Chapitre 34 (suite)

Quand je rejoins ma famille pour le repas, mon père ne me fait aucune remarque, ce qui est suffisamment rare pour être relevé. Depuis que mon frère lui a parlé de mon désir de me lancer dans ma propre entreprise, il est moins désagréable et me laisse en paix. Il n'a même pas cherché à savoir dans quoi je souhaitais me lancer. Selon mon frère, il a acquiescé et l'a chargé de le prévenir lorsque j'aurais trouvé la formation qui me convient, pour la régler dans son entièreté. La simple idée que je suive ses traces d'une manière ou d'une autre semble lui suffire. Ou bien c'est une façon de me récompenser pour ma prétendue docilité de ces dernières semaines. Et même si le fait de savoir que je lui apporte une forme de satisfaction me donne la nausée, je le fais pour des raisons bien plus importantes et qui m'aident à tenir le coup dans cette prison.

J'ai fais des recherches dans plusieurs universités qui proposent des formations à distance et j'ai fini par trouver mon bonheur. J'ai officiellement commencé mes cours la semaine dernière et même si me retrouver à nouveau avec des devoirs à rendre et des cours à lire ne m'enchante pas, le programme a l'air suffisamment intéressant pour que je commence à y prendre du plaisir.

La formation se déroule sur huit mois, avec cinq modules à valider pour obtenir un diplôme professionnel qui me permettra par la suite de gérer toutes sortes de sociétés. L'idée est surtout d'apprendre à créer, gérer, organiser une affaire avec les moyens actuels et ainsi pouvoir décharger au maximum les épaules de madame Park, si j'ai un jour la chance de retourner travailler au café. Ou pour me lancer dans ma propre affaire si ce n'est pas le cas. J'essaie d'envisager d'autres possibilités, comme me l'a conseillé Yoong-Jae, si le futur ne me permet pas de revenir vers ceux que j'aime.

Les jours défilent donc à toute vitesse depuis que j'ai de véritables occupations. Entre planifier mes fausses sorties avec Su-Jin, organiser de vraies sorties avec elle pour mettre au clairs certains éléments, mes cours en journée, les séries que je continue de regarder le soir, parfois en compagnie de mon frère et mes escapades destinées à donner le changes avec nos parents, mon emploi du temps commence à être bien rempli.

Tellement bien remplis que je suis à nouveau là, sur le trottoir opposé à la vitrine du Cocoon café, en train d'épier, tel un stalker, l'agitation à l'intérieur. Cela fait déjà bien trop de fois que je me retrouve appuyé contre le mur de cette boutique de cigarettes électronique, à moitié dissimulé par un arbre, me laissant un angle tout juste suffisant pour observer les allées et venues de l'autre côté de la vitre du café.

Les passants me lancent de drôle de regards, mais j'ai fini par ne plus y prêter attention. C'est pire qu'une drogue. Je me dis que c'est la dernière fois, et je me retrouve de nouveau ici. Pour le simple plaisir éphémère de voir le sourire de Jimin et de ressentir, même de loin, la quiétude qui était la mienne lorsque je travaillais au Cocoon. Mais je ne peux que constater, impuissant, les ravages qu'à causé mon abandon sur mon petit blond. Son sourire n'est plus cette lumière de bienveillance. Il est triste et forcé. Et ça me brise le cœur. J'aimerais me précipiter dans le café, le serrer dans mes bras, le rassurer, lui dire que je suis là, que je l'aime et que je ne l'abandonnerais plus jamais. J'aimerais tellement. Mais j'ai si peur. Alors, je veille sur lui, en quelque sorte, de loin, en implorant le temps d'apaiser sa douleur. Même si cela doit passer par un autre homme que moi. J'en aurais la poitrine broyée bien évidemment. Mais je préfère encore ça que de savoir mon ange blond avec le cœur en miette.

Mon téléphone vibre dans ma poche. Sûrement Su-Jin pour m'avertir qu'elle rentre chez elle. Je m'apprête à prendre le chemin pour rentrer, décollant mon dos du mur et commençant à me mettre en marche. Je sors tout de même mon smartphone pour lire le message de Su-Jin. Mais ce n'est pas elle. C'est Yoong-Jae qui me propose de nous retrouver à la salle d'arcade dans une heure. Je ne sais pas dans combien de temps Su-Jin sera rentrée chez elle, mais je doute de pouvoir arriver à l'heure.

Moi :
Désolé, je suis sorti avec
Su-Jin. Je ne pense pas
que je serais rentré à
temps.
SMS 17:03

Moi :
Une autre fois ok ?
SMS 17:03

Yoong-Jae :
Ok dommage
SMS 17:04

Yoong-Jae :
A plus tard hyung
SMS 17:04

Même si mon frère est au courant de notre subterfuge, je sers l'excuse de Su-Jin au cas où mon père tomberait sur un de ces messages. On n'est jamais trop prudents. Nous prenons également bien soin, Su-Jin et moi, de supprimer tout message qui pourrait être compromettant et nous efforçons de nous envoyer des messages comme si nous nous étions véritablement vus. De cette façon, même si le doute s'insinue chez l'un ou l'autre de nos parents, nous aurons des preuves tangibles pour leur prouver que nous étions bien ensemble. Et lors de nos vraies sorties, nous essayons de prendre toutes sortes de photos pour prouver que nous étions bien tous les deux quelque part.

N'ayant toujours pas de nouvelles de Su-Jin, je reprends ma place contre le mur et reporte mon attention sur le café. D'un point de vue extérieur, je dois sûrement passer pour un mec étrange. Habituellement, j'essaie de conserver une attitude discrète en pianotant sur mon téléphone, ou en feignant de passer un appel, comme si j'attendais quelqu'un. Mais aujourd'hui, je n'ai pas envie de faire semblant. Je remarque que Jimin n'est pas dans la salle principale et que je ne l'ai pas vu depuis plusieurs minutes. Il doit certainement être dans l'arrière-boutique, même si c'est plutôt rare qu'il y passe autant de temps, surtout un samedi en fin de journée et en plein rush.

"La vue est bonne ? me demande soudain une voix trop familière et accusatrice."

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