Chapitre 14

Hermione observait les allées et venues des étudiants dans la salle commune des Serpentard d'un œil détaché. Elle ignorait pourquoi elle était encore entre ces quatre murs, à siroter un verre, l'esprit ailleurs. Elle pourrait retourner dans son dortoir et s'emmitoufler sous ses couvertures, un bon livre entre les mains. Mais non. Elle n'osait se l'avouer, mais cette joie de vivre lui avait manqué. Pansy, bien qu'elle soit terriblement mesquine, réchauffait son cœur par ses joutes verbales incessantes. Théo était charmant avec son sourire en coin, enjôleur et Blaise, bien qu'insupportable, avait un humour à couper au couteau. Il avait cette manie à jouer des sourcils et Hermione ne pouvait s'empêcher de glousser sous ses prouesses. Il était professionnel dans l'art de donner des explications qui ne voulaient rien dire. Bon sang. Quelle étrangeté de se retrouver ici et d'autant apprécier, pensa-t-elle.

La jeune Gryffondor s'était isolée un bref instant. Elle avait ce besoin de reprendre contenance. Son esprit n'arrêtait de divaguer vers les yeux cendrés de Malfoy. Il embaumait son esprit, ne lui laissant aucun répit. Postée un étage plus haut, Hermione pouvait observer en contre-bas les élèves s'échanger des messes basses. Elle vit des sourires malicieux, des regards furtifs et des gestes élégants. Certains discutaient aisément, d'autres dansaient au rythme de la musique qui emplissait la pièce. Alors qu'elle continuait d'observer en silence les convives, Hermione amorça un geste pour prendre une gorgée de sa boisson.

« Eh bien, ça en a pris du temps pour que la Mudblood soit enfin toute seule. A croire que tout le monde se fiche de ton sang sale ! » Cracha une voix.

En se retournant, les lèvres pincées, la jeune femme croisa le regard de Marcus Flint. Les yeux noirs et le nez retroussé, long et bossu, il l'analysait avec une colère mal contenue. Il s'approcha d'elle d'une démarche souple et fière, un sourire presque ironique sur le bord des lèvres. Il n'était pas seul. Au contraire. Deux de ses acolytes encadraient la Gryffondor maintenant. Goyle et Crabbe.

« Tu ne devrais pas être ici, susurra Goyle tout proche de son oreille.

Elle frissonna d'horreur. Crabbe, plus en retrait, observait la scène avec un amusement presque malsain. Hermione ne prit pas longtemps avant de comprendre qu'ils avaient l'intention de lui causer des ennuis, mais elle ne se laisserait pas faire. Ce n'était pas dans sa nature. Marcus, le regard hargneux, empoigna son gobelet et le fracassa par terre, répandant son contenant dans une tornade de bris de verre. Hermione n'avait pas besoin de se retourner pour savoir que la foule ne prenait aucunement conscience de ce qui se produisait plus haut. Le bruit de la mélodie était trop assourdissant pour qu'on entende la moindre lutte. Et les Serpentard avaient choisi le parfait moment pour venir agresseur la Gryffondor.

Hermione grimaça. Elle tâta la poche de son pantalon noir par automatisme, cherchant à trouver sa baguette, sa seule barrière de protection. Mais elle ne trouva aucune consolation dans son geste, car son arme ne se trouvait pas avec elle. Bordel, pensa-t-elle. Dans quel pétrin se trouvait-elle. Elle n'avait pas le choix de remédier à la bonne vieille méthode. Les poings. Son cœur battait contre ses tempes, elle appréhendait les futures paroles des étudiants. Ils l'observaient avec une moquerie à peine déguisée. Quand Goyle empoigna ses boucles de cheveux, se pressant contre sa hanche en reniflant son parfum, Hermione eut envie de vomir. Elle tenta de se dégager, la gorge nouée. Il la maintint en place, riant dans sa barbe.

« Tu as grandi, Mudblood. Si ce n'était que ton sang, je t'aurais déjà mis dans mon lit, » grogna Flint, la voix rauque.

Hermione insulta Goyle alors qu'il resserrait sa poigne sur sa chevelure.

« Mais c'est pas grave. On a été patient, je pense qu'on peut bien en profiter maintenant. »

Les lèvres tremblantes, Hermione se figea un court moment, le cerveau au ralenti alors qu'elle sentait des mains se faufiler sous son t-shirt et d'autres s'agripper à ses fesses. Sous la terreur, ses iris caramel cherchèrent de l'aide et elle croisa les pupilles dilatées de Malfoy, posté tout au bout de la salle commune. Il semblait en proie à une haine farouche. Allait-il l'aider ? Elle ne pouvait attendre. Pas lorsqu'une telle peur prenait forme dans son ventre, lui arrachant une plainte trop familière.

La jeune femme ferma les yeux, ravalant un sanglot et passa à l'action. La peur s'était transformée en une vague d'obscurité. Elle ne voyait plus rien. Ses iris n'entrevoyaient que des points et des formes rouges et noires. D'un mouvement vif, Hermione frappa Goyle en plein visage, le faisant reculer de surprise. Grabbe et Marcus tentèrent de l'attraper dans un cri de colère, mais elle était plus rapide et agile qu'eux. Se libérant du cercle étroit qu'ils avaient formés, elle amorça un coup de pied en diagonal en plein contre le genou de Crabbe qui s'effondra au sol en hurlant de douleur. Tenant le reste de sa jambe, les larmes aux yeux, le Serpentard tenta de la remettre en place, mais elle restait pendue dans un angle inhabituel. Hermione ne lui laissa pas le temps de s'en remettre et de sortir sa baguette, elle empoigna sa tignasse noire et fracassa son visage contre le sol, deux fois. Son corps lourd s'échoua par terre dans un bruit assourdissant.

Hermione entendit vaguement des cris de frayeur et son prénom vociféré dans la foule, mais elle était sourde. Il n'y avait que le sang qui battait contre ses veines et cette colère, noire, rugissante de ce besoin de dévorer tout ce qui se trouvait sur son passage. Plus jamais elle ne subirait de telles agressions. Elle ne se figerait pas de nouveau, elle savait se défendre et même si elle venait à s'effondrer contre le sol, le visage en sang, elle continuerait de se relever. Parce qu'elle s'était faite une promesse. Elle ne serait plus vulnérable. Elle ne se laisserait plus faire.

Goyle, la lèvre en sang s'avançait vers elle, les traits défigurés par la fureur. Il était horrible. Et il le deviendrait encore plus après leur échange. Un sourire menaçant ornant ses lèvres, Hermione se tint prête pour l'attaque, ses poings serrés et ses muscles tendus. Marcus avait sorti sa baguette dans la mêlée. L'observant du coin de l'œil, elle réagit vite. Goyle lui empoigna les cheveux si violemment qu'elle cria de douleur. Enfonçant son visage contre son cou, le surprenant sous son geste, Hermione entrouvrit la bouche et mordit son oreille fort. Goyle relâcha sa poigne contre sa crinière dans un cri d'horreur alors que la Gryffondor recrachait son lobe, les lèvres en sang. Elle lui asséna un coup vicieux dans la gorge, le faisant se plier de douleur. Sans perdre un instant, elle enchaîna avec un mouvement brutal, prenant le reste de son corps plié en deux sous la souffrance et fit ricocher son genou dans son visage. Il s'étala de tout son long.

Hermione s'était pris un coup au passage et la lèvre en sang, elle affronta la baguette de Flint, brandit contre elle, à deux mètres de distance. Il l'observait, la respiration erratique, comme s'il était départagé entre la tuer et s'enfuir. Elle lui offrit un sourire, les lèvres pleines de sang. S'il voulait agir, c'était maintenant ou jamais. Alors qu'il commença une incantation : Avada-, sa baguette s'échappa de ses doigts recourbés et se retrouva entre les mains habiles de Draco Malfoy. La mâchoire serrée au maximum, le grand blond continuait d'observer Marcus avec une lueur qui firent déglutir plusieurs personnes dans l'assemblée. Tous les étudiants étaient présents, des mains contre leur visage, trop ébahis pour prononcer le moindre son.

« Hey, Malfoy, je peux tout t'expliquer, » tenta de se justifier Flint, les bras en l'air, soudain livide.

Avant d'observer le reste de la scène, Hermione sentit un bras s'enrouler autour de ses épaules et la guider à travers la foule. Elle descendit les escaliers, la bile dans la gorge. Elle n'arrivait pas à faire le moindre mouvement, son corps venait d'enclencher le mode pilote automatique. Elle ne prenait pas conscience de l'état des lieux, ni des doigts tendres posés contre sa peau.

Elle entendit vaguement quelques exclamations : « Pansy, qu'est-ce qu'on doit faire ? » « Est-ce qu'elle est blessée ? » « Je ne sais pas, je ne sais pas. » « Laisse-moi réfléchir. », puis « Elle est en état de choc. » Les intonations s'interchangeaient et elle grimaça, le cerveau en feu. Se pliant en deux, soudain malade, elle eut un haut-le-cœur.

« Oh fuck, » chuchota Nott à sa droite.

« Aide-moi à la porter. »

« D'accord. »

« Non ! »

La nouvelle voix réveilla une flamme de vie en Hermione. Sa vision reprit des couleurs. Malfoy arpentait les couloirs de Poudlard avec une telle vitesse qu'il semblait léviter. Il fonça droit vers elle et elle se crispa inconsciemment. Remarquant son mouvement, il se pinça les lèvres et une main plaquée contre ses cheveux, la jeune Gryffondor réalisa qu'il avait les phalanges ensanglantées.

« Il va falloir te soigner, » souffla Pansy en l'observant.

« Non. Granger a besoin de soin, pas moi. »

« Marcus ? » demanda Nott avec hésitation.

« Il ne lèvera plus jamais la main sur elle. »

Théo retint sa respiration, comprenant le message. Dans un silence étouffant, Malfoy se pencha vers Hermione, et les membres toujours figés, elle n'arrivait à amorcer le moindre geste. Il la souleva du sol et la cala contre ses bras. Elle ferma les yeux sous son torse chaud contre son visage. Elle avait envie de pleurer et d'oublier ce qui venait de se produire. Les paupières tremblantes, elle lutta contre le torrent de larmes qui menaçait de la noyer de l'intérieur. Une plainte s'échappa de ses lèvres et Malfoy jura dans sa barbe.

« On arrive bientôt. Tiens-bon, » lui souffla-t-il en resserrant sa poigne.

Elle ferma les yeux, lui faisant confiance. Lorsqu'elle reprit connaissance, Hermione était posée contre un lit, aux textures fines et douces. Elle ne reconnaissait pas la chambre qui l'accueillait, mais son esprit était encore trop lointain pour qu'elle arrive à bien réfléchir. Dans un état comateux, elle se força à relever ses pupilles.

« Good Lord, Granger ! » souffla Blaise. « Tu as imaginé Draco en leur mettant la raclée ou quoi? Tu étais terrifiante ! Un peu plus et je me faisais dans les pantalons. Pas très sexy, je dois t'avouer. Mais bon sang ! »

« Ferme-là, Blaise, » apostropha d'une voix torve Malfoy.

Hermione leur faisait dos. Elle n'entendait que des bruissements tant ses oreilles surgissaient sous ses tympans et sous le bruit de ses poings s'écrasant contre le visage de ses agresseurs. Elle était assise entre les douces étoffes, les yeux écarquillés, luttant pour respirer. Elle était déconnectée de la réalité. Il ne restait que cette douleur, lancinante. Ses menottes ensanglantées lui rappelaient la brûlure familière de son avant-bras. Mais ce qui la dérangeait par-dessus tout, ce fût son palpitant, étouffant dans une agonie silencieuse. Elle plongeait dans la noirceur et rien ne pouvait l'en sortir. Pas même les paroles de ses camarades, qui tentaient de la faire revenir de l'obscurité. Il n'y avait rien. Elle revoyait le sang couler, les cris d'une femme, les siens et la terreur lui nouant le ventre. Hermione gardait ses secrets scellés sous clés. Et elle n'était pas prête à en parler. Le Manoir des Malfoy lui avait apporté bien plus qu'une séance de torture. Il y avait eu l'atrocité du sang qui s'écoule contre le visage et de l'horrible sensation de mains contre sa peau.

Sa respiration se fit erratique. Reprends-toi en main, pensa la Gryffondor, accablée. Elle chavirait dans un monde qui ne tenait que sur un fil. Son anxiété était si grande que sa gorge était nouée. Muette de stupeur, elle aplatit sa main contre le matelas. Fermant les yeux, elle se remit à compter, pour se changer les idées.

15, 16, 17.

Elle prit trois grandes respirations avant de pouvoir entendre des grésillements et des cris à ses côtés. Elle se crispa et sa main tressauta contre sa jambe, dans un tic macabre et douloureux. Alors que l'air s'échappait de ses lèvres, elle sentit une main contre son épaule, hésitante, suivit d'un : « Granger ? Fuck. Ça va aller. »

Elle eut envie de vomir. Elle ne voulait pas être un spectacle, un clown incapable de se déprendre de sa cage. Bon sang. Elle se pinça les lèvres, refusant de rouvrir ses yeux pour affronter le Serpentard à ses côtés. Draco Malfoy. Il restait silencieux. Il avait demandé à tous ses amis de leur laisser de l'espace et Hermione n'était pas certaine d'en être reconnaissante si ça voulait dire qu'elle devait l'affronter toute seule.

« Je suis là, Love. Reste avec moi, ok ? »

70, 71, 72.

Le frôlement de ses boucles chocolat la fit tressaillir. Draco était tendre dans son approche, passant une main dans ses cheveux, mais Hermione n'avait qu'une envie, s'enfermer dans une pièce recluse du monde entier et y rester le temps de pouvoir avoir la force de combattre de nouveau. De se réveiller de son cauchemar éveillé.

« Granger, hey ! Regarde-moi. »

« Tout va bien, » croassa-t-elle à son encontre.

C'était faux. Elle allait tout sauf bien. Elle était au bord du gouffre. L'altercation avec les Serpentard avait réveillé des souvenirs en elle, des projections qu'elle tentait d'oublier de tout son être.

« Tu peux me laisser, j'ai... j'ai juste besoin de quelques minutes, » continua-t-elle, les lèvres tremblantes.

« Il est hors de question que je te laisse seule dans cet état ! Je sais que tu ne veux pas ma présence, et je comprends. Mais je peux demander à Théo d'aller chercher Harry si tu préfères. »

« Non, » hoqueta-t-elle tremblante. « Pas Harry. Personne. Seule. Être seule, » balbutia-t-elle.

« Ce sera avec moi alors, » répliqua Malfoy, feignant la moquerie.

Hermione qui gardait les yeux fermés, arriva quand même à décerner dans son intonation une inquiétude accablante. Un bruissement à sa droite fit incliner sa tête. Les iris se déposant sur la grande silhouette de Malfoy, la jeune Gryffondor retint sa respiration. Il lui tendait une cigarette, cherchant ses prunelles avec une patience étincelante de bonté. Elle accepta son geste, restant silencieuse et la portant à ses lèvres, d'un coup de baguette, le Serpentard l'alluma. Les minutes s'écoulèrent avec une douceur-amère. La fumée semblait lui rafraîchir l'esprit et son camarade le remarqua, se décidant à prendre la parole.

« Tu aurais pu tomber sur pire compagnon que moi, tu sais. »

« C'est vrai, » chuchota-t-elle, les lèvres pincées en un mince sourire.

« C'est ça, reste avec moi. »

Draco était encourageant. Elle comprenait qu'il tentait de la faire revenir à elle et ses petites répliques débiles fonctionnaient. Quel génie, pensa-t-elle, incapable d'éprouver la moindre irritation à son égard.

Ses yeux s'accommodèrent à la noirceur et Hermione respira de nouveau. Elle n'avait pas réalisé qu'elle suffoquait. Les belles orbes grises de Malfoy l'analysaient avec inquiétude.

« Draco. »

« Hermione. »

Il y avait une douceur dans sa voix.

« Inquiet pour moi, Malfoy ? » taquina la Gryffondor, d'une voix faible.

« Pas le moins du monde. Je savais que tu allais leur foutre la râclée du siècle. Mais avec les poings, Granger ? Tu m'impressionnes. »

Elle eut un petit rire.

« C'est plus satisfaisant, » répliqua-t-elle dans un souffle.

Malfoy sembla partager son avis, car il hocha la tête, pensif. Il sembla reprendre son sérieux. La gorge nouée, il amorça sa tirade, les yeux brillant de tristesse.

« J'aurai dû venir plus tôt. Je ne voulais pas m'interposer, mais... j'aurai dû... Pardonne-moi. »

« Malfoy, » sa voix était suppliante. « Arrête. Tu es venue, c'est tout ce qui compte. »

Posant sa cigarette contre la table de nuit, elle apposa sa petite menotte contre son visage. Il s'était déplacé et maintenant accroupit entre ses jambes, il l'observait à travers ses cils, les traits tirés.

« Merci d'avoir était là. Merci. »

Elle se tût, ne sachant si elle arriverait à prononcer le moindre son tellement elle luttait contre les larmes.

« Je m'excuse, » chuchota-t-elle. Je ne voulais pas que tu me voies comme ça. »

Comment, Love ? »

Elle frissonna sous le surnom, une larme s'échappant de ses cils.

« Violente et incontrôlable. Sombre. »

« Fuck, Granger. Tu ne comprends pas. »

« Non, » crossa-t-elle, soudain perdue. « Tu ne comprends pas. J'étais différente, mauvaise. C'était... »

« Tu étais tout sauf... Hermione, » il déglutit, semblant chercher ses mots. « Tu t'es défendu et tu as été merveilleuse. Et aussi terriblement sexy, d'accord ? Je l'avoue, ça m'a fait quelque chose de te voir sortir les griffes avec une telle férocité, tu étais... surprenante, mais pas mauvaise. Tu n'es pas sombre. Ce n'est pas dans ta nature. »

« Et si c'était ce que je suis devenue ? Et si c'était ma vraie personnalité depuis la Guerre ? Et s'il ne restait plus rien de bon en moi ? »

L'anxiété refit surface et Malfoy tiqua sous ses paroles. Il empoigna ses bras dans un geste vif, plantant ses iris dans les siens.

« Si tu étais une personne avait un fond creux et laid à l'intérieur, tu ne te poserais pas toutes ses questions. Ce sont les gens qui doutent de leur propre valeur qui sont généreux et tendre envers ceux qu'ils aiment. Ceux qui ne questionnent pas leurs erreurs n'éprouvent pas de culpabilité et n'en sont pas capables. Ce sont d'eux qu'il faut se méfier. Pas toi. Tout sauf toi. »

« Malfoy... »

« Chut, » souffla le Serpentard, un doigt contre ses lèvres rosées. « Tu es en sécurité, même si c'est avec ton plus grand ennemi. Rien ne va t'arriver maintenant. Tu as ma parole. »

Il n'était pas un ennemi. Mais il ne le savait pas. Un sanglot s'étouffa dans sa gorge. Muette de douleur, elle se cacha le visage, complètement anéantie. Il y avait tellement de part d'elle qui lui semblait impossible à décoder. Elle était un puzzle impossible à reconstruire et Malfoy semblait penser autrement. Il croyait en elle. Il voyait une lueur dans le creux de sa poitrine qu'elle ne pensait avoir. Et il réveillait cet élan de douceur qui lui faisait peur. Que lui arrivait-elle ? Depuis quand se montrait-elle si vulnérable ?

Le Serpentard déglutit, les paumes contre les cuisses de la jeune Gryffondor, amorçant des cercles avec tendresse contre sa peau.

« Attends, » il sembla reprendre vie. « Ne bouge pas. »

Hermione n'en avait pas la moindre force. Elle n'irait nulle part. Elle était en sécurité maintenant. Draco avait raison.

Revenant dans un mouvement saccadé, Malfoy brandit sa baguette vers elle et souffla plusieurs incantations pour la soigner. Ses phalanges craquelées sous le martèlement de ses poings contre ses ennemies s'estompèrent, jusqu'à laisser une chaire intacte. Sa lèvre enflée et fissurée s'était refermée. Lorsqu'il souffla un autre sort pour évaluer le reste des dégâts sur son corps, Hermione se figea. Elle ne réalisa pleinement ce qu'il faisait que lorsqu'il abaissa son regard vers elle et étudia son avant-bras, soudain blême. Elle se releva dans un cri d'horreur et Malfoy abaissa sa baguette, soudain silencieux. Il était trop tard. Il avait vu. Par instinct, elle posa sa main contre sa cicatrice et baissa la tête, mortifiée.

« Personne n'est au courant. »

Draco retint sa respiration. Hermione se força à ne pas croiser son regard. Elle était pétrifiée de honte.

« C'est infecté, Granger. »

Sa voix était douce, presque hésitante.

« Je sais. Il n'y a rien à faire. »

Hermione voulait s'enfuir tellement elle était embarrassée, honteuse. Elle ne savait où porter son attention. Partout, sauf sur lui. Sans un mot, Malfoy releva les manches de sa chemise jusqu'à exposer son propre avant-bras. La marque des ténèbres y était toujours logée, avec sa tête de mort et l'énorme serpent aux crocs ensanglantés. Le tatouage restait immobile, mais en un instant, Hermione comprit.

« Tu souffres aussi, n'est-ce pas ? »

« Chaque jour de ma putain de vie, » souffla-t-il dans un grognement.

« Je pensais être le seul, » rajouta-t-il presque avec lamentation.

Hermione déglutit, les larmes aux yeux. Elle aussi le pensait. Et elle n'aurait jamais cru que comparer sa cicatrice avec celle de Malfoy lui réchaufferait autant le cœur. Ils étaient semblables dans leur souffrance. Leurs corps avaient rejeté le maléfice fait de magie noire et maintenant, ils vivaient avec les conséquences. Les effets restaient intacts et la Gryffondor avait tant chercher à remédier au problème, à trouver une solution. Mais elle n'avait réussi. Et sa seule consolation fût qu'elle pouvait maintenant partager ses maux avec une autre personne. Avec Draco Malfoy.

« Promets-moi que tu ne le diras à personne. »

« Tu as oublié que je suis un serpent, Granger. »

« Malfoy... »

« Oui, Darling, Je te le promets. »

Elle hocha la tête, les joues chaudes et amorça un mouvement pour sortir de la pièce.

« À qui appartient cette chambre ? »

« À moi. Je t'avoue que je t'imaginais être dans mon lit de bien des façons, mais certainement pas pour cette raison. Ce sera pour une autre fois, alors. »

Malfoy redevenait cet être charmeur et arrogant. Mais il avait commis un impair. Hermione connaissait son jeu et elle n'était pas prête à ternir l'image qu'il venait de lui donner il y a quelques minutes : doux, protecteur et patient. Et surtout, vulnérable et compréhensif.

Sans même réfléchir à ses actions, Hermione traversa la seule distance et barrière protégeant leurs corps et déposa ses lèvres contre les siennes, avec une douceur qui le fit frissonner. Avant qu'il ne puisse approfondir le baiser, elle s'écarta et affronta ses iris écarquillées. La respiration haletante, il apposait son attention sur ses lèvres et son visage, départagé sous ce qui venait de se produire. Elle lui offrit un sourire. Caressant son torse de ses ongles, elle se racla la gorge, soudain émue.

« Merci, Draco. Merci d'avoir été là, de m'avoir défendu et de t'être montré sous ton vrai jour. Ça compte pour moi. »

Elle ne lui laissa pas le temps de répliquer. Il allait probablement se refermer comme une huître. Elle sortit de la salle et s'enfonça dans sa propre tanière, le cœur palpitant dans sa poitrine. Hermione pensait accomplir bien des choses dans la soirée des Serpentard, mais certainement pas réveiller une étincelle dans le cœur de Draco Malfoy. Elle n'était pas la seule à s'être brûler les ailes. Lui aussi.


______________


Tu n'as jamais été un ennemi », avait résonné la voix de Hermione lors de son départ.

La chambre de Malfoy semblait bien froide sans la présence de la Gryffondor. Il n'arrivait pas à croire qu'elle s'était retrouvée ici, à ses côtés et qu'il avait pu la serrer dans ses bras. En temps normal, il en aurait profité. Avec n'importe quelle fille, les actions auraient été faciles. Les vêtements glissant contre le sol, le bruit de respiration haletante et la passion embrassant leurs chaires. Pas avec Granger, avait compris Draco en l'observant, les yeux vitreux de larmes.

Il n'en avait pas été capable. Elle était d'une force incommensurable, mais ces moments vulnérables étaient tout aussi puissants. Il n'osait se l'admettre, mais les émotions qui avaient enveloppé son cerveau lorsqu'il avait aperçu les Serpentard s'en prendre à Granger... la rage qui l'avait happé lui en avait retourné l'estomac. Il ne se rappelait pas la dernière fois où il avait été pris d'une telle fureur.

Elle lui avait coupé le souffle. Hermione et ses boucles chocolat, enchaînant riposte et enchaînements violents contre ses adversaires. Elle avait attiré tous les regards sur sa personne sous sa grâce porteuse et légendaire. Mais il n'y avait pas eu que ça. Draco Malfoy avait pu le voir. Cette étincelle de noirceur dans sa beauté. Et bon sang. Elle était humaine. Elle était vivante.

Son palpitant s'était compressé dans sa poitrine pour une raison qu'il ne voulait découvrir. Il préférait se mentir. Le mensonge était son allié, comme la franchise était la meilleure amie de Granger. Ils étaient incompatibles, différents en tout point.

Mais cette soirée avait su lui prouver le contraire. Bien que leur constitution fût hétéroclite, la guerre avait su ravager leurs barrières intérieures et apporter un semblant de paix : par leur rencontre. Aussi colossale et forcée que leur cohabitation puisse l'être, Draco Malfoy en était reconnaissant. Hermione Granger, était tenace, ne se laissait pas marcher sur les pieds et n'hésitait pas à lui faire voir des couleurs. Des couleurs et des émotions qu'il avait longtemps imaginées, sans pouvoir les toucher du bout des doigts. Et elle lui donnait cette possibilité. De vivre. De ressentir des sensations qu'il ne pouvait que rêver. Il s'imaginait mal revenir en arrière et jouer l'indifférent quand son cœur continuait de pulser avec un rythme turbulent.

Bordel de merde, pensa-t-il en observant le plafond de sa chambre, les poings crispés le long de son corps.

Il s'était promis de ne pas changer pour la Gryffondor, qu'il resterait en tout point le même. Une femme ne pouvait avoir une telle ascension sur lui, un tel pouvoir. Pourtant, Draco aurait dû se douter qu'il ne pouvait y avoir plus surprenante partenaire que Hermione Granger, la fameuse sorcière surdouée de leur génération.

Il eut un rire mélancolique. Il était vraiment dans le pétrin. Théodore et Blaise poufferaient bien de rire à l'observer ainsi. Mais Malfoy ne se berçait pas de belles pensées, il était lucide. S'il commençait à développer un intérêt pour la Gryffondor, intérêt qui n'avait fait que s'accroître depuis la troisième année à Poudlard à la côtoyer, ça ne voulait pas dire que la jeune femme éprouvait la même chose à son égard.

Il voulait retourner à ce jeu malsain qui les reliait à cette tension sensuelle. Ce besoin physique et du toucher corporel qui l'embrasait de l'intérieur. Mais il n'y arrivait pas. Il ne pouvait voir la jeune femme ainsi. Il ne l'avait jamais pu. Le mensonge faisait partie de son quotidien. Et c'était pour ça qu'il l'avait repoussée. Et il continuerait de le faire. Granger avait assez eu d'obstacles. Il ne deviendrait pas une plaie de plus dans son tableau. Il se le promit. 

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