Chapitre 16

Hermione savait qu'elle devait instaurer un plan. Il était maintenant de son devoir de protéger les autres élèves à risque et elle devait se faire discrète. Mais par où devait-elle commencer ? Comment faire pour que Malfoy s'ouvre à elle ? Et surtout, comment allait-elle survivre à cette épreuve lorsque sa présence enivrante faisait rayonner une lueur de vie dans son être, son cœur ? Comment taire ce désir d'en découvrir plus sur lui et de le tourner de manière professionnelle ? Comment nier l'évidence même ?

Se rongeant les ongles, la jeune Gryffondor ne remarqua pas tout de suite la présence du Serpentard à ses côtés. Un livre romantique calé contre ses genoux, un pyjama en flanelle ridicule contre sa peau, elle avait l'air tout sauf d'une étudiante qui prévoyait jouer l'espionne. Et pourtant c'était le cas. Elle eut un vague sourire, triste et ferma les yeux. Et maintenant ? répliqua sa conscience avec anxiété.

Maintenant, elle attendait. Peut-être qu'elle arriverait à trouver une solution à cette impasse dans les prochains jours. Peut-être même qu'elle pourrait demander à McGonagall de changer son rôle dans l'histoire. Mais Hermione savait qu'il n'y avait pas d'autres solutions. Sans qu'elle ne le veuille, elle venait d'intégrer le groupe des Serpentard. Certains semblaient même l'apprécier. Et c'était ce qui comptait pour la mission. N'est-ce pas ?

Merlin. Elle avait envie de pleurer.

Elle ne fit pas attention aux expressions de son visage ni à la lueur de désespoir qui prit forme sur ses traits. Elle se pensait seule, protégée. Mais elle avait tort. Les lèvres tremblantes, elle luttait contre le torrent d'émotion qui faisait tempête en elle. Elle pouvait le faire, se convainquit-elle pour la centième fois. Il suffisait seulement qu'elle laisse son côté éthique et moral de côté. Rien de trop difficile. N'est-ce pas ?

Sacre bleu, pensa-t-elle, épuisée.

« Dure journée, Granger ? »

Elle sursauta si violemment sous l'intonation de Malfoy qu'elle en échappa son livre. Avant de pouvoir amorcer le moindre geste, le grand blond se retrouvait à ses pieds, reprenant son dû, les yeux sérieux. Il analysa la page de couverture de son roman et un sourire inquisiteur se dessina sur ses lèvres.

« Pas un mot de plus, Malfoy », soupira-t-elle sachant qu'il allait se moquer d'elle.

« Nos faces cachées de Amy Harmon, vraiment ? »

« C'est un excellent livre ! »

« Oui, tu avais l'air bien perdue entre les pages, c'est certain. »

Elle rougit d'embarras sous son observation moqueuse. Il était vrai qu'elle n'était pas des plus concentrée, mais elle avait lu ce roman plus de sept fois. Et il était impossible qu'elle le lui dise.

« Pourquoi est-ce que des choses horribles arrivent à des gens bien ? » demanda Malfoy, les yeux ailleurs.

Hermione en eut le souffle coupé. Il venait de citer le roman et son cœur en fit un bond. Elle connaissait les futures paroles sur le bout de la langue et sans même s'en rendre compte, elle lui offrit la réponse :

« Parce que des choses horribles arrivent à tout le monde. Mais on est tellement pris par nos vies merdiques qu'on ne voit pas ce qui se passe chez les autres. »

Il hocha la tête sous sa réplique. Emprisonné dans un autre monde, Draco semblait flotter sur un horizon impossible à atteindre. Peut-être réfléchissait-il à ce qu'ils venaient de se dire. Peut-être même qu'il remettait en question certaines de ses actions passées. Elle n'en était pas certaine. Sa seule certitude, c'était que la gorge serrée, les yeux brillant de larmes, Hermione comprit qu'elle continuait de sombrer. De sombrer pour le Prince des Serpents. Et il n'avait rien fait pour qu'elle craque ainsi. Elle était la seule fautive. Il avait fallu qu'il cite un de ses livres préférés pour lui arracher son cœur. Il avait fallu qu'il se laisse aller à une certaine vulnérabilité, même si lointaine, pour que le palpitant de la Gryffondor se mette à battre la chamade. Elle était perdue. Incontestablement. Pour lui. Et rien ni personne n'arriverait à la sauver de ce précipice.

Elle déglutit avec difficulté. Croisant son regard en acier, elle enchaîna, la voix tremblante :

« Peut-être que nous sommes une pièce de puzzle. On s'emboîte tous pour former cette expérience qu'on appelle la vie. Aucun de nous ne comprend le rôle qu'il joue ni n'imagine à quoi ça va ressembler au final. Peut-être que ce qu'on appelle miracle n'est que la partie émergée de l'iceberg. »

« Et peut-être qu'on n'est pas capable de voir les choses merveilleuses qui naissent des tragédies », conclut Malfoy d'une voix rauque.

Le Serpentard n'osait la regarder alors que Hermione le fixait d'un regard si brûlant qu'elle craignait de s'embraser. Peut-être n'était-ce pas plus mal, qu'il évite de croiser ses prunelles ? Il y verrait une émotion indescriptible de douceur et Hermione n'était pas certaine de pouvoir se montrer si vulnérable. Elle ferma alors ses paupières, incapable de ralentir les battements de son cœur. Pourquoi fallait-il que ce soit aussi apaisant d'être à ses côtés ? Qu'est-ce qui avait changé ? Il y a quelques heures, il semblait furieux contre elle.

« Est-ce que je suis une tragédie pour toi, Granger ? » souffla la voix de Draco, la tête baissée, observant ses longs doigts, alors qu'il venait de se poser contre un des canapés de leur salle commune.

Hermione en eut le souffle coupé. Il semblait déstabilisé. Quelle mouche l'avait piqué ? cogita-t-elle surprise.

« Non. Tu es... Tu as survécu à des évènements tragiques et tu t'es relevé malgré tout. »

Il y eut un silence après ses paroles. C'était le tour du Serpentard de chercher son regard, mais Hermione était trop mortifiée pour avoir le courage de l'observer. Elle voulait continuer sur sa lancée, mais sa gorge regorgeait d'émotions trop limpides pour qu'elle n'en soit confortable. Mettant de côté ses peurs, elle ajouta avec témérité :

« La vraie tragédie serait d'être incapable de voir la beauté qui nous entoure. D'être trop brisée pour pouvoir s'accrocher à cet élan de vie en toutes choses. »

Les lèvres tremblantes, Hermione affronta son regard et regretta immédiatement son geste. Malfoy semblait lutter à l'intérieur, le souffle au bord des lèvres, les iris écarquillés et les lèvres entrouvertes. Il paraissait aussi confus qu'elle l'était. Qui aurait pu imaginer une telle soirée ? Apaisante par sa tendresse, mais violente par ses émotions brutales de tentation. Hermione n'était pas certaine d'en être capable. Cette lutte ne tenait que sur le bout d'un fil et le ciseau en main, invisible, la jeune femme était prête à rompre cette résistance à tout moment. Si Malfoy lui en laissait la possibilité.

« Est-ce que tu y arrives toujours, Granger ? À voir la beauté en toute chose ? »

Se défiant du regard, Draco était dans l'attente d'une réponse et Hermione avait le ventre tordu d'appréhension. Elle connaissait la vérité. Sa réalité. Mais était-elle vraiment prête à se mettre à jour, ainsi, devant lui ? Les émotions suspendues sur le bord des lèvres, elle lâcha prise. Elle oublia de tempérer son cœur. Son palpitant était trop scindé de douceur pour qu'elle puisse le remettre en cage. Elle opta pour la franchise.

Elle ne réfléchit pas à sa mission, ni à ce qu'elle devait accomplir. Elle oublia même la menace qui rodait en dehors de Poudlard et de l'épée de Damoclès sur les ancien mangemorts. Elle ne faisait qu'observer Draco Malfoy, l'homme qui venait de rompre son cœur et de le remettre sur le tournant de sa vie.

« Je n'y arrivais plus », chuchota-t-elle, presque gênée par son aveu.

Elle finit par baisser ses yeux vers ses mains et inconsciemment, toucha son avant-bras. Le regard de Draco lui chauffait le corps, dans un soutien qu'elle n'avait pas demandé, mais qu'elle avait besoin.

« C'est différent maintenant. Je ressens de nouveau. Je ne suis plus une coquille vide... J'ai », elle se lécha les lèvres, comme pour se donner du courage et formuler le reste de ses pensées. « J'ai rouvert mes yeux sur le monde qui m'entoure. Je vois maintenant ses ombres ternes, mais aussi ses sources de lumière. »

Malfoy s'était redressé, les bras posés contre ses genoux, diminuant la distance entre leurs corps. Il observait ses lèvres comme si ses paroles étaient du velours, comme si le soupçon de vérité qu'elle avouait le clouait au sol.

« Et qu'est-ce qui a causé ce changement, Love ? »

Elle frissonna sous son surnom qui devenait fréquent ces derniers jours. Elle aimait bien l'intonation suave qu'il prenait lorsqu'il l'observait. Il ne la déshabillait pas des yeux. Il semblait attentif, presque craintif.

« Toi, Malfoy. Toi. »

L'anxiété remonta avec une telle force qu'elle en empoigna le bas de son pyjama, le souffle coupé. Il fallait qu'elle ajoute quelque chose. Elle ne pouvait énoncer de tels faits alors que Malfoy lui avait bien expliqué qu'il n'éprouvait aucun intérêt pour elle. Pour les filles de son genre. Elle devrait trouver une excuse, s'enfuir. Seulement, ses membres restaient en place. Son cœur faisait traîtrise à son esprit. Elle ne pouvait que croupir en silence, enfoncée dans le canapé, le palpitant lourd d'angoisse.

Après de longues minutes à affronter un silence angoissant, Malfoy finit par retrouver sa voix. Hermione malgré elle, ne put taire ses oreilles ni la vérité qui franchit ses lèvres.

« Moi aussi, Granger. Moi aussi. Et j'ai bien peur que tu sois ma perte, ma plus grande perte. »

« Et pourquoi je serais ta perte, Draco ? »

Sa voix s'était faite douce. Elle se sentait pousser des ailes. Peut-être était-elle stupide de ne voir qu'à travers la lueur grisâtre de ses yeux ou à travers l'odeur de pomme qu'il dégageait, mais elle n'arrivait pas à s'imaginer penser autrement en l'observant. Il n'y avait que sa présence oppressante dans leur dortoir. Et il était impossible de s'en dégager, de s'en échapper.

« C'est simple. »

Il venait de se relever, amorçant un mouvement vers sa personne. Hermione suivit son mouvement par automatisme, se postant devant lui, comme hypnotisée. Elle attendait ses paroles comme les rayons du soleil au petit matin. Elle espérait et la Gryffondor devrait savoir que l'espoir s'entrelaçait souvent avec la déception. Elle devrait connaître les limites et les conséquences de ses échanges avec le Serpentard. Mais ce soir, elle faisait la sourde oreille. Elle voulait vivre le moment, comme s'il n'y avait pas de lendemain, comme si la terre pouvait l'aspirer à tout moment. Elle ne pouvait plus présumer les émotions de Malfoy. Elle avait besoin de les entendre, de les affronter, quel qu'elles soient. Peu importe la douleur.

« Tu seras ma perte, Love, parce que les Malfoy ne partagent pas ce qu'ils ont. Et je te veux, Granger. Je te veux comme un fou. Tu me hantes et ça devient de plus en plus difficile de l'ignorer. »

Il releva sa main pour effleurer ses boucles chocolat d'un geste presque anodin, le regard perdu dans l'ailleurs.

« J'arrête. J'abandonne. »

Sa voix était un souffle contre ses lèvres et les yeux perdus dans ses prunelles grises, le temps se suspendit, tout comme leur respiration.

« Je ne veux plus combattre. Je ne veux plus te combattre, Hermione. »

Sous l'impulsion de ses paroles, Hermione déposa sa main contre son torse ferme, tremblante. Elle cherchait une étincelle dans ses yeux qui lui prouverait qu'il mentait, qu'il ne ressentait pas cette même tempête d'émotion, ravageuses de sensations. Mais impossible. Tout était là, dans ses prunelles. Un livre ouvert, pensa-t-elle. Tout comme elle. Comment avait-elle pu ne pas le remarquer ?

« Dis-moi que je ne te mérite pas, Hermione. Dis-moi que je vais te faire mal. Dis-moi que tu préfères mettre un stop à cette folie. Empêche-moi de ternir ta lumière. Ne me laisse pas te plonger dans l'obscurité. »

Leurs lèvres se frôlèrent. Malfoy retint son souffle, cherchant avec désespoir une réponse dans ses yeux, mais elle ne pouvait répondre à sa demande. Elle en était incapable.

« Résiste. Ne me laisse pas commettre l'irréparable. »

« C'est trop tard, Draco. Tu as dit que tu me voulais. Je t'appartiens depuis cette première soirée dans le dortoir. Rien n'a changé depuis. J'ai essayé de lutter, mais... »

Hermione ne put finir sa phrase, Malfoy écrasa ses lèvres sur les siennes et elle oublia ce qu'elle voulait dire. Elle oublia ses craintes et ses responsabilités. Elle abandonna toute résistance et se laissa chuter dans ses bras, entrouvrant ses lèvres pour l'accueillir. Elle perdit de vue ce qui l'entourait, le temps, leurs erreurs, leurs reproches, la menace dans l'horizon. Il n'y avait que Draco Malfoy et elle. Il n'y avait que ses bras autour de ses hanches, la plaquant étroitement contre son torse et son souffle chaud contre ses lèvres. Il n'y avait que cette sensation de manque, comme un puit sans fond de désir pour le Serpentard. S'accrochant à ses épaules, elle sombra dans la folie. La folie qu'était le prince des serpents.

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« Qu'est-ce qui se passe entre toi et Miss-je-sais-tout ? » demanda Blaise avec suspicion.

Les yeux chocolat du Serpentard se posèrent sur Hermione Granger, de l'autre côté de la Grande Salle, à manger avec Luna Lovegood et Neville Londubat. Il détailla la jeune Gryffondor d'un regard acéré, ce qui fit grincer les dents de Draco Malfoy. Posté à sa droite, le grand blond mangeait son repas avec un détachement faint. Zabini n'était pas stupide. Il voyait les iris de son meilleur ami s'égarer sur la Golden Girl avec une obsession à peine déguisée. Il connaissait son intérêt pour la jeune femme. Il était assez proche pour lire entre les lignes. Même si Malfoy avait cette faculté à cacher son mal-être, il était tout le contraire lorsqu'il éprouvait de l'intérêt pour une fille. Ça n'arrivait jamais.

Zabini connaissait ses conquêtes passagères. Elles ne signifiaient rien. Hermione. C'était autre chose. Depuis que son meilleur ami était revenu dans leur dortoir en troisième année, un gros bleu lui bariolant le visage, il n'avait cessé de parler d'elle. Il avait fallu que la Gryffondor exprime toute sa colère pour qu'il parte en vrille.

Malfoy n'avait cessé de tourner son attirance pour la Golden Girl en réplique acerbe. Il devenait impulsif, incontrôlable. Et tout le monde savait que le Serpentard était tout sauf irréfléchi dans ses actions.

Blaise analysa une nouvelle fois Hermione, un sourire aux lèvres et Malfoy finit par craquer, lâchant d'une voix froide : « Arrête de la regarder comme ça putain. »

« Il y a bien quelque chose alors, » susurra le Serpentard à la peau foncée, les yeux brillants et malicieux.

Malfoy se contenta de l'insulter à mi-voix et il pouffa en retour. Charmant.

« Alors tu t'es enfin décidé à la courtiser ? » chantonna Pansy, soudain très intéressée par la discussion.

« Courtiser ? » ricana Nott. « Il doit plutôt l'effrayer et après l'enfermer dans ses bras comme un ogre. »

Blaise éclata de rire sous la démonstration grotesque de Théodore.

« Je ne la courtise pas et il ne se passe rien entre elle et moi. Lâchez l'affaire maintenant, ok ? »

« Oh, est-ce que c'est la frustration sexuelle qui te rend aussi grognon ? » s'amusa Nott.

« Non, mais je rêve ! » chuchota Pansy en retour à sa réplique. « Ne me dis pas que tu ne t'ais toujours pas faufilé dans son lit. »

« C'est vrai, on a tous vu comment tu as inséré ta langue dans sa bouche à la soirée. »

« Vraiment dégueulasse au passage », rajouta Nott, une grimace défigurant ses traits.

« Oh arrête, Théo, on sait tous que tu es jaloux. »

La voix de Pansy monta en octave sous l'excitation. Elle se retourna vers Draco, agrippant son assiette dans un mouvement brusque.

« Hey ! » s'écria le Serpentard, soudain las. « Je mange, Pan'. »

« Tu mangeras quand tu nous donneras des réponses. »

Malfoy releva ses pupilles vers Hermione et se détourna vivement alors que ses camarades riaient de son geste.

« Vous pouvez me lâcher la grappe un peu ? »

« Ça veut dire quoi ? Tu ne l'as toujours pas baisé ? »

« Est-ce qu'elle fait de délicieux bruits quand tu la pilonnes de coup de bassin ? » rajouta Nott, soudain curieux.

« Ou est-ce qu'elle a réussi à te rendre enfin satisfait au lit ? » se moqua Pansy.

Draco avait les poings crispés, furibond. Qu'est-ce qui leur prenait, bon sang ? Il ne se passait rien avec Granger. Et si c'était le cas, ça resterait secret. Il se voyait mal en discuter avec ses imbéciles de camarades de toute façon. Tout ça lui importait peu. Rien n'était officiel et ce n'était pas près de le devenir. Granger n'était pas une passade, son cœur le savait. Mais jamais il ne pourrait la combler de bonheur. Elle finirait par se lasser. Elle mettrait fin à ce début de relation partie en flamme. Il en était certain. Pourquoi ferait-elle autrement ? Malfoy ne pouvait lui accorder des promesses de douceur et de réconfort. La vie était difficile, sordide et en dehors de Poudlard, la mort siégeait chaque coin de rue. Elle n'en savait rien. Il ne pouvait lui promettre sécurité. Et lui mentir lui coûtait trop. Alors, il préférait taire ses pensées.

« On s'est embrassé, c'est tout. »

Blaise siffla et Nott lui offrit un petit sourire. Malfoy pouvait entrevoir le voile de tristesse dans le fond de ses prunelles. Il se crispa sur son siège en le réalisant. Granger avait fait son choix et c'était lui, personne d'autre. Et il en éprouvait une certaine fierté.

« Qu'est-ce qui a fait que vous vous êtes embrassé ? Je veux dire, en dehors de la soirée ? »

« Oui, c'est vrai », rajouta Zabini à la suite de Pansy. « On veut des détails. »

« Et depuis quand tu embrasses sans aller plus loin ? » répliqua Théodore, une intonation de surprise dans la voix.

« Granger est différente, Théo », susurra la jeune femme à la chevelure noire. « Même si Draco en a rêvé pendant des années, il sait se montrer patient. »

« Et puis », concéda-t-elle. « Il ne veut probablement pas l'effrayer avec son engin de la mort entre ses deux jambes. »

Il y eut une explosion de rire à table sous les paroles de la Serpentard. Blaise n'était pas subtile, tapant de son poing tout ce qui pouvait se trouver à côté de lui, dont Nott au passage, qui rétorqua une insulte sous son mouvement. « Fais gaffe, mec », grogna-t-il.

« On a parlé d'un livre », avoua Draco, en reposant ses iris grises sur la jeune Gryffondor, dans le coin de la salle.

Elle avait le visage baissé, les joues rouges d'embarras alors que Luna Lovegood s'exclamait dans de grands mouvements des paroles qui lui étaient inaccessibles. Nott venait de s'étouffer avec son breuvage, recrachant son contenu sur Blaise qui sous la surprise, donna un coup de pied à Pansy, qui plongea son visage dans assiette de Malfoy, de la sauce rouge plein le nez.

« Super, merci pour le repas, Pan' », ricana Malfoy en retour sous la scène.

« Merlin, Draco. Depuis quand tu es... intello ? Toi, discuter d'un livre avec Miss-je-sais-tout ? »

« Je sais lire, putain. Tu me prends pour qui ? Sale bouffon ! »

Théodore s'esclaffa une nouvelle fois et une floppée de jus de citrouille s'étala sur le visage de Zabini. « Je te jure que si tu recommences, je te fais manger tes pommes de terre », menaça-t-il.

« Ça tombe bien, je meurs de faim », fit Nott en relevant sa frimousse, faisant mine d'ouvrir la bouche en grand.

« T'es qu'un con », grogna le Serpentard, les yeux ombrageux.

« Et toi un bougre d'imbécile. »

« Même chose ! »

« Parfait, on a compris », s'exclama Pansy le visage toujours aussi rouge de sauce tomate. « Vous êtes des poissons pas frais. »

La jeune femme se retourna vers Malfoy, qui luttait de tout son être pour ne pas rire. La scène était comique : ses deux imbéciles d'amis qui se prenaient une millionième fois la poire et Pansy, le visage dégoulinant de son précédent repas. La joie, pensa-t-il.

« Fais juste cracher le morceau putain de Malfoy de mes deux ! Sinon je vais... »

« Sinon quoi ? » susurra le grand blond, soudain railleur. « Tu vas écraser ton visage resplendissant de coulis que tu détestes sur ma chemise ? »

Pansy brillait de colère et soufflant avec brusquerie, prit le premier tissu qui se trouvait sur la table pour effacer la sauce tomate de son visage. Elle entendit vaguement une exclamation et un élève de première année se plaindre que c'était son mouchoir préféré, offert par sa mère, avant de foudroyer le grand Serpentard des yeux.

« C'était quoi le livre ? »

« Nos faces cachées », répliqua-t-il soudain exaspéré.

« Qu'est-ce que c'est ? Un roman érotique sordide ? », soupira Nott, des pommes de terre plein la bouche.

« Théo, putain ! Mange correctement, tu fais fuir tout le monde ! »

« Pourquoi je m'en soucierais putain ? » éructa de colère Théodore.

Et c'était reparti, pensa Malfoy, se frottant le nez sous la situation. Ses amis étaient terriblement emmerdant.

« Tu lui as récité les fables de la fontaine aussi ? » se moqua Zabini.

« Ferme là, Blaise. »

Pansy se tritura les cheveux, soudain agacée.

« On peut se concentrer une putain de minute ? Draco, qu'est-ce que tu comptes faire exactement ? »

« Quoi ? »

« Ne fais pas l'imbécile, tu as très bien compris ma question ! »

Malfoy fit mine de réfléchir, puis secoua la tête, la faisant enrager. Il ricana dans sa barbe. Puis il reprit son sérieux après quelques minutes, prenant son breuvage en main. Il était perdu et il n'osait l'avouer à ses amis. Nott connaissait sa situation actuelle, le danger qui se profilait. Il était le seul à pouvoir le comprendre. Le seul à qui il se confiait réellement. Alors croisant son regard, il déglutit. Théodore venait d'avaler sa bouchée, le dévisageant avec minutie.

« Tu hésites, c'est ça ? » finit-il par demander.

Il hocha la tête, incapable de prononcer le moindre son. Il venait de revêtir son masque. C'était mieux ainsi. S'il n'y avait aucune fissure dans son armure, il y avait moins de risque de se faire happer par la déception. Et la déception guettait chacun de ses pas, comme une menace sourde de noirceur.

« Si tu n'es pas certain de ce que tu fais, coupe le lien, Draco », chuchota Pansy, le regard ailleurs. « Hermione est une bonne personne. Elle a changé depuis la guerre. Ne deviens pas un nouvel obstacle pour elle. Sois le pont qui lui permet d'atteindre le bonheur. Et laisse-là y accéder, si ça te permet d'éprouver une paix d'esprit. Tu le mérites aussi. »

Malfoy souffla, se passant une main dans les cheveux, fébrile.

« Je sais, Pan'. Je l'ai prévenu, je lui ai dit que j'allais la briser. Mais... »

« Elle est têtu ? »

« Oui, on avait remarqué », se moqua Blaise.

« Si elle connait les conséquences », reprit la jeune Serpentard. « Alors laisse-là prendre ce risque. Peut-être que tu en as besoin au fond. D'avoir ce rayon de lumière. »

Nott, qui juste là était silencieux, finit par prendre la parole, le visage détendu.

« Je comprends tes peurs, mais tu ne peux plus vivre ainsi. Dans la crainte que l'histoire se répète. Montre-lui qui tu es. Elle t'apprécie déjà. Qu'est-ce qui pourrait bien changer ? »

« Qu'elle me déteste et me rejette ? » grogna dans sa barbe le grand blond, les poings serrés contre son verre.

Nott ricana avec tristesse.

« Elle t'a choisi, Malfoy. C'est ce qui compte, non ? »

« Arrête de t'inquiéter », rajouta Blaise.

« Tu en as déjà fait pour chacun de nous. Il te reste une seule chose à accomplir maintenant : vis », finalisa Pansy, les yeux brillant de larmes.

Draco Malfoy se montrait rarement émotif. Mais à cet instant même, il avait envie de s'enfouir dans les bras de sa mère et de verser de chaudes larmes. Mais Narcissa Malfoy n'était pas dans les parages. Il ne savait même pas si elle était réellement en sécurité. Il n'y avait que ce cordon de terreur lui enserrant la gorge depuis si jeune. Il ne savait pas ce qu'était la sensation de respirer librement sans jeter un regard par-dessus son épaule. Il ne connaissait pas la sécurité de se trouver entre des bras accueillants et apaisants. Hermione lui offrait cette possibilité. Et ça l'effrayait.

Ses imbéciles d'amis avaient raison.

Il devait laisser le temps porter les choses. Il ne savait de quoi était fait demain. Il n'y avait pas de place pour la culpabilité ou la terreur d'un futur. Il devait vivre le présent. Et son présent, c'était Hermione Granger et ses yeux caramel. C'était son sourire timide et ses grains de beauté brillant au soleil. C'était sa voix ensorcelante et ses gestes attentifs. Et, aussi égoïste que ce soit, Draco Malfoy n'était pas prêt à la laisser filer entre ses doigts. Le souffle de vie qui faisait rage dans son cœur était enivrant. Et c'était la jeune Gryffondor qui avait soufflé sur les flammes. Personne n'avait prévu que la petite lueur se transforme en un brasier incandescent. Comme un dragon prenant son envol vers le ciel éclatant de bleu, il baissa ses barrières. Il en avait besoin. Et il commençait maintenant. Pour elle.

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