- Chapitre 28 -

Ces murs blancs semblaient aussi infinis que l'univers tout entier. J'avançais dans cet immense couloir depuis un temps que je ne pouvais définir, le cadre spatio-temporel m'étant totalement inconnu.

Certains diraient que ce blanc était un « blanc de saturne », tandis que d'autres l'appelleraient « blanc de zinc ». Quant à moi, je le surnommais juste le « blanc éternel », car il était dérangeant, inquiétant, effrayant et compliqué. Comme la mort.

Mes pas réguliers tentaient de me rassurer, mais mon cœur n'était pas de cet avis et faisait circuler le sang dans mon corps à cent à l'heure. J'étais terriblement mal à l'aise.

Puis, je vis enfin une éventuelle sortie et accélérai ma course, pressé de m'enfuir d'ici au plus vite. Malheureusement, ce que je trouvai n'était pas une échappatoire, mais une pièce portant la même couleur que l'endroit précédant. Au milieu se trouvait une table noire. Celle-ci n'avait aucune utilité, pourtant, elle était là, trônant la salle de son aspect différent, voire opposé, au décor qui l'entourait.

Soudain, l'ambiance changea : les couleurs s'inversèrent, transformant ainsi le blanc en noir et le noir en blanc. J'étais plongé dans l'obscurité avec pour seul éclairage la table, illuminant un petit périmètre de son « blanc éternel ». Alors que je comptais me rendre jusqu'au meuble, une voix enfantine et angélique résonna dans la salle :

« Bonjour, Adrien. Ça faisait longtemps, n'est-ce pas ? »

Pétrifié, énervé et dégoûté ; voilà ce que je ressentais à l'instant même où ces quelques sons étaient parvenus à mes oreilles.

« Bah quoi ? Tu n'es pas content de me voir ? », lança naïvement la voix de l'enfant.

Me préparant à riposter de manière sarcastique, la silhouette d'une petite fille de six ans, entourée d'une sorte d'aura blanche, apparut devant moi, coupant mon élan de méchanceté.

« J'imagine que tu te souviens de moi ! », reprit-elle, en souriant.

Oh que oui. Tes cheveux roux et soyeux, tes magnifiques yeux verts, ta beauté... Je m'en rappelais dans les moindres détails. Je ne pouvais pas te sortir de ma tête... À mon plus grand malheur.

Lorsque je la vis avec son sourire franc et ses yeux rieurs, je me crus retourné en enfance, à la belle époque, celle que j'avais aimée avant le collège. Elle était là, se balançant d'un pied à l'autre, les mains derrière son dos, fredonnant « Une souris verte », que nous chantions si souvent.

Sans me laisser le temps d'émettre la moindre tonalité de ma bouche, elle m'entraîna vers la table en sautillant, après avoir saisi ma main droite.

« Viens, ça va être drôle ! », m'affirma la gamine rousse sans hésiter.

Une fois arrivés devant la table blanche, je n'osai plus relâcher ses petits doigts. Je ne souhaitais pas qu'elle disparaisse encore. Je voulais qu'elle reste ici, telle qu'elle était actuellement, avec moi. Nous pourrions rejouer comme avant. Être comme avant ! Avant ce foutu collège qui avait tout ruiné... Non, avant notre rencontre avec Enzo, qui avait brisé notre amitié ! Je m'agenouillai à sa hauteur et l'enlaçai. Je voulais qu'elle soit à mes côtés !

« Non, mais pour qui tu te prends, Porcelet ? », articula lentement une voix plus grave, près de moi.

Mes yeux s'écarquillèrent instinctivement, comme si on me réveillait avec de l'eau glacée d'un doux rêve. Ce qui était le cas, au final.

Brutalement, des images apparurent sur les murs noirs et retracèrent mon passé. Je revis alors lorsqu'ils me bousculaient ; quand ils m'insultaient ; au moment où ils m'avaient frappé et brûlé... Et quand ces deux-là s'étaient embrassés. Je lâchai mon étreinte, ayant trop mal à la tête.

« Bah alors, Porcelet ? On a mal à son petit cerveau ? », railla-t-elle en se levant et se dirigeant vers la table.

Je la fixai de nouveau, elle qui s'était transformée : plus grande, plus mince, plus belle, plus garce. La réalité me rattrapait et me remontrait qui était vraiment Paula MANARD.

« T'es toujours aussi débile, toi ! continua-elle, moqueuse. D'ailleurs, regarde ce que j'ai pour toi, ça va te faire super plaisir. »

J'analysai l'objet se trouvant dans sa main, qu'elle venait de ramasser sur la table, et trouvai son identité au bout de quelques instants, à cause de ma fatigue et du manque de lumière qui me troublaient la vue. Paula avait en sa possession un cutter jaune, qu'elle amusait à faire tourner avec ses doigts.

Tout d'un coup, je fus pris d'une nausée et vomis. Au bout de plusieurs rejets, je compris que le liquide que je crachai sur le sol n'était autre que du sang. Mon sang.

« Tu vois, débuta Paula, la quantité de sang que tu gerbes devait être la même que celle que tu aurais perdu, si tu t'étais servi de ce cutter. Enfin, si tu avais trouvé la force de le faire. En tout cas, si j'étais à ta place, je me serais suicidée depuis belle lurette ! Et ne me dis pas que tu avais pensé à ta famille au moment où tu as voulu te tuer avec, car c'est juste une excuse pour justifier ta faiblesse. Ha ha ! Tu es tellement pathétique, Porcelet ! », rigola-t-elle aux éclats.

Ses paroles étaient aussi tranchantes que le cutter et me faisaient horriblement souffrir. Je tombai par terre, aussi affaibli que déprimé.

« Peut-être que Manon y passera également, qui sait ? », supposa Paula d'un œil de vipère.

En entendant ceci, je mis ma douleur de côté, me relevai et, tanguant tout de même de droite à gauche, courus vers Paula. Je tentai de la frapper, mais elle esquiva mon coup. S'ensuivit alors un duel répétitif : j'essayais de la toucher, alors qu'elle évitait chacune de mes attaques avec une simplicité espiègle. Tombant d'épuisement, je me stoppai pour reprendre mon souffle. Mais Paula avait disparu.

« Derrière toi... »

Sans avoir le réflexe de me retourner tout de suite, je sentis une douleur atroce et interminable dans ma poitrine. Je m'écroulai immédiatement et me recroquevillai sur moi-même. Paula m'avait arraché le cœur à l'aide de son arme.

« Pfff ! Qu'est-ce que tu veux que je fasse de ton cœur ? Il sert à rien ! », s'exclama-t-elle en jetant l'organe à quelques centimètres de mon visage.

Elle s'approcha de moi, le cutter recouvert de sang, et m'observa, heureuse de son œuvre, avant de s'agacer :

« Tu es tellement ennuyant, à l'inverse d'Enzo. Il est classe, lui, au moins ! Et puis, comment as-tu pu espérer que je puisse tomber amoureuse d'un mec aussi pitoyable que toi ? »

Je me réveillai en sursaut, mon cœur battant à tout rompre. Mon t-shirt me collait à la peau et mes cheveux me grattaient, tellement je transpirais. Mon lit était en désordre complet et à moitié défait.

Quel affreux cauchemar.

Mon premier réflexe fut de boire de l'eau. Je pris alors la bouteille entreposée à côté de ma table de chevet et la reposai, une fois ma gorge réhydratée. Ensuite, je regardai l'heure et lus sur mon réveil : « 5 : 45 ».

En soupirant, j'avachis ma tête sur mon oreiller et fixai le plafond, pensif. Non, je n'étais pas que pensif. J'étais également déçu par moi-même : avoir fantasmé sur ma vie d'antan était juste... Juste...

« Complètement con, répondis-je à ma propre question. Digne d'un abruti, d'une pauvre nouille ramollie du bulbe, d'un gars à qui il manque une case en moins, peut-être même deux... Ou d'un gars qui n'a pas assez souffert. Ha ha... »

Tandis que je chuchotai un rire forcé, celui-ci ne tarda pas à se transformer en larmes.

« Non, non et non ! m'exclamai-je intérieurement, essuyant les gouttes qui coulaient sur mes joues. Je ne succomberai pas une nouvelle fois à cette réaction de faible. Je ne suis pas un faible ! Ne deviens pas ce que ces abrutis – dont Paula – croyaient, Adrien ! Tu n'es pas faible, tu es fort. Très fort, même ! Très très fort ! Le garçon le plus fort que la Terre n'est jamais porté, bien devant la puissance de Hulk ou de Superman ! »

Même si je tentais en vain de me convaincre avec ces absurdités – technique débile pour « gagner confiance en soi » donné par des magazines –, je savais que ce n'était pas ça qui allait me redonner le sourire. Déjà, comment pourrais-je sourire après ça ?!

Pour me calmer – car je sentais que j'étais sur le point d'exploser et de casser n'importe quel objet qui avait le malheur d'être dans ma chambre –, je décidai de me concentrer sur autre chose. Je regardai de nouveau l'heure : cinq heures cinquante-deux.

Une bonne douche.

À pas de loup, je rassemblai mes vêtements de la journée et me rendis dans la salle de bains. Être en avance de vingt-trois minutes ne faisait de mal à personne.

Après m'être déshabillé, je me faufilai dans la douche et commençai à me rincer. Mes pensées encore un peu floues, j'avais du mal à retrouver contact avec le présent. Emile de GIRARDIN disait pourtant : « Laissons donc le passé pourrir dans sa tombe. », mais le passé m'aimait bien, apparemment ! La preuve : même après – bientôt – quatre ans, celui-ci me courrait toujours après, jusqu'à me pourrir la nuit ! Faire un beau et tendre rêve ? Moi, je ne connaissais plus.

Un frisson me parcourut lorsque ses paroles firent écho dans ma tête : « Peut-être que Manon y passera également, qui sait ? ». Puis, je regardai et touchai mes cicatrices présentes sur ma hanche gauche, sans y faire vraiment attention. Oui... Si je ne faisais rien pour stopper le harcèlement de Manon, elle aussi connaîtrait cette vie de chien.

Je devais l'aider.

En sortant de la douche et en me regardant dans le miroir, je m'indignai :

« On dirait un Prince Charmant, sérieusement... Quelle ringardise. »

Je me vêtis de mes habits et me penchai sur le lavabo pour me laver le visage. Dès que j'eus terminé cette mission du matin, je relevai ma tête et lançai à mon reflet, d'un regard plein de défi :

« Oui, c'est MOI qui vais aider Manon ! Et j'ai un plan ! »

Toujours aussi discret, mais la tête ailleurs, je sortis de la salle de bains et allai dans la cuisine pour préparer mon petit-déjeuner. Je pris le grille-pain, le beurre, les tartines de pain complet, du lait, un bol et une cuillère. Une fois tous mes ustensiles à leurs places respectives, je mangeai avec un appétit de futur vainqueur, qui sentait la victoire à plein nez et l'odeur du métal de sa coupe à portée de main.

Sauf qu'ici ce n'était pas un vulgaire trophée ma récompense, mais un peu d'estime de soi. Je ne laisserai plus quelqu'un tomber dans ce malheur.

Par contre, pour secourir Manon, j'avais besoin d'yeux... Donc, de quelqu'un en particulier. Et je ne voyais qu'elle pour devenir mon acolyte.

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HI ! Vous allez bien ?

Moi, je suis en vacances dès la semaine prochaine, donc j'aurais plus de temps libre (logique). Je voulais donc vous poser une question : est-ce que je change mes habitudes ? Devrais-je essayer de passer à deux chapitres par semaine ?

Petite question assez importante, oui.   :)

Deuxièmement, les Wattys 2017 commence dès le 15 juin. Donc, je voulais vous poser une autre question importante : est-ce que vous pensez que je devrais y participer ?

Oui, j'aime beaucoup avoir votre avis.   :3

Encore une fois, n'hésitez pas à me laisser un avis sur ce chapitre (assez dur à écrire, je l'avoue). J'adoooore lire tous vos commentaires !

Bon, bonne journée/soirée !

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