- Épilogue -
[MANON]
« Adrien.
- Quoi ?
- Pourquoi t'as adopté ce chat, déjà ?
- Zéphir ? s'étonna-t-il.
- Oui. Ce démon. », affirmai-je en croisant les bras.
Il sourit, tentant de retenir un fou rire, imaginant certainement la pire des atrocités qu'il pouvait commettre, et demanda enfin :
« Qu'est-ce qu'il a fait, encore ?
- Rien, à part foutre le bordel dans les cartons et pisser dans les plantes du jardin. Mais sinon, tout va bien. D'ailleurs, en parlant de Satan... », déclarai-je, désignant la boule de poils qui atterrit sur le canapé, à côté d'Adrien – il réclamait encore des caresses, ce bougre !
Adrien se contenta de soupirer et de gratouiller la tête de Zéphir, qui ronronnait d'aise.
« Je me sentais seul, avoua-t-il.
- Et avoir un emmerdeur vingt-quatre heures sur vingt-quatre te rend la vie plus agréable ?
- Exactement.
- Je ne te comprendrai jamais. », admis-je, avant de retourner à des préoccupations plus importantes : les cartons du bureau.
Alors que je comptais retourner dans cette pièce, j'entendis Adrien recevoir un message et celui-ci, après l'avoir lu, m'informa :
« Lucas pourra venir nous aider pour le déménagement.
- Ah bon ? Il n'a plus peur de ton frère ?
- C'est surtout que je ne l'ai pas prévenu.
- Allons bon, c'est du joli, ça ! m'exclamai-je. Et ton frère, il le sait ?
- Bah...
- Tu sais qu'ils vont pourrir l'ambiance ? Heureusement que Louise et Charlotte pourront venir et apporter de la gaieté, malgré leurs emplois du temps de ministres !
- N'exagère pas, non plus, répliqua Adrien. Pour Louise, je veux bien croire qu'être développeuse peut remplir un agenda, mais Charlotte et son blog d'illustratrice, ça m'étonnerait.
- Elle a reçu une grosse commande. Pour ton livre, en plus. »
Sur mes paroles, alors qu'il n'était rien d'autre qu'une pauvre larve échouée sur le canapé du salon, Adrien se mit sur ses deux pieds, la bouche en « O ». Après tout, il y avait de quoi ; son livre Chrysalide serait éditée dans un peu moins d'un an, le temps de régler les papiers et le bordel qui suivait. Qu'est-ce qu'il était heureux, quelques mois auparavant, lorsque le premier coup de fil de la maison d'édition retentissait dans toute la maison. Un vrai gamin le matin de Noël ! Il me répétait sans cesse : « L'éditrice a adoré le concept et le membre du Comité de Lecture aussi ! Elle veut me voir le plus tôt possible ! Tu entends ça, Manon ? Le plus tôt possible, mais c'est fabuleux ! Grandiose ! Génialissime, même ! ». Vu son histoire, ça ne m'avait pas haussé un sourcil : un transsexuel au XIXème siècle à la recherche d'une identité, ça ne pouvait qu'être intéressant – du moins, si tous les problèmes d'acceptation que cela engendrait étaient parfaitement exploités et approfondis ; pas un problème pour Adrien.
Il ne bougea pas, certainement rêvassant de nouveau sur son roman, puis il finit par articuler lentement :
« Faudra que je la remercie.
- Tu peux t'occuper des cartons de la chambre, s'te plaît ? », l'ignorai-je, trop préoccupée par le remue-ménage que nous allions provoquer la semaine prochaine, de retour dans le bureau.
Ses pas m'indiquèrent qu'il se dirigeait vers l'endroit où se trouvait le « Cataclysme Z ». De Zéphir, ce satané animal ! Et bien entendu, je lui reléguais le sale boulot – c'était son chat, pas le mien ; notre relation chat-humaine n'avançait pas dans le bon sens, et ce depuis deux ans. Un fort grognement distinct parvint à mes oreilles et je pouffai de rire.
« Manon ! m'appela-t-il de toutes ses forces. C'est quoi, ce truc ?
- Quel « truc » ? m'égosillai-je à mon tour.
- Mais le machin, là, sur le lit !
- Je te rappelle qu'il y a un beaucoup de « machins » sur le lit ! Sois plus précis !
- C'est un... un... Merde, mais je le sais, en plus ! »
Il marmonna dans sa barbe, sa voix à peine audible, et ce ne fut que cinq minutes après que la lumière se fit dans son esprit :
« Un attrape-rêves ! hurla-t-il, fier. Le bidule, c'est un attrape-rêves ! »
Dès qu'il acheva sa phrase, je m'élançai à toute allure dans le couloir pour terminer ma course dans la chambre, où j'aperçus un homme aux cheveux noirs trop curieux à mon goût. Il portait l'objet en question.
« Laisse, c'est à moi.
- Je m'en doute, répondit Adrien, mais il a l'air tellement vieux que je voulais savoir s'il fallait le jeter.
- Bien sûr que non ! Lâche ça ! »
Je lui arrachai des mains cette antiquité, sous ses yeux ébahis.
« C'est un cadeau de ma grand-mère, lui expliquai-je, énervée. Donc, pas touche, Babouche !
- Babouche ?
- Il me fallait une rime. En attendant, ne pense plus jamais à mettre ça aux ordures ! C'est le dernier souvenir qu'elle m'a laissé. »
Nous nous regardâmes, les yeux dans les yeux, aussi joyeux qu'un zombie. Adrien brisa la glace, soucieux :
« Désolé. »
Je ne souris pas. J'étais simplement un peu calmée.
« Il y a une autre raison, aussi, indiquai-je, mes iris rivés vers le poussiéreux attrape-rêves.
- Laquelle ? »
Je réfléchis quelques instants à une phrase claire et précise, puis révélai, un peu plus ravie que tantôt :
« Pour que notre enfant puisse rêver d'un Prince, d'une Princesse, ou bien d'autre chose... Qui sait ? »
FIN.
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