Partie 11 Le Manoir
J'ai prié Nash de me suivre. Au Manoir, il sera en sécurité. On s'est donc tous rendu à la bâtisse des Prêtresses, quelques kilomètres plus loin.
Derrière une colline, je l'ai alors aperçu, aussi majestueuse que dans mon souvenir. Je ne l'avais visité qu'une seule fois, lorsqu'Élie m'avait informé de son existence. Un grand Manoir, possédant deux étages, large d'une bonne cinquantaine de mètres, ayant un aspect moyenâgeux se dressait devant moi. Un grillage en fer haut de deux mètres l'entourait, avec un portail forgé artisanalement. Une allée en pierre guidait ceux qui le souhaitait. Des arbres vieux de plus d'un siècle semblaient protéger le bâtiment avec leurs branches effrayantes. Ils ressemblaient à des monstres gardant l'entrée, comme Cerbère garde les enfers.
Bien sûr, vu comme cela, on se dit que ce Manoir n'a pas de protection très efficace. Détrompez-vous. Le manoir en lui-même et le grillage ont été ensorcelé de sorte que les mauvais esprit, mais aussi les humains, ne puissent pas entrer. C'est comme l'appareil qui repousse les moustiques, qu'on branche à une prise, vous voyez ? Et là, je vois la question arriver. Comment Robin et Nora ont-ils pu entrer s'ils ne sont pas autorisés à le faire ?
Là, Angel entre en jeu. Une prêtresse peut accorder l'asile à des humains, mais il faut qu'elle soit avec eux au moment où ils passent le portail et la porte. C'est pour ça qu'ils m'attendaient, mais Angel a été plus rapide. En même temps, s'enfuir du Conseil quand les autres ont des problèmes offrent quelques libertés supplémentaires. Il fallait d'ailleurs que je lui en touche un mot, et que je vérifie que les prêtresses et la salle Obscure tenaient le coup.
Nous avons marché dans l'allée tous ensemble. Une fois arrivé au portail, j'ai posé ma main sur celui-ci et ai donné mon consentement pour le passage des humains. À chaque nouvelle entrée, il fallait redonner l'autorisation d'entrer. Le portail s'est ouvert, et s'est directement refermé après notre traversée. J'ai fait pareil avec la morte, et on s'est retrouvé dans le hall.
C'était un grand hall, comme vous vous en doutez. Un vaste escalier se pointait en face, permettant l'accès aux étages. Un énorme lustre doré était suspendu au dessus ne de nos têtes, éclairant toute la pièce. Un tapis rouge brodé n'étant pas épargné par le temps était posé à nos pieds.
- Nora, va installer Nash dans une chambre, tu veux bien ?
- C'est tellement excitant quand tu me donnes des ordres, Lys !
Et elle partit avant que j'ai pu répliquer quoi que ce soit. Elle m'avait appelé Lys ou je rêve ? Je me suis tourné vers Robin pour confirmer, son regard amusé m'a tout de suite répondu.
- C'est qu'il trouve ça drôle, le petit, en plus ?
- Petit ?
- Minuscule, même ! l'ai-je taquiné.
Il a rit. Bon dieu, son rire était tellement savoureux. Je lui ai souris en retour, gênée par mes pensées.
- "Je suis persuadé que chaque fois qu'un homme sourit et mieux encore lorsqu'il rit, il ajoute quelque chose à la durée de la vie" a dit Laurence Sterne. C'est merveilleux, ne trouves-tu pas ?
- Oui, ça l'est. Tu l'es, ai-je murmuré.
Robin m'a regardé avec de grands yeux, avant de baisser la tête. Je sentis du regret provenir de son âme.
- Je rêverais de pouvoir t'embrasser, a-t-il avoué. De pouvoir d'étreindre, te combler. Ce bonheur m'a été enlevé. Je t'ai tué, Lys, c'est impardonnable.
- Celle que tu as tué était Cynthia ! Tu as sauvé le monde ! Tu m'as sauvé, indirectement. Si tu l'avais laissé en vie, elle serait revenue vers moi, et tu crois qu'elle m'aurait offert un dîner avec musiciens en prime ? Je ne pense pas, non. Elle m'aurait plutôt torturé jusqu'au suicide.
Je me suis rapproché, j'ai posé mon index sous le menton de Robin et est relevé sa tête. Il avait les larmes aux yeux.
- Robin ... Tu ne dois pas t'en vouloir, je t'en prie.
- Lys ...
Même si mon touché n'était pas humain, je mis mon front contre le sien, ferma les yeux et imagina ma vie avec lui, si rien de tout ça n'était arrivé. C'était beau, magique, tellement d'effusions de bonheur, d'amour et de libertés. J'aurais aimé vivre cela, en temps réel. Ce n'était pas possible, et je m'en contentais. Aujourd'hui, je retrouvais véritablement les deux hommes de ma vie, Robin et Nash, et j'en étais ravie.
Je me suis redressé, et nous nous sommes fixé longuement. Je pouvais sentir tout cet amour qu'il avait pour moi, toute cette joie qu'il ressentait à être capable de me voir encore. Je n'aurais pu rêver meilleur être pour se poster à mes côtés. J'étais fière de l'appeler petit-ami.
- C'est tellement mignon !
Préparez les torchons, j'allais tuer Nora.
Je crois que le regard que je lui ai lancé lui a fait comprendre que le moment était mal venu. Cependant, elle m'a fait un grand sourire et est descendu nous rejoindre. Robin n'a rien dit, mais je sentais qu'il était gêné.
- Ce que je veux dire par là, c'est que ton frère est installé, a-t-elle poursuivi.
- Évidemment, pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ? lançais-je ironiquement.
Nora a haussé les épaules.
Je me suis alors rappelé que je devais parler à Angel et retourner au Conseil, vérifier l'état de ma famille.
- ANGEL ! ai-je crié.
Robin et Nora ont sursauté.
- Angel est repartie, m'a expliqué Robin. Elle a déclaré qu'elle se chargeait de ramener les autres cibles de Mansyur.
- Comment peut-elle connaître les autres cibles ?
- Je ne sais point. Elle était sérieuse, en tout cas.
- Grrr, je n'aime pas tous ces mystères. Quelqu'un peut-il m'expliquer ce qu'il se passe, à la fin ?!
Je repensais alors à la réaction de Nora face à Mansyur. À sa nomination. Nora le connaissait, elle ! Comment avais-je pu l'oublier ? Je l'ai prise par les épaules. Elle a eu l'air surprise.
- Qui est Mansyur, Nora ? Tu le connais, toi !
- Je ne l'ai vu qu'en visions. Cet esprit est horrible, horripilant, répugnant et ... très puissant.
Ça, je le savais.
- Je sais qu'il peut changer d'apparences et de voix en piochant dans les souvenirs de ses victimes, continua t-elle. Je sais qu'il peut semer le doute, la peur l'incompréhension. Je sais aussi qu'il suit les ordres de quelqu'un. Plusieurs fois, je l'ai vu s'arrêter de parler pour écouter. C'est une déduction tout à fait logique pour une fille comme moi, cela dit, qui allie brillance et beauté ...
Je ne l'écoutais déjà plus. Mansyur était aux ordres de quelqu'un. Sans aucun doute le type à la cape et au symbole de soleil et de lune. Lorsque ce gars était apparu, Mansyur avait tout stoppé, et lui a obéis. Soit il s'agissait d'un accord entre eux, soit un humain s'amusait avec des choses qui le dépassaient complètement.
POINT DE VUE : MANSYUR (après son combat contre Isallys, quelques minutes plus tôt.)
Le vent soufflait entre les feuilles mortes des arbres. Cette forêt paraissait bien sombre, une fois la nuit tombée. Ce n'était pas pour rien que les ténèbres étaient noires. Le noir crée la peur, la panique, la frustration. C'était parfait. Dans ces montagnes, près de cette forêt, je passais inaperçu. Mon corps entier se décomposait dans cette noirceur. Rien que deux petites lumières indiquaient une quelconque trace de vie en moi. Le chaos.
En face de moi, d'autres lumières me prouvaient qu'il y avait de la vie à l'intérieur de ce Manoir. C'était étrange. Pourquoi la lumière représentait forcément la vie ? Ne dit-on pas que l'on voit la lumière lors de la mort ? Je ne comprenais pas la logique des humains. J'en étais une, avant. Une humaine. Le chaos.
- À quoi penses-tu ?
Sa cape bordeaux suivait le mouvement du vent. Il s'avança vers moi, son habituel bâton à la pierre orangée à la main. Il ne s'en séparait jamais, de ce que j'avais vu. S'il n'avait pas cette protection, voilà bien longtemps que j'en aurais fini avec lui. Il me tenait prisonnière. Le chaos.
- Rien, ai-je répondu.
- C'est bien. Bien. Ton attaque est pour quand ?
- Cette nuit.
- Bien, bien. Le rituel reprendra. Notre ami va revenir. C'est si excitant !
Il disparut en coup de vent. Je restais un moment à échafauder mon plan, examinant chaque hypothèse d'échec pour en trouver une solution. Tout était parfait. Ce soir, Maddie Grimm mourrait. Le chaos.
Je me postais devant le fameux Manoir. Son aura me brisait déjà. Quelle puissance défensive, c'était impressionnant. Mais j'allais passer. Tout était prévu. Tout, dans les moindres détails. Le chaos.
J'entendis des bruits de réveil. Isallys venait probablement de se lever, essayant de comprendre ce qu'il venait de se passer. Je m'étais beaucoup amusée avec elle. Mon plan débutait à partir de maintenant. Le chaos.
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