Chapitre 29
S'il fallait tout recommencer, Idill ne serait pas aventurer avec Piletombe. Il poussa son raisonnement plus loin. S'il n'avait pas suivi le worgen sur ces terres mystérieuses, rien de tout cela se ne serait arrivé. Pire, s'il n'avait pas provoqué Bhohort aux portails du courroux, rien de tout cela n'aurait exister. Il aurait été un bon petit soldat, sans prétention, à exécuter les ordres d'un supérieur quelconque. Il aurait mené une vie sans heurt ni désillusion. Pourtant quand il rouvrit les yeux, il tomba sur une gueule inquiète qui le dévisageait sans dire un mot. Sa tête lui faisait mal, et ses membres semblaient rouillés. Il se souvint alors.
- La guêpe...
- Ne te fatigue pas, elle n'est plus en vie ... répondit le worgen.
Idill ferma les yeux puis les rouvrit brusquement. Il se releva et cria :
- Piletombe ! Piletombe elle est en mauvaise posture, elle ....
Hamza accourra près de lui.
- Ne bouge pas ainsi, tu vas...
Il n'eut pas le temps de le prévenir que la bile aigre lui monta dans la bouche et il vomit. Il toussa, essayant de dégager ses voies respiratoires. Le souffle revenu, il vit Bhohort, assit à coté de lui, les yeux angoissés.
- Que s'est il passé ? Demanda Idill.
- Je pense que tu as fait une mauvaise rencontre... Une grosse bestiole, répondit il
- Il t'a sauvé la vie, informa Hamza.
Le worgen se renfrogna et marmonna dans ses poils quelques mots. Idill le regarda maintenant avec plus de clarté. Bhohort était en lupin, des traces d'une bagarre gisait ci et là sur sa fourrure.
- Tarenn a fait sa part de boulot aussi, rajouta Bhohort.
Idill leva les yeux sur l'Archidruide qui soupira.
- Ce n'était pas grand chose face à votre détermination d'exterminer celui qui avait empoissé notre guerrier...
Il revint sur le worgen qui croisa ses pattes. Il toisait l'Archidruide comme s'il s'empêchait de lui sauter dessus.
- C'est plutôt à nous de te demander ce qu'il s'est passé. Je pensais que tu étais revenu ici, mais quand j'ai débarqué avec mes fruits, tu n'étais pas encore arrivé... Alors Bhohort s'est inquiété et nous sommes partis à ta recherche...
Idill ne dit rien sur le moment. Il était honteux de devoir raconter cela, mais les regards insistants de ses compagnons lui mirent une telle pression que finalement il se lâcha :
- Je me suis éloigné d'Hamza pour suivre Piletombe, nous sommes tombés dans une autre clairière avec d'autres fruits... La goule était contente quand elle s'est figée d'un coup. Alors que je ramassais des baies, elle s'est mise à feuler. Et quand je me suis retourné, elle était là, une énorme guêpe. J'étais parallélisé à sa vue.
- Elle t'avait déjà injecté un venin ? demanda Hamza
- Non...
Idill ferma les yeux. Il respira mal et d'une voix étranglée, il répondit :
- Je suis phobique des guêpes en temps normal, alors devant un tel monstre. J'ai été pris de panique et j'ai succombé à l'effroi. J'étais paralysé... Piletombe a bien essayé de m'emmener ailleurs, mais... Mais j'étais incapable de bouger, mes jambes ne répondaient plus. Alors la guêpe a pointé son dard et je n'ai pas pu m'échapper. Je me suis laissé piquer et je suis tombé inconscient...
- Tu as eu de la chance que Tarenn soit avec nous, dit Hamza qui regardait son mari avec admiration.
- Tu as eu de la chance que nous ayons pu te retrouver vite, renchérit Bhohort énervé...
- Mais Piletombe... Elle était peut être partie te chercher, dit Idill
- Piletombe est morte en te protégeant...
Idill mit quelques secondes à digérer l'information. Puis il bégaya :
- Quoi... Qu'est ce que tu as dit ?
Bhohort écrasa une joue contre sa patte, d'un air songeur il hocha la tête.
- Mais, mais... Je ne voulais pas ... Je suis désolé, je suis tellement désolé !!!
Idill éclata en sanglot et se jeta sur le worgen surpris d'un tel geste de sa part. Il enfonça son visage dans la fourrure abondante et froide. Il sentit la chaleur corporelle du worgen monter pour qu'il ne soit pas blessé par la morsure du froid. Il le serra encore plus, effaçant les sanglots qui lui coulaient sur les joues.
- Tu sais... Dit Bhohort, Ce n'est pas bien grave, elle sera de retour bientôt. Tant que je suis en vie, elle reviendra.
Idill se figea, puis il remonta son visage pour observer Bhohort levant sa gueule vers le ciel. Il était gêné.
- Ho ! Je vois... Je suis un imbécile ...
Il se détacha du worgen, et recula rapidement. Il effaça un geste rageux le reste des larmes qui gisaient sur ses joues rouges de confusion.
- Elle reviendra, et elle s'excusera pour t'avoir embarqué dans cette escapade qui n'aurait pas eu lieu d'être, répondit Bhohort tout en scrutant Hamza
Le prêtre baissa la tête confus.
- Il n'a rien fait, répondit Idill, j'ai pris la décision de suivre Piletombe, c'est moi seul le fautif...
Bhohort grommela puis soupira.
- Mais, je vous remercie de m'avoir sauver la vie... Sans vous, je ne serais plus de ce monde.
- Je... Ce n'est rien, je ne peux que te sauver la vie, et c'est déjà pas mal, finalement.
Idill le regarda se pencher vers le sol, puis il se leva et s'écarta du groupe.
- Il a vraiment eu peur, dit Hamza en se rapprochant d'Idill.
Ce dernier fit venir la Lumière dans ses paumes et la projeta sur le corps du guerrier.
- Tout va bien, il n 'y a pas aucun organe qui a souffert du poison. C'est une chance, dit Hamza.
Tarenn hocha la tête lentement pour approuver les dires de son mari.
- Qu'a t-il fait pour se retrouver dans cet état ? Demanda subitement Idill à ses compagnons.
Hamza regarda Tarenn qui lui répondit.
- Il s'est battu avec bravoure pour vous sauver. Heureusement qu'il était là. Il a été plus réactif que nous...
Bhohort était maintenant près de la cascade, il semblait mirer son reflet.
- Je vois. Je ...
- Tu peux y aller, Dit Hamza comme s'il savait d'avance ce que voulait dire Idill.
Il remercia de la tête le prêtre et l'Archidruide, et alla rejoindre le lupin désespéré. Celui ci était recroquevillé sur une plante qui flottait dans l'eau. Il semblait réfléchir. Idill prit le temps de l'observer. Cela fait si longtemps qu'il ne l'avait pas vu en worgen. Depuis, l'incident. Bhohort faisait des efforts pour se rattraper, bien plus que lui. Il remarqua alors son pelage sale de morceaux d'insecte déchiqueté encore accrochés dans ses poils.
- Voulez vous que je vous lave ?
Bhohort sursauta, et se tendit. Il secoua la tête négativement et plongea ses pattes dans l'eau pour la projeter sur sa gueule en guise de réponse. Idill s'installa à coté de lui, et plongea à son tour ses mains, puis en coupe, il attrapa l'eau et la fit couler sur le dos du worgen. Il chassa d'un coup de main les restes de la guêpe.
- Il m'ont raconté que vous aviez été héroïque...
- Non... J'ai été une brute sanguinaire qui a laissé, encore une fois, la folie s'emparait de moi.
Il resta quelques secondes silencieux, puis reprit :
- C'est pour cela que je ne voulais pas que tu t'entiches de moi. Mais... Tu es comme une sangsue, tu t'accroches trop... aux gens.
Idill resta lui aussi silencieux, il sentait que Bhohort allait se confier. Il le laissa s'exprimer.
- Quand nous nous sommes séparés après la bataille contre le roi liche. J'étais considéré comme un paria. J'ai été le premier homme à être découvert comme worgen. Les autres étaient encore à Gilnéas, tranquilles. Alors, je me suis comporté comme un paria. J'ai fait des choses que je n'aurais jamais du faire. Des... Massacres. On m'employait pour ma férocité, ma sauvagerie était reconnu auprès de mes "pairs". J'étais surnommé le "Boucher" dans le milieu. Tu n'as jamais eu vent de cela ?
Idill hocha la tête négativement.
- Voilà ce que je te cachais depuis longtemps. Ma sauvagerie était connue dans le milieu perfide des mercenaires. Quand je t'ai revu dans le camp à Hurlevent, je ne voulais pas te reconnaitre. Je ne voulais pas que tu vois ce que j'étais devenu. Mais... Thassarian, ce maudit ... Il a insisté pour que... Je sorte de cet enfer. Cet appel, je n'aurais jamais dû y répondre et j'aurai continué à...
- A être un "boucher" ? Vous êtes tellement plus... Monsieur...
La voix d'Idill était haut perchée et sifflante. Il n'arrivait plus de se contenir. Les larmes étaient revenues, et il se mordit la lèvre inférieure pour essayer de les contenir.
- Vous avez souffert dans votre coin, j'aurai dû partir à votre recherche quand vous avez disparu. J'aurai du faire comme Tarenn... Vous soutenir.
- Mais non ! Nous n'étions rien à l'époque ! Juste...
- Des camarades ? Des alliés ? ... Dès que je vous ai vu, monsieur, j'ai ressenti quelque chose que jamais je n'avais ressenti auparavant ! Vous m'intriguiez, vous étiez un mystère, vous étiez... bel homme ! Je... ne savais pas à l'époque, mais je vous aimiez déjà.
Il laissa les derniers mots suspendus entre eux. Sa lèvre tremblait maintenant. Il était contracté et il n'arrivait toujours pas à contenir le chagrin qui le submergeait.
Le worgen baissa ses yeux sur les poings fermés d'Idill.
- Et donc, pour vous... Je n'étais qu'un de ses soldats envoyés vers la mort ? Je n'étais que cela ? Chuchota t-il
Bhohort se pencha et attrapa les deux mains d'Idill. Il releva la gueule en même temps que lui. Ses yeux brillèrent du même éclat blanc que la première fois qu'il l'avait vu.
- Non... Non, tu étais plus que cela, mais je ne savais pas ce que je ressentais pour toi. Tu m'avais tellement subjugué avec ton combat, j'étais curieux sur toi, je voulais même... faire des choses avec toi, parce que... Akan lui le faisait bien avec Hamza. Mais, je n'ai rien fait, j'ai juste fantasmé sur toi... Et puis il y a eu la bataille du portail du courroux. Et ma transformation.
- Je n'ai jamais eu peur, vous le savez, n'est ce pas ?
- Oui... Tu as été le seul à me défendre lorsque cela s'est produit. Et ...
- J'aurais dû vous accepter, tel que vous êtes. Vous êtes une chevalier de la mort et un worgen. Mais...
Bhohort baissa encore plus la gueule et la posa pratiquement sur les genoux d'Idill.
- Oui, mais pour toi, j'aurai dû me contrôler, et c'est pour cela que je n'aurai jamais dû chercher à avoir ton amour, parce que je suis un monstre... Et que je ne changerais pas de si tôt.
Idill écarta ses bras pour attraper le corps volumineux de Bhohort. A son tour, il se pencha sur le worgen, et l'étreignit doucement. Depuis le début, ils s'aimaient tous les deux, mais la vie leur avait joué un mauvais tour. Maintenant il fallait qu'ils s'apprivoisent de nouveau.
- Alors je vous aimerais tel que vous êtes, Monsieur, et nous apprendrons ensemble les choses de la vie...
Bhohort se glissa hors de son étreinte, et le regarda confus.
- Comment cela ?
- Hé bien...
Idill se mit à rougir violemment.
- Tu me pardonnes ? Demanda Bhohort incertain
- Nous pouvons dire cela comme ça...
Bhohort se recula, incrédule, puis ses babines s'ouvrirent d'un coup, laissant apparaitre un large sourire, qui semblait sincère, mais en même temps carnassier.
- Ne ... Pouvez vous pas vous retransformer en humain, demanda timidement Idill
- Je ne peux pas...
Le guerrier fronça les sourcils,
- A moins que vous acceptiez que je me trimballe à poil tout le reste de la journée... J'ai déchiré mes vêtements quand je me suis transformé, et du coup...
- Vous n'avez pas pris le temps de les enlever ? Mais habituellement, ils ne se déchirent pas !
Bhohort se frotta l'arrière de son crane, et répondit :
- Oui, mais habituellement, j'ai mon armure et elle a été enchanté pour s'adapter à mes transformations, et ceux que j'ai pris, ce sont que de simples vêtements...
Idill plaqua sa main devant sa bouche, il sentit monter un rire incontrôlable.
- Quoi ? Demanda Bhohort inquiet.
Idill explosa de rire quand l'image du chevalier vint s'imprimer dans son esprit, se promenant nu dans la clairière, avec son sexe se balançant aux rythmes de ses pas.
- Hé ! Ne te moques pas de moi !
- Monsieur, non... Je me moque pas de vous, j'ai juste une image qui est apparu et...
Idill se mit à pleurer de rire. Tous ses sentiments se mélangeaient. Il était heureux, inquiet, furieux, mais il l'aimait. Oui, il aimait Bhohort, l'humain et le worgen, maintenant il en était certain.
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