☆ 𝒞𝒽𝒶𝓅. 3 : Envies d'écartèlement
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Le hasard s'était montré généreux, il ne pouvait le nier. Le vingt-et-unième siècle souffrait certes de nombreux vices, mais il n'en restait pas moins empli d'une forme d'espoir qui avait jusqu'alors empêché Katsuki de sombrer.
Installé comme tous les matins à la terrasse du Café Nezu, il faisait tourner négligemment sa petite cuillère dans sa tasse. Suite à sa rencontre catastrophique avec Dame Uraraka, il s'était retiré dans ses appartements sans adresser un mot à Mitsuki. Seul Eijiro avait obtenu l'autorisation de le rejoindre, soucieux de son état.
« Vous devriez vous reposer, Altesse. Partez quelques jours, je me charge de tout arranger avec votre mère. »
Son maître ne s'était pas fait prier! Il l'avait remercié d'une brève accolade, le cœur déjà en fête à l'idée de regagner l'époque qui le fascinait tant. Il avait profité de la clarté du ciel nocturne pour entamer son voyage vers le futur, nullement inquiété par la sensation d'évaporation venue le soutirer à ses devoirs royaux.
Il avait retrouvé sa maison mitoyenne, située au centre de la capitale, et richement meublée grâce aux ventes secrètes qu'il organisait avec des objets précieux volés à la couronne. Elle lui permettait de concilier le meilleur de ses mondes : le raffinement de la Renaissance et la praticité moderne de ce millénaire. Il n'avait guère tardé, lors de ses premiers allers-retours, à accrocher ses tableaux préférés aux murs d'un blanc ivoire – qu'importait l'éventuelle fureur de Mitsuki? Ainsi, son âme pouvait enfin s'apaiser.
Pour lui, l'art comptait plus que tout. Il tenait cet amour débordant de son père, qui n'avait eu de cesse au cours de son règne de développer le prestige culturel de son pays. C'était grâce à lui s'il était à présent capable de discerner chaque nuance utilisée par les peintres, chaque note produite par les musiciens et les chanteurs. Si seulement il pouvait voir la beauté sans nom qu'était devenu le Louvre!
Il ne l'avait malheureusement connu qu'en pleine expansion – bien sûr, sans les multitudes de merveilles qui le parsemaient aujourd'hui. Si Katsuki avait obtenu son pouvoir plus tôt, peut-être aurait-il pu les montrer à Masaru? Rien ne garantissait qu'il aurait été projeté à la même époque, oui, mais il aimait tant imaginer une telle épopée!
« Puis-je vous apporter autre chose, monsieur? »
La voix calme de Tenya interrompit brusquement le fil de ses pensées : il en lâcha son ustensile, qui l'éclaboussa de quelques gouttes.
« O-oh, je suis désolé! » s'exclama le serveur en s'emparant aussitôt de la serviette immaculée pendue à son tablier.
« Non mais je rêve! » s'insurgea le blond en se levant, outré.
« Pardonnez-moi, je ne voulais pas... »
« Vous êtes ambisenestre sans le savoir, je ne vois que ça! »
Autour d'eux, la plupart des consommateurs les observait d'un air réprobateur : était-ce à cause de leur raffut ou de l'attitude princière de Katsuki?
Comme si ça avait encore de l'importance!
« S-si vous me permettez, j-je vais demander à mon manager de porter votre veste au pressing... » lui proposa le binoclard.
« C'est bien le moins que vous puissiez faire! » râla l'offusqué. « Quand je pense à ce qu'elle m'a coûté... »
Le tissu onéreux d'un pourpre sombre magnifique n'était même pas imprégné d'une quelconque tache de liquide : celui-ci n'avait que mouillé le dos de sa main, alors à plat sur la table. Pour autant, il était hors de question qu'il cède au brun si facilement! Il n'était pas d'humeur à faire preuve de magnanimité.
« Excusez-moi. Monsieur? »
Lâchant un soupir agacé, il laissa Tenya respirer un instant et jaugea la personne qui venait de l'interpeller si sommairement. S'il s'agissait d'un énième indésirable, il n'allait pas se gêner pour l'envoyer paître en province!
« Que voulez-vous? » gronda-t-il.
Face à lui se tenait un jeune homme plus petit, doté d'une crinière ondulée vert sapin aux mèches rebelles. Sur ses pommettes claires s'étendait une constellation de taches de rousseur, qui soulignait joliment la forme de ses grands yeux émeraude.
« Vous poser une question. » annonça-t-il sans ciller.
Sa voix suintait d'une pureté qu'il trouva d'emblée agaçante : pour qui se prenait ce gamin? Ne voyait-il pas qu'il était occupé avec l'imbécile à lunettes?
Avant qu'il ne puisse exprimer son mécontentement, l'autre reprit :
« Vous êtes un connard de naissance ou vous avez suivi des cours? »
Katsuki en resta bouche bée. Son ouïe fonctionnait-elle correctement?
« I-Izuku, non! N'envenime pas la situation, s'il te plaît! » s'immisça Tenya en se plaçant entre eux.
Son sourire bancal ne trompa pas son client : il était terrorisé à l'idée de perdre son travail.
« Je suis désolé, monsieur Bakugo... »
« Assez. » l'arrêta son interlocuteur en levant une paume impérieuse.
Il esquissa un pas de côté afin de fusiller du regard l'inconvenant qui n'avait fait qu'attiser sa colère : un bambin, un minable! Un pathétique inférieur vêtu d'habits bon marché, à peine capable de fouler les pavés parisiens sans les souiller!
« Je n'oublierai pas votre visage. » lui promit-il.
Puis il quitta l'établissement sans payer, conscient que la mésaventure fictive survenue plus tôt effacerait son ardoise sans qu'il n'ait à s'en préoccuper.
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Pourquoi n'avait-il rien fait?
Il était le futur Roi de France! Comment avait-il pu laisser passer un tel affront?
Cet impertinent avait bien de la chance de ne pas être né au seizième siècle : il y aurait perdu la vie sur simple demande de sa part!
Toujours fulminant, Katsuki déambulait sans but entre les sculptures antiques exposées dans cette aile du musée, carrelée d'un damier monochrome. Ses pupilles étincelantes de frustration ne parvenaient à se poser durablement sur aucune des œuvres, encore voilées de vives émotions négatives.
Et les heures qui passaient n'y changeaient rien.
Il finit par s'installer sur un des bancs mis à la disposition des visiteurs, épuisé. Il aurait tant aimé mieux se maîtriser! Pourquoi avait-il fallu qu'il hérite de la hargne de sa mère?
Soudain, son portable vibra dans la poche de sa veste. Il s'en saisit sans y penser, une fois de plus certain du nom qu'il lirait sur l'écran :
Tandis qu'il s'apprêtait à envoyer la même réponse que d'habitude, une paire de chaussures d'un rouge délavé entra dans son champ de vision. Il n'eut pas besoin de s'interroger quant à son propriétaire, puisqu'il reconnut d'emblée son jean trop large aux ourlets abimés...
« Monsieur Bakugo, c'est ça? » s'assura-t-il.
Le dénommé releva la tête, luttant contre ses envies d'écartèlement.
« Je voulais... m'excuser. » poursuivit le vert en passant une main gênée dans sa nuque. « J'y suis allé un peu fort, tout à l'heure. »
Tu as de la chance que la peine de mort ait été abolie!
« Ne vous en prenez plus à Tenya, d'accord? Il adore ce job... qui l'empêche d'étudier autant qu'il le souhaiterait. »
... Intéressant.
« Pour me faire pardonner, je vous invite à boire un coup à l'extérieur. Ça vous dit? »
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