Chapitre 32
"Et voici ma fille, Kim Su-Jin, nous a présenté son père avec une immense fierté."
Mon regard s'est posé sur la jeune femme face à moi. Ma future épouse, comme je ne cesse de me le répéter depuis des semaines, espérant que ces mots finiront par avoir un sens. Les yeux timidement baissés sur ses mains jointes, elle n'osait pas me regarder dans les yeux et s'est inclinée devant chacun de nous, comme le ferait n'importe quelle fille de bonne famille.
Assez petite, de long cheveux noirs et brillants, un visage rond et fin et un corps bien proportionné - si je me réfère aux standards de beauté féminine - elle est l'image même de la fille parfaite. Je pense que plus d'un homme serait heureux d'être marié de force à Su-Jin. Polie, souriante et discrète, elle a suivi à la perfection les leçons d'éducation de ses parents.
Sa mère ne jure que par elle et je ne cesse d'entendre du Su-Jin par-ci, Su-Jin par-là à chacune de nos rencontres. Su-Jin a été première de sa classe lors des derniers examens, Su-Jin est vice-présidente du bureau des élèves, Su-Jin fait partie de trois associations, et j'en passe. Quant à son père, il n'a pas besoin de parler. Son regard en dit suffisamment long sur la fierté qu'il ressent pour sa fille.
J'ai ri intérieurement à la suite de ces présentations, parce que cette petite brune est mon exact opposé. Et le regard de mon père m'a indiqué qu'il pensait exactement la même chose. Au cours de ce premier repas, je n'ai pratiquement rien dit, comme au cours des suivants. Laissant le champ libre à mes parents pour dresser un portrait idyllique de moi. Si ça peut faire en sorte qu'ils me laissent tranquilles, ils peuvent bien m'inventer la vie qui les arrange. J'ai plusieurs fois senti les yeux de Su-Jin se poser sur moi et à chaque croisement de nos regards, un sourire timide s'est dessiné sur ses lèvres avant qu'elle ne détourne les yeux.
Je ne comprends pas bien ses intentions. Essaie-t-elle de jouer de son charme en se faisant passer pour une petite chose fragile et craintive et ainsi espérer attirer ma sympathie, voire même mon affection ? Impossible de savoir. Dans ce genre de milieux, les apparences ne sont bien souvent qu'illusions. Comme c'est le cas dans ma propre famille. Quand ce premier repas s'est enfin terminé et que nous sommes rentrés la maison, mon père n'a pas dit un mot dans la voiture, signe que j'avais joué mon rôle comme il me l'avait demandé.
Et cette mascarade s'est renouvelée le week-end suivant, celui d'après et ce soir encore. Des conversations interminables et inintéressantes sur le cours des actions, les différentes sociétés du milieu, sur leurs entreprises respectives. Ce ne sont ni plus, ni moins, que des repas d'affaires familiaux.
Au cours du repas, Su-Jin a tenté d'engager la discussion avec moi. Malheureusement, n'étant pas l'être humain le plus bavard et ayant la même envie d'assister à ces repas que d'avaler un kilo de charbon ardent, je me suis contenté de répondre poliment à ses questions sans relancer la conversation derrière. Ce que mon père n'a pas manqué de remarquer.
Son regard meurtrier m'a donné des sueurs froides. Et quand le père de Su-Jin, voyant que je ne touchais pas à mon assiette, s'est exclamé en riant "Eh bien Yoongi, vous ne mangez pas ? C'est la beauté de ma fille qui perturbe votre appétit ? A chaque fois que nous nous voyons vous ne mangez pratiquement rien", j'ai su que c'était la goutte de trop.
Assis dans la voiture, sur le chemin du retour, je redoute l'explosion de colère de mon père qui ne saurait tarder. Son aura dévastatrice emplit l'habitacle et ce n'est qu'une question de secondes avant que le silence pesant ne soit remplacé par les cris et les remarques acerbes de mon géniteur. Yoong-Jae, assis à l'arrière avec moi, tente de se faire aussi petit que possible.
"Tu as jusqu'à la semaine prochaine pour te renseigner sur ce qu'aime cette jeune fille et vous trouver des centres d'intérêts communs, fulmine mon père. Inventes-en s'il le faut, je me fiche bien de la façon dont tu t'y prends, mais je veux vous voir discuter pendant toute la soirée."
Son regard de glace croise le mien dans le rétroviseur et dans un élan de défi, j'ai envie de lui répondre qu'il n'a qu'à m'inventer des loisirs lui-même, puisqu'il est si doué pour m'inventer une vie. Mais je me tais. Je suis trop épuisé pour avoir la force de me battre avec lui ce soir.
"Et tu as plutôt intérêt à retrouver l'appétit et à dévorer tout ce qui te passera sous la main la prochaine fois. Tu crois que je n'ai pas remarqué que tu ne mangeais rien et à quel point tu as perdu du poids ? Qui voudrait d'une homme apathique et famélique ?"
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