- Chapitre 7 -
« Sapés comme jamais, sapés comme jamais de jamais ! Sapés comme jamais, jamais ! Sapés comme jamais, sapés comme jamais de jamais ! Sapés comme jamais, jamais ! », hurla mon putain de réveil, m'arrachant de mon sommeil de moineau.
Je me dépêchai de l'éteindre au plus vite. Mais pourquoi je venais d'être réveillé par Maître Gims, au juste ?
« JÉRÉMIE ! RAMÈNE TA FRAISE ICI ! »
Je l'entendis détaler comme un lapin et ouvrir ma porte, tranquillement, un large sourire sur son visage.
« Quoi, mon grand frère chéri ? »
Espèce d'escroc.
« Tu sais très bien pourquoi je t'ai appelé.
- Oh pitié ! On dirait que tu vas m'annoncer que j'ai commis un crime !
- Presque ! Tu as OSÉ changer la radio qui doit me réveiller tout en douceur le matin et mettre ta bouse à la place !
- Excuse-moi, mais Virgin c'est bien mieux que Nostalgie ! »
À force de crier, ma mère intervint et nous ordonna d'aller prendre le petit-déjeuner. Nous nous installâmes à nos places quotidiennes et mangeâmes.
« Au fait, Maman, commençai-je la bouche pleine, la boxe débute quand ?
- À la rentrée.
- Et l'équitation ? C'est quand que je m'inscris ? », demanda Jérémie à son tour.
Franchement, mon petit frère était un enfant de onze ans spécial. Il adorait les trucs de filles : les dessins animés de filles, les séries américaines de filles, les films de filles, les sports de filles et les stars de filles - genre Justin Bieber.
Je pensais très sérieusement qu'il était homosexuel.
« On peut y aller tout à l'heure, si tu veux, répondit ma mère sachant qu'il n'allait pas le lâcher avec ça.
- OUAIS ! »
Au moins, il ne nous cassera plus les pieds avec ça.
Pendant que mon frère courait partout, trop heureux pour manger calmement ses céréales, j'en profitai pour terminer de croquer ma pomme et d'avaler mon bol de lait tout en calculant la durée du trajet pour aller « là-bas ». Mon combat était à onze heures et, en considérant l'itinéraire qui comptait quarante minutes de route - ce n'était pas dans notre ville -, j'avais exactement vingt minutes pour...
« Je vais à la douche. », chantonna Jérémie avant de s'enfermer dans la salle de bains.
Oh, l'enfoiré ! J'avais oublié que mon frère possédait deux supers pouvoirs bien distincts : manger plus vite que son ombre et me faire chier quand il ne fallait pas.
J'avais donc supplié ma mère d'exiger à ce petit effronté d'ouvrir la salle de bains, ce à quoi il avait répondu : « Si tu veux te faire beau à ce point, c'est à cause d'une fille, nan ? ».
Ma mère me regarda, avec des yeux rieurs.
« C'est vrai ? Tu as une petite amie ? », s'enquit-elle immédiatement, oubliant que la salle de bains devait s'ouvrir.
Jérémie avait aussi la capacité de manipuler mes parents lorsqu'il le souhaitait - comme tous les petits frères du monde, de toute façon. J'aimerais bien donner un exemple, là, tout de suite, mais... y en avait trop pour que je n'en choisisse qu'un seul.
« Non, je n'en ai pas. Maman, tu peux lui dire d'ouvrir la porte pour que je puisse me brosser les dents, s'il te plaît ?
- Jérémie, ouvre ! récria ma mère. Ou on ne va pas t'inscrire à tes cours d'équitation !
- Mais euh ! C'est pas juste ! », se plaignit-il, en tapant du pied.
Il ouvrit la porte, torse nu, et me laissa rentrer. Trop aimable.
« Dis, dis, est-ce que t'as vraiment une copine ? revint mon frère à la charge dès que notre mère était retournée à son petit-déjeuner.
- Ce n'est pas tes oignons.
- Ça fait quoi d'embrasser une fille ?
- J'sais pas.
- Elle va venir nous voir, Paula ?
- Non.
- Pourquoi ?
- Parce que. »
Ayant enfin compris qu'il m'énervait, Jérémie se concentra sur son shampoing et moi sur mon brossage de dents.
Quand est-ce qu'il allait l'oublier, celle-là ?
•••
Je venais de rentrer que des personnes, que je ne connaissais pas, me souhaitèrent « Bonne chance ! » et s'en allèrent aussi vite qu'ils étaient apparus. Bande de trous du cul. Cet endroit était toujours pareil et ça puait la drogue, le sexe, l'alcool et surtout le fric.
« Adrien, t'es là ! s'exclama une voix, derrière moi, que m'était familière.
- Marc, salut !
- Grouille-toi de te changer. Le combat est bientôt terminé.
- D'accord, j'y vais vite ! »
Je partis en direction de ce qui nous servait de vestiaires. Malgré la perte de temps causée par mon abruti de frère, j'avais quand même réussi à arriver dix minutes en avance. Exploit du jour.
Après m'être changé, je retournai dans la salle du ring et remarquai que le combat d'Axel et Tom n'était pas encore fini. Je m'assis dans un coin, en hauteur, et observai les autres. Ils semblaient différents alors qu'ils avaient un point commun : l'argent. Ils étaient tous amoureux de l'argent. Tous. Sauf moi et Marc.
Marc avait des dettes, à ce que j'avais compris. Moi, ce n'était pas ça, mon problème que j'essayais de régler en venant ici. C'en était un plus...
« Tom est déclaré vainqueur ! », déclara l'arbitre, qui se nommait Patrick, en levant le bras du gagnant tandis que Axel était collé au sol, ne pouvant plus se relever.
... immonde.
•••
Bien sûr que j'avais gagné. Comme d'habitude. C'était tellement agréable de se sentir fort. Et pas l'inverse. Ses poings s'écraser sur le corps de l'abruti en face de moi. Et pas l'inverse. Le voir s'affaiblir petit à petit. Et pas l'inverse. Être le dominant. Et pas l'inverse.
La base même de la puissance. J'en avais appris un rayon, depuis le temps.
Sur ma 50cc, je regardai la route défiler à toute allure sous mes roues. Il était dix-neuf heures et le Soleil ne voulait pas s'en aller.
J'avais déjeuné avec Marc et passé l'après-midi à m'entraîner avec lui. Je ne ressentais plus aucun de mes muscles et c'était ça qui était génial. Cela montrait le résultat de mes efforts. Mes nombreux efforts. Incalculables. Durs. Épuisants. Gratifiants. Cela faisait deux ans. Deux putains d'années depuis cette époque.
•••
« Adrien, c'est toi ?
- Oui, Papa !
- Où étais-tu ?
- Avec des copains, mentis-je facilement.
- Et des copines ? s'immisça mon frère dans la conversation.
- Des copines ? Comment ça ? demanda mon père, perdu.
- Bah, ce matin... »
Je plaquai ma main moite sur la bouche de mon stupide frangin tandis que celui-ci tentait de s'enfuir. Peine perdue, moucheron.
« Grneknfcdp ! »
Il essayait désespérément d'enlever ma main dégueulasse de sa bouche si bien entretenue avec de la crème hydratante. Pauvre petit chou !
Profitant de l'absence totale de mon père, qui était passé à autre chose - une chance pour moi -, je kidnappai Jérémie dans ma chambre. Lorsque j'avais enfin fini par le lâcher, il inspira un grand coup et voulut déguerpir se protéger dans la salle de bains - et aussi pour se refaire une petite beauté - mais, à son plus grand malheur, je lui barrai rapidement la route.
« Casse-toi ! Je dois me désinfecter des microbes que tu as étalés sur ma sublime peau !
- Et toi, arrêtes de faire des sous-entendus devant les parents ! Je n'ai pas de petite-amie, c'est clair ?! Je pense que je n'en aurai pas pendant longtemps. »
Dès que j'eus terminé ma phrase, Jérémie sembla avoir une illumination.
« Noooooon ? reprit-il, en me regardant avec des grands yeux interloqués. T'es homosexuel ? »
Je ne pus m'empêcher de me taper le front en soupirant. Putain, mais c'était pas vrai. On était deux frères qui soupçonnaient l'autre d'être homosexuel. On pourrait en faire un sketch.
« Non, Jérémie, je ne suis pas homo. Sors de ma chambre.
- Mais...
- Sors, s'il te plaît. »
Il ne rechigna pas ma demande et s'avança vers la sortie.
« Bisexuel, alors ? »
Je le poussai et lui claquai la porte au nez. Il était sympa, mais lourd.
Je m'avachis sur mon lit en prenant mon téléphone. Ah, un message de Cassiane :
Cassiane
< Cc, sa va ?
19 : 45
Déjà, ça piquait les yeux, ensuite, c'était quoi ce début de conversation de merde ? Comment voulait-elle qu'on ait une discussion avec ça ?
Tiens ? Y avait une photo, aussi.
J'ouvris la pièce jointe et vis avec horreur Cassiane, posée sur du sable, dos à la mer, avec un maillot de bain que je trouvais vulgaire tellement il était riquiqui, voire inexistant, en train de tirer la gueule pour faire son mannequin. Je rigolai en lisant : « Elle est trop belle la mer, hein ? ;) ». Je n'arrivai même pas à l'apercevoir en entier puisque j'avais une guenon à la place, voulant faire sa belle. N'importe qui la trouvait belle, mais moi non. Cassiane avait un fond dégueulasse, donc elle était une mocheté à mes yeux. C'était comme ça, et pas autrement.
Au moins, elle n'avait pas fait de fautes d'orthographe, cette fois.
Cassiane
Je n'aime pas la mer. >
19 : 51
Après que j'eus envoyé cette merveilleuse réponse à la drague de merde de la pouffiasse, je me rendis compte que je puais la mort. J'ouvris alors la fenêtre pour aérer et m'en allai prendre ma douche.
En entrant dans la salle de bains, mon frère, comme je m'en doutais, se nettoyait le visage avec grand soin.
« Au fait, Adrien, demain, on va voir Papy, m'informa Jérémie après s'être essuyé la tête.
- OK. »
C'était vrai que, maintenant, on pouvait voir notre grand-père plus souvent, car la maison de retraite où il était se trouvait à proximité.
Une fois en pyjama, je partis dans le salon pour regarder la télé. Me changer les idées, me changer les idées...
« Adrien, m'interpella ma mère, demain...
- Je sais, Maman. Jérémie me l'a dit. Mais, je suis vraiment obligé de venir ?
- Oui. Tes sorties avec tes copains attendront. Ils ne vont tout de même pas s'envoler ! »
Ce n'était pas pour aller quelque part avec « amis » que je ne voulais pas voir Papy. Je ne voulais pas qu'il me redise ça, une nouvelle fois.
Je refusais que mon grand-père refasse allusion au moi d'avant.
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