Chapitre 18
« Un océan ne reste jamais paisible longtemps. »
« Bon sang, Draco, enfin tu es là. A croire que tu as disparu de la surface de la terre cette dernière semaine ! » s'écria Pansy en apercevant la figure imposante de Malfoy dans les couloirs de Poudlard.
« Je n'ai pas besoin que tu me suives comme un cabot », grinça-t-il des dents en retour.
« Wow, tout doux l'ami. »
Théodore venait de faire son apparition, traversant à grandes enjambées la distance qui les séparaient. Il avait un sourcil relevé et un air sarcastique défigurant les traits de son visage. Draco n'avait pas eu le plaisir de profiter de la présence de ses amis dernièrement, il s'était tenu occupé. Avec Granger. Il avait suivi leurs conseils et ses imbéciles revenaient à la charge, un sourire niais aux lèvres. Il n'était pas dupe. Ils voulaient des réponses. Et aussi étrange que ce soit, Malfoy pour une fois, avait besoin de se poser et de confesser ses doutes. Il y avait une myriade de choses qui lui taraudait l'esprit, mais se montrer vulnérable n'avait jamais fait partie de son quotidien. Et il ne voyait pas comment désamorcer la bombe qui faisait rage dans sa tête. Les membres figés, il continua son chemin, les muscles de ses épaules tendues sous les émotions.
Nott, qui l'observait avec discrétion, baissa ses pupilles vers le sol, semblant comprendre la situation. Pansy, aveugle, continua de s'écrier avec ardeur des complaintes sur son manque d'empathie envers leur groupe d'ami.
« Tu aurais dû donner des nouvelles, sacre bleu ! Je pensais que tu t'étais fait kidnapper, Blaise lui croyait que tu avais attaché Hermione au lit pour la baiser sauvagement à longueur de journée, alors que Théo... Théo pensait que tu te faisais discret, comme si tu avais le feu aux fesses. »
Malfoy se força à rester silencieux, alors que le tic contre sa joue démontrait bien son amusement. Blaise était saugrenu et Pansy toujours anxieuse. Il ne leur en voulait pas. L'année dernière, Poudlard avait su apporter à Draco son lot d'ennui et de douleur, et ses amis ne voulaient plus le laisser seul avec un fardeau aussi grand sur les épaules. Les temps avaient changé, mais les façons de faire de Malfoy persistaient. Il vivait ses difficultés seul, sans le soutien de personne. La solitude accompagnait chacun de ses pas. Seul sa mère avait su ressortir un peu de vulnérabilité chez le Serpentard. Et encore.
Il pesta dans sa barbe et continua son avancée. Aujourd'hui, le trio avait cours avec Sibylle Trelawney. Il détestait la matière qu'était la Divination. Les boules de cristal et la cartomancie pour prédire le futur, ce n'était que des ramassis de conneries pour Malfoy. Leur groupe avait tout simplement refusé d'assister aux cours de cinquième année, ce qui leur avait fallu un rattrapage. Comme si interpréter des feuilles de thé et les lignes de la main pouvaient changer sa vie !
Draco ne réalisa qu'avec un certain retard que Parkinson continuait de gesticuler avec enthousiasme.
« Il faut que tu me dises tous les détails. Luna m'a dit qu'elle n'a pas réussi à décrocher la moindre parole à Granger, alors je veux des réponses ! »
« Tu parles à LoveGood ? » s'étouffa Théo sous ses paroles.
Draco suivit l'hilarité de son ami, un sourire moqueur au coin des lèvres.
« Quoi ? Je n'ai pas l'autorisation de vos deux grandeurs de tête de cul pour discuter avec d'autres étudiants ? »
Malfoy éclata de rire sous la situation, alors que Nott boudait dans son coin, soudain silencieux.
« Comme je disais », reprit Pansy d'une voix doucereuse. « J'ai besoin de détails. Peut-être que Granger est bonne pour fermer sa bouche, mais je compte bien te tirer les verres du nez, Draco ! »
« Et pourquoi je te dirais ce qui se passe entre Hermione et moi ? » ronchonna-t-il agacé.
« T'es dans la merde », souffla Nott suite à ses dires.
Pansy avait les iris écarquillés et pétillants. Malfoy jura dans sa barbe en l'observant.
« Je savais que tu passais tout ton temps avec elle. Attends que je le dise à Blaise, il va tellement rire ! »
« Tu ne diras rien à cet imbécile », répliqua avec fermeté le grand blond, s'arrêtant brusquement.
« Et pourquoi ? »
Pansy prit un grand soin à détailler ses ongles vernis d'un vert forêt. Draco savait pertinemment ce qu'elle cherchait à faire. Le chantage ne fonctionnait pas avec lui. Prenant une grande respiration pour demeurer impassible, il lâcha d'une traite d'une voix monotone :
« Parce que Zabini est mal placé pour me donner des conseils avec les filles. La preuve se trouve sous mes yeux. »
Nott se cacha le visage pour étouffer avec incompétence son rire. Pansy, stupéfaite, n'osait prononcer le moindre son. Puis prenant enfin conscience de ses paroles, vira au rouge écrevisse.
« Qu'est-ce que ça veut dire, bon sang ? »
« Ça veut dire que si tu veux en savoir plus sur ma situation, tu dois le garder pour toi. Je ne veux pas que Blaise en face des raz-de-marée et en parle à n'importe qui. »
« Est-ce que c'est si secret que ça ? Je ne comprends pas... » souffla Pansy, soudain las. « On dirait presque tu as honte d'être aperçu avec Granger. »
Malfoy se retourna avec colère pour lui faire face, les poings serrés. Théodore le coupa dans sa future tirade hargneuse en posant sa grande paume sur son épaule.
« Draco a le droit à son jardin secret. Et puis, il n'a pas honte, sinon il ne prendrait pas la peine de la voir. Il prend juste soin de ceux qu'il aime. »
Le Serpentard demeura muet, soudain stressé. Il n'était pas amoureux, bon sang ! Il avait seulement une obsession pour la Gryffondor. Elle était jolie, intelligence et emmerdante avec son mutisme et sa détermination légendaire. Rien de plus.
Détournant son regard de Pansy, qui l'étudiait maintenant avec douceur, il réfléchit. Il était vrai qu'il s'était montré doux avec elle. Tendre même. Ses rêves le tenaient éveillé et il n'y avait que la présence de Granger, personne d'autre. Peut-être commençait-il à être épris d'elle ? Il ne savait dire. Ce n'était que des sentiments surfait, il y avait plus grande agitation et problème que les battements frénétiques de son cœur lorsqu'il pensait à elle. Et il avait bien pire que son désir incommensurable de la mettre dans son lit et de prendre soin d'elle. La menace d'un meurtrier pataugeait à l'horizon et le danger qu'encourait ses amis et sa famille prenait le pas sur tout ce qui l'entourait. Il fallait qu'il reste ancré dans la réalité. Même si Hermione maintenant s'y était plongée.
« Draco », commença Pansy.
« Pans', lâche le morceau. »
« Si tu ne t'ouvres à personne, comment tu vas pouvoir te délivrer de tes inquiétudes ? »
Seul, pensa-t-il avec amertume.
Nott reprit le chemin vers la classe de Divination, silencieux.
« Est-ce qu'elle te rend heureux au moins ? »
Plus que je ne l'ai jamais été, voulu répondre Malfoy, mais il n'en eut pas la force, parce que se l'avouer serait concrétiser ce qui se produisait en lui. Et raviver la flamme de son obsession pour Granger le mettait dans une impasse et le plongeait dans ses peurs. Il arrivait à vivre le moment présent avec une sérénité d'esprit ces derniers jours et il redoutait de perdre à jamais cette sensation. Il craignait que cet élan de paix s'écoule de ses phalanges et soit entaché de sang. Il avait cette faculté de tout détruire et Hermione était sa perte. Parce qu'au lieu de se comporter comme le rôle de monstre qu'on lui avait relégué, il se laissait fleurir comme une fleur se nourrissait du soleil. Et son soleil, il s'agissait de Hermione Granger. Et il n'était pas prêt à mettre de l'ombre sur sa présence. Pas encore.
Sous son mutisme, Pansy roula des yeux. Croisant les pupilles de Théo, Draco tenta de faire transparaître ses pensées. Son ami hocha la tête, le corps tendu et en moins d'un instant, ils pénétrèrent dans l'antre du cours le plus atrocement ennuyant de l'univers.
Malfoy s'ouvrirait ce soir. À Nott et personne d'autre. Son ami l'avait compris et l'estomac serré, il arpenta les rangées pour se poser contre un pupitre, le cerveau en ébullition. Il pensait encore à elle. Elle ne quittait pas son esprit. Et plus le temps passait et plus il réalisait qu'elle n'était pas le poison, mais peut-être la solution. La clé pour ouvrir son cœur longtemps fermé à double tour. Mais avait-il seulement la force de lui laisser un tel pouvoir ? D'être démuni de toute carapace ?
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Hermione venait de se faire convoquer par la directrice et chaque rencontre lui retournait l'estomac. Avant, il n'y avait que l'anxiété qu'on lui relague des tâches supplémentaires et des devoirs qu'elle aurait pourtant adorées finaliser. Maintenant, elle ne gardait que cette peur et ce goût amer au fond de la gorge.
Il y avait bien pire que des lectures horripilantes ou d'observer à la dérobée les élèves de Poudlard. Elle avait une mission et aussi importante soit-elle, elle devait rester secrète. Les oreilles tendues, les yeux rivés vers l'horizon aux aguets d'un moindre indice : Hermione devait faire tout en son pouvoir pour soutirer de l'information au Prince des serpents. L'homme qui faisait chavirer son cœur au moindre regard et à la moindre parole et poésie finement entrelacé à l'ancre noir. Le Serpentard avait commencé ce rituel ces derniers jours. Il lui laissait une note sous sa porte, puis s'éclipsait pour aller elle-ne-savait-où. En dehors de leurs petites rencontres à l'improviste, Draco ne semblait pas vivre dans leur dortoir. Il disparaissait à la tombée de la nuit.
Un autre mystère à résoudre, pensa-t-elle.
Les doigts entremêlés dans un signe de stress apparent, Hermione se força à se décontracter en soufflant avec amertume. Elle détestait la tâche qui lui incombait, lui alourdissant les épaules au point de la rendre exténuée. Elle n'avait pas évolué dans sa recherche. Elle n'arrivait pas à entrevoir la lumière au bout de ce tunnel infernal. Comment soutirer de telles informations ? Malfoy ne parlait jamais de sa mère, alors découvrir la location de celle-ci et des anciens mange morts semblait être impossible à relever.
« Miss, Granger. »
Hermione sursauta avec une telle force qu'elle faillit s'accrocher au plafond. McGonagall venait de faire son apparition sous sa forme de chat. Les yeux jaunes qui l'analysaient avec une minutie flagrante la fit frissonner.
« Madame la directrice », chuchota-t-elle en retour.
D'un hochement de tête, Minerva reprit forme humaine, ses narines se déformants jusqu'à arborer un visage aux traits tirés par la fatigue. Des lunettes posées sur le bout de son nez et les iris plissés, la quadragénaire semblait en pleine réflexion.
« Nous allons devoir nous montrer discrète, Miss Granger. Là où nous irons, le danger court. »
Hermione haussa un sourcil, confuse.
« Vous ne vouliez pas que je vous fasse un rapport de la situation ? »
McGonagall chassa ses paroles d'un revers de la main, exténuée.
« Ce n'est pas nécessaire, je me doute que bien que la situation soit urgente, vous n'avez pas pu tirer davantage d'informations de la part de Draco Malfoy. »
Les épaules de la Gryffondor s'affaissèrent sous le soulagement. Si elle n'était pas convoquée pour discuter de tels faits, que voulait dire Minerva? Lui proposait-elle une mission de reconnaissance ? N'avait-pas déjà une équipe pour cette tâche ?
« Un de mes espions vient de se faire attaquer et se retrouve à l'heure actuelle à St-Mangouste pour soins médicaux d'urgence. »
Hermione déglutit avec difficulté, soudain attentive. Elle n'eut pas le temps de prononcer des paroles de réconfort avant que McGonagall reprenne d'une voix douce :
« La situation devient plus inquiétante, Miss Granger. J'ai besoin de vous à mes côtés lorsque je vais évaluer une scène de crime encore très récente. Et j'aurai besoin de votre expertise. »
« Comment puis-je me montrer utile ? » souffla la jeune femme avec agitation.
La directrice de Poudlard sourit avec tendresse.
« J'ai demandé au professeur Slughorn de nous confectionner du polynectar. Notre mission sera simple : nous devons nous infiltrer dans un des anciens repères où le dernier meurtre a eu lieu pour découvrir des traces de magie et récolter des informations sur l'auteur de ces attaques. Votre seule présence consistera à réciter des incantations de dépistage, est-ce bien clair, Miss Granger ? » Elle haussa la voix pour bien se faire comprendre avec urgence. « Je m'occuperai de nous rendre le plus discrète possible avec des sortilèges de protection. Si je me souviens bien, selon Rogue, vous excelliez dans le domaine des forces du mal, c'est bien exact ? »
Hermione déglutit sous ses paroles. Elle ne se rappelait pas avoir jamais reçu de compliments de la part de leur ancien professeur et revivre son absence lui serra l'estomac. Elle finit par hocher la tête.
« Avant de traquer les Horcruxes avec Harry et Ron, j'ai voulu me documenter sur le profilage de la magie et comment retracer certaines particules... plus sombre. »
« De la magie noire, effectivement. Et ce sera très utile lors de notre séjour, car les meurtres sont imbibés de cette forme sombre. »
« Est-ce que vous pensez que le ou les meurtriers ont pu créer des...? »
« Non », souffla McGonagall, soudain stressée. « Je l'espère pour notre bien à tous. Ça ne ferait que plus nous compliquer la tâche. Mais la magie qui a été utilisé pour tuer ... était d'une violence inhumaine. Et j'ai bien peur d'avoir besoin de votre aide pour le moment. »
Un haut le cœur menaçait de faire rendre le déjeuner de Hermione, mais elle serra les dents en retour. McGonagall comptait sur elle. Il fallait qu'elle se montre digne de cette mission. Elle préférait se lancer à travers le danger qu'était cette quête plutôt que de continuer de duper Malfoy.
« Est-ce que je peux compter sur vous, Granger ? »
« Oui, McGonagall », répliqua Hermione avec détermination.
La directrice se détendit, reposant son corps contre le bureau, un doigt posé contre sa tempe.
« J'aimerais ne pas avoir à vous plonger dans une situation qui comporte des risques et vous promettre qu'il s'agit d'une tâche passagère, sans embûche, mais ... »
Minerva se tût, songeuse.
« Il n'est pas nécessaire de me rassurer. Je comprends les risques que j'encoure en acceptant de vous assister. Et puis, il s'agit d'aider un plus grand nombre, n'est-ce pas ? »
Les lèvres de la directrice eurent un soubresaut sous l'émotion et ses pupilles s'emplirent de larmes.
« Vous êtes courageuse, Hermione », chuchota l'ancienne directrice de Gryffondor.
Sans un mot, la quadragénaire s'épousseta et plongea ses iris ardant dans ceux de la jeune femme.
« Si le moindre danger fait surface, je veux que vous me promettiez de vous enfuir, même s'il faut que vous m'abandonniez au passage. »
Hermione n'eut pas la force de prononcer la moindre parole, la poitrine enserrée dans un étau en acier.
« Est-ce bien clair, Miss Granger ? »
McGonagall venait de reprendre son intonation autoritaire, mais Hermione comprenait la situation. Alors elle hocha la tête, avec une fausse résignation. Si la directrice pensait qu'elle prendrait ses jambes à son cou au moindre signe difficile, elle avait tort. Mais Minerva avait besoin de cette réponse, alors elle le lui donna, bien que le goût du mensonge pointât dans le creux de sa gorge.
Elle avait déjà perdu assez de proche. Elle ne laisserait pas McGonagall se sacrifier pour elle. Il s'agissait d'une tâche importante et elle ne fermerait pas les yeux sur les possibilités de recevoir un sortilège de la mort. Le sang battant contre ses veines, Hermione ferma ses poings avec une détermination suave.
« Comment faire pour que mon départ passe inaperçu ? »
La directrice de Poudlard lui offrit un sourire empreint de malice.
« J'imagine que vous n'avez pas lu le dernier article de la Gazette des sorciers, n'est-ce pas ? »
Hermione haussa un sourcil, dubitative. Non, elle ne s'était aucunement tenue au courant des dernières nouvelles dans le monde des sorciers, trop obnubilée par la présence d'un Serpentard partageant sa tanière et son cœur.
« Ron Weasley vient de se blesser au Quidditch. Et inquiète pour votre ami, vous allez lui rendre visite en Irlande pour prendre de ses nouvelles. »
Hermione hoqueta de surprise, soudain mal-à-l'aise. Comment allait réagir Malfoy en apprenant la nouvelle ? Merlin ! pensa-t-elle. Ron était blessé et elle n'en avait eu vent. Elle se sentit empreinte d'une culpabilité. Alors qu'elle devrait s'inquiéter pour son ami, elle ne faisait que penser à Draco.
« Molly Weasley a prévu nous donner un coup de main pour que la prochaine Gazette du Sorcier rédige un article sur ta venue inopinée à l'hôpital. Évidemment, comme tu dois le comprendre, nous n'irons pas en Irlande. »
La jeune Gryffondor se força à sourire, le cœur lourd d'émotion.
« Quand est-ce que nous partons ? »
« Demain matin, dès l'aube », conclut la directrice de Poudlard d'une intonation irréfutable.
Merlin, pensa Hermione. Dans quel merdier venait-elle de plonger son nez ?
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