-CHAPITRE 8-




BONNE LECTURE



*.*.*


-*J'ai des tas de potes à l'habitude, mais mon meilleur ami s'appelle solitude.*-


       

A la fenêtre, j'observe le quartier et ses changements. Une des tours principales est en cours de rénovation ce qui gêne les guetteurs dans leur travail. Ils n'ont plus accès au toit. Un arrêt de bus, celui qui sert de navette pour l'université et le lycée, a été enlevé. Ce qui oblige les étudiants à faire le tour du quartier pour rentrer. C'est dérangeant pour les meufs qui rentrent seules le soir. Il faut que je pense à placer quelqu'un la bas en fin de journée. Par précaution.  Mes pensées sont bien loin lorsque mon téléphone me ramène. Le devoir m'appel.

A l'heure de la sortie des cours, je suis poster avec L'Escroc, du mauvais côté du quartier. Le côté que toutes les meufs évitent en fin de journée. Ce même côté par lequel elles sont désormais obliger de passer pour entrer au quartier.

-          Il faut poster quelqu'un ici. Les mecs bourrer la bas, je les désignent et L'Escroc ne se retourne même pas car il sait de quoi je parles, on peut pas anticiper leur réactions. Ça fait peur aux meufs et à moi aussi. J'veux pas de galère. La priorité va à leur sécurité.

-          Ouais, depuis le truc avec la nouvelle on fait plus attention, il répond songeur. On a merdé avec elle.

-          Raconte-moi, je demande même si j'ai déjà eu la version de mon frère, celle de Jennah et même celle de Sania.

Il y a quelque mois, Jennah a été agressé sur un des parkings de la tess. Une chance pour elle, Crapule n'étais pas loin et s'est occuper du fils de pute qui a oser la toucher. Elle en est reste légèrement traumatiser mais tout va pour le mieux à présent.

-          J'étais pas là. Putain y'avais personne. Le quartier était désert. On était tous ailleurs. En train de fumer, boire et jouer au foot. On a tous laissé en plan comme tous les vendredis, frustrer L'Escroc passe une main dans ses cheveux et shoote dans une canette abandonné. Crapule était à la maison en ruine quand il a entendu le cri de la nouvelle. Il a trouvé un mec sur elle en train de la frapper. Le mec était complétement pété d'après ce que Crap's a dit. Il tenait à peine debout mais la nouvelle, elle avait peur. Elle savait pas quoi faire, c'est pour ça qu'elle s'est à peine défendu. Crapule l'a mis à terre et à ramener la go chez vous. Putain quand il nous a raconté... il s'arrête de parler, regarde au loin et secoue vivement la tête. Ça m'a rendu ouf. J'ai pété un câble et tous les mecs aussi. Putain ça aurai pu être une de nos sœurs. Une meuf du quartier c'est fait agresser ! il hurle désormais, laissant libre court à sa colère. Pendant deux minutes j'ai imaginé Hella à la place de Jennah.

Hella est la petite sœur de L'Escroc. Elle a l'âge des jumeaux et même si Sania semble fragile, elle l'est surement moins qu'Hella. Sa maladie du foie l'a rendu si frêle. On dirait qu'une simple tape dans le dos suffirait à avoir raison d'elle.

-          C'était... sa mère c'était l'enfer. Ça aurait pu être n'importe qui ! Quand on l'a su, on a tout de suite cherché après le mec. On a mis la main dessus et on l'a pas lâché. Il a fait un long séjour dans la cave du bloc 3 et a fait la connaissance de Taya. On a pris la chienne la plus agressive pour lui faire comprendre. On touche pas à une meuf d'ici sans représailles sanglante, il conclut et crache à terre.

Il a raison. Les mamans, les filles et les gosses, leur sécurité c'est le plus important à la cité. Plus important que n'importe qu'elle drogue qu'on deal, que tout l'argent du monde, que n'importe qu'elle vago on rêve de s'offrir.

-          Appel le p'tit Yacine et met sur le coup, faut qu'il soit la avant que la lumière flanche. Du lundi au vendredi. Verse lui un salaire de guetteur et met lui a dispo tout c'qu'il peut avoir besoin, j'ordonne en avançant vers le nouvel arrêt de bus.

Mairie de merde et travaux de merde. On parle business avec L'Es, le bus de la fac passe. Il fait le tour des différents campus avant de faire route vers notre quartier et continuer jusqu'au quartier voisin.

Sania nous rejoins et salue mon meilleur pote avant de me tomber dans les bras. J'ai toujours eu du mal avec les marques de tendresses et les contacts physiques mais encore plus quand on sait que je viens de passer plus de deux ans seul. Elle enfouie la tête dans mon épaule et me serre plus fort.

-          Tu m'as manquée ! elle s'exclame, ses mots étouffer par mes vêtements.

-          On s'est vu hier soir, je ricane et adopte un ton léger pour dissimuler ma gêne.

-          T'es parti depuis deux ans, elle dit en me relâchant enfin. Et t'es pas encore complètement revenu, elle ajoute presque tristement en baissant la tête.

Ses propos me perturbent et j'en perds mes mots. Je me contente donc de lui caresse la joue en souriant à demi.

-          J'vous lâche plus, je murmure pour être sûr qu'elle soit la seule à m'entendre malgré le monde autour.

Sania hoche silencieusement la tête et nous fais signe avant de rentrer à la maison. Les petits du quartier viennent alors à tour de rôle me saluer et me souhaiter un bon retour au quartier. La dernière personne à laquelle je pensais venir me parler, sort de nulle part et me tend la main :

-          Contente que tu sois de retour, la voix de Zeynep que j'ai entendu tous les soirs pendant deux ans attire mon attention. Tu nous as manqué à tous.

-          Merci Zeynep, je réponds en l'a regardant droit dans les yeux.

Grossière erreur. Elle a les yeux d'un bleu si profond qu'il ne doit pas exister un nom à cette couleur. Lorsque ses iris croisent les miennes, une boule se forme dans ma gorge. A cet instant, c'est comme si le son avait était couper. Comme si on m'avait débranché. Il ne reste plus que ça, moi et mon regard plongé dans celui de Zeynep. Ses lèvres entrent en mouvement mais le son n'est toujours pas revenu, c'est donc avec surprise que je l'a regarde s'éloigner. Une fois le contact visuelle rompu, je reprends mes esprits. Qu'est ce qui viens de ce passé putain ? Je ne comprends pas ma réaction, ou plutôt mon manque de réaction.

Dans la soirée, je reçois un texto de Zeynep. Pour je ne sais qu'elle raison, j'hésite à l'ouvrir. Je finis néanmoins par m'exécuter :

*Même si tu n'as plus « besoin » de compagnie, sache que tu peux toujours m'appeler et m'envoyer des messages a toute heure.*

Je n'hésite alors pas une seconde avant d'enclencher l'appel. Je réfléchirais plus tard. Pour le moment j'ai simplement besoin de me détendre et rien de mieux qu'un flash de whisky et la compagnie d'une belle femme.

-          Prince, s'exclame-t-elle en guise de salutation, la stupéfaction s'entend dans sa voix.

-          Zeynep.

Un silence s'installe dans la ligne et nullement troublé, je sirote tranquillement ma boisson.

-          Il y a une raison spécifique à cet appel ou dois-je faire la discussion ? elle finit par demander.

-          Fais-moi la discussion, je dis d'un ton impérieux.

J'adore dire cette phrase. Avec dédain. Comme si le fait de lui accorder de mon temps était la plus belle des faveurs. Le plus jouissif est qu'elle a l'air de considérer que c'est justement le cas.

-          L'euphorie est palpable au quartier. Tout le monde a l'air tellement heureux. Ton retour a mis la lumière dans les cœurs. Tu ne te rends surement pas compte à quel point tu comptes pour les habitants et à quel point les conditions de vies ont évolué depuis que tu as pris la responsabilité de la cité. Ton influence à changer la donne et durant les deux années qu'a durée ton absence, c'est comme si le quartier s'était endormi.

Elle enchaine encore et encore pendant une heure durant laquelle je n'ai ouvert la bouche pour acquiescer qu'a deux ou trois reprises. Jusque-là ça semblait lui convenir jusqu'à ce que la discussion tarisse.

-          Comment tu te sens ? elle demande soudainement après une minute de silence. Et ne t'avise pas de me répondre un simple 'ça va'. Je veux ton ressenti pur et dur. 

L'alcool et le joint aidant, je m'ouvre à elle. Ce n'est certes pas la première fois, mais l'ayant vu et lui ayant parler le matin même, j'ai l'impression que c'est diffèrent. Ça l'est surement. J'ai jamais rien eu contre la solitude, tout au contraire, je l'a favorisais au détriment des relations. Mais sa présence a été bénéfique durant mon enfermement. Elle m'a permis de ne pas me renfermer plus encore. Il faut dire qu'à chacun de mes passages en prison, le fossé creuser s'est amplifié. Ce fossé qui a fait apparition au départ de celui qui au lieu de nous protéger, battais ma mère. J'avais donc pris la relève et ce fossé s'est creuser, il s'est étendu à mon entrée en prison pour mineur. On m'a éloigné de ma famille physiquement, et je me suis chargé de m'éloigner émotionnellement. 

-          Prince ? Zeynep m'interpelle et me ramène sur Terre.

-          Ça va, je commence et ma bouche est tellement pâteuse que chaque syllabe sort difficilement. 'Fin c'est quand même bizarre. Je suis censée être comblé d'être enfin entouré mais putain même dans une pièce chargée de monde, j'me sens 'tain de seul. C'est comme si j'étais libre physiquement mais pas dans ma tête. A l'intérieur j'suis putain d'enchainer.

L'alcool me délie la langue et ma tirade est l'une des plus longues de l'histoire de nos discussions. Néanmoins, je ne peux pas me cacher derrière l'alcool. Certes ça aide énormément mais si cette conversation était avec une autre personne, j'aurai chassé la question aussi vite qu'elle est arrivée. Zeynep se démarque par la facilité que j'ai à parler avec elle et surtout combien l'entendre parler me détend.

-          Maya putain ! C'est le pire. Comment aller bien alors qu'elle reste introuvable ? Comment garder la tête haute devant les membres de sa famille alors que je suis l'unique responsable de sa disparition. Comment assumer mon statut d'homme alors que je n'ai pas su protéger celle dont j'avais la responsabilité ? On est fiancé putain de merde ! je hurle désormais et m'affale dans les escaliers sur lesquels je repose.

-          Ta culpabilité ne sert à rien, a part t'handicapé. Arrête ça et part à sa recherche. En l'a retrouvant, tu te trouveras, sa douce voix – brisé par l'amertume -  me berce et m'allège.


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