- Chapitre 24 -

« Ah... Aujourd'hui, je ne lui ai ni parlé ni envoyé de message. Encore. Entre ça et mes deux semaines de silence radio, va falloir que je me ressaisisse ! En même temps, s'il était venu lundi au lieu de rester avec sa Cassinette chérie, je ne serais pas dans cette phase de réflexions débiles. J'ai l'impression d'être un de ses personnages cucul la praline qui ne sait jamais où il en est ! Bah, aussi... C'est un peu mon cas, actuellement. »

Je posai mon poisson pané et deux louches de petits-pois carotte dans mon assiette, puis soupirai, avant d'entamer mon repas du mercredi midi.

« Mais, franchement, est-ce qu'Adrien est devenu quelqu'un de sympathique pour moi ? Parce que, si c'est vraiment le cas, je suis dans la mouise totale. », prononçai-je en mâchant lentement la nourriture.

Cette hypothèse me trottait dans la tête depuis l'épisode des ragots dans les toilettes. Considérais-je Adrien comme un véritable ami ?

« Bien sûr que non. Il est quelqu'un avec tous les défauts au monde : violent, collant, inintéressant, trompeur et tout le tralala. En plus, un garçon sortant avec Cassiane ne peut être qu'une sorte d'ennemi ! », m'exclamai-je, ma main frappant mon genou, comme si je venais de comprendre une bonne blague.

Je ris, mais m'arrêtai rapidement. Je n'étais pas sympa avec lui. Adrien était gentil, quand même. Assez drôle, aussi. Frère poule avec son frangin. Un garçon passionné et-

« Et merde... J'ai recommencé... »

Je fixai mon repas avec intensité.

« Suis-je bête ! Si je dis autant de conneries, c'est juste parce que j'ai faim. », exposai-je, pensant que c'était une évidence.

Je me remis à manger tranquillement.

Seulement, une chose me vint à l'esprit : ça faisait presque six mois que je connaissais son secret ; pendant les vacances, je ne voyais déjà plus mon Prince ; j'avais décidé de mettre en marche le plan AA, en septembre. Donc... Mes pensées étaient tournées vers Adrien depuis juin ?

Je découpai violemment mon poisson pané et assurai-je d'une voix aigre :

« N'importe quoi. Manquerait plus que je tombe amoureuse de lui, tiens. »

•••

Alors, « His constitutis rebus » devenait « Cette chose établie »...

Tout d'un coup, mon téléphone sonna. Je le pris et fus surprise de constater que ce n'était pas Adrien, mais Louise qui m'appelait... Stop ! Plus de préoccupations pemleriennes pour aujourd'hui !

Sans plus attendre, je décrochai et commençai la conversation :

« Allô ?

- Manon, faut que je te parle. », déclara durement mon amie, à l'autre bout du fil.

Une des qualités de Louise : la franchise. Au moins, elle ne passait pas par quatre chemins et ne me faisait pas perdre de temps.

« Qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu sais bien que je comprends facilement les choses autour de moi, pas vrai ? »

Une autre de ses qualités : l'observation.

« Oui, ça va faire dix ans que tu me le rappelles. Pourquoi ?

- Lundi, quelque chose a confirmé mes doutes que j'ai depuis la rentrée. »

Je me levai précipitamment de ma chaise. Elle ne faisait tout de même pas allusion à ma relation avec Adrien ? Enfin, si on pouvait qualifier ça d'une « relation ». D'ailleurs, ce n'en serait jamais une !

« Et c'était quoi ce « quelque chose » ? », demandai-je sur la défensive.

Si Louise avait remarqué ma tête d'enterrement, lundi après-midi, j'étais fichue.

« Tu vas être étonnée, me précisa-t-elle.

- Mais non.

- T'es sûre ?

- Oui, vas-y.

- Certaine ?

- À cent pour cent.

- Je pense que tu ne me croiras pas.

- Je t'assure le contraire.

- J'ai ta parole d'honneur ?

- Tu commences à être chiante, là, lui fis-je remarquer.

- Est-ce que j'ai ta parole d'honneur ? insista-t-elle.

- Oui, tu l'as.

- Non, pas comme ça !

- Comment tu la veux, ma « parole d'honneur » ?

- Croix de bois, croix de fer...

- Louise, on a quinze ans ! l'interrompis-je. On disait ça en primaire !

- Manon, je te parlerai de notre souci que lorsque tu auras donné ta parole d'honneur. Alors, répètes, merde ! »

Pour une fille qui ne passait pas par quatre chemins, elle venait de prendre un grand détour par l'autoroute.

« Crois de bois, croix de fer, si tu mens, je te découpe avec une petite cuillère...

- Bah voilà, quand tu veux ! me félicita-t-elle, joyeuse que je redise notre première devise.

- Bon, tu me racontes ? D'habitude, t'es plus rapide que ça.

- Excuse-moi, mais c'est un sujet plutôt délicat.

- Qu'il soit délicat ou pas, je n'ai pas trop de temps devant moi. En plus d'avoir ma traduction latine à terminer, j'ai mon cours de piscine da-

- Tu vas faire de la piscine ? me coupa Louise, étonnée.

- Pourquoi t'es stupéfaite à ce point ?

- Tu n'as jamais été sportive.

- Et je te rassure : je ne le serais jamais.

- Pourquoi tu vas faire un sport, alors ?

- Question de poids. Allez, balance ton scoop, s'il te plaît, qu'on en finisse. », exigeai-je, pressée de savoir si c'était à propos de moi et Adrien, ou pas.

Je l'entendis inspirer un grand coup. C'était la première fois que Louise était aussi hésitante pour me parler d'une chose quelconque. Elle allait me sortir quoi ?

« C'est à propos de Charlotte. »

Instantanément, je retombai sur ma chaise de bureau, soulagée et exténuée par tant de « suspense ».

« Il y a un problème avec Charlotte ?

- Ce n'est pas vraiment un problème en soi, mais... Comment dire... Elle est bizarre, ces derniers temps.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

- Déjà, à la rentrée, elle avait inversé nos prénoms.

- Oui, c'est vrai. Mais ce n'est pas très grave, ça.

- Mais elle l'a fait plusieurs fois ! Puis, ce n'est pas tout ! Début octobre, elle avait mis des chaussettes différentes : une rose et une jaune. Elle nous a refait ce numéro six fois, ensuite. Six fois, Manon !

- Louise, tu me déranges pour une histoire de prénoms mélangés et de chaussettes tricolores ? Ce sont juste des détails que tu as mal interprétés, c'est tout.

- Ah ouais ? Attends, je n'ai pas encore utilisé mon argument de choc.

- Quoi ? Charlotte a pris son cahier de maths à la place de celui de S.E.S. ? la questionnai-je, sarcastique devant tant de paranoïa.

- Non, pire que ça : elle a confondu deux mangas. »

OK, là, elle m'avait convaincue.

« T'as raison. Y a quelque chose qui ne tourne pas rond, admettai-je.

- Ah, tu vois ! fanfaronna Louise.

- Tu penses que c'est dû à quoi ?

- J'ai bien une piste, mais je préfère être sûre avant de t'en parler. En attendant, comme tu as toujours de bonnes idées, tu n'aurais pas un soupçon de stratégie en stock pour qu'on découvre ce qui ne va pas ?

- Eh bien... Le Réveillon est toujours une soirée où l'ambiance est spéciale. Nous pourrions lui tirer les vers du nez en douce, qu'est-ce que tu en pe-

- MAIS C'EST PARFAIT ! hurla de joie Louise, me pétant ainsi les tympans. ON FAIT ÇA ! À DEMAIN, MANON, ET MERCI ! »

Clic ! Tut... Tut...

Elle m'avait raccroché au nez.

Je regardai dans le vide. Si je n'étais pas aussi impliquée dans le plan AA, j'aurais certainement relevé aussi que Charlotte était étrange.

J'étais vraiment une amie indigne d'elles.

•••

« Heureusement que ce cours est assez tard, sinon je ne pourrais même pas t'y emmener ce soir. Mais je ne pourrais pas me permettre de partir une nouvelle fois de mon travail à cette heure-ci. Ton père ne pouvait et ne pourra pas, non plus. Je vais devoir trouver quelqu'un qui accepte de te prendre et de te ramener à la maison. Dix-huit heures trente, c'est trop tôt pour que nous quittions notre boulot ! se plaignit ma mère, au volant de son Opel blanche.

- Oui.

- Au moins, tu as choisi un sport où on ne se met pas trop en évidence. Ton cours n'est composé que de jeunes d'un village voisin, en plus. Autrement dit, il n'y aura personne de ton lycée ou de ton ancien collège. Ce sera plus pratique, si tu es à la traîne. Je compte sur toi pour écouter ce que le coach aura à te dire ! Ne me fais pas honte !

- Oui.

- Bon, nous sommes arrivées. Dépêche-toi ! », conclut ma mère en enlevant le contact de la voiture.

Je sortis et ouvris le coffre pour prendre mon sac de sport. Je courus pour rattraper ma mère, qui était loin devant.

Lorsque je me trouvais à ses côtés, la différence physique était flagrante : elle était blonde vénitienne et possédait de beaux yeux verts, ma chevelure était juste châtain clair et mes yeux d'un marron commun ; ses jambes étaient grandes, minces et musclées, les miennes étaient poilues et moyennes ; ses mains grandes, ornées de ses ongles parfaitement manucurés, étaient magnifiques, tandis que les miennes n'étaient pas spectaculaires ; elle mesurait un mètre soixante-treize, je restais bloquée à mon un mètre soixante et un, depuis ma quatrième ; elle dégageait une aura de prestance, moi, je n'inspirais rien de particulier.

Bref, physiquement, il n'y avait pas photo : j'avais hérité des mauvais gènes. Bizarrement, ça n'avait jamais énervé ma mère, alors que ça me mettait en rogne à chaque fois. Je n'étais même pas une version minuscule de mon père - à part nos problèmes d'yeux communs, nous n'avions aucune ressemblance !

Alors que nous étions enfin à la porte, j'entendis quelqu'un m'appeler dans mon dos :

« Manon ? »

Je restai figée, bloquée, ma main en l'air, prête à ouvrir la porte. Non... Ce n'était pas possible ! Ce n'était pas vrai ! Pas à moi ! Mais qu'est-ce que j'avais fait ?! J'avais tué quelqu'un dans une vie antérieure, c'était ça ?! Ou j'avais été nazie ?! S'il vous plaît, que ce ne soit pas lui ! S'il vous plaît s'il vous plaît s'il vous plaît s'il vous plaît...

Mais une voix très calme et douce s'adressa à mon interlocuteur, confirmant mes craintes :

« C'est une de tes amies, Adrien ? »

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B O N J O U R !

Le Chapitre 24... C'est un peu comme un retour en arrière, au temps où Adrien refusait ses sentiments. Quelle ironie, non ?


Ensuite, dans le Chapitre 1, il y a eu une petite réécriture au niveau de la présentation de Louise et Charlotte. D'ailleurs, oubliez le passé de Charlotte (comme quoi, elle aurait connu un homme raciste, etc.). Non, ce n'est plus vrai. Oui, je change le passé de Charlotte comme ça, en un claquement de doigt. Donc, son "passé" (du moins, sa rencontre avec Manon et Louise) sera révélé plus tard.

A U R E V O I R !

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