Chapitre 1

Oliver

Enchâssé dans un cadre en aluminium mat et protégé sous une épaisse paroi de verre, le disque d'or semble envahir toute la pièce, alors que, paradoxalement, il orne seul le mur juste en face. Solitaire, alors que les autres cloisons sont curieusement envahies de tableaux et autres décorations murales.

Je fronce les sourcils, penche la tête sur le côté, plisse les yeux, et une lueur de compréhension doit sans doute traverser mes iris bleus pour tout observateur extérieur, s'il y en avait un. Il ne s'agit pas d'un de nos disques à nous. Nous, les Rebel Sinners, groupe de rock anglais dont je suis le bassiste. Non, c'est celui d'Eilidh, la copine de mon frère jumeau, Matthew, comme en attestent son prénom et son nom déposés en-dessous de l'objet, et que je n'avais pas vus de prime abord.

En même temps, j'aurais dû m'en douter : notre succès est si grand, à présent, que ce sont des récompenses de platine qui tapissent nos murs. Faut dire qu'on a bossé pour. De Charlie, notre chanteur, à Chris, notre batteur, ou Mat, mon frère claviériste, ça fait dix ans qu'on bûche pour en arriver là où nous sommes : sur le sommet du monde. Ou tout du moins tout en haut des Charts, ici en Angleterre, mais aussi sur toute la planète. Succès monumental, il faut bien le dire.

Pour autant, Eilidh ne démérite pas. Ma jolie belle-sœur, qui n'a commencé sa carrière qu'il y a un an et demi, a réussi un bien joli début : des milliers de ventes dès son premier single, puis une concrétisation du succès lors de la sortie de son album. Et visiblement, son disque d'or atteste qu'il a conquis le public.

— Joli, hein ?

Etonné de ne pas être seul, je me tourne vers la source du bruit, pour découvrir Matthew dans l'embrasure de la porte de son bureau, l'épaule calée contre le chambranle en bois ancien, qu'il a conservé presque dans son jus quand il a acheté cette vieille bâtisse, il y a un an de cela.

— Sympa, concédé-je. Je ne savais pas qu'elle en avait vendu autant.

Il esquisse un sourire, et quitte sa position pour venir se planter à côté de moi, les yeux rivés sur le cadre. Il a l'œil brillant de celui que la fierté atteint, bien que ce ne soit pas sa récompense. Parce qu'il est fou de sa copine, depuis plus d'un an.

— On n'en a pas beaucoup parlé, me répond-il.

— Pourquoi ?

— Elidh n'aime pas s'étaler. Elle marche bien, mais elle reste modeste.

Je veux bien le croire. Ma belle-sœur est une des personnes les plus discrètes et les plus gentilles que je connaisse. Et c'est d'ailleurs ce qui a fait craquer mon jumeau, alors qu'elle était bien loin des filles longilignes qu'on avait l'habitude de se taper à l'époque. Enfin lui, parce que moi, je continue hein, à baiser des nanas toutes plus bandantes les unes que les autres.

D'ailleurs, comme s'il avait lu dans mes pensées, Matthew, sans quitter son observation, me coupe l'herbe sous le pied.

— Tacha, c'est sérieux avec elle ?

Je me demande parfois si les histoires de pensées connectées entre jumeaux ont une quelconque valeur scientifique, alors qu'il me parle soudain de ma toute dernière conquête en date.

— Tacha ? m'inquiété-je. Pourquoi tu me demandes ça ?

Matthew tourne sa tête vers moi, l'air insondable et trop sérieux.

— Parce que tu l'as ramenée ici, quand même, aujourd'hui.

— Et ?

— Ben c'est une réunion familiale, Oliver. Aurais-tu oublié que tu viens de te taper huit-cents miles pour venir fêter Pâques en plein territoire écossais, alors que tu ne quittes jamais Londres ? Et qu'accessoirement, le repas réunit nos parents, notre sœur, ma belle-famille, et même notre manager ? Donc ouais, si t'as daigné ramener Tacha, j'imagine que tu as réfléchi avant de le faire !

Je grimace, arrachant un rictus de contrariété à mon frère, qui croise ses bras sur son torse.

— Y a les parents, Oli ! En venant accompagné à une réunion familiale, tu envoies un message fort, là, tu t'en rends compte ? T'as pas vu la tête de maman quand elle a découvert Tacha dans ta voiture ? Je crois bien qu'elle a failli avoir une syncope de joie !

— Merde.

Evidemment, je n'avais pas pensé à ça, quand j'ai embarqué la grande blonde avec moi. Matthew lève les yeux en l'air, et pose ses fesses sur le rebord du bureau, avec un air de vieux prof grincheux.

— Bordel, grince-t-il. Tu réfléchis, des fois, Oli ? Tu devais bien te douter que maman allait se faire des idées ! Dis-moi au moins que tu sors avec ta blonde, et que c'est pas juste ton coup d'hier soir ?

Alors là, au moins, je peux réfuter ! Non mais !

— Mais pour qui tu me prends ? m'offusqué-je.

Le regard blasé que mon jumeau me balance aurait pu me scandaliser. Mais je choisis d'en rire, et laisse échapper un gloussement digne de notre sœur Lily quand elle organise une pyjama party avec ses copines.

— OK, disons que, ouais... je sors avec elle, en ce moment.

Matthew arque un sourcil, m'invitant à expliciter mon idée.

— En ce moment ? Combien de temps ?

Je me mets à compter dans ma tête, plus très sûr de moi.

— Trois semaines ? Ouais, je crois que ça a fait trois semaines hier.

Un long sifflement s'échappe de ses lèvres, mais toujours aucun sourire à l'horizon. Putain, il est devenu trop sérieux, lui, depuis un an !

— Dis donc ! s'exclame-t-il. Effectivement, pour toi, c'est un record.

N'importe qui pourrait se vexer, mais pas moi. Parce que c'est vrai : je ne suis jamais resté aussi longtemps avec une fille. Mon truc, c'est les aventures sans lendemain, le temps de tirer mon coup une soirée, rarement la nuit complète d'ailleurs. Alors vingt-et-une longues journées, c'est le bout du monde pour moi !

Un grand sourire prend possession de mes lèvres, et je bombe le torse, plutôt fier de moi.

— Tout à fait, approuvé-je.

— T'avais tenu que quelques jours, la dernière fois que t'avais essayé, me fait-il remarquer. C'était... quand on avait fait la tournée européenne, lorsque Lucille et Jonathan nous avaient accompagnés.

D'un coup, ma bonne humeur s'éteint, alors que je me remémore cette fameuse partie de notre vie. Jonathan, gravement malade, n'a pas pu terminer les concerts, et est décédé avant la fin. Merde, ça me fait toujours aussi mal d'y penser. La seule chose positive de toute cette période compliquée, c'est que Charlie soit tombé amoureux de Lucille.

Matthew a dû avoir les mêmes réminiscences que moi, parce son regard se perd dans le vide, et que ses traits se font tristes.

— Bon, t'es fier de moi, du coup ? Pour Tacha ?

Je ne sais pas si ma tentative de changer de sujet marche, mais mon frère reprend vie et se met à me sourire à nouveau. Je préfère ça !

— Ouais, il était temps ! T'as trente-trois ans, mec ! Il est temps que tu te poses.

Me poser ? Certainement pas ! Peu importe que j'aie passé la trentaine, et que tous les autres soient casés, j'en ai rien à foutre. Je ne vais pas me coller avec une nana juste pour faire plaisir à ma famille, merde ! Je me sens jeune, et j'ai pas envie de ce genre de vie ! La liberté, voilà ce que je prône, tant pis si les autres ne comprennent pas !

— Je ne l'ai pas beaucoup vue, mais elle a l'air hyper sympa, Tacha. Vous vous entendez bien ?

Je bugge un instant, en essayant de trouver quoi lui répondre. Ouais, c'est sûr qu'on s'entend bien... sexuellement, c'est top ! Tacha n'est pas une prude, elle est même complètement débridée, et j'adore ça ! Je crois qu'en trois semaines, on a dû expérimenter les trois quarts du Kamasutra. Au moins. Et inventer deux-trois autres positions, d'ailleurs. Pas pour me déplaire, quoi. En plus, elle a un atout fondamental qui me fait ricaner sans que je ne puisse m'en empêcher, mais qui attise la curiosité immédiate de mon frère.

— Quoi ? me demande-t-il, suspicieux.

Je me mets à me marrer, avant d'agiter les bras pour lui montrer que ça n'a aucune importance.

— Rien ! Juste qu'avec la barrière de la langue, elle cause pas beaucoup ! Et c'est vachement appréciable !

Enfin quand je dis langue, je ne parle pas de ses compétences en sexe oral. Mama mia, phénoménal ! Mais autant ne rien en dire à Matthew, qui semble avoir viré vieux con depuis qu'il est en couple.

La preuve, ses yeux retrouvent le plafond !

— Pourquoi t'es avec elle, alors ? me demande-t-il. Si vous n'avez rien à vous dire...

Comment lui expliquer sans qu'il ne s'énerve ?

— C'est... on s'est rencontrés par l'intermédiaire de Lily.

— Elle te l'a présentée ?

— Pas exactement, réponds-je prudent. Elle... Lily l'avait invitée un samedi soir et... elle a passé la soirée à l'appart... et...

— Bordel ! s'écrie Matthew. Tu l'as baisée le même soir ?

Mon rictus ne laisse aucune place au mensonge, et Matthew bat des bras comme un pingouin.

— T'as pas pu t'en empêcher, hein ? continue-t-il.

— Elle était là, j'étais là... Elle devait passer la nuit à la maison, de toute façon. Un lit ou l'autre, quelle importance ?

OK, je m'enfonce, et le regard noir que me renvoie mon jumeau me fait fermer la bouche. Un peu de lucidité me prend soudain, de ne rien rajouter qui me rendrait encore plus coupable aux yeux de Mat.

Et puis soudain, il écarquille les yeux, et penche la tête vers moi, comme s'il avait eu une illumination.

— C'est pour ça que t'es encore avec elle, après trois semaines ? Parce que c'est la copine de Lily et que tu n'oses pas la jeter ?

Mon air gêné doit lui suffire, parce qu'il se met à hoqueter en me dévisageant.

— Bien fait pour toi ! assène-t-il d'un coup. Bonne chance pour rompre, maintenant que t'as baisé une copine de Lily !

— T'es pas sympa, grommelé-je.

— Ah ben mon vieux, il est temps que tu te rendes compte que tes actes ont des conséquences !

Il marque une pause, mais dans ses iris bleus, je n'observe aucune colère. Au contraire, il semble presque... amusé !

— Je suis bien curieux de savoir comment tu vas te dépatouiller de tout ça, tiens !

— C'est-à-dire ?

— Dire à Lily que tu largues sa pote, et surtout faire comprendre à Maman que c'est pas la femme de ta vie ! Bordel, j'ai hâte !

Et il se marre, le con !! Le pire, c'est qu'il a raison, je me suis mis dans un sacré merdier. Mais la nana qui me mettra la corde au cou, elle n'est pas née, foi d'Oliver ! Et une chose est certaine : elle n'est pas mannequin professionnel russe et ne mesure pas un mètre-quatre-vingts de courbes affriolantes !

— T'es vache, grogné-je néanmoins.

— Ben au moins, ça fera de l'animation...

— Pourquoi, t'as rien prévu pour ton super repas de Pâques ? me moqué-je. Dans ta jolie maison, avec ta charmante belle famille ?

Touché ! Là, c'est lui qui grimace, et cale ses mains dans les poches de son jeans noir tout propret, qu'il a sans doute enfilé pour faire plaisir à belle-maman. Il a même une chemise blanche !

Mais le bruit de la porte d'entrée le coupe dans sa réponse, et son regard dévie vers le couloir.

— Tiens, en parlant du loup, je crois que tes beaux-parents sont rentrés de la messe. M'étonne que tu sois pas allé avec eux...

— Pousse pas le bouchon trop loin, marmonne-t-il. J'suis même pas catholique...

— Je m'étonne que ton beau-père t'ait laissé en vie face à une telle tare, et un tel affront à la nation écossaise !

Ma moquerie me vaut un regard noir, mais mon frère se met en branle, quitte la pièce sans attendre, me plantant sur place. Lavette !

Je le rejoins au salon, où toute la famille d'Eilidh se débarrasse de ses affaires.

— Génial, tout le monde est là ! s'exclame la copine de mon frère. On va pouvoir passer à table du coup !

Les odeurs qui s'échappent de la cuisine ne me disent rien qui vaillent, mais je décide de n'en rien dire. Pas que ma belle-sœur ne sache pas cuisiner, hein, en temps normal elle fait ça très bien. Mais mon petit doigt me dit qu'en ce jour de fête, elle a dû vouloir entreprendre des plats traditionnels écossais, et je dois avouer que je n'en raffole pas. Ma famille non plus, j'imagine, si j'en juge par les regards inquiets que se jettent mes parents.

— J'ai mis la table dehors ! nous apostrophe Eilidh. Il fait bon, c'est l'occasion de prendre l'air !

Sur ce coup-là, je ne peux pas l'en blâmer. Ce début avril est particulièrement chaud, et même à Londres, le soleil est de la partie depuis plus de deux semaines, tandis que les températures sont anormalement chaudes pour la saison.

La maison de mon frangin, bien que située dans le nord de l'Ecosse, n'est pas désagréable. Ancienne, certes, mais avec ce charme suranné qu'il lui a laissé, malgré les gros travaux entrepris depuis son acquisition, et si j'en apprécie l'intérieur chaleureux, je dois dire que la terrasse plein sud et le jardin en sont des atouts majeurs.

A Londres, l'appartement que je partage avec notre sœur Lily depuis son divorce, et le départ de Mat, avec lequel nous partagions les lieux, avant, ne m'offre aucun espace extérieur, ni même le moindre balcon. Et ça commence à me déranger sérieusement, alors que ça ne m'a pas gêné depuis dix ans que j'y habite.

— Tenez, Oliver, asseyez-vous aux côtés de votre fiancée, m'interpelle soudain la mère d'Eilidh.

Je lève les yeux vers la fille qu'elle me désigne, qui sourit béatement en prenant place, et je déglutis péniblement en ne retenant que l'affreux mot que madame a prononcé. Bordel, va falloir que je rétablisse la vérité, parce que Tacha, un sourire jusqu'aux oreilles, semble apprécier le qualificatif. Elle ne comprend pas grand-chose en anglais, mais ça, évidemment, elle a pigé ! Merde !

— T'as démonté la balançoire, finalement ?

Ma tentative de changer de sujet en m'adressant à mon frère, assis juste en face, le fait sourire. Il n'est pas dupe, ayant parfaitement compris mes intentions. Mais il ne pipe mot, conscient que j'ai besoin d'une échappatoire, qu'il m'offre heureusement. Ah, la complicité des jumeaux n'a pas disparu, malgré notre éloignement !

— Je l'ai enlevée, effectivement, me répond-il en saisissant un saladier. Provisoirement. On va creuser une piscine à cet emplacement. Je la remettrai un peu plus loin.

Clap de fin sur une histoire sans intérêt, mais qui a au moins eu le mérite de clore toute idée abracadabrante dans l'esprit de Tacha, qui s'est refermée comme une huitre, et surtout de ma mère, qui a l'air plus que déçue. Elle s'en remettra. Autant étouffer le poussin dans l'œuf, que de lui faire croire que je finirai comme mon frère un jour : maqué.

D'ailleurs, les plats arrivent, et tout le monde se met à manger. Même moi, pour donner le change, bien que je ne sache absolument pas ce que j'enfile dans mon estomac. J'essaie d'oublier les visuels bizarres des plats, souvent confirmés par des goûts plus qu'étranges, et fais semblant de m'intéresser aux conversations. D'un côté, des histoires de rideaux introuvables pour une salle de bain chez les femmes, de l'autre un sujet scabreux d'indépendance écossaise. Si je m'écoutais, j'en profiterais pour contrer le père d'Eilidh, mais mettre la merde étant une de mes spécialités favorites, je clos mes lèvres et me contente de sourire bêtement, sous le regard inquiet de Mat, qui me connait trop bien.

Pourtant, il n'écoute qu'à moitié. Il donne le change, répond, sourit, propose son avis, acquiesce à de nombreuses reprises, mais il n'est pas vraiment là. Je le sais à son air absent, à l'agitation de sa jambe gauche, à ses doigts qui pianotent sur la nappe blanche comme s'il était devant son clavier, et à ce tressautement de mâchoire gauche qu'il serre à s'en péter les dents. Il est nerveux, et je n'en connais pas la cause, ce qui me perturbe.

— Et le dessert ! s'exclame la mère d'Eilidh.

Le plat en question n'a pas l'air plus avenant que le reste, mais je ne pipe mot, et me contente d'applaudir avec les autres à l'arrivée du gâteau. Sauf que c'est ce moment-là que choisit Matthew pour se lever, provoquant une migration de tous les regards vers lui.

— Eh bien, commence-t-il. Je tenais à remercier les femmes de la maison de nous avoir préparé un si bon repas !

Je me mords la lèvre inférieure, ce que mon frère n'a pas loupé : il m'assène un regard noir, l'air de me demander de me tenir à carreau, et je manque de pouffer de rire. Mais bon prince, je me tais, et le laisse continuer. Je me ramollis, sérieux...

— Eilidh et moi sommes ravis que vous ayez tous répondu présent à notre invitation, et fait le déplacement jusqu'ici. Ça nous arrange, parce que nous avions l'intention d'en profiter pour faire une annonce. Et que vous soyez tous là, aujourd'hui, va nous permettre de vous mettre tous au courant en même temps.

D'un coup, le silence se fait. Même moi, je pose ma fourchette à dessert sur la table, et attends, fébrile, la suite des événements. Vu la tête des autres, personne n'est au courant de ce qui va être dit, et je commence à flipper. Pourtant, les deux tourtereaux sont radieux. Et je commence à me dire que c'est encore pire, si c'est ce que je pense...

— Inutile de faire durer le suspense plus longtemps, reprend Matthew en serrant sa copine contre lui. J'imagine que vous avez tous compris que j'ai demandé à Eilidh de m'épouser, et qu'elle a dit oui !

Le concert de rires et d'exclamations sonores me fait grimacer, quand les chaises grincent sur le sol, et que tout le monde se lève pour applaudir, féliciter et crier son bonheur. Bordel, quelle horreur !

— Que... passe ? me demande soudain Tacha, penchée vers moi.

Mince, je l'avais oubliée, celle-là !

— Ils vont se marier, maugréé-je.

— Oh !! s'exclame la Russe.

Son expression béate me donne envie de tempérer son enthousiasme, mais je décide de me taire, et de laisser passer la tourmente. Je plante ma fourchette dans l'espèce de gâteau qu'on m'a servi, et me mets à mâcher le biscuit infâme, sans rien dire, tandis que les hurlements continuent.

— C'est formidable ! s'écrie la mère d'Eilidh, complètement excitée. Vous comptez faire ça ici, ou à Londres ?

Sa question n'est pas désintéressée, et les regards qu'elle jette à ma mère sont aiguisés : qui aura la chance de voir le mariage du siècle sous son propre toit ? Mon Dieu, le suspense est insoutenable ! Je m'étrangle à moitié dans mon étouffe-chrétien, mais personne ne fait attention à moi, même pas Tacha, suspendue aux lèvres des fiancés. Beurk, j'ai horreur de ce mot !

— Nous ferons ça ici, à Ballachulish, annonce doucement ma future belle-sœur. Ici même, dans le jardin. Quelque chose de très simple, en petit comité, juste la famille et les amis.

Personne n'a l'air de trouver quoi que ce soit à y redire, parce que tous hochent la tête en silence.

— C'est une bonne idée, répond Maman avec un sourire. C'est la norme, après tout, que ce soit chez la fiancée. Et puis, ça nous donnera l'occasion de revenir plusieurs fois dans l'année qui vient, pour aider aux préparatifs.

Bordel, ça dégouline de bons sentiments ! Et les regards des deux belles-mères me donnent envie de gerber. Ou bien c'est le gâteau.

— En fait non, reprend mon frère, hésitant. Ça va se faire assez vite.

— Quand ça ? demande ma mère, soudain inquiète.

— Dans un mois, jour pour jour.

La réponse de Mat jette un blanc, et le silence s'abat sur le jardin. Bon, les oiseaux continuent à chanter quand même, mais pour les autres, c'est la consternation. Et moi ? Je me marre devant les mines défaites et les airs épouvantés.

— Un mois ? s'exclame la mère d'Eilidh. Mais, c'est impossible, nous n'arriverons pas à tout faire en si peu de temps !

— Ça ira, maman, tente sa fille de la rassurer. Tu auras de l'aide. Et nous voulons quelque chose de simple.

Evidemment, tout le monde se pose la même question, mais c'est le père d'Eilidh qui a le courage de la poser.

— Pourquoi si vite ? demande-t-il, suspicieux. Y-a-t-il une raison pour...

Son regard vers le ventre de sa fille, personne ne le loupe, et je me demande soudain si mon frère a réussi à convaincre sa chérie de faire des gamins...

— Nous entamons une série de concerts aux Etats-Unis dans deux mois, intervient Mat. Et Eilidh entre en studio au même moment. N'est-ce pas, James ?

Notre manager, assis à côté de Lily, se contente de hocher la tête, et mon frère embraie aussitôt.

— L'automne va être chargé, l'hiver aussi, vu qu'on enregistre aussi. Et nous ne voulions pas attendre un an.

Des soupirs attendris retentissent, et les visages se détendent. Putain, c'est niais !

— Le mois va être intense, conclut Eilidh, qui passe ses bras autour du torse de mon frère. J'espère que vous allez tous nous aider !

Alors que tout le monde en va de son approbation, comme si ça allait de soi, je soupire lourdement. Heureusement, ça passe inaperçu, je crois. Parce que merde, aller à un mariage, ça me fait royalement chier, mais l'organiser, putain, ça va être d'un barbant !


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top