- Chapitre 26 -

[ADRIEN]

Alors que j'observais les rues ornées de maisons à travers la vitre, je faisais mon maximum pour ne pas afficher un sourire niais sur mon visage, crier, chanter et danser – même si la voiture ne m'offrait pas la place nécessaire pour. J'étais content. Vraiment content. Plus heureux que moi ? Impossible ! S'il existait juste une personne sur Terre autant noyée par le bonheur que moi, qu'on me jette dans un précipice sans fond pour le reste de ma vie !

« La mère de Manon, débutait ma mère, lorsque nous prenions place sur les sièges et que je mettais me ceinture, m'a demandé si on pouvait l'emmener au cours de piscine et la ramener chez elle, après. Bien sûr, j'ai accepté ! Elle est vraiment sympa, cette fille, tu ne trouves pas ? Sa mère aussi, d'ailleurs ! Et puis... », avait-elle continué, tandis que je décrochais déjà de la conversation. Elle m'avait annoncé ceci huit minutes auparavant. Depuis, j'étais heureux. Heureux, heureux, heureux, heureux, heureux... Je n'arrivais plus à sortir ce mot de ma tête ! « En plus, tout à l'heure, j'avais osé lui... »

Honteux, j'enfouis une partie de ma tête dans ma main droite, dont le coude me servait d'appui. Je lui avais presque déclaré ma flamme ! Moi, Adrien PEMLER, alors que je n'étais pas doué du tout dans ce domaine ! D'ailleurs, je l'avais aussi défendue contre ces deux greluches des vestiaires ! J'avais sûrement fait bonne impression à ses yeux ! Hé hé ! Quelle superbe journée !

« Adrien, ça va ? », demanda ma mère, interrompant ainsi la prestation du groupe The Jackson Five sur « I want you back », visiblement inquiète.

Je me tournai vers elle et fis semblant de me porter comme un charme, ne voulant pas qu'elle découvre ce que je ressentais réellement, grâce à ce sixième sens légendaire chez les mamans. J'articulai alors sur un ton faussement morne :

« Bah oui. Pourquoi ça n'irait pas ?

- Je ne prétends pas que tu n'ailles pas bien, Adrien. Seulement, tu rigolais bizarrement.

- Ah, ça... C'est juste que... Je me suis souvenu d'une blague que m'avait racontée Sébastien ! prétendis-je, un peu aux bords de la panique générale.

- Elle a l'air drôle ta blague, remarqua-t-elle. Tu veux bien me la répéter ?

- Euh... »

Vite, une blague ! N'importe laquelle, du moment que ça m'aide !

« Comment..., prononçai-je tout en farfouillant dans ma tête une bêtise quelconque. Comment doit-on considérer une belle-mère ?

- Je ne sais pas, répondit Maman.

- Comme une étoile qu'il faut admirer, mais de loin ! »

Ma mère ne réagit pas. J'espérais que cette blague tirée d'un magazine télé allait me sortir d'affaire...

« Elle est assez drôle, je dois le reconnaître. Je la raconterais à ton père en rentrant. », finit-elle par dire, avant de monter le son de la radio, qui diffusait maintenant « La Ceinture » d'Élodie FRÉGÉ.

Soulagé de ne pas m'être fait griller, je me laissai glisser sur le siège en cuir. Ouf ! Ce n'était pas passé loin !

« Adrien, ton visage est rouge. », commenta de nouveau ma mère, pourtant les yeux rivés sur la route.

Oh non, pas encore.

« Ça doit être la piscine, non ? inventai-je, sachant très bien que ce n'était pas à cause de cela.

- Oui, tu as sûrement raison. Tu sais que, même quand tu étais petit, tu rougissais au moindre effort physique ? Qu'est-ce que c'était mignon ! », gloussa-t-elle.

Je me retournai vers la vitre, ignorant sa remarque plus que désagréable.

« Tu t'en souviens, au moins ? », enquit-elle une nouvelle fois, n'ayant pas perçu ma crispation.

Je voulais soupirer, être sarcastique, hurler, voire frapper la vitre ; mais je ne fis rien de tout ceci. Non, la seule chose dont j'eus la force fut de l'approuver avec une simplicité forcée :

« Oui, Maman. Je m'en souviens très bien. »

•••

Ding dong !

« Adrien, va ouvrir, s'il te plaît ! », ordonna mon père qui ne pouvait bouger, puisqu'il était en train de cuisiner.

Je quittai le canapé et me dirigeai vers l'entrée. En passant devant les toilettes, mon frère en sortit et, amusé, me lança :

« Dépêche-toi, esclave ! La personne derrière la porte n'attendra pas l'éternité pour qu'on lui ouvre.

- Hin hin. Très drôle, Monsieur l'Esclavagiste.

- Qu'est-ce que je viens de te dire, esclave ? », insista Jérémie, prenant très à cœur son « rôle » d'homme inhumain.

Je ne rétorquai pas et laissai passer le comédien, qui s'en allait vers sa chambre. Lentement, je me rendis vers la porte d'entrée et l'ouvris.

« Bonsoir, commençai-je, sans trop prêter attention à qui se trouvait derrière.

- Bonzoir ! », enchaîna une voix forte et flûtée.

Suite au son « s » remplacé par celui du « z », je baissai la tête, surpris d'entendre quelqu'un zozoter pour la première fois de ma vie. Je découvris une jeune fille aux cheveux blonds très courts et aux yeux marron. Un petit nez figurait sur son visage et était en harmonie avec ses taches de rousseur et son grain de beauté près de son œil gauche.

« Je zuis Léa MENIER, une amie de Jérémie. Zans faire eczprès, j'ai pris zon manuel de maths. Je viens le lui rendre. », expliqua-t-elle, en me montrant un livre où figurait : Mathématiques 6ème.

C'était donc elle, la fameuse Léa. Je l'imaginais autrement : petite avec de longs cheveux noirs, jouant du violon ou autre activité de ce style ; mais je m'étais trompé, car elle était assez grande pour son âge, portait une coiffure dont les mèches dorées ne dépassaient pas ses oreilles et terminaient un peu plus bas dans sa nuque, et semblait très sportive.

« JÉRÉMIE, VIENS LÀ ! », l'appelai-je sans aucune retenue devant son amie.

Je l'entendis débouler à toute vitesse. Il se planta face à moi, mais il ne remarqua pas immédiatement sa dulcinée.

« Quoi, encore ? Tu me déranges, là... Léa ?! s'exclama-t-il, après avoir tourné la tête dans sa direction, coincé entre l'ahurissement et l'émerveillement.

- Zalut, Jérémie. », sourit la blondinette, pas du tout dérangée par son manque de délicatesse.

Jérémie descendit sur le palier et parla avec elle – je remarquai qu'elle le dépassait d'environ six centimètres et sans avoir recours à des chaussures hautes –, tandis que je retournai dans le salon pour écouter la suite de mon émission. Cinq minutes plus tard, il revint dans le salon, posa son manuel sur la table, puis nous annonça :

« Je raccompagne Léa chez elle, sa maison n'est pas très loin.

- Pourquoi donc la reconduire, si elle habite aussi près ? le taquinai-je.

- Parce que j'ai découvert quelque chose sur Miraculous Ladybug que je dois absolument lui dire, c'est tout ! s'énerva-t-il. À tout à l'heure ! »

Et il claqua la porte. Je me tournai vers mon père, encore occupé à son plat du soir.

« Papa, tu le laisses sortir à cette heure ?

- Comme il vient de le dire, la maison de Léa n'est pas loin, mais juste dans le quartier voisin. Ce n'est pas la mort.

- Mais il n'a qu'onze ans ! le contredis-je.

- Et alors ? À son âge, tu faisais pareil avec Paula. »

Un énorme blanc s'installa dans la pièce. Petit à petit, j'admirais le visage de mon père qui se décomposait. Il releva désolément son regard vers moi.

« Adrien, je–

- Ce n'est pas grave, Papa, le coupai-je rapidement. Tu sais quoi ? Je vais prendre l'air, moi aussi. »

Là-dessus, je saisis mon manteau et m'extirpai de la maison, après avoir murmuré brièvement un vaste : « Je rentrerai vite, ne t'en fais pas. ». Je marchai un peu, puis posai mon attention sur un banc solitaire et m'y assis. Les coudes sur mes cuisses, mon visage entre mes mains, je ne bougeai plus.

Pourquoi ne pouvais-je simplement pas les oublier ? Ces souvenirs ! Ces cicatrices ! Ces personnes ! Elle ! Lui ! Eux ! Pourquoi j'en étais incapable ? Et pourquoi je n'avais pas le droit au bonheur ? C'était trop demandé de les effacer de ma vie ? En plus, Manon commençait à saisir que ma « popularité » n'était qu'une façade. Et elle avait aussi entendu ce fameux rire que j'avais en vain essayé de contenir, que je détestais depuis des années, qui m'avait valu un surnom horrible... Pourquoi, hein ? Pourquoi je ne pouvais pas être quelqu'un d'autre ? Les allusions de mes parents étaient des avertissements pour me faire comprendre que Manon ne devait pas savoir qui j'étais auparavant ? C'était ça ?! Mais je le savais déjà, ça ! Pas la peine d'être aussi cruel et de me le rappeler sans arrêt !

Ne tenant plus, je me mis à courir. Courir longtemps pour aller loin. Très loin. Là où on ne me verrait pas.

Les oublier une bonne fois pour toutes... Ça paraissait simple à n'importe qui. Mais, moi, je n'y arrivais toujours pas. Ça allait faire trois ans. Trois ans et j'étais toujours aussi faible... Et soumis.

Je me stoppai dans un champ, assez près de mon village. Ici, il n'y avait personne, à part le ciel et la nature pour m'observer avec pitié.

Me sentant enfin libre de mes mouvements, je ne tins plus : je criai. Je criai mon malheur, ma douleur, ma rancœur, mon désir de vengeance, mon envie de puissance, mon avenir foutu, mon bonheur écrasé, mon existence séquestrée, mon rêve de liberté. Accompagnés de larmes, ces cris n'étaient pour moi qu'une simple clé qui m'ouvrait un gouffre profond, interminable, infini dans lequel j'étais prisonnier depuis des années. Ce trou ressemblait à celui dans lequel j'avais parié qu'on me jetterait, si quelqu'un était plus heureux que moi, il y avait seulement pauvres trente minutes. Mais ce n'était pas une personne banale qui m'avait laissé tomber dedans. Non, car, cette personne si « spéciale », c'était Paula, mon ancienne de pourriture de meilleure amie.

Ha ha. Quelle ironie.

〰ℹ〰

Salut, je suis à la bourre. Encore... Désolée.

Juste pour vous dire que j'ai refait ENTIÈREMENT le prologue, que je trouvais pourri. Mais ne vous en faite pas ! J'ai laissé DICAPRIO.   ;)

(oh, et vous l'aurez sûrement remarqué, mais on rentre dans une phase assez noire de l'histoire, hé hé)

Bonne journée/soirée et à bientôt !

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