- Prologue -
Rêver du Prince Charmant, en quoi cela consistait, exactement ?
Tout d'abord, c'était d'imaginer un bel et charmant homme, dans une tenue datant du Moyen-Âge, sur un cheval aussi blanc que les dents d'une star. Ensuite, c'était fantasmer des scènes romantiques tellement niaises que ça ferait fondre un marshmallow. Enfin, c'était penser à une vie amoureuse tout à fait impensable et impossible dans la vraie vie.
Qui pouvait bien rentrer dans cette catégorie au-delà de ses dix ans ? Eh bien moi, tout simplement.
Oui, je rêvais de ce mec à froufrous en collant. Pourquoi ? Je ne savais pas trop, moi non plus. Tout ce que je pouvais affirmer, c'était que j'avais rêvé de lui durant la nuit de mon dernier anniversaire, le 31 décembre – oui, j'étais née le jour du Réveillon –, pour la première fois. Ma grand-mère m'avait offert un attrape-rêves pour mes quatorze ans. Elle m'avait expliqué que, depuis des années, on offrait cette amulette lorsque l'aînée fêtait son quatorzième anniversaire – mon père n'avait donc pas pu l'obtenir, puisqu'il était un garçon.
Cette tradition vit le jour en 1826, lorsque mon arrière-arrière... Mon ancêtre – c'était plus simple de l'appeler comme ça – se trouvait en Amérique pour un voyage d'affaire très important. Il venait voir si sa mine d'or se portait bien et, surtout, si elle lui rapportait beaucoup. Bon, je ne vais pas rentrer dans des détails longs et affreusement chiants ; donc, pour résumer : mon aïeul se promena au marché du coin, trouva le fabuleux attrape-rêves, se dit : « Mais quelle beauté ! Voilà un cadeau digne de ma fille, qui aura bientôt quatorze ans ! », l'acheta et le donna à celle-ci. Voilà.
J'avais vérifié. Il n'y avait pas de « Made in China », ou un truc du genre, marqué dessus. Sérieux, il était authentique ! J'avais aussi regardé sur internet des images d'attrape-rêves datant de la même époque : aucune différence. En plus, celui que m'avait offert ma grand-mère était poussiéreux et vieux, mais assez bien conservé.
Je l'avais accroché le soir même près de mon lit, car j'avais lu, quelque part, que cet objet servait à filtrer les bons des mauvais rêves – comme son nom le précisait. « Autant que ça me serve. », m'étais-je dit, sans prise de tête. Et c'était là que j'avais rêvé de lui. Oh, ce fut plutôt sobre : un garçon de mon âge – en même temps, je n'allais pas fantasmer sur un vieux de quatre-vingt-dix ans – m'accompagnait lors d'une promenade, près d'un lac, en pleine campagne. Nous étions tous deux vêtus d'habits moches – qui me grattaient, en plus.
Par contre, son visage était flou. Toujours. Je ne comprenais pas pourquoi. C'était quand même dommage de ne pas savoir à quoi ressemblait le gars qu'on imaginait toutes les nuits ! Donc – sûrement par manque d'imagination –, je dus me résoudre à le créer pièce par pièce : je me mis en tête qu'il était semblable à Leonardo DICAPRIO dans Titanic, aussi adorable que Jack BLACK dans The Holiday, aussi intelligent que John TRAVOLTA dans Phénomène et aussi drôle qu'Omar SY dans Intouchables.
Quitte à rêver de quelqu'un, autant qu'il soit parfait.
M'enfin bref.
Je me souvins que, lorsque j'étais gamine, moi, je ne pensais qu'à avoir des supers-pouvoirs, alors que mes camarades ne rêvaient que de leur Prince Charmant. En gros : j'étais déjà à la bourre dans ce domaine-là. Peut-être qu'à soixante-dix ans, je m'imaginerais devenir une vedette, qui sait ?
En attendant, c'était vraiment cool de rêver. Par exemple, nous pouvions créer un endroit où nous étions tranquilles, un monde où nous étions les souverains de royaumes enchantés, une histoire dans laquelle nous tirions les ficelles de pantins dont nous inventions les destins, un univers où nous étions nous-même.
Par contre, je voyais – malheureusement – des aspects négatifs à rêver tout le temps, comme ne pas être assez fort pour affronter la réalité, la société, la vie en face ! Ou encore, en être déçu. Je trouvais ça dommage et frustrant.
En tout cas, lorsque j'étais aux côtés de ce Prince, je m'amusais bien. D'ailleurs, si je le voyais en vrai, par un hasard totalement miraculeux, je serais relativement heureuse. Enfin, peut-être. « Ne vendez pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué. », disait-on. Donc, je ne devais pas acheter un bonheur avant de l'avoir vu et examiné sous toutes les coutures possibles.
Mais... C'était vrai que j'aimerais le voir. Beaucoup, même.
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