Chapitre 32 (suite)
Il est vrai que j'ai beaucoup maigri ces dernières semaines. Mais je ne pensais pas que mon père y avait prêté la moindre attention. Je nage dans mes vêtements, déjà bien amples, et à ce rythme il faudra bientôt que je me refasse une nouvelle garde robe.
"Fais un effort, sinon je te gaverais moi-même comme une oie jusqu'à ce que tu aies retrouvé un poids que je trouve adéquat."
Nous arrivons enfin à la maison et sans attendre plus de remontrances, je me réfugie dans ma chambre, seul espace où j'ai encore le droit de vivre comme je l'entends. Même si vivre est un bien grand mot. Depuis que j'ai réintégré la maison, je ne fais littéralement rien de mes journées. Je n'ai envie de rien, je n'ai pas faim et je passe la plupart de mon temps à dormir, à regarder la télé ou à errer de longues heures dans les rues du quartier.
Je ne cesse de me demander comment va Jimin, s'il réussit à survivre sans moi, si Jae-Won et Lemy sont là pour lui. Il suffirait que j'utilise le smartphone dernière génération que m'a acheté mon père et que je compose son numéro que je connais par cœur, pour avoir de ses nouvelles. Mais ce serait stupide de ma part de foutre en l'air tous ces sacrifices pour un simple appel ou un message.
Allongé sur le lit, je regarde la petite boîte blanche qui trône sur mon bureau et qui contient le fameux téléphone. Je ne l'ai toujours pas ouverte. Un soir en rentrant du travail, mon père me l'a pratiquement jetée à la figure en m'ordonnant de demander à Su-Jin son numéro à notre prochaine rencontre. Bien évidemment, je n'en ai rien fait. Je me demande s'il se rappelle de son achat, étant donné qu'il ne m'en a pas touché un mot. Ou peut-être s'est-il persuadé qu'au cours du peu de conversation que nous avons eu ce soir, j'en ai profité pour prendre son numéro ? Il en est bien capable, simplement pour avoir l'illusion d'exercer un semblant d'autorité sur moi.
Je finis par m'endormir d'un sommeil agité, me réveillant à plusieurs reprises, mes rêves peuplés de Jimin marchant de dos, prenant l'apparence de mon père à chaque fois que je l'interpellais d'un cri désespéré. Quand je me réveille le lendemain, il est tôt. Si tôt que mon père n'est pas encore parti au bureau. Ne souhaitant pas prendre le risque de le croiser au réveil, je me dirige dans la salle de bain attenante à ma chambre et reste une bonne demi-heure sous l'eau chaude, essayant d'évacuer cette sensation de frustration et de désespoir qui me hante encore.
Quand je sors de la salle de bain, je m'assure que mon père est bien parti avant de me rendre dans le salon. J'y trouve ma mère en train de déjeuner que je salue à demi-mot avant de m'asseoir sur le canapé et d'allumer la télévision.
"Tu comptes encore rester devant le téléviseur toute la journée ? me demande-t-elle avec dédain."
La réponse est si évidente que je ne prends même pas la peine de répondre. Bien évidemment, que veut-elle que je fasse d'autre ? Ils ont tous leurs occupations, j'ai trouvé la mienne. ça m'évite de trop penser et je découvre avec fascination le monde étrange des amours impossibles et des triangles amoureux. Je ne m'étais jamais intéressé à ce genre de programmes. Je n'en ai jamais vraiment eu le temps à vrai dire. Alors j'en profite pour rattraper tous ces grands classiques du romantisme. Jimin est plutôt friand de ce genre de films et de séries, et nous avions commencé à en regarder quelques-uns, ses préférés, avant que je ne sois obligé de le quitter brutalement.
J'en profite donc pour continuer sur cette lancée et enchaîner avec tout ce qui entre dans la même catégorie. De cette façon, j'ai l'impression qu'une part de Jimin est avec moi. Et je m'amuse à imaginer ses réactions. Il me manque terriblement et chaque jour est plus dur que le précédent. J'ai beau me dire que c'était la seule solution pour protéger tout le monde, un doute plane au-dessus de moi.
Je finis par concentrer mon attention sur ma série télé et le reste de la journée défile sans que je ne m'en rende compte. Tout comme le reste de la semaine. Et je me retrouve à nouveau attablé face à Su-Jin, priant pour que la soirée se termine au plus vite.
Après les avertissements de mon père, je me suis appliqué à ne toucher à aucune de mes assiettes en sa présence et à aiguiser l'art de l'insolence à son paroxysme. C'est un nouveau passe-temps que je trouve parfois amusant, parfois éreintant, suivant mon humeur du jour. Le repas se déroule dans la même ambiance que les fois précédentes. Su-Jin et moi sommes en milieu de table, nos pères d'un côté, nos mères de l'autre et Yoong-Jae abandonné dans un coin, telle une extension à utiliser en temps voulu. Impossible donc, même si j'en avais l'intention, d'avoir une conversation privée avec celle que je finirai fatalement par épouser.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top