- Chapitre 39 -
Cette histoire bizarre stoppée en cours de route, puisque l'auteure fut plaquée comme une merde par l'Inspiration pour Bryan – ce Bad Boy aussi charismatique qu'une plaque de beurre fondue –, celle-ci décida de résumer à la « Amour, Gloire et Beauté » – bien qu'elle n'ait jamais regardé cette série – le chapitre précédant. Voici sa lettre au bureau de direction – oui, il existe – qui n'arriva jamais à bon port :
« Adrien erra dans le parc, après s'être pris en pleine poire un poteau. Là, il vit une Manon déprimée, tel un chien qui n'a pas le droit de croquer les fesses du facteur.
S'ensuivit une discussion grotesque sur un certain « Prince Of My Dreams » – qu'est-ce que c'était que ce truc, franchement ? une marque de PQ ? sérieux, c'est nul comme nom !
Puis, Manon fit sa gamine de cinq ans pour connaître le passé forcément douloureux et tristounet d'Adrien, qui fut obligé de tout lui déballer – mais comme je n'ai pas le temps et la place pour le résumer, bah tant pis pour vous.
Après, y a eu LE baiser avec les étoiles, les papillons dans le ventre et tout le tatouintouin fourni en complément entre les deux personnages principaux – c'est une sorte de romance, en même temps, fallait pas s'attendre à autre chose.
(mais il ne faut pas oublier que Manon va partir dans le Sud, OMG ! – sérieux, pourquoi je parle comme une pimbêche en manque de télé-réalité ?)
Ensuite, fin du chapitre. Voilà voilà.
Cordialement,
BlanNina qui emmerde tendrement son ex, l'Inspiration, et Bryan le BB – ça fait « bébé », lul. »
Finalement, tout le monde comprend pourquoi cette lettre... Enfin, ce « truc » n'est jamais arrivé. Qui voudrait lire ce torchon ? Je remercie donc la chose qui a empêché cette catastrophe !
Bref, voici le chapitre.
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Brr brr.
Je grommelai, sentant le sommeil me fuir peu à peu, effrayé par le vibreur de mon téléphone. Durant quelques minutes, je tentai d'ignorer ce bruit répétitif et agaçant, mais la personne – qui devrait pourtant tomber sur mon répondeur – ne lâcha pas l'affaire et me rappela trois fois de suite, réussissant à m'arracher un grognement de plus.
Mes yeux toujours fermés, trop flemmard pour essayer de percevoir la moindre chose dans l'obscurité de la pièce, je réussis à attraper mon téléphone au bout du quatrième essai, mon bras ne trouvant pas la table de chevet. Je me frottai le visage, cherchant un moyen de me réveiller, et clignai rapidement des paupières, ébloui par la lumière que l'appareil rectangulaire émettait. Ne m'attardant pas sur l'identité de celui ou celle qui avait eu la merveilleuse idée de composer mon numéro à trois heures du matin, je décrochai et portai le téléphone à mon oreille mollement.
« Grmph, réussis-je à marmonner, la main dans mes cheveux en bataille.
- Eh ben, je pensais que tu étais du genre agréable dès la journée commencée, mais je vois que tu n'es pas mieux que moi. », commenta la voix éveillée de Manon, à l'autre bout du fil.
Comme si je m'étais pris une décharge électrique, je me redressai immédiatement, mon cœur en panique.
« Ma-Manon ?! chuchotai-je d'une voix aigüe étonnante.
- Tu pensais que c'était ta Cassianette d'amûr pour rejouer Roméo et Juliette ? railla-t-elle, tandis que je grimaçais en imaginant la scène. Dans ce cas, j'espère que t'as un balcon chez toi !
- Hilarant.
- Roh, ça va, je déconne. Le réveil ne te rend pas plus drôle, c'est sûr.
- Pourquoi tu m'appelles à cette heure ?
- Il faut forcément une raison ? »
Je sursautai, surpris et heureux par sa remarque.
« Mais effectivement, je dois te dire un truc. », balança la brune, cassant ainsi mon sourire.
En même temps, c'était trop beau pour être vrai : Manon romantique ? Évidemment que non ! C'était comme espérer que les cons disparaissent ; impossible.
J'entendis sa respiration se faisant plus rapide dans l'interphone et des bruits de feuilles piétinées dans le fond.
« T'es où ? lui demandai-je, stressé.
- Quelque part.
- Où ?
- T'es énervant, t'as pas à la savoir.
- Où ? insistai-je.
- Dans mon jardin, abruti. »
Je soupirai de soulagement, réjoui de constater qu'elle n'était pas dans un endroit dangereux. De toute façon, que ferait-elle en dehors de chez elle et de nuit, en plus ?
« C'est bon, t'es content ? reprit-elle de manière cassante – je pouvais sentir son exaspération. Je peux te dire que je pars ce matin, ou ça te fais chier ? »
Silence.
Croyant avoir mal entendu – après tout, peut-être avait-elle dit : « Je peux te dire que je mange du lard, ce matin ? » –, je ne me manifestai pas ; j'attendais qu'elle se corrige, qu'elle me dise que c'était une blague, qu'elle ne s'en irait pas à l'autre bout de pays aussi tôt. Que je pourrais la revoir une ultime et dernière fois avant.
Mais elle n'en fit rien. Je patientai encore un peu. Pourtant, la seule chose qu'elle déclara sur un ton glacial fut :
« Dis un truc. »
Et l'unique chose que je lui répondis, quelques secondes plus tard, était :
« Ça me fait chier, vraiment. »
•••
Je sortis doucement – mais brutalement – du bus, descendant les marches menant sur le béton envahi par les élèves de tous niveaux scolaires. À mon passage, tous semblaient estomaqués par mon allure peu flatteuse et ma frustration mélangée à ma morosité, qui s'échappaient peu à peu de mon être, trop puissants pour être contenues en mon fort intérieur.
Manon partait aujourd'hui. Elle s'engagerait à treize heures pétantes pour un trajet de neuf cents quatorze kilomètres et d'une durée de cinq cents trente-trois minutes.
Oui, une recherche sur le site Michelin m'avait parue appropriée, suite à son coup de fil.
Sur mon lit, en tailleurs, le téléphone dans mes mains et fixant « Appel terminé », affiché et brillant dans la pénombre de ma chambre, je n'avais pu retenir mes larmes et pleurais en silence, le visage enfoui dans ma couette, frottant sans cesse mes joues pour ne pas les sentir couler, pensant : « Pour elle, « dans pas longtemps » signifie le surlendemain... Quelle nulle pour s'exprimer, celle-là... ».
Cette nuit fut une des pires de ma vie et m'empêcha de dormir. C'était donc avec des yeux gonflés, des cernes aussi noirs qu'un corbeau, des cheveux qui ne voulaient pas rester en ordre et une peau fripée que je me présentais au lycée. Mon humeur massacrante n'arrangeait pas mon état ; lorsque j'atterris sur le sol, je vis un couple s'échanger tendrement un baiser. Il me rappela le mien avec Manon, deux jours auparavant. En me remémorant les sensations que m'avait procurées notre embrassade, mon regard se fit plus dur et ma douleur plus profonde.
Et merde, je m'exprimais comme un poète avec toute cette histoire, maintenant.
Soudainement, quelqu'un venant d'en face me percuta de plein fouet. Décontenancé, je m'abattis violemment sur le sol sale, atterrissant devant les pieds de plusieurs personnes.
Distraitement, je relevai la tête et observai celui qui m'avait bousculé : un garçon de mon âge, roux frisé et aux iris pers, le visage blême et maigre. Nos regards respectifs se croisèrent. Il ne baissa pas stupidement le sien et m'affronta dans un duel visuel, alimenté par une énergie nouvelle. La fierté, sans doute ? Fier d'être plus présentable que l'ombre qui m'incarnait en cette journée d'été. Fier d'être plus satisfait de ses problèmes que les miens qui me collaient à la peau.
Fier d'être plus « beau » que moi.
Le calme plat soudain me fit réaliser – un peu en retard, sans doute – que les autres élèves l'imitèrent dans leur coin, ou le faisaient depuis un moment, chacun rempli de haine. « Adrien PEMLER est moche, songeaient-ils. Un moche et un connard. Je ne l'aime pas. Je ne l'aime plus. Je le hais. Il est répugnant. Qu'il ose s'approcher de moi. ».
L'Humanité s'inventait et s'inventerait continuellement une erreur de la nature, jusqu'à son extinction, pour se sentir moins bête. Petit, cette catégorie m'était déjà attribué et pour qu'on ne me considère plus comme un paria, je dus changer en quelqu'un d'assuré, d'extraverti, de confiant ; en un autre homme. Pourtant, cela ne servit à rien, je revenais toujours au même stade de parasite. Et ce, malgré mes incalculables efforts.
Pourquoi moi ? Pourquoi cela devait-il être moi qui subissait cette injustice ?
Mes jambes refusèrent de bouger. Je ne pouvais pas, ils me fixaient tous de haut avec leur sentiment de rancœur commune. J'étais de nouveau ce gros bousculé et insulté. Mon pire cauchemar.
Tandis que je commençais à broyer de plus en plus du noir, le miracle se fit : une main.
Elle se tenait face à moi, prête à m'aider. Celle d'un garçon aux mèches brunes, encadrant d'imposantes lunettes ébène, et enveloppé. Un regard déterminé, quand bien même fusionné avec de la peur, me foudroyait sur place et laissait tout le monde de stupeur. Personne ne comprenait réellement ce qu'il se passait, que ce fût moi, lui, ou bien les diverses individus autour.
Lucas me secourait.
À ce moment précis, je me promis de changer : plus de popularité pour me faire faussement aimer, de combats pour me défouler, de ce faux Adrien PEMLER que je jouais ; adieu à cette mascarade sans nom.
Et je signai ce pacte en acceptant la main hésitante – mais confiante – de Lucas qui, je le souhaitais sincèrement, deviendrait mon futur et premier véritable ami.
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