Chapitre 38

Mon frère trottine à côté de moi. Il a l'air bien plus inquiet que je ne le suis. Étrangement je n'ai pas peur. Plus maintenant. J'ai tenté un temps de jouer au petit jeu de mon père, mais je ne supporte plus d'être sa marionnette. Il est temps de couper les fils et de reprendre ma vie en main. J'en oublie presque les menaces reçues par message, jusqu'à ce qu'au moment de franchir le hall, mon père, furibond, m'attrape par le col de mon sweat et me plaque contre le mur. J'ai le temps d'apercevoir ma mère me regarder avec dégoût, avant que mon père ne prenne toute la place dans mon champs de vision, son visage à quelques centimètres du mien.

"Alors ? crache-t-il, tu es fier de toi ? Tu as déshonoré notre famille, en plus d'avoir rompu notre accord. Monsieur Kim t'as vu avec ton pédéraste de petit ami. Il m'a immédiatement appelé, fou de rage, pour me dire qu'il était hors de question qu'une telle aberration côtoie sa fille."

Il reprend une grande inspiration avant de reprendre un hurlant comme un démant. Yoong-Jae toujours dans le hall avec nous, nous observe tétanisé.

"COMMENT AS-TU PU NOUS FAIRE ÇA ?! L'appel du vice a été plus fort que toi c'est ça ?! Tes pulsions inhumaines n'ont pas supportées d'attendre quelques petits mois ? Ou alors c'était ton but depuis le début ? Faire s'abattre la honte sur nous pour entacher définitivement notre nom ?!"

Ses paroles glissent sur moi, comme si elles ne m'étaient pas vraiment destinées. Je suis déconnecté de la réalité. De son poing qui tient mon col, il appuie sa prise sur ma gorge, m'étouffant à moitié. Pendant quelques secondes, j'ai l'impression de redevenir ce petit garçon terrorisé par la brutalité de son père.

Mais je ne suis plus ce garçon. Je n'ai plus peur de lui, plus peur qu'il me jette à la rue. Car je ne suis plus seul. J'ai une vraie famille à présent. Une famille qui n'attend que mon retour pour reprendre le cours de sa vie. Alors oui, il y a toujours le risque que mon père s'en prenne à eux pour se venger, et cette angoisse me tord le ventre. Mais maintenant je ne peux plus revenir en arrière. Ce qui est fait est fait. Et si je n'ai pas pu les protéger de cet homme, c'est que c'était tout simplement impossible. Face à cette si simple vérité, je souris.

"ça te fait rire ? me hurle mon père, son visage si proche du mien que nos nez se frôlent et que des postillons de rage se perdent sur ma peau.
– Un peu, je parviens à articuler."

C'est très immature de jouer la provocation dans ma position, mais je ne peux pas m'empêcher de jouer avec les nerfs de cet homme qui a fait exploser les miens pendant des années. L'idée de lui rendre la monnaie de sa pièce a quelque chose de satisfaisant.

"Papa... lâche-le tu vas l'étouffer ! s'écrie soudain Yoong-Jae libéré de sa tétanie."

Rien que pour la forme, je tourne les yeux vers lui et lui adresse un léger signe de tête, seul mouvement que je peux faire, pour lui montrer que je suis fier de son intervention. Il n'y a pas si longtemps, il était encore incapable de ne serait-ce que respirer quand mon père entrait dans ses phases de colère. Face à cette réaction inattendue, mon père relâche sa pression et j'en profite pour repousser violemment sa main.

"Ne me touche plus, je gronde froidement, en passant à côté de lui pour me rendre dans le salon.
– Où est-ce que tu crois aller ? Tu n'es plus le bienvenue ici ! hurle à nouveau mon géniteur en se précipitant à ma suite.
– Ne t'inquiète pas, je réponds d'une voix glaciale en me tournant vers lui, je n'ai aucune envie de rester ici. Je suis simplement venu récupérer mes affaires et ensuite je te promets que vous n'entendrez plus jamais parler de moi."

La peine se peint sur le visage de mon frère, qui se sent inclus dans ce "nous". Je n'ai pas l'intention de couper les ponts avec lui, à moins que ce ne soit ce qu'il souhaite. Mais j'aurais le temps de discuter de ça plus tard avec lui. De toute façon, mon père ne me laisse pas l'occasion de lui dire quoi que ce soit. Au moment où je reprends la direction de ma chambre, il m'attrape par le bras et me force à lui faire face.

"Tu n'as pas répondu à ma question."

Son ton est plus calme, mais la colère toujours aussi ardente dans ses yeux.

"Quelle question ?
– Est-ce que tout ça était prémédité ? Tu avais prévu depuis le début de faire capoter ce mariage ?"

J'ai envie de répondre oui, dans l'espoir de voir la veine qui palpite sur son front exploser sous l'effet de la fureur, mais je décide d'être franc.

"Non. J'avais vraiment l'intention de respecter ma part du marché. Aller jusqu'au bout de ce foutu mariage et vivre ma vie comme je l'entendais par la suite. Mais les choses ont pris une tournure qui n'était pas prévue...
– Ah ça je te certifie que tu n'as pas prévu la tournure que va prendre ta vie à partir de maintenant.
– Je ne vois pas ce que tu pourras faire de pire que me mettre à nouveau à la porte, je rétorque nonchalamment."

Je dégage mon bras de son emprise et recule d'un pas, m'apprêtant à rejoindre enfin ma chambre, mais il me coupe dans mon élan.

"Te concernant peut-être. Mais il reste toujours ces personnes pour qui tu as tout abandonné pour revenir ici."

L'angoisse fourmille dans mes jambes mais je garde mon calme. Inutile de lui donner plus de matière qu'il n'en a déjà.

"Ils ne se laisseront pas faire. Je les ai prévenu que tu risquais de t'en prendre à eux.
– Et ils ne t'ont pas immédiatement éjecté de leur vie pour se protéger ?
– Tout le monde n'est pas aussi calculateur et dénué d'humanité que toi père. Ils m'ont suppliés de rester auprès d'eux et voulaient que j'aille porter plainte contre toi.
– Fais donc, si ça peut te faire plaisir."

Je sais qu'il bluffe. Malgré son regard dur, une lueur inquiète plane dans ses iris.

"Je n'en ai pas l'intention, je réponds. Du moment que tu promets de ne pas t'approcher de moi ou de ma famille et de ne rien tenter contre eux."

Il part dans un grand éclat de rire et je serre les poings.

"Ta famille ! C'est nous ta famille. Ces gens n'ont aucun lien de sang avec toi. Tu ne peux compter sur personne dans ce monde.
– C'est là où tu te trompes père. C'est ce que tu m'as toujours enseigné, mais à la seconde où j'ai décidé de m'ouvrir aux autres, ils m'ont accueillis à bras ouverts. Tu devrais revoir ta conception du monde."

Il vrille ses yeux mauvais vers moi et s'avance d'un pas. Je ne bouge pas, les poings toujours serrés, prêt à réagir au moindre de ses gestes.

"Mais c'est qu'il me donnerait des leçons de vie, siffle-t-il avec ironie. Commence déjà par faire quelque chose de ta vie, plutôt que de t'engager dans une voie sans issue. Mais ne compte pas sur moi pour te venir en aide d'une quelconque façon.
– Au cas où tu ne l'aurais toujours pas compris, je m'en vais et je ne reviendrais jamais. Je n'ai donc aucune intention de garder une quelconque forme de contact avec vous. Encore moins de te demander quoi que ce soit. Je me libère enfin de cette prison dans laquelle vous m'avez enfermé pendant toutes ces années."

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