Chapitre 8

« L'âme fragmentée est difficilement remodelable, surtout sous l'incompréhension des gens qu'on aime. »

« Tu devrais venir, 'Mione », renchérit pour la seconde fois Harry, alors qu'ils étaient tous installés dans la bibliothèque de Poudlard.

Hermione avait pour habitude d'accompagner ses amis où qu'ils allaient. Pas cette fois-ci. Fêter dans la salle commune des Gryffondors, boire avec débauche, l'air rieur et dansant avec un air de sérénité ? Ce n'était définitivement pas pour elle. Elle prit alors un grand soin à contempler les pages de son livre lourd de connaissances avec une détermination trompe l'œil. Son meilleur ami n'était pas dupe, il savait percer son armure et la tête penchée, il continua de l'analyser. Elle souffla avec lassitude, le regard obstrué d'un voile d'émotion âpre et inébranlable par leur présence. Claquant son livre d'un mouvement sec, le bruit se répercuta à travers les cinquantaines de rangées de la bibliothèque.

« Qu'est-ce que tu cherches à faire exactement, Harry ? » commença la jeune Gryffondor, ses yeux virevoltant vers le plafond dans une mimique faussement agacée. « Tu ne viens jamais réviser ici et encore moins accompagné de Seamus. »

Le grand brun lui lança un clin d'œil en retour et fit mine de se concentrer sur ses devoirs avec précipitation, le feu aux fesses. Ses parchemins se retrouvaient à l'envers et Hermione pouvait y lire : Comment draguer une sorcière, Dix solutions imbattables. Elle retint un hoquet de stupeur avec difficulté. Croisant son regard et réalisant que son devoir était dans le mauvais sens, il le retourna, se grattant un sourcil, les joues flambantes d'un rouge écrevisse.

Hermione se pinça la cuisse droite pour s'empêcher de rire, alors que Harry ne se doutait de rien.

« Je suis venu pour finaliser mes devoirs de Divination, comme je te l'ai dit. Je m'y prend toujours à la dernière minute, tu t'en souviens ? »

Hermione prit tout son courage pour empêcher un frisson de dégoût de remonter jusqu'à sa nuque en entendant la discipline que Harry devait supposément réviser. Elle détestait ce cours, si ce n'était pas autant que la professeure qui le donnait : Sibylle Trelawney.

« Parfaitement et c'est d'ailleurs pour cette raison que tu ne devrais pas te retrouver ici avant la tombée de la nuit, à me supplier de t'aider. »

Seamus ricana dans sa barbe sous sa réplique et noya son nez dans ses bouquins lorsque Harry lui lança un regard noir.

« Les gens changent, non ? » bredouilla Harry, un grognement outré dans la gorge.

« Écoute, Harry. Tu as peut-être vaincu Voldemort, mais il faut vraiment que tu travailles sur cette capacité de mentir, parce que vraiment... c'est pas terrible. Maintenant, crache le morceau. Je n'ai pas que ça à faire. »

Se passant une main fébrile dans ses cheveux noirs coupés au peigne fin, Harry soupira, puis esquissa un sourire moqueur. Merlin, bien sûr qu'elle n'avait rien d'autre à faire et son imbécile d'ami le savait ! A part peut-être réfléchir à une nouvelle tactique pour emmerder Draco Malfoy. Ce pitre avait osé ramener Zabini et Théodore dans son dortoir. Ils avaient tant fêté que les murs assourdissants de musiques stridentes avaient presque fait éclater les tympans de Hermione. Et puis, ce n'était pas tout !

Une horde d'étudiantes s'étaient présentées dans le salon en petite jupe et complètement éméchées. Théo s'était rapidement fait chevaucher par une blonde venant de la maison Serdaigle, alors que Malfoy, un joint dans la main, s'était pris à l'observer, en se mordant la lèvre inférieure. Elle avait senti son visage chauffer sous ses œillades plus que salaces, et quand le Serpentard s'était détourné de sa personne sous le toucher de Pansy Parkinson, ses mains empoignant la ceinture de son pantalon, Hermione s'était enfuie dans sa chambre, avec rage.

Il était détestable à un point inimaginable ! Il ne faisait même pas ses tâches préfets. Le soir, elle faisait ses rondes toute seule et, épuisée en revenant dans son dortoir, elle n'avait qu'une envie : se coucher dans son lit avec un bon roman entre ses doigts. Et c'était chose impossible avec la présence de Draco et ses amis.

Se forçant à respirer avec douceur, pour ne pas attirer l'attention inquiétante de son ami, la jeune Gryffondor, releva ses pupilles pour l'observer. Une barbe naissante définissant les traits de son visage, le nez plissé sous la concentration et ses lunettes glissant toutes les deux minutes, Harry semblait en pleine cogitation. À quoi pouvait-il bien réfléchir ? Elle n'avait pas envie d'aller à cette foutue soirée. Même si dans un certain sens, ça l'empêcherait de croiser et de faire face à Malfoy. Lui et ses yeux d'aciers, qui lui coupaient la respiration, elle voulait bien les jeter à travers la fenêtre à coup de baguette. Elle prendrait un tel plaisir à le faire que ses paupières s'abaissèrent. Merlin, elle avait l'air délirante à réfléchir ainsi. En même temps, c'était un ancien Mangemort, elle se fichait bien d'éprouver un malin plaisir à l'attaquer ou à l'embrasser. À la fin, ils étaient semblables. Tous deux coincés dans les couloirs de Poudlard, ils tentaient de trouver une manière de vivre après la guerre. Peut-être certaines raisons étaient plus honorables que d'autres, mais Hermione ne voulait pas pousser sa réflexion plus loin. Le jugement et la comparaison n'apportaient jamais rien de bon.

« Écoute, Hermione, » commença Harry.

Sa voix était douce et connaissant cette intonation, elle grinça des dents. Son ami allait lui montrer toute l'inquiétude qu'il éprouvait pour sa personne et la jeune Gryffondor n'était pas certaine de pouvoir l'accepter encore une fois. Elle tentait tant de paraître normale, inatteignable par les horreurs du passé. Personne ne s'en souciait, mais son ami voyait entre les plus minces lignes et cela la frustrait autant que ça lui réchauffait le cœur. Elle ne pouvait avoir plus grand ami.

« La soirée tu vois, j'en reparle parce que... »

« Je n'irais pas, Harry, » rabroua Hermione d'une voix sans réponse.

« Mais, » argumenta-t-il, penaud.

« J'ai des rondes à faire. »

« Ginny s'est renseignée sur ton horaire et dit que tu termines vers 22h. C'est parfait, tu pourrais venir après, non ? »

« Ginny connaît mon horaire ? »

Harry sembla observer ses doigts, soudain embarrassé.

« Je lui ai peut-être dit, » avoua son imbécile de meilleur ami.

Hermione n'avait pas de problème à ce que ses amis connaissent son emploi du temps. Elle trouvait juste assez étrange que Ginny souhaite le savoir, étant donné les regards pleins de reproches qu'elle lui lançait à tout va depuis leur retour à Poudlard. Hermione n'avait jamais été proche de la belle rousse. Et depuis que Ron était parti en Irlande, elle semblait lui en tenir rigueur. Peut-être s'attendait-elle à ce que Hermione arrive à le retenir, vu qu'ils avaient partagé un baiser ? Mais tenant compte de sa personnalité, Hermione n'empêcherait jamais une personne à abandonner ses rêves sous un désir égoïste. Ginny finirait par le comprendre un jour. Elle lui donnerait amplement le temps de s'accommoder à la situation. La jeune Gryffondor avait seulement cette impression malsaine qu'il y avait de l'eau trouble sous les ponts entre la jeune Weasley et elle. Les raisons pouvaient être nombreuses, mais toujours nébuleuses.

« Harry, écoute Ginny et moi, c'est compliqué. »

« Je sais, » répondit avec empressement son meilleur ami, en remontant ses lunettes sur son nez.

Seamus semblait se fondre dans le décor, Hermione faillit l'oublier et rougit de gêne en constatant qu'il venait de l'entendre.

« Elle et moi avons aussi nos... conflits dernièrement par rapport à toi. »

« Moi ? Pourquoi ? »

Au fond, elle connaissait la réponse. Avec le deuil de son grand-frère, la perte de Ron qui s'était enfui dans un autre pays et une ancienne belle-sœur bien trop proche de l'amour de sa vie, Ginny avait tous les droits du monde d'éprouver de la rancœur pour sa personne. Pas qu'il était légitime de projeter son dédain sur un individu lorsque le monde semblait s'écrouler, mais Hermione pouvait comprendre ses raisons de le faire.

« En fait, tu sais quoi ? Ne réponds pas si ça te met mal à l'aise. Juste, » Hermione déglutit en observant son meilleur ami. « Tu tiens le coup ? »

Il hocha vaguement la tête, les épaules crispées. Ses tics reprenaient et ses mains s'agitèrent avec une grande appréhension contre la table. Il repoussa ses livres pour se changer les idées et agrippa le rebord en bois sous ses yeux, perdu. Hermione sentit son cœur se serrer en le voyant ainsi. Elle voulait qu'il se sente confortable à amorcer une discussion plus difficile avec elle. Même si Harry pouvait être parfois un puit profond de secrets, elle serait toujours là pour lui. Posant sa main avec douceur contre son grimoire, dans une demande de tendresse pour son ami, il hocha la tête et se rapprocha, les lèvres pincées sous l'émotion.

« Seamus a observé une de ses ... crises de jalousie. C'est pour ça qu'il est venu avec moi dans la bibliothèque, j'avais besoin de me changer les idées. »

« Et venir me voir est le meilleur remède, n'est-ce pas ? » rigola-t-elle avec gentillesse.

« Brillant, Hermione. 10 points pour Gryffondor, l'élève génie de Poudlard. »

« Oh n'en rajoute pas autant, je vais finir avec une grosse tête sous tes compliments. »

Seamus ricana sous ses paroles, un rictus amusé aux coins de ses lèvres.

« La soirée, c'est une excuse alors ? » demanda Hermione, tout en observant ses deux camarades attablés face à elle.

« Oui et non, » riposta Finnigan, les yeux brillant d'incertitude.

« Explications ? Harry ? » se retournant vers le concerné, Hermione repoussa sa chevelure chocolat de ses yeux pour l'analyser avec minutie.

« Ginny m'a fait savoir qu'elle ne voulait pas que tu sois là. Et je lui ai dit que ce n'était pas à elle d'en décider. »

Hermione ne se rappelle pas avoir déjà eu aussi peu de contrôle sur son corps de toute sa vie. En moins d'une seconde, elle éclatait dans un grand rire et n'arrivait plus à s'arrêter. Même quand la bibliothécaire fit son entrée dans leur allée, le visage horrifié, elle en fut incapable. Seamus contourna la table et étouffa son visage contre ses épaules. Elle s'agrippa à lui, n'arrivant pas à concevoir cette réalité immonde. Mais quel ramassis d'emmerdes ! Comment Ginny pouvait-elle être si jalouse ? Elle n'avait rien fait, non ?

S'essuyant les yeux sous les larmes qui étaient montées aux coins de ses cils, elle contempla Harry, un sourire fané étirant les traits de son visage. Son pauvre ami ne savait plus quoi faire, la bouche entrouverte sous le choc.

« C'est simple alors, » claqua sa voix alors qu'ils émergeaient dans les couloirs de Poudlard, leurs livres en main.

Ils s'étaient fait ordonner sans douceur de partir sous les souffles erratiques de colère de la bibliothécaire. Hermione s'était vu à travers les pupilles vertes de la dame et n'avait pu s'empêcher de se dire qu'elle n'aurait jamais été dans une telle situation avant. La poisse.

« Ce n'était pas brillant, » s'était contenté de lui murmurer à l'oreille Harry alors qu'il franchissait la porte en bois de la grande bibliothèque.

« Qu'est-ce qui est simple ? » répliqua vivement Seamus sous sa déclaration précédente, les mains enfoncées dans ses poches, le regard porté vers la horde d'étudiantes qui les contournait, un sourire figé au coin des lèvres.

S'il tentait d'amorcer une drague, il faisait bien peur. En se rappelant du titre de son livre, Hermione retint un nouveau gloussement.

« Je ne viendrais pas. Ginny ne veut pas que je me présente et je n'avais déjà pas envie de mettre mes pieds dans le salon des Gryffondors, alors c'est réglé. »

« Non, Hermione, » rabroua Harry d'une voix torve. « Tu ne comprends pas, je ne te dis pas ça pour que tu piques tête baissée dans ton dortoir avec Malfoy, que je sais que tu détestes. Je veux... j'ai besoin que tu sois là, tu comprends ? »

La jeune Gryffondor observa son ami, soudain fatiguée de tous ses conflits ridicules. Ils avaient survécu à une guerre. Comment pouvaient-ils se soucier d'un simple élan de jalousie futile ? Harry avait besoin d'elle. Soupirant, maugréant dans sa barbe en avance sous sa future réponse, elle enchaîna :

« D'accord, mais tu sais que ça va foutre de l'huile sur le feu avec ta copine. Je ne vois pas l'aspect positif à ce que je vienne si ça met ta relation en péril. »

« Écoute, j'aime Ginny, je tiens à elle, mais tout comme toi. Je comprends certains de ses enfantillages, mais je trouve ça injuste qu'elle essaie de t'effacer de l'équation. On est plus mature que ça, non ? »

Il posait sa question avec une telle hésitation que Hermione sentit son cœur fondre. Elle apposa la paume de sa main contre sa joue par automatisme.

« Oh Harry, on a vécu tellement de plus grandes étapes que ça. Mais ... Ginny et toi, vous êtes fait l'un pour l'autre et bien que la guerre soit finie, les séquelles restent présentes. Je ne voudrais pas que ce qui te maintient en vie parte en étincelle. »

Elle enleva sa main, comme piquer au fer chaud sous ses paroles, bien qu'elle les pensât avec une justesse aiguisée.

« Je sais que tu tiens à moi, tu es mon meilleur ami et... tu ne me perdras pas. Elle vient de perdre Fred, Harry. Elle a besoin de se raccrocher à quelque chose et il s'agit de toi. Si m'éloigner un peu de vos échanges peut l'apaiser, je suis prête à le faire. Comme tu l'as dit, » elle soupira, ses mains tremblantes sous les émotions. « On est mature et je suis prête à faire ce geste et à démontrer de la patience envers elle. Et pour toi. Parce que tu le mérites aussi. Maintenant, retourne dans le dortoir des Gryffondors et va la voir. Dis-lui que tu l'aimes. Et profitez de votre soirée. »

« Mais Hermione... »

« Non, Harry. Écoute-moi. »

Elle le fixa de ses prunelles caramélisées avec une telle ardeur que son meilleur ami déglutit. Hermione ne s'était pas sentie utile depuis la guerre et pour une fois, elle savait que ce qu'elle accomplissait était la bonne chose à faire. Alors, elle continua sur son avancée, bien que son cœur se fragmentait en petits morceaux au passage. Elle pouvait serrer les dents, la patience était sa meilleure amie. Et puis, si Ginny avait besoin de temps, elle pouvait le lui donner, avec plaisir. Elle n'avait que ça à faire, n'est-ce pas ? Oh et emmerder Malfoy ? Peut-être qu'elle reviendrait dans leur appartement en commun plus rapidement que prévu. Elle devait penser à un plan pour se venger. Et rapidement.

Elle se reprit en main et amorça avec éloquence son argumentaire, soutenant le regard aiguisé de Harry qui semblait fébrile. Seamus été resté posé à leur côté, les yeux brillant de compréhension.

« Je ne te demande pas de ne plus penser à moi. Mais, ce soir, demain et les prochains jours, je veux que tu te mettes au centre de l'équation. Tu es en couple et tu es heureux avec elle. Essaie de comprendre ce qu'elle ressent, rassure-là et si tu as besoin de me parler, envoie-moi un hibou. Tu sais où me trouver sinon, ma porte te serra toujours ouverte, bien que Malfoy se ferait un sacré plaisir à te claquer celle-ci au visage. »

Il ricana sous ses dires et souffla imperceptiblement.

« Tu ne m'en veux pas ? Je voulais que tu viennes, qu'on lui parle. Qu'on trouve une solution, ensemble. Comme on l'a toujours fait, Hermione. »

La voix de la jeune Gryffondor croassa en retour.

« Je comprends, on pourra le faire dans les prochains jours, mais laisse-lui le temps. C'est trop récent. Et puis, elle reprendra la raison lorsqu'elle verra que je suis mortellement ennuyante. »

« C'est vrai, » ronchonna Seamus en retour, le nez levé en l'air, un énorme sourire défigurant son visage.

Elle lui lança un regard si noir qu'il s'empressa de se détourner. Et elle se permit de sourire en retour.

« On est bien ? » chuchota-t-elle enfin, d'une voix douce.

Harry l'attira dans ses bras et la serra fort, comme s'il pensait la perdre de nouveau. Hermione reconnaissait cette étreinte, il lui avait donné une semblable à leur retour du manoir des Malfoy. Elle avala sa salive de travers et l'enlaça en retour, les larmes aux yeux. Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait toutes ses émotions au fond de la gorge, se faufilant dans un chemin sinueux jusqu'aux fils reliant son cœur. Elle avait peur. Peur de ne pas s'en sortir, de se noyer toute seule, de ne plus être accompagnée de ses amis alors qu'elle dépérissait déjà de l'intérieur. Mais combattant ses larmes et secouant sa tête au passage, elle s'éloigna de Harry, lui offrant un faux sourire. Une tape mesquine contre la frimousse de Seamus plus tard et Hermione bravait les couloirs de Poudlard, le menton relevé en l'air et les lèvres pincées de douleur. Sa cicatrice lui chauffait les veines et elle se força à taire sa douleur.

Avant de croiser Malfoy, Hermione se faufila dans les toilettes du troisième étage, là où Mimi Geignarde s'égosillait contre un oiseau qui aplatissait son bec contre un vitrail. Sortant sa baguette d'une main habile, elle fit apparaître du whiskey. Draco irait de surprise en surprise lorsqu'elle fera son apparition, deux heures plus tard, les joues rouges et les yeux brillant d'émotions inexplicables.

Il ne s'attendait pas à faire face à un ange déchu, ni à devoir la sauver de ses propres ailes détériorées de noirceur.

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