Chapitre 2
Juliette a dormi chez moi cette nuit, et même si son corps ne cessait de se coller au mien, je n'ai pas arrêté de m'éloigner d'elle jusqu'à ce que je sois à la limite. Puis, à ce moment-là, je l'ai poussé de l'autre côté, plaçant la couette de façon stratégique entre nous deux.
Elle ne me fait pas de remarque, mais je peux lire dans ses yeux qu'elle sait qu'il y a quelque chose qui ne va pas, qu'il n'y a plus de sentiment entre nous deux. Mais je pense qu'elle aussi s'est faite à notre relation, ayant trop peur de retourner dans la solitude.
Ce matin, je n'ai pas trop trainé. En effet, je me suis réveillé en retard, ayant oublié de mettre mon réveil la veille. Donc je suis parti sans parler à personne, vêtu d'un jean et d'un sweat à capuche noir ainsi qu'une simple paire de baskets Nike.
La matinée n'a cessé de trainer en longueur, les heures passant au ralenti et les cours se révélant être inintéressants. Et même si la présence de Théo à mes côtés aurait dû faire avancer le temps plus rapidement, ça n'avançait pas.
Alors quand l'heure du midi est enfin arrivée c'est avec une grande joie que nous sommes allés tous les quatre à la cafétéria pour une pause bien méritée.
Victor remet ses lunettes en place alors qu'il s'exprime d'une voix grave.
— Et la fille a commencé à me draguer, elle me touchait partout, puis d'un seul coup elle s'est mise à rire et elle s'est barrée. J'ai rien compris.
Nous nous mettons tous les trois à rire, et Raphaël prend à son tour la parole, évidemment pour se moquer du brun.
— Elle a dû dessaouler, c'est pour ça.
Le brun lui fait un doigt d'honneur et les deux continuent à s'insulter. Pour ma part, je me tourne vers Théo et m'adresse à lui d'un ton las.
— Juliette veut qu'on se déguise en Joker et Harley Quinn pour la soirée d'Halloween.
— C'est rien, vous ferez partie des couples qui, eux aussi, seront habillés en ces personnages. C'est tellement le déguisement trop mignon.
Il souligne ses mots en mimant des guillemets puis se met à rire, je sais qu'il trouve ça bête et je le comprends parfaitement. Je suis plutôt du genre à enfiler un costume noir avec une chemise blanche et me faire passer pour un gars des Men in Black. Mais Juliette en a voulu autrement.
Je n'insiste pas sur mon déguisement et l'interroge plutôt à propos du sien.
— Et toi ? Comment tu vas venir ?
— En Men in Black.
Je me mets à rire, ce dernier ne comprenant pas pourquoi son déguisement provoque cette réaction.
Il n'est vraiment pas mon meilleur ami pour rien.
Alors que nous sommes en train de parler d'un cours que nous avons cette après-midi, je sens une main se glisser dans mes cheveux et les frotter de façon à les mettre en désordre. Je soupire, puis me tourne pour engueuler Juliette, mais je m'arrête net en voyant qu'il ne s'agit pas d'elle.
En effet, deux grands yeux gris me fixent, et je reconnais Malvi, un sourire sur les lèvres.
Je n'ai pas le temps de dire le moindre mot qu'il part après m'avoir fait un clin d'œil. Je reste bouche bée, ne comprenant pas son attitude, n'étant pas tellement amical avec moi auparavant. Mais je reste surtout silencieux à cause de mon cœur qui bat la chamade.
— C'est qui ?
Théo me ramène à moi en posant cette question. Je me tourne donc de nouveau vers lui, puis je me tousse légèrement pour m'éclaircir la voix.
— C'est le copain de Cora.
— Ta colocataire ? C'est un mec en master droit non ?
Je fronce les sourcils. Je n'ai jamais donné cette information à Théo, comment peut-il le savoir ?
Je l'interroge et il me répond en me souriant doucement, prenant un petit air supérieur par la même occasion.
— Ce mec est le type que tous les gars détestent. Il met toutes les filles qu'il veut dans son lit, sans grande difficulté. Mais d'un côté on ne peut pas le détester, il est super cool et marrant.
— Comment tu sais cela ?
— Il est assez connu à la fac. Enfin les gens le connaissent sans trop savoir pourquoi. Mais du coup tu lui as déjà parlé.
— Ouais, mais ce n'est pas la grande amitié, quoi.
— Sois pote avec lui, comme ça on pourra être invité à des soirées auxquelles les étudiants en licence n'ont pas le droit de se rendre.
Je lève les yeux au ciel et c'est à ce moment-là que Victor et Raphaël se joignent à notre conversation me demandant, eux aussi, de faire "ami-ami" avec le copain de Cora, avec pour objectif de coucher avec des filles de Master.
Cependant, je n'en ai pas envie, je n'aime pas ce que je ressens quand je suis près de lui. Être ami avec lui ne ferait que de mettre en lumière ce que j'essaye d'ignorer : le fait que je suis attiré par lui.
Je secoue la tête et change de sujet.
— Vous allez pouvoir vous faire des filles à la soirée d'Halloween, pas besoin de se lier d'amitié avec Malvi.
Alors que je suis sur le point de boire une gorgée à ma bouteille d'eau, je sens quelqu'un me donner un grand coup de coude dans le dos. Je grimace de douleur de me tourne brusquement afin de voir le coupable.
C'est alors que je grogne en reconnaissant le visage de Miles, un brun aux yeux marron, qui passe sa vie à se défouler sur moi et mon groupe. Un vrai connard.
— Casse-toi Miles.
Ce dernier affiche un air satisfait, puis me répond d'une voix grasse et pleine de méchancetés.
— Comme ça vous voulez vous faire des filles à la soirée d'Halloween ? Vous êtes vraiment une bande de puceaux.
Je le regarde avec un air désespéré. C'est fou comme ce type n'a pas grandi, il a toujours un comportement d'adolescent qui se sent mal dans sa peau et donc qui se venge sur les autres, une brute sans aucune réflexion.
Mes poings se serrent alors que je lui réponds en haussant la voix.
— Tu n'as que ça à faire de venir nous emmerder ? Tu n'as pas une vie ?
Le brun s'approche brusquement de moi, mais je ne cille pas, ce n'est pas un homme comme lui qui va me faire peur. S'il me frappe, je répondrai avec plaisir. Il sourit puis me chuchote quelques mots.
— J'adore persécuter les PD dans votre genre.
Il se met à rire, mais un de ses amis le tire en arrière, lui disant de laisser tomber.
Mais je sens la rage monter peu à peu en moi, mes ongles rentrant dans mes paumes alors que mes poings se serrent de plus en plus. Mais tout à coup je sens la main de Théo se poser sur mon épaule, détournant mon attention de Miles.
— C'est qu'un connard.
Je grogne et m'assieds de nouveau. Puis je lâche quelques mots, la rage s'entendant parfaitement dans mon intonation.
— Un jour, je ne vais plus me retenir, et je pense qu'il fera moins le malin.
— J'ai confiance en toi, Ethan, mais ne perds pas ton temps avec lui. Laisse-le parler, ignore-le.
Je passe mes mains dans mes cheveux roux, puis je grogne avant de finir de manger, l'atmosphère étant devenu un peu plus lourde qu'auparavant.
La journée de cours a enfin touché à sa fin, signalant enfin le début de notre courte semaine de vacances. Que j'accueille malgré ça, à bras ouverts.
Je suis sur la route menant chez moi quand je sens mon téléphone vibrer dans ma poche de mon jean. Je le sors et décroche en découvrant le prénom de ma sœur sur l'écran.
— Salut, Sylvia.
Sylvia a 27 ans, 6 ans de plus que moi donc. Elle est médecin à l'hôpital, elle est mariée à Luke, et ensemble ils ont une petite fille de 4 ans appelée Zoé. Je suis assez proche de ma sœur, et malgré notre différence d'âge j'ai toujours pu lui dire ce que j'avais sur le cœur.
C'est avec une voix douce qu'elle me répond.
— Salut, Ethan. Je ne te dérange pas ?
— Pas du tout, j'ai fini les cours. Tout va bien ?
Je suis heureux de l'avoir au téléphone, enfin du moins au début. En effet la raison de son appel ne m'enchante guère.
— Oui, je voulais seulement te demander si tu te joignais à nous demain soir pour manger.
— Pas de problème, à quelle heure ?
— 20 h 30.
Elle marque un moment de silence, et c'est là que je comprends qu'il y a anguille sous roche, et que son appel n'est pas aussi sympa que j'aurais pu le penser.
— Papa et Maman seront là. Mais c'est trop tard, tu as dit que tu venais. Voilà, maintenant tu es obligé.
— Sylvia !
Je pousse un grognement, mais celle-ci l'ignore.
— Moi aussi je t'aime mon frère, je te dis à demain soir, 20 h 30. Bisous, ne sois pas en retard, tu sais que Papa déteste.
Puis elle raccroche, sans que j'aie eu le temps de rajouter quoi que ce soit.
Je pousse un second grognement alors que je range mon téléphone dans ma poche, puis je reprends ma route.
En réalité, diner avec ma mère n'est pas un problème, au contraire je l'aime énormément, et le fait de ne pas la voir souvent me rend un peu triste. Non, ce qui pose problème c'est mon père.
Je n'ai jamais été proche de lui, et les rares fois où il parle avec moi c'est pour me faire des reproches, me dire que je fais les mauvais choix. En plus de ça il n'est pas du tout un homme tolérant, au contraire c'est le premier à dire que les noirs devraient rester dans leur pays ou ce genre de conneries.
Et si seulement c'étaient ses seuls défauts. Malheureusement non, mon enfance était rythmée par ses coups sur moi et sa haine qui déferlait sur mon corps. Je n'étais qu'un enfant.
Je le hais, c'est vrai.
Alors quand j'ai dû déménager à deux heures de route de la maison familiale pour mes études, cela a été le plus beau jour de ma vie. Ne plus entendre ses reproches ou bien sa façon dont il parle à ma mère était un cadeau du ciel.
Bien sûr ça ne lui a pas plu quand ma mère lui a annoncé que ça serait à eux de payer mon loyer, et qu'ils devraient me donner de l'argent pour pouvoir vivre tous les mois. Mais l'argent n'est pas un problème, il est à la tête d'une entreprise de production audiovisuelle et donc il gagne bien sa vie. Cependant, cet homme est radin, et n'aime guère aider ses enfants. Je me demande même parfois si je suis réellement son fils, et j'aimerais que la réponse soit non.
Alors, avoir un diner avec lui, demain soir, ne m'enchante guère. Même si je sais qu'ils font le trajet pour nous voir, je sais pertinemment que c'est ma sœur et Zoé qu'ils viennent voir en priorité.
Même si cela m'arrive de rentrer des week-ends chez eux, je préfère rester chez moi, dans mon appartement. Cela m'arrive de vouloir travailler, pour ne plus dépendre d'eux. Mais rapidement, je réalise que je n'en ai pas envie. Autant dépenser l'argent de mon père pour me venger de son comportement envers moi.
Je soupire.
Ma mère sera contente de me voir demain, et en plus de ça Sylvia serait capable de me trainer de force jusqu'à chez elle pour que j'assiste à ce repas.
J'espère seulement que tout se passera à peu près bien.
Finalement, je suis rentré chez moi. J'ai été surpris de trouver l'appartement vide, mais ça ne me déplaisait pas. Au contraire, j'avais besoin d'être seul, mon esprit ayant gardé l'image du visage de Malvi toute la journée, mon cuir chevelu ressentant entre ses doigts se glisser entre mes cheveux.
Je me regarde dans le miroir, mes yeux verts grands ouverts observant les taches de rousseurs qui parsèment mon visage, puis les quelques mèches rousses tombant négligemment sur mon front.
J'inspire et commence à parler à voix haute.
— Qu'est-ce qui se passe Ethan ? Pourquoi tu n'arrêtes pas de penser à lui ? Ce n'est pas normal, tu es avec Juliette, c'est à elle que tu devrais penser et non pas à un homme, séduisant, aux yeux d'un gris si clair que je pourrai m'y perdre dedans.
Comprenant que je divague, je secoue la tête et reprends.
— Il faut que tu arrêtes, ce n'est pas normal, tu ne peux pas faire ça. Ton père ne l'accepterait pas. Personne ne l'accepterait.
Je me passe une main sur mon visage, me trouvant pathétique, en essayant de m'auto-convaincre que ce que je ressens n'est pas normal, que c'est seulement mon esprit qui perd un peu les pédales.
Mais, tout à coup, je suis tiré de mes pensées quand j'entends le bruit de la porte d'entrée s'ouvrir brusquement.
Je soupire puis ouvre la porte de la salle de bain pour voir de qui il s'agit. C'est alors que je vois Cora, son manteau gris sur le dos, une grosse écharpe rouge autour de son cou. Je l'interroge donc.
— Tu es toute seule ?
— Oui, Malvi dort à la fraternité ce soir. Il doit voir avec les autres pour mettre au point la soirée d'Halloween.
Je souris.
C'est peut-être un signe, le destin me disant qu'il faut que je me concentre sur ce que je dois réellement désirer, la femme.
J'appelle sans attendre Juliette, l'invitant à passer la nuit avec moi. Et c'est sans hésiter qu'elle accepte.
Il faut que je me soigne, que j'oublie le doux visage hâlé aux yeux clairs.
Je me couche sur le dos, ma respiration étant rapide et irrégulière. J'ai chaud, mais la couverture recouvre quand même une partie de mon corps nu.
Une main se pose sur mon torse alors que la bouche de la blonde dépose un doux baiser sur mon épaule. Puis elle s'approche de mon oreille et chuchote quelques mots.
— Je t'aime.
Je tourne ma tête vers elle, Juliette remonte la couette sur sa poitrine nue, puis rougie doucement. Ma réponse se fait automatiquement, mais je ne ressens rien.
— Moi aussi je t'aime.
Je lui souris puis embrasse son front avant de me lever.
Ma main passe sur mon visage, alors que je réalise que ça n'a servi à rien. Je pensais qu'en couchant avec Juliette, toutes les idées et tous les fantasmes qui peuplaient mon esprit depuis un certain temps auraient disparu, mais rien. Au contraire ce sont ces images qui m'ont permis de tenir plus longtemps.
J'ai envie de me gifler, mais ça ne serait pas du tout une bonne idée, Juliette me prendrait très certainement pour un fou.
J'attrape un bas de pyjama qui traine sur le sol ainsi qu'un tee-shirt, puis je prends quelques affaires avant d'aller me diriger vers la salle de bain.
Alors que l'eau chaude coule sur mon corps, je pense au diner de ce soir. J'angoisse, et je sens que ça va mal se passer. C'est dans l'ordre logique des choses, mon père est un connard, donc il n'y a pas d'autres solutions possibles.
C'est donc dans un état d'esprit pessimiste que je suis sorti de ma douche, prêt à affronter cette journée.
Par chance, je n'ai pas croisé le brun de la journée, ce qui était un grand soulagement pour moi, bien que j'aie ressenti un petit pincement au cœur, sentiment que j'ai bien vite balayé.
Je suis donc resté chez moi devant des séries, Cora s'étant jointe à moi pour regarder le dernier épisode de WestWorld, qui était énorme soit dit en passant.
Puis est arrivée l'heure de me préparer pour le soir.
Je ne savais pas quoi mettre, je ne me voyais pas mettre un costume, cela aurait été trop hypocrite de ma part et en plus de ça je n'ai pas trouvé le mien. Finalement, j'ai opté pour une chemise blanche avec un jean et des baskets. Cela me correspondait un peu plus, même si mon père ne méritait pas autant de préparation.
Vers 20 h 15 j'ai pris la route, ma voiture ne m'étant utile que lorsque je sors le week-end, ou quand je rentre chez mes parents, étant donné que je ne suis pas loin de l'Université.
Je regarde l'heure, 20 h 27. Je suis en avance de 3 minutes. Mais plus je regarde la porte d'entrée de la maison de ma sœur, plus j'ai envie de remettre le contact et de fuir le plus loin possible d'ici.
Finalement, je sors de ma voiture et marche vers la porte d'entrée.
Mon cœur bat la chamade, j'ai l'impression que je m'apprête à passer un examen important, ou bien que je suis actuellement en train de jouer ma vie. Je prends une inspiration et sonne.
Quelques instants plus tard, la porte s'ouvre sur une grande blonde aux yeux aussi verts que les miens vêtue d'une robe noire très élégante.
Ma sœur me prend dans ses bras en me glissant un mot à l'oreille.
— Je suis ravie que tu sois venu, vêtu d'une chemise en plus de ça.
— Profites-en, c'est la dernière fois que tu me fais ce coup-là.
Elle me fait un sourire désolé, puis m'invite à entrer.
Nous arrivons dans une grande entrée, la salle étant visible d'où je suis. Je vois alors sans attendre mes parents, Allan et Melissa, assis autour de la table. Mon père vêtu d'un costume noir simple, ses cheveux châtain coupé court et ma mère habillée d'une robe rouge mettant ses cheveux blonds coupés au carré en valeur.
Je marche vers eux, ma mère me fait un sourire et se lève de table alors que mon père ne me regarde même pas.
Les yeux gris de ma mère s'illuminent alors qu'elle me prend dans ses bras.
— Ethan, je suis si heureuse de te voir. Comment vas-tu ?
— Bien, et toi maman ?
— Ton père et moi sommes un peu fatigués du voyage, mais ça va.
Je regarde mon père, ce dernier regarde sa montre puis hausse les sourcils avant de me lâcher quelques mots sèchement.
— Tu es à l'heure pour une fois.
— Bonsoir, papa.
Je ne suis même pas étonné de son commentaire, c'est dans son habitude. Je m'approche de lui, mais contrairement à ma mère, il ne bouge pas d'un millimètre, me tendant seulement la main pour le saluer. Il ne faudrait tout de même pas qu'on semble proche.
Je lui serre la main, puis me tourne. C'est alors que je vois une petite fille aussi blonde que sa mère et son père courir vers moi en s'exclamant.
— Tonton !
Je prends Zoé dans mes bras, sa petite robe grise à volant bougeant dans tous les sens. Je dépose un baiser sur sa joue, et elle se met à rire gaiement, me faisant un bisou à son tour.
— Bonsoir, Ethan.
Luke, le mari de ma sœur, arrive vers moi et me fait la bise. Puis il me débarrasse de sa fille pour m'inviter à m'assoir.
À peine installé, je sens que la soirée risque d'être longue.
Alors que nous sommes arrivés au plat, la discussion commence doucement à s'échauffer, le sujet de conversation ayant dévié sur toutes les fois où j'ai pu décevoir mon paternel.
C'est d'une voix pleine d'amertume que mon père s'adresse à moi.
— Tu n'es vraiment qu'un bon à rien. Tu ne fais rien dans ta vie, à part de la couler douce profitant de mon argent.
— Allan !
La voix de ma mère n'est pas assez forte pour couper mon père dans son élan, et ma sœur semble trop gênée pour dire quoi que ce soit. Donc je reste là, à l'écouter me dénigrer encore et encore.
— Tu n'es même pas fichue de faire des études correctes. Tu fais je ne sais quoi pour devenir je ne sais quoi non plus.
— Si tu m'écoutais, peut-être que tu le saurais.
Ma voix est sèche et directe. Mais au lieu d'affronter mon père sur le même pied d'égalité, cela ne provoque que l'augmentation de sa rage, le faisant taper du poing sur la table alors qu'il réplique encore plus fort.
— Ne me prends pas pour un con, avec ton air supérieur. Tu n'es rien qu'une merde sans avenir, donc tu la fermes.
Ne voyant personne prendre ma défense, je décide d'agir, n'étant plus aussi patient que j'ai pu l'être depuis une bonne demi-heure déjà.
— Je suis certainement plus intelligent que toi, de par mon ouverture d'esprit et mes capacités à suivre des études. Certes, je ne fais rien avec mes mains pour le moment, mais je compte bien faire un travail qui est plus compliqué que de rester derrière un bureau.
Le visage de mon père devient rouge et je peux lire sur son visage qu'il n'a pas d'argument, sauf de la méchanceté et de la violence en guise de réponse.
C'est donc sans surprise qu'il essaye une nouvelle fois de me manquer de respect, en m'humiliant devant les membres de notre famille.
— Tu peux avoir de l'espoir, tu n'es qu'une merde comme tu l'as toujours été. Tu ne réussiras rien dans ta vie.
— Papa, arrête.
Sylvia prend la parole, après avoir éloigné Zoé des insultes que mon père ne cessait de formuler sans prendre en compte la présence d'une enfant.
Mais c'est trop tard, ça ne sert plus à rien.
— Laisse tomber Sylvia, ce type est un connard.
Les yeux de mon père s'écarquillent alors que son visage devient encore plus rouge, comme si c'était possible.
Il se met à me hurler dessus alors qu'il se lève brusquement, faisant grincer la chaise sur le sol.
— Espèce de petit merdeux.
Puis sans attendre, il commence à contourner la table en levant ses manches de chemises, certainement pour me frapper. Comme il a toujours eu l'habitude de faire.
J'inspire profondément, prêt à contre-attaquer s'il essaye de lever la main sur moi. Mais rien ne se passe, Luke s'est levé et à intercepter mon père, lui demandant de se calmer. Je vois alors ma mère pleurer en silence, mais je ne lui dis rien. Je préfère partir.
J'attrape ma veste et me dirige sans hésiter vers la sortie.
Alors que je suis dehors, j'entends les talons de ma sœur claquer contre le sol alors que sa voix m'appelle.
— Ethan attend !
Je pousse un soupir, mais je m'arrête tout de même, avant de me tourner et faire face à ma sœur.
Sylvia arrive et pose sa main sur mon épaule, ses yeux me regardant avec tristesse. Puis elle prend de nouveau la parole.
— Je suis désolé, il est vraiment con. Mais s'il te plait ne pars pas, Luke va calmer papa. Ça va aller, il a trop bu.
— Il a tout le temps trop bu.
Mon ton est hargneux et pourtant c'est la vérité. Déjà que mon père est un sacré connard quand il est sobre, alors quand il a quelques verres dans le nez, il ne peut que sortir du mauvais de sa bouche.
Même si ma sœur souhaite que je reste, je ne peux pas. J'ai assez encaissé pour la soirée.
— Je suis désolé, mais non, je rentre. Je ne veux pas le voir, avant un long moment. Je n'arriverai pas à faire front tout seul, c'est trop.
Ma sœur baisse les yeux, comprenant ma remarque faite à propos de l'absence de soutiens par ma famille, mais elle ne répond rien. Sylvia acquiesce puis dépose un léger baiser sur ma joue avant de me glisser quelques mots à l'oreille.
— Fais attention en rentrant.
— Ne t'inquiète pas, de toute façon si j'ai un accident cela serait un poids en moins pour papa.
La blonde me fait les gros yeux, n'appréciant certainement pas que je parle de ma vie de cette façon. Je lui fais un petit sourire puis tourne les talons pour aller à ma voiture.
Quelle soirée de merde.
Alors que je franchis le pas de l'appartement, je vois de la lumière venant de la salle, sûrement celle de la télévision.
J'hésite un instant d'aller directement dans ma chambre, restant seul avec les souvenirs de cette soirée merdique, ou bien aller me plaindre à Cora.
Le fait d'être seul me déprimant, j'opte pour l'autre solution. J'enlève donc mes chaussures et enlève mon manteau pour le mettre sur le porte-manteau dans l'entrée, puis je me dirige vers la salle.
Mais alors que je passe la porte, je m'aperçois que ce n'est pas Cora qui est assise devant la télévision, mais le brun aux yeux gris.
Je reste immobile durant un instant, ne sachant quoi faire. Faire demi-tour ? Ou aller le rejoindre ?
Étant donné que je ne fais rien, Malvi prend la décision pour moi.
— Viens t'assoir.
Sans trop comprendre pourquoi je le fais. Je viens m'assoir à côté de lui. Il est vêtu d'un tee-shirt à manche courte blanc et d'un pantalon de jogging bordeaux avec une bande blanche sur le côté.
Je reste silencieux, mes traits restant tirés à cause de la soirée que j'ai passée. Mais je suis toutefois sorti de mes pensées quand sa voix parvient à mes oreilles.
— Est-ce que ça va ?
Je tourne la tête vers lui, ses yeux gris me regardent avec intensité.
Je pourrais mentir, dire que ça va, que j'ai passé une bonne soirée, mais je n'en ai pas envie, je ne vois pas à quoi cela servirait, alors je dis la vérité.
— Non.
Malvi me fait un sourire désolé, puis il regarde la télévision. Cependant alors que je pense qu'il n'en a rien à faire, il prend une nouvelle fois la parole.
— Je peux y faire quelque chose ?
— Tu peux faire en sorte que mon père arrête d'être un connard ?
Malvi rit doucement, puis secoue la tête avant de me répondre d'une voix douce.
— Je suis désolé, mais je ne peux pas.
— C'est dommage.
J'inspire doucement, puis je change de sujet, ne voulant pas lui dire à quel point mon père n'a aucun respect pour moi.
— Cora n'est pas là ?
— Elle dort, depuis une heure.
Je jette un coup d'œil à l'heure inscrite sur mon téléphone : 23 h 45. Je ne pensais pas qu'il était aussi tard, mais je ne suis pas fatigué, seulement énervé.
Je fais un mouvement de la tête puis je m'installe mieux dans le canapé, mon regard se rivant sur l'écran. Mais mon attention n'y est pas du tout. Au contraire, celle-ci est concentrée sur la respiration du brun, sur chaque mouvement qu'il fait et même quand nos corps se heurtent par accident.
Je réalise à un moment que Malvi regarde un documentaire, mais je ne sais pas sur quel pays, donc je l'interroge.
— Tu regardes quoi ?
— Un documentaire sur l'Australie.
— Oh, j'aimerais y aller un jour. C'est un pays tellement beau, enfin... du moins si je me fie à la télé.
— Je te confirme, c'est un pays magnifique.
Je fronce les sourcils et me tourne vers lui. Un sourire mélancolique se dessine sur ses lèvres.
— Tu y as déjà été ?
Son regard gris se pose sur moi, puis il passe une main légère dans ses cheveux en me répondant d'une voix douce.
— Je suis né là-bas.
— Oh, je l'ignorais.
— C'est normal, on ne parle pas beaucoup toi et moi. Pourtant personnellement, je t'apprécie.
Bordel. Mon cœur s'accélère et je comprends que mon auto-persuasion de la veille n'a servi à rien : peu importe ce qu'il dit, une avalanche de sentiments me tombe dessus, à chaque fois qu'il s'adresse à moi.
Essayant de prendre sur moi, j'ignore totalement sa dernière remarque et lui pose des questions pour retrouver une attitude à peu près normale.
— Et tu es parti à quel âge de là-bas ?
— 11 ans. Parfois ça me manque, mais j'ai mes grands-parents qui y habitent, donc si j'y retourne, j'ai un endroit où aller.
Je hoche la tête, mais je ne réponds pas étant trop, obnubilé par sa langue qui passe doucement sur sa lèvre inférieure. Puis, tout à coup, je sens sa main se poser sur mon épaule et une phrase franchir ses lèvres.
— Je t'y emmènerai un jour.
Il me fait un clin d'œil et détourne le regard.
Mais moi je reste là, ses mots résonnant encore dans mon esprit, un sourire apparaissant sur mes lèvres sans que je ne puisse rien faire. Mon ventre se tord agréablement et je réalise que je ne pourrai pas me débarrasser de lui.
AudreyPh18
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