais bien qu'elle avait raison, c'était évident. J'étais apparue un beau soir d'été, contrariée par mon père, et je les avais rencontrés. Mais si je n'avais pas joué les rebelles, si j'avais obéi à mon père comme les princesses se doivent de le faire, je n'aurais pas détruit leur amitié. Et Erwan ne serait pas sur le point de partir.
– Je suis désolée... Je ne voulais pas... Je veux dire, vous êtes mes amis, jamais je ne...
– Non !, m'a interrompue Sabrina, que Jim retenait toujours par les épaules. Tu ne sais pas ce que c'est qu'avoir des amis, tu n'en as jamais eu ! Tu as été élevée seule, et tu finiras seule ! Des amis, tu n'en as aucun ! Je te hais ! JE TE HAIS !
Tandis que Jim la tenait toujours et que Lou et Jacob tentaient en vain de la calmer, j'ai décidé que pas une minute de plus j'allais rester avec eux. Ils me détestaient, il y avait de quoi. Je me suis alors mise à courir en direction du château, les yeux ruisselant de larmes.
Je suis entrée en trombe dans les cuisines, sans même vérifier au préalable s'il y avait quelqu'un, et je me suis précipitée vers le jardin. De là, je suis remontée dans ma chambre où j'ai pris du papier et ma plume. Et j'ai écrit.
Cinq minutes plus tard, j'avais écrit trois lettres, que j'ai posées sur mon lit. Une pour mon père, une pour Philippe, et une pour Sophie.
Me penchant doucement sur les berceaux des jumeaux, j'ai tendrement embrassé le crâne de chacun d'eux. Puis je suis allée directement à ma penderie, où j'ai pris le deuxième jean et les quelques t-shirts qui me restaient. Je les ai enfournés dans un sac à dos qu'Erwan m'avait offert au début de notre relation. Puis j'ai enfilé un gilet par-dessus ma tenue et je suis sortie.
J'ai repassé le jardin ainsi que les cuisines à la vitesse de la lumière, ne prenant même pas le temps d'expliquer à Alexandre ce qu'il se passait. Une fois dehors, je me suis précipitée vers la taverne, où je suis tombée sur Daniel.
– Elsa ?, a-t-il demandé lorsqu'il m'a vue sur le pas de la porte. Qu'est-ce que tu fais là ?
– Est-ce qu'Erwan est là ?
Daniel a hoché la tête en levant les yeux vers l'escalier qui menait aux deux étages.
– Oui, mais...
– Il faut que je le vois, l'ai-je coupé avec une urgence non dissimulée.
Le père du garçon avait l'air plutôt mal à l'aise, et tandis que j'essayais de passer, il m'a bloqué le passage.
– Il m'a demandé de ne laisser personne le voir, toi comprise.
J'ai soupiré. Je sentais les larmes me monter aux yeux, mais je devais à tout prix me maîtriser.
– C'est important. S'il vous plaît. Je dois à tout prix lui parler, c'est une question de vie ou de mort !
Il a dû comprendre que je ne renoncerais pas, et que c'était vraiment important, car il s'est décalé en soupirant.
– Bien..., a-t-il fait. Tu connais le chemin.
J'ai hoché la tête.
– Merci...
J'ai monté les escaliers le plus vite que j'ai pu. J'espérais qu'il n'était pas déjà trop tard.
J'ai tapé à la porte, qui s'est ouverte sur un visage que je ne connaissais que trop bien. Il n'avait pas changé depuis tout ce temps où on ne s'était pas vus.
– Elsa ?, a demandé Erwan d'une voix blanche. Qu'est-ce que tu fais là ?
– Ton père m'a laissée monter, ai-je répondu d'une petite voix.
Son regard noir me faisait peur. Personne ne m'avait jamais regardé avec autant de haine, même pas mon père lors de notre plus grosse dispute, le jour où j'avais appris qu'il voulait me marier.
– Je lui avais pourtant demandé de ne laisser passer personne, encore moins toi, a-t-il marmonné. Qu'est-ce que tu veux ?
Son ton froid a fait couler les larmes de mes yeux et j'ai expliqué :
– Je suis désolée, Erwan. Je suis désolée pour tout ce qu'il s'est passé. Je suis tellement désolée ! Désolée d'être une princesse, désolée d'être mariée à un homme que je n'aime pas ! Désolée de t'avoir embarqué dans mes histoires ! Mais je t'aime, plus que tout au monde !
Il a haussé les épaules. Je voyais bien qu'il se maîtrisait pour ne pas craquer, mais son regard s'emplissait de peine au fur et à mesure que je parlais.
– C'est pour ça que tu fais passer nos enfants pour ceux de Philippe ?, a-t-il craché. Pour ça que tu vis ta vie le jour comme si je n'existais pas ?
Je suis restée saisie par la violence de ses propos. D'un autre côté, n'avait-il pas raison ? Mais cette comédie avait assez duré, c'était d'ailleurs pour ça que j'étais là.
– Je... j'en ai marre de toute cette histoire, ai-je dit. Je veux partir avec toi. Ne nie pas, je sais que tu vas partir. C'est Lou et les autres qui me l'ont dit. Et je veux partir avec toi. Je suis prête à tout abandonner, parce que je t'aime. J'ai écrit une lettre à mon père, une lettre à Philippe aussi. Je laisse tout tomber, je refuse d'être une princesse une seule minute de plus. Je refuse de continuer à vivre cette vie ! Je veux tout recommencer à zéro, je veux m'enfuir avec toi, je veux reconstruire ma vie !
– Et nos enfants ?, a demandé Erwan d'un ton suspicieux.
– Il m'en coûte énormément de les laisser, tu ne peux pas savoir à quel point. Mais j'ai expliqué qui ils étaient dans mes lettres. On ne peut pas partir avec eux, tu le sais aussi bien que moi.
Il a hoché la tête et sa carapace de haine s'est brisée. J'ai lu en lui comme dans un livre ouvert, et j'y ai vu la peine, la douleur, l'amour.
– Je t'aime, ai-je murmuré, les larmes continuant de couler sur mes yeux. Je veux partir avec toi.
Les yeux ruisselant de larmes également, Erwan m'a serrée contre lui pour m'embrasser passionnément. C'était tellement bon que s'en était douloureux.
Il a alors passé ses mains sous mes fesses pour me soulever, et il m'a plaquée contre le mur de sa chambre tandis que je passais mes jambes autour de sa taille.
– Elsa, a-t-il murmuré en collant ses lèvres contre les miennes.
J'ai passé mes mains sous son t-shirt, suivant les lignes de son torse. Il a frémi tout en posant ses lèvres sur mon cou, et j'ai gémi doucement.
– Erwan ?, a alors fait la voix de Daniel depuis le rez-de-chaussée.
Erwan m'a lâchée vivement et je suis retombée sur mes pieds, rouge comme une tomate et essoufflée.
– Oui ?, a répondu le garçon en tentant de masquer son essoufflement.
– On ne va pas tarder à fermer, ça serait bien que tu descendes. Je vais avoir besoin de toi.
Erwan s'est tourné vers moi et m'a fixée de ses yeux verts.
– Tu ne lui as pas dit que tu partais ?, ai-je chuchoté.
Il a secoué la tête.
– Non. Je n'y arrivais pas. Et puis il aurait fallu que je lui explique pourquoi, et je ne pouvais pas lui dire... tu vois ? Je ne pouvais décidément pas lui dire que j'étais tombé amoureux de la princesse, qui est mariée, et que ses jumeaux étaient le fruit de notre passion.
Il a ri mais sans entrain et je l'ai embrassé fiévreusement. Puis je l'ai relâché et il s'est dirigé vers une petite enveloppe blanche qu'il avait posée sur son bureau. Il l'a secouée devant moi.
– Mais j'ai tout écrit dans une lettre. Enfin... Pas que j'étais tombée amoureux de la princesse, évidemment. Il risquerait d'avoir des ennuis s'il savait. Mais je lui explique dans les grandes lignes les raisons de mon départ.
Il a souri d'un sourire triste et a posé l'enveloppe sur son lit. Puis il est allé ouvrir la fenêtre, et j'ai pu voir le haut d'une échelle. Apparemment, il avait vraiment tout prévu.
– Vas-y, a-t-il dit en me pointant du doigt l'échelle. Je te rejoins dans deux minutes.
Je n'ai pas posé de questions, j'ai obéi. J'étais à peine les pieds au sol quand j'ai entendu Erwan passer sur l'échelle et crier :
– Papa ? Tu peux venir s'il te plaît ?
Puis il a fermé la fenêtre et est descendu de l'échelle, qu'il a retirée de la fenêtre pour la poser à plat dans l'herbe. Il m'a alors souri et a pris ma main dans la sienne. Et nous sommes partis, main dans la main, comme si plus rien ne pourrait jamais nous séparer.
************************
Hey ! Et voilà ce dernier chapitre, j'espère qu'il vous plaira ! En tout cas, je suis émue d'avoir terminé cette histoire en si peu de temps. Cependant, c'est pas terminé ! Il y a trois petits bonus qui suivent !
Merci de m'avoir suivie jusque là ! Vous n'imaginez pas à quel point vos votes, commentaires, comptent pour moi. Ça me permet de savoir que je n'écris pas pour rien, et que ce que j'écris a un sens. 💖
Axelle
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top