- Chapitre 25 -
« T'habites où ?
- T'as quel âge ?
- T'es en couple avec quelqu'un ?
- Est-ce que ça te dirait de sortir avec nous, samedi soir ?
- La fille avec qui t'es arrivé, c'est une stalkeuse qui te suit ? »
Les questions fusaient à toute vitesse, si bien qu'Adrien ne savait plus où se donner de la tête. D'un coup, une brune lui posait une question, donc il tentait d'y répondre, mais soudainement un garçon roux faisait de même.
Pour résumer : c'était le bordel.
En plus, tout ce joli petit monde bouchait l'entrée des douches qui permettait de se rendre à la piscine. J'étais rincée depuis cinq minutes, j'avais froid, je ne devais pas être glamour avec mon bonnet de bain et mes lunettes aquatiques, et savoir que quelqu'un me traitait de « stalkeuse » m'énervait d'avantage.
Merde, quoi ! Pourquoi le monde tournait toujours autour de cette andouille de Prince de pacotille ? Pourquoi les gens retenaient toujours leur souffle en attendant le moindre signe de ce rat de bibliothèque ? Pourquoi ils l'encerclaient en grelottant de froid, puisque ces idiots étaient mouillés ? Et pourquoi Adrien avait eu la bonne idée de prendre le même cours que moi ?! J'en avais marre !
Au final, avec tous ces petits éléments dérangeants, je ne voulais qu'une seule chose : nager pour oublier. Un peu comme si je buvais du rhum dans un bar.
Au bout de trois minutes de combat acharné avec une girafe qui ne voulait pas me laisser passer, trop éblouie par la lumière d'Adrien, telle un insecte, je finis par traverser cette foule. C'était pas trop tôt !
Marchant vers le grand bassin, où un homme chauve au survêt jaune patate et au short rouge ketchup - l'entraîneur, sans aucun doute - parlait au peu de monde présent - puisque les autres étaient agglutinés autour de l'Hypnotiseur -, je repensai à « l'explication » que m'avait donnée Adrien, tout à l'heure, en grimaçant.
Apparemment, il faisait de la boxe, avant. Mais son « ami » Marc lui avait dit de ne plus en faire, parce que ça prenait trop de temps et que, de toute façon, celui-ci pouvait tout aussi bien l'entraîner, puisqu'il était coach dans ce domaine sportif. Ça tenait la route, mais je sentais l'arnaque à plein nez.
De toute façon, ce n'était pas mes affaires, alors je n'allais pas commencer à me prendre pour Sherlock HOLMES.
« Hep, toi, là ! T'es la nouvelle, non ? Viens avec moi ! », m'imposa Patate au ketchup, sans me laisser le temps de lui répondre - espèce de malpoli.
Je le suivis et nous nous retrouvâmes devant le petit bassin, normalement prévu pour les enfants.
« Bon, il est où, ton copain ? demanda-t-il, ce qui ne manqua pas de m'exaspérer d'avantage. Et pourquoi il reste encore autant de monde dans les douches ?! EH ! VOUS AVEZ FINI VOTRE PETITE PAUSE THÉ, LES FLEMMARDS ?! CEUX QUI NE SONT PAS LÀ DANS QUINZE SECONDES PEUVENT REPRENDRE LEURS AFFAIRES ET RENTRER CHEZ EUX ! », hurla Patate-Man, tandis que les retardataires rassemblaient leurs affaires et se grouillaient de traverser le pédiluve.
Dans tout ce bric-à-brac, je perçus Adrien qui semblait terriblement soulagé. Chauve-souris lui fit signe de venir avec nous et deux garçons, voyant cela, eurent le visage décomposé, ainsi que quelques filles. De toute façon, ils ne rataient pas grand-chose.
Lorsqu'Adrien s'avança vers nous, je remarquai une chose que je pensais impossible : il n'avait pas d'abdo.
Adrien PEMLER n'avait pas d'abdo.
Même pas une petite bosse sur le torse ! Aucun poil, en plus ?! « Dire que Cassiane voulait faire croire qu'elle avait reçu une photo de lui torse-nu..., songeai-je, prise de pitié pour lui. Je suis sûre qu'elle avait utilisé Photoshop pour lui faire de la chirurgie esthétique et mettre le torse d'une de ses starlettes préférées. Qu'est-ce c'est dur d'être « beau », dis donc. ».
Après qu'Adrien fut placé à côté de moi, Patate épluchée se présenta :
« Salut à vous deux, les nouveaux. Moi, c'est Francis ! Mais vous pouvez m'appeler par mon surnom : Popol. Comme je ne sais pas votre niveau, aujourd'hui, je vais l'évaluer dans le petit bassin. Allez, les asticots, à l'eau ! », termina-t-il, le poing levé.
•••
« Tu nageais vraiment TROP bien, Adrien ! s'exclama une fille aux cheveux noirs et blancs.
- J'avoue ! On aurait dit... Un homme sirène ! assura une autre à la chevelure acajou.
- Vous exagérer un peu, ce n'était pas si bien que ça, affirma le Triton en se grattant le front.
- Fais pas ton modeste ! Tu nageais super bien le crawl et la brasse. », insista Cruella d'ENFER.
Quand je disais que c'était vraiment dur d'être « beau », je ne plaisantais pas : voici encore deux vautours, prêts à attaquer leur pauvre proie. Et ce depuis sept minutes. Elles avaient attendu que tout son petit fan-club soit parti et lui avaient sauté dessus. Comme ça, paf !
Bien entendu, moi, je les avais remarquées dès que je laçais mes baskets. Donc, j'espionnais leur conversation un peu plus loin, dans le couloir menant à la salle principal. Pourquoi ? Parce que c'était drôle, tout simplement. De toute façon, c'était toujours hilarant avec Adrien. Surtout que le « Triton » ne nageait pas à la perfection, alors que ces deux filles le prétendaient : son crawl était bien, mais, quand il faisait la brasse, je voyais plus un têtard qui se noyait qu'une grenouille gracieuse.
Donc, Cruella et Acajou s'en fichaient pas mal de son « talent », du moment qu'elles pouvaient frimer, en marchant près de lui en ville, et se faire mousser.
Acajou reprit la conversation, me ramenant à la réalité :
« Eh, tu sais quoi ? On va aller au Starbucks, après. Ça te dit de venir ? On t'invite ! proposa-t-elle, tout excitée.
- Oh oui ! Tu nous expliqueras comment bien faire le crawl ! Parce que j'ai un peu de mal..., insinua la Méchante Disney avec un joli petit clin d'œil.
- HA HA HA HA ! »
Je plaquai ma main sur ma bouche. Merdouille, je m'étais complètement relâchée ! Vite, m'en all-
Malheureusement, tandis que je comptais m'élancer à toute allure pour sortir d'ici, Cruella apparut devant moi - comment avait-elle fait ? -, son visage outré :
« Ah, mais t'es la stalkeuse ! Vite, Adrien, enfuis-toi ! Margot et moi, on te couvre ! », meugla-t-elle, pleine d'assurance, en me barrant la route avec ses bras.
Ah, d'accord. C'était Cruella qui m'avait traité de « stalkeuse » dans les douches. Mouais. J'avais pensé à une personne bien plus classe, pourtant.
Tant pis, l'erreur était humaine.
La « gentille » et « dévouée » Margot vint aider son amie et imita sa pose, créant ainsi une sorte barrière et « protégeant » leur très Cher Adrien. Heureusement que nous étions seuls, parce qu'elles étaient d'un ridicule... Ha ha...
« HA HA HA HA ! ne pus-je m'empêcher de sortir de ma gorge, amusée. Sérieusement, vous vous prenez pour qui ?! OUH OUH OUH ! Je n'en peux plus ! HA HA ! »
Je me tins le ventre, tellement cet énorme rire me faisait mal.
« GROUHIHIHIHIHIK ! »
Je relevai ma tête, surprise, voire ébahie, suivie par mes deux nouvelles copines, et regardai Adrien qui rigolait, lui aussi. Non... Ça ne pouvait pas être son rire, ça ! J'avais l'impression d'entendre un cochon ! Normalement, son éclat était censé être plus raffiné. Avoir un rire « cristallin » faisait partie de son personnage « parfait » ! Là, je me retrouvais en face d'un porc... Super bizarre... Et amusant...
« Adrien, c'est quoi ton rire ? interrogeai-je, aux bords de l'explosion.
- J'sais pas, on s'en fout ! », rétorqua-t-il, ses mains sur les genoux, trop égayé pour arrêter de rigoler.
Et nous rigolâmes de plus belle, devant les regards interloqués de Cruella d'ENFER et d'Acajou.
« Adrien, tu nous expliques ? C'est qui, cette stalkeuse ? s'énerva Miss Margot en me pointant du doigt - mal élevée, c'était Popol qui déteignait sur toi ?
- Elle ? prononça Adrien, son mode « cochon » un peu calmé. C'est mon amie et non une stalkeuse, comme tu dis. »
Il s'était expliqué avec tellement de détermination que ça avait jeté un froid sur Black&White, Cajou et moi-même. Et il en fallait pour me stopper.
« Viens, Manon, on y va. », déclara-t-il en poussant un peu les deux filles qui nous offraient une charmant compagnie.
Nous quittâmes le duo. Sur ses talons, je ne pouvais pas m'arrêter de fixer sa nuque, encore un peu ahurie. Il me considérait vraiment comme une amie ? Je pensais que je n'étais qu'une simple connaissance, moi. En même temps, vu ses « amis », je ne pouvais que me poser des questions sur sa façon de me regarder. Il me prenait pour une abrutie, c'était ça ? Pour une pimbêche identique à sa Cassiane LEBRUN, peut-être ?! Rien qu'à y penser, ça me donnait la nausée.
Nous arrivâmes dans la salle principale et nous nous dirigeâmes vers nos mères, qui s'étaient installées sur un banc.
Mme.PEMLER semblait être une personne gentille : sa tresse noire sur le côté, ses lunettes rectangulaires simples et son grand sourire faisaient tout son charme. Quel contraste avec ma mère !
« Ma chérie, dit ma mère en me regardant, je dois encore parler avec la mère d'Adrien. Est-ce que tu pourrais attendre dehors, s'il te plaît ?
- Julia, voyons ! Appelez-moi Stéphanie, ne faisons pas tant de manières, plaisanta Mme.PEMLER sur un ton amical. Adrien, attends-moi dehors aussi, il ne faudrait pas laisser Manon toute seule.
- Ou-Ouais. », glissa timidement son fils.
Et voilà. Je me retrouvais encore à me coltiner Adrien. Même si ça me dérangeait moins que d'habitude, je l'admettais.
Nous sortîmes du bâtiment, puis nous nous assîmes sur un petit muret, non loin du parking. Des fois, des personnes passaient sur le trottoir d'en face et nous jugeaient du regard, en priorité moi, puisque nous n'étions « pas assortis ». Bah oui : lui était grand, fin et « beau » ; tandis que j'étais moyenne, limite et « moche ». Donc, nous ne pouvions pas être l'un à côté de l'autre. C'était tellement évident !
Bande de nazes. « Allez, détournez votre regard rempli de méchanceté. Allez ! Fais gaffe, toi, le blondinet ! avertis-je un grand dadais, dans la vingtaine, qui était dans sa voiture immobile, en train de nous reluquer. Parce que je vais continuer à te fixer. Grouille-toi. Bon, tu l'auras voulu, je compte jusqu'à trois ! Un... Deux... Tr- »
Seulement, Adrien stoppa mon compte à rebours mental et bredouilla :
« Ça fa-faisait b-b-bizarre de te voir en maillot-llot de bain, quand mê-même. »
J'abandonnai mon combat visuel avec le conducteur blond pour examiner Adrien en une millième de seconde et annonçai mon diagnostic sur un ton méprisant :
« Mais t'es un pervers, en fait. »
Il se leva subitement, son visage plus que cramoisi - phénomène très étonnant, à étudier.
« PAS DU TOUT ! se défendit-il. JE NE SUIS PAS UN PERVERS !
- Mouais, j'te crois pas, contestai-je en souriant ironiquement.
- Pfff..., soupira-t-il en baissant la tête. Moi qui venais tout juste de te soutenir devant ces deux nouilles sur pattes, en plus. Même pas un : « Merci. » !
- Merci, alors. »
Et il détourna la tête. Je ne comprendrais jamais ce qu'il se passait dans son cerveau, à celui-là.
« Di-Dis, Man-Manon... »
Oh non. Il recommençait à bégayer.
« Un d-de mes am-ami est am-am-amou-amoureux d'une fille et-
- Tu me fais quoi, là ? le coupai-je en pleine concentration. Si c'est à propos de toi et Cassiane, je suis au courant depuis lundi, puisque tout le monde en parle. Tu n'as pas demandé à la mieux placée pour te donner des conseils, mais ça ne s'avérera pas trop compliqué, comme son « amouromètre » est déjà à son maximum pour toi. Donc, tu as besoin de savoir quoi ? Attention, je ne sais pas beaucoup de choses, même si je me la trimballe depuis la maternelle. Oups, pardon. J'ai oublié que c'était ta petite-amie. Enfin, ta future petite-amie. Bref, de quoi t-
- Tu te trompes, c'est pas Cassiane ! m'interrompit-il.
- Sophie, alors ?
- Non.
- Gwendoline !
- Non ! insista-t-il.
- Bon, ben, l'autre, là... Suzie ?
- Mais non ! persévéra Adrien, contrarié.
- Qui, alors ? », demandai-je, curieuse.
Une nouvelle fois, l'Homme Sirène devint rouge tomate - si ça continuait comme ça, j'allais le surnommer « Red Boy » - et re-bégaya. Malgré mes nombreuses tentatives, il nia toutes mes propositions de prétendantes en bloc. Il refusait de me dire qui était sa Princesse ! Quelque part, je plaignais cette fille qui pensait certainement qu'Adrien était un garçon courageux et arrogant, alors qu'il était hésitant et grouinait.
Je n'avais plus qu'à rentrer dans son jeu.
« Donc, ton « ami » aime une fille, c'est bien ça ?
- Ou-Oui, m'assura-t-il.
- Et qu'est-ce qui l'empêche de se déclarer ?
- Cette fille lui fait un peu peur... Car elle est... trop sûre... d'elle. », avoua-t-il, terriblement gêné, en se grattant l'arrière du crâne.
Mais ce n'était pas vrai...
Je passai mes mains sur le visage, complètement démotivée à lui donner la solution miracle.
« Sérieusement, Adrien ? Toi, t'as peur d'une simple fille ?
- Mais ce n'est pas moi, je te dis ! objecta le Brave PEMLER.
- Soit, adhérai-je, sans vraiment y croire. Mais qu'est-ce que tu veux que je te dise, moi ? Dis-lui de se déclarer rapidement à cette mystérieuse chanceuse et point ! Si elle est intéressée, bingo ! Sinon, faudra laisser tomber la partie et accepter ton « game over ». T'as compris ?
- Oui... », murmura Adrien, la tête baissée.
Alors ça ! Qu'est-ce qu'il ne fallait pas faire pour l'aider, celui-là. Aider Adrien PEMLER pour une déclaration d'amour, c'était du jamais-vu !
Maintenant qu'une ambiance, pour le moins étrange, s'était installée, l'évidence même me sautait aux yeux : l'occasion se présentait enfin. Si je jouais bien, je saurais pourquoi il faisait ces combats ; pourquoi il s'entêtait à être populaire ; pourquoi il était si différent que ce qu'il voulait faire croire !
Trop impatiente, je me dépêchai de lui lancer :
« À moi de te poser une question. Comment ça se fait que tu sois une autre personne au lycée et « là-bas » ? »
Brutalement, il releva son visage, puis Adrien me regarda. Mais ses yeux semblaient éteints, ainsi que le reste de son corps : il ne tremblait plus, bégayait plus, ne rougissait plus. Mais, surtout, il me regardait en face pour la première fois de la journée.
« Manon, laisse tomber, tu veux ? articula Adrien d'une voix ferme et étrangement détendue.
- Mai-
- MANON, ON S'EN VA ! », cria ma mère, au loin, près de sa belle Opel, ce qui mit fin à notre conversation.
•••
Renommer le contact ALT en Adrien ?
« Et puis merde. », répondis-je à mon téléphone, validant ce choix.
Une fois cela effectué, je m'avachis sur mon lit, repensant à Adrien. Celui-ci avait changé de personnalité en une fraction de seconde : passer de « Poule mouillée » à « Garçon Mystérieux », il fallait le faire !
Ce fut à ce moment-là que j'avais décidé d'une chose : je changeais l'objectif du plan AA.
Soudainement, la porte de ma chambre s'ouvrit doucement et ma mère apparut. Elle s'approcha, un doux sourire collé au visage. Je me redressai immédiatement de mon lit et observai son expression avec espoir : allait-elle me féliciter pour ma performance en natation ?
« Manon, je viens de regarder ta moyenne. Il va falloir qu'on ait une petite discussion, toutes les deux. »
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