Chapitre 2

Paris, Aéroport Roissy Charles de Gaulle - 1er juillet 2016

En se réveillant tôt ce matin-là, rien qu'en observant la douce lumière qui traversait déjà les volets gris de sa chambre, Chloé se dit que rien ne pourrait ternir cette journée qu'elle attendait depuis des lustres. Même pas les grognements de sa meilleure amie quand elle est allée la réveiller en sautant sur le matelas, même pas le fait qu'elle oublie sa brosse à dents en partant (ce qui lui arrivait plus que souvent), même pas le petit pincement au cœur qu'elle a ressenti en disant au revoir à Roxy, son adorable chat.

Pourtant, lorsqu'elle pénétra dans le hall de l'immense aéroport parisien avec Astrid, l'humeur de Chloé emprunta tout à coup un chemin inattendu. Incroyable vu les circonstances, mais bel et bien vrai. Et pendant un instant, elle resta totalement figée sur place, abasourdie devant le message qu'elle venait de recevoir comme si il lui annonçait la fin du monde.

Astrid, naturellement débordante de joie et dans son élan, ne réalisa pas tout de suite que sa meilleure amie ne la suivait plus, et ce fut seulement en arrivant devant le panneau d'affichage qu'elle se retourna sur Chloé, toujours plantée devant les portes coulissantes du bâtiment, son téléphone presque plaqué contre ses yeux, comme si il l'hypnotisait. Elle revint sur ses pas immédiatement.

- Chloé, tout va bien ? s'empressa t-elle de lui demander en arrivant à sa hauteur. On a pas énormément d'avance, il faut y aller.

- Quoi ? répondit la brune en fronçant les sourcils, totalement dans sa bulle. Oh oui, bien sûr, ajouta t-elle de manière confuse en fourrant son téléphone dans sa poche comme quelque chose dont elle ne voulait pas parler.

- Allez, on fonce.

Astrid avait remarqué que quelque chose n'allait pas, bien entendu, mais il était hors de question d'être en retard à l'enregistrement et d'avoir un mauvais siège dans l'avion. Cette gêne qu'avait voulu cacher maladroitement sa meilleure amie deviendrait sûrement pire si Astrid n'était pas à côté d'elle pendant le vol, et il n'était pas envisageable que la blonde passe treize longues heures coincée entre deux personnes qui transpirent trop, à se demander pourquoi Chloé n'est pas la plus heureuse en ce jour normalement si important pour elle.

Après s'être déchargées de leurs valises et après avoir passé presque une heure à faire la queue pour le contrôle de sécurité, puis pour l'embarquement, les deux meilleures amies s'assirent enfin sur leurs sièges respectifs en poussant chacune un énorme soupir de soulagement. Il ne leur restait plus maintenant qu'à se laisser voler jusqu'à Los Angeles.

Chloé en avait presque oublié ce douloureux message lorsque son portable vibra à nouveau, la privant de toute forme de répit.

- Merde, lâcha t-elle inconsciemment en apercevant le nom de la personne qui cherchait encore une fois à la joindre.

Astrid, qui n'avait évidemment pas manqué une miette de toute la scène, se positionna un instant en retrait en ouvrant un magazine. Elle ne s'en doutait pas encore mais Chloé, observant d'un regard vide la piste à travers le hublot, revivait en quelques secondes successivement une des plus belles et une des pires heures de sa vie.

Paris, Boulevard Saint-Germain - 10 Juin 2014

Chloé avait toujours été, comme toutes les filles de sa génération, incroyablement romantique et idéaliste sur tout ce qui touchait l'amour. Même si elle doutait parfois de la théorie des âmes sœurs, celle qui affirme que chacun est destiné à une unique personne toute sa vie, elle n'avait jamais pu s'empêcher de rêver du prince charmant. Habiter depuis son enfance dans une ville aussi romantique que Paris et avoir des parents dont l'histoire était digne d'un conte de fées n'avait sûrement pas amélioré les choses. On pourrait même aller jusqu'à dire qu'elle avait dressé en esprit un portrait assez précis de l'homme parfait pour elle, qui devrait avoir de multiples qualités : évidemment, il serait drôle, beau, gentil, et aussi ambitieux qu'elle. Il lui ferait des surprises inattendues, ne manquerait pas son anniversaire, lui offrirait des fleurs rien que pour la voir sourire.

Cet homme assez peu réaliste, elle pensait l'avoir enfin retrouvé en la personne d'Antoine Bertin. Fils d'un PDG de renommée mondiale, orphelin de mère, aspirant à devenir médecin, photographe talentueux, sourire ravageur et corps sportif... Nombreuses étaient les choses qui avaient forgé sa réputation indestructible au lycée. C'était le meilleur dans tout ce qu'il entreprenait : le meilleur accent anglais, la meilleure moyenne en mathématiques, le meilleur temps à la compétition d'athlétisme du lycée deux années de suite.

Pourtant, la première fois que Chloé posa les yeux sur lui en seconde, elle le trouva étrangement et franchement amer. Ces filles qui le suivaient partout, ce sourire digne d'un présentateur télé, tous les vêtements excessivement chers qu'il aimait exhiber... Elle ne fut pas du tout attirée et même si elle s'efforçait de se montrer toujours amicale avec lui, elle détestait sa prétention.

Malgré cela, lors d'une fête de fin d'année organisée par une amie commune, Joséphine, dans son immense loft boulevard Saint-Germain, l'impossible s'accomplit.

Chloé et Astrid étaient entrain de prendre l'air sur la terrasse à la vue impressionnante lorsqu'Antoine s'appuya soudain à la balustrade juste à côté de la jolie brune, lui arrachant un petit cri de surprise lorsqu'elle se retourna enfin vers lui.

- Salut, murmura t-elle en baissant les yeux, voulant cacher son malaise.

- Astrid, Stéphanie te cherche, elle a besoin de toi pour préparer le gâteau, annonça Antoine en s'adressant à la blonde.

Astrid ne percuta pas immédiatement et resta figée sur place en le regardant bizarrement pendant quelques longues secondes, à se demander de quel gâteau il voulait parler - étant donné qu'il n'avait jamais été question d'un gâteau, du moins, elle n'était au courant de rien. Le brun lui jeta un regard embarrassé en désignant la porte-fenêtre et elle s'éclipsa discrètement, comprenant enfin qu'elle gênait.

Chloé se retrouva alors toute seule avec lui, et pour une raison qu'elle ne saisit pas, une chaleur inconfortable s'empara subitement de tous ses membres.

- Alors, tu as des plans pour les vacances ? demanda t-il.

- Oui, l'Île Maurice, rien de bien spécial, répondit-elle simplement. Et toi, ce n'est pas l'Amazonie cette année ?

- Si, exactement, mon oncle me fait enfin visiter après dix ans de vie là-bas. C'est un peu un rêve de gamin pour moi. Je pars dans trois semaines, récita t-il avec entrain.

Chloé n'avait vraiment pas envie d'entendre tous les détails croustillants du périple si extraordinaire qui l'attendait, les connaissant déjà par cœur. Difficile d'ignorer ce sujet, précisément lorsque tout le monde ne parlait que de ça depuis plusieurs jours au lycée. C'était vraiment insupportable de ne pas être amie avec Antoine et pourtant de tout savoir de sa vie que les gens se plaisaient à décortiquer à longueur de journée - quelque chose qui elle, l'exaspérait profondément. Elle fit semblant de regarder son téléphone.

- J'ai un appel à passer, désolée. Si on ne se recroise pas d'ici la fin de la soirée, je te souhaite de bonnes vacances.

La voyant filer entre ses doigts, Antoine agit avec impulsivité.

- Attends, Chloé...

Il lui attrapa le bras alors qu'elle commençait à s'éloigner, l'attirant ainsi contre lui. Leurs visages étaient très proches, elle pouvait presque sentir son odeur de musc, et la brune lui jeta un regard mauvais plein d'incompréhension et d'inconfort. À quoi jouait-il ?

- Est-ce que tu me détestes ? s'empressa t-il de demander.

Elle fut totalement prise au dépourvu par cette question et en gigotant un peu, elle se détacha de son emprise trop serrée. La lueur de déception dans les yeux noisette du garçon qui se tenait face à elle était flagrante, ce qui effraya la jeune femme. Que se passait-il ?

- Qu... Pourquoi tu me demandes ça ?

- J'en sais rien, à toi de me le dire Chloé. J'ai l'impression que tu fais toujours tout pour m'éviter depuis le début de l'année. Qu'est-ce que je t'ai fait ?

- Rien du tout, rougit-elle comme toute mauvaise menteuse qui se respecte. Pourquoi est-ce que ça t'intéresse de toute façon, ce que je peux bien penser de toi ?

Il se rapprocha encore un peu d'elle et Chloé se sentit de plus en plus oppressée. Elle aurait voulu partir, retrouver Astrid et lui raconter tout ce fiasco qu'elle ne comprenait pas le moins du monde, pourtant elle était étonnamment bien, à quelques centimètres seulement de ce garçon qu'elle avait toujours méprisé.

- Ça m'intéresse parce que j'ai passé toute la soirée à te regarder dans ta robe blanche Valentino, et il n'y a rien que je puisse faire pour me convaincre de rester loin de toi, lui chuchota Antoine à l'oreille.

Le cœur de Chloé fit un bon dans sa poitrine et sans pouvoir réfréner ce geste incompréhensible, elle passa sa main sur le visage d'Antoine. C'est seulement à ce moment-là qu'elle remarqua ses traits fins, ses yeux dorés et ses lèvres d'un rose parfait. Comment n'avait-elle pas pu voir à quel point il était beau ?

- Tu es sublime Chloé, ajouta t-il en remettant une mèche derrière son oreille.

Elle faillit dire quelque chose mais il fut plus rapide et posa un doigt sur sa bouche.

- Non, là c'est le moment où j'ai enfin le courage de faire ce que je rêve de faire chaque fois que je te regarde.

Il l'attira tout contre lui et ses lèvres se posèrent sur celle de Chloé.

C'est ainsi qu'a débuté une longue relation entre Chloé et Antoine, ponctuée de dîners dans les restaurants les plus romantiques de Paris, de croissants frais le dimanche matin ou de weekends à l'étranger dans les nombreuses propriétés du père d'Antoine.

Chloé pensait vraiment avoir trouvé l'homme parfait jusqu'à ce soir-là de mai, quelques jours seulement avant leur deuxième anniversaire de couple, où elle vit son cœur se fissurer avant de dégringoler à ses pieds.

Paris, boulevard des Capucines, 30 Mai 2016

Chloé avait mis une de ses plus belles robes pour se rendre à l'exposition de photos de son petit-ami ce soir-là. Elle avait même fait l'effort de mettre des talons, elle qui d'habitude détestait ça, simplement pour lui faire plaisir. C'était un jour très important pour lui, il en parlait depuis des semaines : ce pas définitif dans le monde professionnel de la photographie révèlerait peut-être son talent à tous les parisiens et prouverait qu'une fois de plus, il était le meilleur.

Chloé était toute excitée lorsque la voiture la déposa devant la galerie que le père d'Antoine avait louée pour l'occasion. Antoine n'était pas au courant de son arrivée, sa présence étant une surprise planifiée depuis longtemps. Elle avait prétexté d'être malade la veille pour qu'il soit d'autant plus heureux de la voir et elle était extrêmement impatiente d'observer sa réaction.

Elle marcha aussi vite que possible en descendant de la Mercedes qui l'accompagnait et bientôt, pénétra dans l'ascenseur qui menait à la galerie. Elle passa en coup de vent devant les premières photos, reconnaissant certaines d'entre-elles au passage alors qu'elle cherchait Antoine.

Elle croisa une de leurs amies, qui lui indiqua qu'il venait de partir dans le jardin du toit en lui montrant la direction à suivre. Chloé la remercia brièvement et se précipita dans un petit escalier pour retrouver Antoine.

Elle fut rapidement coupée par son élan en entendant des rires, qui se firent de plus en plus présents à mesure qu'elle s'approchait. Elle aperçut ensuite deux ombres dans le soleil couchant, collées l'une à l'autre. Son cœur battait à des milliers de kilomètres heures et il se décrocha lorsqu'elle reconnut Antoine et Joséphine, s'embrassant comme si ils étaient seuls au monde.

Elle lâcha un cri étouffé, imperceptible pour elle mais aussi fort qu'un signal d'alarme pour les deux jeunes qui se retrouvaient là, profitant de sa prétendue absence. Antoine bégaya quelque chose comme "Chloé, ce n'est pas ce que tu crois" qu'elle entendit à peine. Il se précipitait à sa hauteur et elle choisit de s'en aller, tout simplement. Les larmes dévalaient déjà son visage et elle avait juste envie de disparaître. Elle ne voulait pas être humiliée davantage devant Joséphine qui avait certainement dû prendre son pied en la trahissant.

Elle courut presque dans l'escalier, retira ses chaussures, traversa la salle d'exposition en bousculant plusieurs personnes et enfin, accéda à l'ascenseur suffisamment tôt pour qu'Antoine ne puisse pas l'y suivre.

Elle marcha longtemps dans Paris sans savoir exactement où elle allait, pieds nus et le cœur en miettes, avant d'avoir enfin la force d'appeler son chauffeur pour la ramener à la maison.

Ce jour-là, elle se promit de ne jamais plus aimer personne comme elle avait aimé Antoine, et surtout, de ne plus jamais lui adresser la parole. De toute évidence, l'homme parfait n'existait pas, il avait détruit sa confiance, brisant jusqu'à la place magistrale qu'elle avait toujours accordée à l'amour. Tout cela n'était plus qu'un tas de mensonges après cet incident.

1er juillet 2016

Ce sont ces deux souvenirs-là que Chloé se remémora, assise à côté de sa meilleure amie dans cet avion qui les emmenait loin de la capitale française. Astrid avait feint l'ignorance en dépliant un magazine pendant quelques minutes, voulant ainsi lui accorder plus de temps pour lui révéler ce qui n'allait pas. Chloé l'interrompit dans son mauvais jeu d'actrice en lui tendant son téléphone.

Astrid lâcha son magazine dans la seconde pour s'en emparer, ne cachant plus sa curiosité, et elle fit bientôt défiler sous ses yeux les messages qu'Antoine avait envoyés à Chloé un peu plus tôt.

Le premier datait de 8h12 : "Chlo', je ne suis qu'un con, mais stp rappelle moi. Ça fait plus d'un mois maintenant. C'était rien avec Joséphine, combien de messages faudra t-il que j'envoie encore avant que tu répondes ? Je t'aime, rappelle moi."

Le second datait de 9h26 : "Chlo', je viens d'appeler tes parents. J'avais oublié que la date de départ était fixée à aujourd'hui. Ne pars pas pendant tout l'été, je t'en supplie. Je suis prêt à annuler mes vacances en Italie pour toi. On peut encore recoller les morceaux. Ne monte pas dans cet avion, je t'aime. Et stp, rappelle moi."

En relevant les yeux, Astrid vit que Chloé avait les larmes aux yeux, même si elle se donnait toutes les peines du monde pour essayer de le camoufler. Chloé et Antoine avaient eu une relation fusionnelle tous les deux et cette rupture du jour au lendemain avait été très difficile pour elle. Elle entoura sa meilleure amie de ses bras.

- Chloé, tout va bien se passer. Ces messages ne veulent rien dire et ce type n'est qu'un connard fini. Tu verras, les États-Unis vont te faire oublier tout ça.

Effectivement, Chloé n'allait pas être déçue.

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Hello everyone ! xx

Le chapitre 2 est enfin posté, avec un peu de retard, mais j'espère tout de même qu'il répond à vos attentes. :)

Maintenant que vous en savez un peu plus sur le personnage de Chloé, que pensez-vous d'elle ? Que pensez-vous de sa relation avec Antoine ? Envisagez-vous un futur à cette relation ou pas ? Est-ce que vous aimez les retours en arrière qui vous en apprennent plus sur le passé des personnages ou pas ? J'ai vraiment hâte d'entendre vos avis parce que j'ai été très inspirée en écrivant ce chapitre. ;)

On se retrouve en fin de semaine pour la suite, au plus tard lundi prochain si vraiment je n'ai pas le temps, en attendant je vous fais de gros bisous et à bientôt, Anne. xx

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