C'est un bon compromis. J'acquiesce et le soulagement que je lis sur ses traits me donnerait presque envie de sourire, si la situation était appropriée. Ce qu'elle n'est pas. Il souffle un grand coup avant de se lancer.

"La première fois qu'on s'est rencontré au café... je ne sais pas si tu te souviens..."

Comment pourrais-je oublier cet instant qui a bouleversé mon coeur et ma vie ?

"A partir de ce jour, je n'ai plus réussi à te sortir de ma tête. Depuis, j'espérais tous les jours te voir franchir les portes du café. A chaque fois que la clochette retentissait, mon cœur faisait un bond dans ma poitrine et je cherchais désespérément ton visage."

J'ai du mal à croire ce qu'il raconte. Tout cela me semble si improbable. Et à la fois, j'ai tellement besoin d'y croire...

"J'ai fini par t'apercevoir une fois, de l'autre côté de la vitrine. Mais quand je suis sortie sur l'avenue, tu avais déjà disparu. Puis il y a eu là fois où nos regards se sont croisés, et où tu es parti en courant...Cette fois, j'ai réussi à te suivre, ou plutôt, je t'ai couru après. J'ai failli te perdre de vue un nombre incalculable de fois, jusqu'à ce que tu finisses par t'arrêter pour reprendre ton souffle."

Je bois chacune de ses paroles, mes yeux toujours plongés dans les siens, tendu à l'extrême par toutes ces révélations et les émotions qui me traversent.

"Quand tu n'as pas répondu à mon invitation, j'ai pensé que je m'étais fait des films et que ce que j'avais ressenti la première fois que j'ai croisé ton regard n'existait que de mon côté. Je me suis senti tellement bête que j'ai préféré partir le plus vite possible... Jusqu'à ce que tu me rejoigne et qu'on passe l'après-midi à discuter."

A l'évocation de ce moment, mon cœur se réchauffe. Un peu.

"Et c'était le plus beau moment de toute ma vie."

Tout comme le mien. Ce que je me garde toutefois de lui dire. Ses joues se colorent de rose. De ce joli rose qui remplit sa chambre et les pièces de sa maison. De ce doux rose qui fait chanter mon cœur.

"Et puis... tu es parti. Et cette fois, tu as disparu pendant des semaines. J'étais désespéré. J'ai cherché tous les Yoongi de Séoul sur les réseaux, mais je ne t'ai jamais retrouvé. Et puis, il y a deux semaines, tu es pratiquement tombé devant moi, comme si les anges étaient venus te déposer à mes pieds."

C'est assez ironique qu'il me parle d'ange, puisque c'est exactement ce qu'il est pour moi.

"Sur le moment, je n'étais pas sûr que ce soit toi. Pourquoi est-ce que tu serais apparu tout à coup et surtout, qu'est-ce que tu ferais à moitié mort par terre ? Mais je me suis quand même approché, et là je t'ai reconnu. J'ai eu tellement peur quand j'ai vu l'état dans lequel tu étais... j'ai immédiatement appelé ma mère et elle est venue m'aider à te transporter à la maison. Ensuite, je t'ai soigné comme j'ai pu et je t'ai regardé dormir en priant pour que tu te réveille."

Son récit a l'air de sortir tout droit d'un conte de fée. Et si je ne connaissais pas la véritable version, je pourrais y croire.

"Après ça... tu as à nouveau disparu. Et cette fois j'ai bien compris que tu n'avais pas l'intention de revenir. Alors j'ai accepté ton choix en me disant que je pouvais bien chérir ton image de loin, même si je ne te reverrais probablement jamais."

Jimin se stoppe dans son récit quelques instants. Trop obnubilé par son histoire, je n'ai pas prêté attention au soleil qui commence doucement à descendre dans le ciel, déposant sur les jardins du square un voile orangée et illuminant la chevelure blonde de mon vis-à-vis. Les rayons scintilles entre ses mèches dorées, comme un halo céleste, le faisant plus que jamais ressembler à un être divin.

"Et puis, alors que j'avais perdu tout espoir, ton ami est venu me voir au salon de thé il y a quelques jours. Nous avons un peu discuté et il m'a demandé si je me souvenais de toi. Je lui ai répondu qu'il n'y avait aucun risque que je t'oublie."

Un sourire apparaît sur son visage, doux et fragile, prêt à disparaître à la moindre perturbation.