- Attends ... mes visions sont uniques ? Je croyais que toutes les prêtresses étaient comme ça ! 

Élie secoua la tête. Pause. Moment compréhension. Si j'avais tout suivi, en plus d'être une personne particulière conduisant des âmes à la paix, j'avais un don de divination ? Dans le temps, j'aurais dit que j'avais la classe, je me serais vanter pendant une longueur indéterminée, j'aurais essayer de lire l'avenir à mes potes. Là, tout de suite, je maudissais ce don pourri qui me donnait des cauchemars éveillé. Non mais sérieusement ? Qui rêve d'avoir l'image de son petit-ami enfant, qui se transforme en monstre, vous dire qu'une grande menace approche ?! 

D'ailleurs, si c'était de la divination, ça serait cool que je comprenne qui viendrait anéantir le monde, histoire que je me prépare. 

Élie continua son explication.

- Lorsque j'ai senti le même pouvoir que toi sur Terre, je m'y suis intéressée. J'ai trouvé Nora qui, tout comme toi, possède ce don. Cependant, elle n'avait aucun gène, aucune trace de pouvoir de prêtresses en elle ! J'en ai déduis qu'elle serait une protectrice. J'avais peur que des connections néfastes se mettent entre vous deux, donc je vous ai séparé. J'ai préféré garder le sujet secret, je sais que tu serais allée la voir. Mais Nora ne pouvait pas rester endormie, elle devait nous aider. C'est son rôle, alors je l'ai envoyé chez Maddie Grimm. J'ai observé votre rencontre, et les ondes ont semblé être normales. 

Cette fille serait comme moi, mais pas comme moi en même temps, si je traduis ? 

Je n'ai rien senti d'anormal en sa présence, c'est vrai. Cependant, ma vision s'est produite juste après l'avoir quitté. Est-ce qu'elle accentuerait mes visions ? Ou est-ce qu'elle les bloquerait ? Trop de réflexions. 

Je racontai alors mon drôle de rêve à Élie. C'était à mourir de rire, n'est-ce-pas ? 

Elle me regarde avec concentration et attention, puis promena ses yeux sur les différentes parois de la salle Obscure. 

- Je vais essayer d'en savoir plus, murmura t-elle. Les ancêtres semblent elles-aussi perplexes. 

À ce moment-là, je n'ai pas capté tout de suite ce qu'elle avait dit. Puis, j'ai écarquillé les yeux et me suis tourné d'un seul coup vers la rouquine, qui me regardait amusée.

- Je peux te le dire, je pense, maintenant. Cette pièce a été créé à partir de l'essence même des prêtresses qui ont donné leur vie pour nous.

- Je croyais qu'on ne savait pas où allait l'âme d'une prêtresse qui mourrait ? 

Élie se mit à rire, doucement. 

- Oui, avant. Les découvertes se font aussi chaque jour au Conseil. En méditant correctement, on peut les entendre. 

En méditant ? Le truc le plus ennuyeux qui m'est été donné de faire. Au début, j'essayais. Mais, la concentration et moi, ça fait deux dans ce cas là. 

Élie ouvrit la bouche et la referma aussitôt. Elle fronça les sourcils.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? demandai-je, commençant à stresser. 

- L'âme de Nora vient de s'agiter, anormalement. Quelque chose ... Quelque chose la bloque, l'emprisonne ... je n'arrive pas à discerner quoi ... 

- Tu es dans sa tête ? Bizarre ... 

Je voudrais me la fermer parfois. 

- Oui, répondit la Grande Prêtresse. Elle s'agite ... elle a peur, est effrayée même ... Elle ... 

Le cri d'Élie résonna comme le bruit d'une pierre tombant sur une barre de métal. Elle se prit la tête dans ses paumes, une migraine atroce devait l'envahir. 

Je me suis rapprochée délicatement, sans geste brusque, pour essayer de la calmer. 

Élie m'a attrapé les épaules, les yeux rouges sangs, le visage rongé par la douleur. Je pris peur. Que lui arrivait-il, nom d'un poisson ? Faites que ça s'arrête ! 

- Vas-y ! s'écria t-elle. Vas-y ! Tu dois aller l'aider, vite ! Vite ! 

Elle me lâcha et recommença à hurler. Si j'aidais Nora, est-ce que ça aiderait Élie ? En suivant cette perspective, sans plus réfléchir, je disparus à la recherche de la protectrice. 

La chambre de Robin était bien silencieuse. Jusqu'à ce que, évidemment, j'entends un bruit suspect. C'était la voix étouffée de Robin, je l'aurais reconnu entre milles. Il semblait appeler quelqu'un. Sans doute Nora, à moins qu'il fasse une invocation satanique. 

Je sortis de la chambre, pour me retrouver dans le couloir. La tapisserie rouge sur les murs, c'est dépassé, soi dit en passant. 

En me tournant, je vis Robin tentant vainement de réveiller l'indonésienne, étendue du sol. Elle semblait endormie, paisiblement. Mais, au vu de la réaction d'Élie, je doutais que ce soit réellement un sommeil parfait. Je me suis agenouillée à côté d'elle, touchant son front du bout de l'index, essayant de détecter ses signes de vie. Ils étaient bien là, mais ils faiblissaient. Quelque chose était en train d'aspirer son énergie vitale. 

Robin me lança un regard inquiet. 

- Mauvais, commentai-je. 

En l'appliquant comme je ne l'avais presque jamais fait, je posais mes mains sur le crâne de Nora et fit une tentative de réveil forcé. En fait, je lui envoyais des ondes psychiques pour booster son cerveau. Sincèrement, c'est vraiment cool de savoir faire ça. Sans me vanter. 

- Que fais-tu ? me questionna Robin. 

- J'essaie de la réveiller. Si elle reste endormie, y a de fortes chances qu'on l'entende plus jamais parler ! 

J'envoyais une autre décharge. Ses yeux restaient clos. J'avoue, j'aimerais bien qu'elle se réveille là ! Ce n'est pas que je l'apprécie particulièrement, mais ça serait bête de mourir pendant sa toute première mission. 

- Une diversion, chuchota Robin. 

- Quoi ? 

Encore une décharge. 

- C'est une diversion, s'écria Robin, qui se leva précipitamment et s'enfuit du couloir. 

- C'est bien le moment, tiens, rouspétai-je. 

Une autre décharge. 

D'un seul coup, ses yeux s'ouvrirent en grands. Nora prit une profonde inspiration, puis tenta de se calmer. Elle me regarda, un peu apeurée. 

- Ce que j'ai vu ... c'était n'importe na'wak, sourit-elle, encore essoufflée. 

Je me relevai, Nora fit de même. Maintenant, la question c'était : où est parti Robin ? 

Soudain, une sorte d'onde maléfique traversa le couloir. Je la sentis comme si j'avais reçu un coup de poignard dans le ventre. Mes mains tremblaient subitement. L'atmosphère se fit plus lourde, beaucoup plus lourde. Mes pieds semblaient enracinés dans le sol, si bien que le stress monta. Une profonde obscurité commençait à s'installer. Les lampes se mirent à grésiller. 

Nora m'interrogea du regard. Elle ne comprenait pas non plus. 

Au bout du couloir, une forme sombre s'avança. Peu à peu, cela prit une apparence humaine. Par réflexe, Nora et moi, on recula d'un pas. Vive le courage. 

Alors, j'écarquillai les yeux. J'étouffai un cri. La personne se tenant devant moi, ce regard, ces cheveux bouclés, je les connaissais. 

- Ma ... man ? balbutiai-je. 

- Je te plains, si c'est le cas, commenta Nora à côté. Joyeux la famille. 

Je ne pouvais pas le croire. C'était impossible. Que faisait-elle là ? C'était quoi ces ondes qui l'entouraient ? 

- Viens, chérie, il est l'heure de rentrer à la maison, lança ma mère avec un sourire glacial. 

- Je serais toi, je dirais non. 

- Sérieux, tu commentes un film ou quoi ?! m'énervai-je contre Nora, qui baissa les yeux. 

- Tu n'as plus besoin de te battre, continua ma mère. Je suis là. 

J'étais paralysée. Si je la suivais, que se passerait-il ? Est-ce que je pourrais retrouver Nash ? Ma maison ? Est-ce que tout pourrait redevenir comme avant ? Non, j'étais morte. Comment me voulait-elle ? Était-elle ... morte elle aussi ? Était-elle devenue un mauvais esprit ? 

Nora dut comprendre avant moi, puisqu'elle me prit le bras et me tira en arrière. 

- C'est sa capacité, embrouiller les esprits. 

- De quoi tu parles ? 

- Mansyur. Je te parle de Mansyur.