- Chapitre 5 -
« Oh non... On n'est pas dans la même salle ! gémit Louise, qui venait juste de regarder les listes sur le tableau en face de nous.
- Je suis dans celle d'étude, désolée.
- Merde ! Je suis avec Paul, en plus !
- Et moi, j'ai Gwendoline ! Mais c'est pas possible ! », pleura à son tour Charlotte.
Aujourd'hui, c'était le jour J. Ou plutôt, si on devait être logique, le jour DNB - ou B, à chacun ses goûts. Le jeudi 23 juin 2016, à huit heures trente-cinq, nous, les collèges St Pierre et St Georges, étions dans un collège public pour passer notre tant attendu Brevet.
Comme les élèves étaient dans l'ordre alphabétique, ce n'était pas étonnant que je sois séparée de mes deux coéquipières préférées. Mais elles, au moins, elles savaient avec qui elles allaient le passer, alors que moi, je n'avais pas pu le voir, sur la liste de ma salle, puisque deux pimbêches m'avaient poussé. Pestes.
Les maths étaient notre première épreuve. La seule matière très chiante pour mon cerveau. Il me fallait des heures et des heures pour comprendre la logique d'une figure en géométrie - le calcul, ça allait, c'était plus simple. Mais, bien sûr, pour le Brevet, il fallait tout revoir depuis la sixième - en tout cas, mes parents me l'avaient fait réviser de A à Z.
Driiing !
« Quand faut y aller, commençai-je en regardant les filles.
- Faut y aller ! », crièrent-elles en chœur, pleines de joie.
Ce que vous veniez de voir, c'était notre petit rituel à nous : lorsqu'on avait un devoir - facile ou compliqué, petit ou grand, en anglais ou en E.P.S., etc... - une de nous sortait le début de la phrase puis les deux autres disaient la fin. Pour se donner du courage, il n'y avait rien de mieux.
Regonflées à bloc, nous, les trois Mousquetaires, nous dirigions vers le bâtiment et nous nous faufilions à l'intérieur avec un peu du mal étant donné que tous les troisièmes y étaient rentrés EN MÊME TEMPS - j'avais super mal à mon épaule gauche qui avait raflé le mur, parce que, cette fois, ce fut un grand gaillard qui m'avait bousculé.
Les filles partirent chacune de leur côté et je dus faire de même. J'arpentai le couloir, seule, d'un pas hésitant, ne sachant pas trop où aller. À force, vous devez croire que j'étais timide. Mais ce n'était pas du tout le cas. C'était juste que je stressais souvent.
Finalement, j'avais réussi à trouver la salle d'études - après de longues minutes de recherches, un pion qui avait eu pitié de moi m'avait indiqué où elle était. En entrant dans la salle, je vis beaucoup de gens que je connaissais en fin de compte comme Louis, un autre GPMC, et pleins d'autres du collège à qui je ne parlais pas. En tout cas, je n'étais pas « seule » au sens propre du terme.
Je m'assis à ma place après avoir posé mon sac dans le fond et pris ce qu'il me fallait. Ensuite, je me préparai mentalement : « Tu es la meilleure, ne l'oublies pas. Tes parents comptent sur toi. Si tu loupes cette épreuve, ils te remettront dedans. Donc, t'as intérêt à y arriver, ma grande ! ».
« Salut. », me coupa une voix masculine dans mon encouragement mentale.
Je tournai la tête sur ma gauche et vis Adrien, devant moi, qui parlait avec une fille rousse que je ne connaissais pas. Sûrement du collège St Georges ou du public. Tiens ? C'était une des seules fois que je voyais Adrien sourire comme ça.
À force de le scruter, Adrien avait dû sentir une paire d'yeux braquée sur lui et se retourna. Seulement, à la même vitesse que lui, j'avais reposé mes yeux sur ma copie blanche. Un vrai ninja.
« Bien, écoutez-moi tous attentivement, ordonna un des deux professeurs qui devaient nous surveiller. Je vais vous expliquer comment cela va se dérouler. Et je ne répéterai pas ! »
•••
« C'était trop dur, bordel !
- Fait chier, je n'ai pas réussi !
- Putain de merde de Brevet à la con ! »
Ça faisait dix minutes que je souffrais de ces paroles dignes d'un poème de Baudelaire ou Rimbaud. Les gens qui se plaignaient comme ça cherchaient juste à se faire remarquer.
D'ailleurs, je m'étais inquiété pour rien. Cette épreuve de Maths avait plutôt été simple, dans l'ensemble. J'espérais avoir réussi. De toute façon, si j'avais foiré les maths, j'étais dans la mouise.
« Qu'est-ce que t'as ? »
Je relevai ma tête, pourtant durement en train de fixer le sol, vers Adrien qui, les mains dans les poches de son sweat - alors qu'il faisait vingt-trois degrés Celsius -, était devant moi. Il allait sortir quelque chose de sa bouche, mais il fut interrompu par un ouragan, nommé Claire :
« Adrien ! Tu as fini aussi ? Alors, alors, tu as réussi ? Moi, bof ! Les maths, ce n'est pas mon truc ! En plus, mon voisin de droite puait la transpiration, c'était l'HORREUR. Tu as aussi terminé, Manon ? Ça ne m'étonne même pas ! Tu as toujours été la première de la classe ! Tu le savais, hein, Adrien ? En même temps, c'est difficile de ne pas s'en apercevoir ! Tu sais qu'en cinquième, elle avait répondu un truc que même notre prof n'avait pas compris ! Et puis blablabla... »
Ah, mais la paix !
Je me levai et me dépêchai d'aller dans un coin pénard, à l'ombre, laissant Adrien, tout seul face à « la tempête Claire », qui allait bientôt avoir mal à la tête.
•••
« FI-NI ! », hurlai-je en même temps que mes deux meilleures amies, suivit d'un fou rire général.
Le Brevet était terminé pour nous. Nous venions de sortir du collège public avec en tête vacances et McDonalds.
« McDo ! McDo ! McDo ! s'excita Louise en sautant sur place.
- Ce serait génial si, au lieu d'aller à McDo, c'était McDo qui venait jusqu'à nous.
- Arrêtez ! Vous me donnez faim. », nous avertit Charlotte.
Pouet pouet !
Une voiture venait de se garer devant notre trio d'affamées et était acclamée de cris joyeux - les nôtres.
« Alors ? Je vous ai fait attendre ?
- T'étais super lent ! La prochaine fois, soit plus rapide que ça, Julien ! hurla Louise sur son grand-frère.
- Oh, ça va. Si tu veux, je peux partir très loin pour aller bouffer un hamburger.
- Grand-frère chéri d'amour que j'adore, tu veux bien nous emmener ?
- C'est mieux ! Allez, je vous emmène là-bas. »
•••
Après avoir copieusement pris du poids chez McDonalds, les filles et moi nous nous perdions dans les magasins du centre commercial, en rêvant d'avoir un objet puis un autre et encore un autre... On passait d'un magasin de vêtements à un magasin de jeux vidéo, d'un magasin de jeux vidéo à un magasin de livres et d'un magasin de livre à un magasin de nourriture... C'était infini !
« Mon frère viendra me chercher dans vingt minutes, nous informa Louise après avoir consulté son téléphone.
- Tu peux me ramener ? Personne ne peut venir me chercher, finalement.
- Bien sûr. Et toi, Manon ?
- Non, c'est bon. Ma mère peut venir me chercher, répondis-je, heureuse de ce miracle.
- Ils sont supers cools, tes parents, Manon. Je veux les mêmes ! », s'exclama Charlotte.
Ah bah ça, pour être cools, ils étaient cools. Disons juste qu'ils agissaient autrement lorsqu'ils étaient seuls avec moi.
« Ha ha, oui, je suis d'accord, déclarai-je en évitant de les regarder dans les yeux pour qu'elles ne s'aperçoivent pas mon malaise.
- Je les veux aussi ! souligna Louise. Au moins, je pourrais demander encore plus de jeux vidéo à mon anniversaire et à Noël.
- Tu peux toujours courir, ils sont à moi !
- Non, à moi !
- Moi !
- MOI !
- Stop les filles, les stoppai-je. Mes parents sont mes parents. Vous ne les aurez JAMAIS. »
Suite à ma réponse, elles firent semblant de pleurer, criant que « ce n'est pas juste ! » et « je les aurais quand même ! ».
Après cinq minutes à flâner dans les autres magasins, on sortit dehors pour attendre les gens qui devaient venir nous chercher.
Les filles rentrèrent avant moi et je patientai, assise, jouant avec mes pieds, tranquillement en regardant les voitures passer sur la route à côté. Ils en passaient de toutes sortes : Opel, Toyota, Citroën, Fiat, Volkswagen, etc... Et de toutes les couleurs aussi : rouge, blanche, noire, grise, et même violette...
Putain, qu'est-ce que je me faisais chier.
•••
Une heure plus tard, j'étais encore au même endroit, comme une pauvre cruche à qui on venait de poser un lapin. Ne pouvant plus attendre, je décidai de prendre le risque d'envoyer un SMS à ma mère :
Maman
Maman, tu arrives quand ? >
16 : 15
< Mais de quoi tu parles ?
16 : 17
Tu devais venir me chercher. >
16 : 18
< Devais, oui. Je n'ai plus le temps. Débrouille-toi.
16 : 20
Génial. J'étais seule, écrasée par la chaleur, à plusieurs kilomètres de chez moi, et je devais rentrer à pieds. Trop cool. Et mon père ? Non, je n'avais pas envie de le re-déranger à son travail.
Déterminée à montrer à ma mère que je pouvais me démerder sans elle, je pris mon sac et commençai à marcher. Allez ! Ce n'étaient pas quelques petits kilomètres qui allaient me faire peur !
« Un kilomètre à pied, ça use, ça use. Un kilomètre à pied, ça use les souliers. Deux kilomètres à pieds, ça use, ça use. Deux kilomètres à pieds, ça use les souliers. », chantonnai-je pour faire passer le temps.
•••
« Deux cent cinq kilomètres à pieds, ça use... Ça use... Deux cent cinq kilomètres à pieds... Ça use les souliers... »
Harf ! Je n'avais plus de souffle. Finalement, c'était nase comme idée de chanter pour faire passer le temps. En plus, je n'avais même pas fait la moitié du chemin !
Ah, mais qu'est-ce que j'étais une idiote ! Le bus ! LE BUS ! Mon dernier espoir de la journée ! Pourquoi n'y avais-je pas pensé avant ?
Je commençai à chercher ma carte Anjou Bus dans mon sac et... Elle était où ?
Je fouillai de plus en plus vite mon sac comme si c'était la vitesse qui comptait pour trouver un objet. Rah, mais ce n'était pas vrai ! Elle était où, cette carte ?!
« Un problème ? »
C'était le bouquet. Le pompon. La cerise sur le gâteau. La goutte d'eau qui faisait déborder le vase.
Adrien, encore et toujours avec son air blasé, était sur son deux-roues, garé derrière moi. Il venait de retirer son casque et était en sueur - avec le temps qu'il faisait, ça pouvait se comprendre. Je ne l'avais même pas entendu arriver. C'était peut-être parce que j'étais trop concentrée sur le contenu de mon sac.
« Non, ça va. Merci.
- Si ça va, pourquoi est-ce que tu es épuisée ?
- Je rentre à pieds.
- À pieds ? Mais tu es tarée ? Tu en as encore pour deux heures !
- Ha ha ! Et c'est celui qui fait des combats, qui peuvent être mortels, qui dit que je suis tarée ! La blague ! »
Adrien se raidit, tout comme moi. Oups, je n'aurais peut-être pas dû dire ça.
« Ah, pardon. Je...
- Épargne-moi ta salive, ce n'est pas grave. Tu es énervée et c'est normal. »
Il remit son casque et je m'attendais à le voir repartir, mais il commença à chercher quelque chose dans son énorme sac. Adrien sortit un autre casque - celui que j'avais utilisé la dernière fois - et me le tendit.
« Bon, je pense que je n'ai pas le choix. », dis-je en prenant le casque dans mes mains.
Je m'installai derrière lui en mettant mon superbe casque - je croyais que quelqu'un l'avait utilisé avant moi, parce qu'il était mouillé - et Adrien démarra sa 50cc à toute allure.
Je n'osai pas lui avouer, mais heureusement qu'il avait été là.
•••
Dix-sept heures vingt.
Adrien venait de me ramener et était repartit très vite. En tout cas, moi, j'avais mal aux pieds suite à ma petite randonnée de l'après-midi.
Je m'avachis sur le canapé et allumai la télé. Aaaaah... Les vacances allaient enfin pouvoir commenc-
« Manon ! hurla mon père depuis son bureau. Viens là !
- J'arrive. »
Je me dépêchai de monter les escaliers pour me rendre dans une des seules pièces de la maison où je n'avais pas le droit d'aller. J'ouvris la porte, toute souriante, et trouvai mon père tapant sur le clavier de son ordinateur, une bouteille d'eau près de lui.
« Ah, te voilà. Bon, va dans ta chambre. J'ai déposé sur ton bureau un cahier qui te fera réviser tout l'été. Un exercice par jour. Allez, vas-y.
- Mais, papa... On ne pourrait pas laisser ces exercices de côté pour cette année ? osai-je demander à mon père, avec un étrange sentiment en moi.
- Non, on ne laisse pas les exercices de côté cette année, Manon. File maintenant, je dois travailler. », acheva-t-il fermement, sans pour autant lever le nez de son écran.
Au moins, j'aurais essayé.
Je partis dans ma chambre en montant les autres escaliers et posai mes fesses sur ma chaise de bureau.
« Par quoi vais-je commencer ? Histoire ? Oh non ! J'en ai eu assez avec le DNB. Anglais ? Mouais, pourquoi pas. So, let's go ! »
L'été s'annonçait bien, comme d'habitude, avec des vacances-exercices. De toute façon, comment aurais-je pu tenir tête à mes parents ?
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