Partie 10 Expérience
C'était bel et bien lui. Pourtant, je n'avais rien ressenti ! J'étais censée posséder son essence ! J'étais censée pouvoir repérer sa présence quand il était près de moi. Pourquoi ça n'avait pas marché ? Qu'est-ce que j'avais raté dans le sort ? Était-ce de ma faute, parce-que j'étais incapable de réussir un foutu sortilège ? Était-ce parce que tous mes pouvoirs étaient HS ?
- Le doute ...
Sa voix était étrange, comme s'il parlait avec des abeilles dans la bouche. Bon appétit !
- Le doute est ... mon arme.
Son champ de force s'intensifia à m'en faire hurler. Il était entrain de m'écraser. Je sentais que j'avais de plus en plus de mal à respirer. Mes yeux luttaient pour rester ouverts. J'avais besoin de mes pouvoirs. J'étais faible sans. J'avais besoin de force. J'étais faible sans. J'avais besoin de croire que je pouvais le faire. Alors pourquoi rien ne venait ? Pourquoi me laissais-je faire de la sorte ? N'étais-je pas l'ex-prêtresse dorée ?
Le doute ... Oui, Mansyur le manipulait à la perfection. Il insinuait le doute dans ton esprit, le doute entraînait la perte de volonté. Sans volonté, nous n'étions rien. Plus de missions, plus de but, seulement du doute. Ça avait marché avec ma mère, avec Esméralda.
- Bordel, j'en ai marre !
J'ai hurlé tellement fort que les murs ont vibré. J'ai senti Mansyur relâcher la pression. J'ai surtout senti le pouvoir envahir mon corps. Je devinai que mes pouvoirs de prêtresse réintégraient mon être. Me les avait-on redonné ? Ou les avais-je récupéré par volonté ? Je n'en sais rien. Ce qui compte, c'est qu'une boule de lumière verte se formait dans ma main, et que j'ai pu la lancer dans la direction de Mansyur.
Malgré le champ de force, la boule l'a touché directement. Tout s'est envolé, j'étais de nouveau libre, respirant pleinement. Les néons clignotaient, une habitude sans doute.
- Les prêtresses ne sont pas faibles, dis-je plus pour moi-même. Tu n'arriveras jamais à nous briser !
J'ai lancé une nouvelle boule de lumière. Cette fois, Mansyur tomba par terre. Ses yeux jaunes haineux me fixèrent.
- Nous ne serons jamais sous ton ordre ! ai-je crié.
Une nouvelle attaque. Mansyur ne bougeait pas, n'esquivait pas,il se contentait d'encaisser.
- Tu pourras utiliser n'importe quelle ruse, nous ne céderons pas !
Encore une boule. Cette fois, au visage. Il se retourna lentement vers moi. Je fus figée. Je ne pouvais plus faire aucun mouvement.
- Lys, dit l'esprit avec tristesse.
Je savais que c'était Mansyur, je le savais, pourtant le visage de Robin m'a arrêté net. Mansyur en a profité pour charger. Reprenant son aspect repoussant, il m'a plaqué contre le mur. Son visage, si on peut l'appeler comme ça, à quelques centimètres du mien.
- La fin est proche. Il va renaître, et il va anéantir l'humanité. Personne n'y échappera, dit-il tel un robot avec sa voix granuleuse.
Cette phrase, je l'avais déjà entendu.
Je ne pus réfléchir davantage, Mansyur me jeta sans ménagement contre le mur à l'opposé. Je sentis des os se briser. Tout mon être me criait à la douleur, alors que j'étais morte. Je n'en pouvais plus. J'étais fatiguée, j'avais faim, j'avais mal. Ce n'était pas normal. J'étais un esprit, et j'avais retrouvé mes pouvoirs, non ? Pourquoi ressentais-je les choses comme si j'étais vivante ? J'ai alors remarqué que mes vêtements ne brillaient toujours pas. J'avais retrouvé des capacités, mais pas tout ? C'était bizarre. Je me concentrais sur Mansyur.
- Qui va revenir ? ai-je articulé difficilement, toujours sonné à terre.
Mansyur a commencé à s'approcher de moi. Je crus percevoir un sourire maléfique.
- Secret, répondit-il.
La phrase me revint alors totalement en mémoire. C'était dans les visions, Robin me l'avait dit.
- Tu t'es ... infiltré dans mes visions ?
Il s'accroupit à ma hauteur.
- Possible.
Sa voix se mit à siffler. Il avait remplacé les abeilles par des serpents ?
Je voulus me relever, courir pour lui échapper, mais j'étais complément vulnérable.
J'entendis alors le mur glisser, littéralement. Un coin sombre m'indiquait qu'un passage s'était ouvert dans ma prison. Mansyur avait été interpellé pareillement, puisqu'il regardait dans sa direction. Il se releva à l'approche d'une ombre. Enfin, façon de parler. J'avais beau voir flou, je reconnus un homme, simplement un homme, sous une longue cape bordeaux. Il tenait un bâton géant dans sa main, possédant une petite pierre orangée au bout. Un symbole était dessiné sur son vêtement, mais je n'arrivais pas à le discerner correctement. On aurait dit un soleil et une l'une accrochés.
Cet homme là congédia Mansyur, qui disparut en volute de fumée noire. Il pointa ensuite son bâton vers moi, et la pierre au bout se mit à scintiller.
- Expérience terminée, déclara-t-il.
Sa pierre lança un rayon orangé dans ma direction. Par réflexe, je fermai les yeux en mettant mes mains devant mon visage. Rien ne me frappa. J'attends, mais rien ne me fit mal. Je ne ressentais plus la douleur que j'avais précédemment. Il m'avait soigné ?
Quand j'ouvris les yeux, je vis que non. Il m'avait téléporté. Je ne sentais plus la sensation du sol ou de l'air, mais sachant qu'il faisait nuit, il devait faire froid. Je me suis relevé pour examiner les alentours. J'étais dans une forêt, tout ce qui a de plus banal. Des arbres, des feuilles mortes par terre, des branches jonchant le sol, des troncs morts. En plus, les petits bruits récurrents des forêts me rassurèrent.
J'avais dû mal à réaliser ce qu'il venait de se passer. Était-ce une illusion, encore ? Qui était cet homme à la cape ? Que voulait-il dire par expérience ? Et Nash, dans tout ça ? Quel était son rôle ?
Où était-il maintenant ?
Je ne pouvais pas perdre mon frère. Pas après avoir perdu ma mère ! Je refuse.
Un bruit de pas me donna le réflexe de disparaître. J'observais alors les ténèbres. Qu'allait-il en sortir ? Encore Mansyur ? Sur mes gardes, je n'osais pas bouger le petit doigt.
Si j'avais pu pleurer, je l'aurais fait, de joie. Nash apparut, s'aidant d'un arbre pour tenir debout. Il avait l'air épuisé, mal en point, et désespéré, mais il était bien vivant. Sans crier gare, je suis apparue juste en face de lui et lui ai sauté dessus. Sa chaleur m'a réconforté. La mienne ne devait pas être très grande par contre.
Un conseil : quand votre frère apparaît devant vous alors que vous êtes un esprit, ne soyez pas folle de joie. Il ne retiendra que le mot folle.
Ses yeux m'ont brisé le cœur. J'ai eu l'impression qu'il ne me reconnaissait pas. Il ne m'a pas rejeté pour autant, il devait analyser la situation.
- C'était donc vrai ... susurra t-il.
Que répondre à ça ?
Il s'est accroupi, de frottant les bras pour se faire de la chaleur. La vapeur qui s'échappait de sa bouche quand il parlait m'indiquait clairement qu'il ne devait pas être bien plus de cinq degrés. En plus, sans vouloir l'offenser, il portait une sorte de pyjama. Pas très pratique.
- J'ai cru ... J'ai eu un espoir que ... enfin, tu vois ... Je voulais tellement que ce soit faux ! Pourquoi s'est tombé sur toi, Lysou ? Pourquoi ça a dû être toi ?!
Maintenant, il pleurait. C'était toujours lui qui me réconfortait d'habitude, et pas l'inverse ! Comment m'y prendre ? Comment devrais-je m'y prendre ?! Qu'est-ce que je devais dire ? En l'absence d'idées, j'ai fait ce que tout le monde fait, je lui ai mis ma main sur l'épaule et ai essayé d'être la plus chaleureuse possible.
C'était ma faute s'il était dans cet état. Il a eu un espoir que je sois vivante, j'ai tout gâché.
D'autres bruits de pas, de branches se cassant et de voix me mirent en alerte. J'ai ordonné à mon frère de se cacher derrière un arbre, tandis que je me rendais invisible.
- Je te dis que je la sens ! C'est psychique, tu peux pas comprendre ! C'est comme si on m'avait greffé son cœur, alors maintenant je ressens où elle est. C'est comme le syndrome du membre fantôme, mais avec un vrai fantôme, et sans membre.
Une seule personne sur Terre à ma connaissance pouvait sortir ce genre d'âneries.
- Ce que tu débites n'a aucun sens, tu en es consciente ?
Une seule personne sur Terre à ma connaissance parlait avec une voix si douce.
- Ça va, monsieur le rabat-joie.
Nora et Robin apparurent à ma vue, marchant maladroitement entre les arbres, évitant les trous ou d'autres choses plus dangereuses. Ils s'arrêtèrent à ma hauteur. Enfin, Nora stoppa d'un coup, et attrapa le bras de Robin pour qu'il fasse de même. Il l'a regardé avec une manière qui semblait dire "Tu fais quoi, là ? Lâche mon bras, ou ça va péter."
- Elle est tout près ... chuchota Nora.
- Tu peux être terrifiante, quand tu chuchotes de cette manière, remarqua Robin.
- Je suis complètement d'accord, ai-je dit en apparaissant devant eux.
Robin m'a fait un grand sourire, que je lui ai rendu avec tendresse. J'ai fait signe à mon frère de sortir de sa cachette. Il a hésité, mais il a bien vu que ces deux là étaient mes amis. Oui, Nora est ma nouvelle amie. Bref, je ne la déteste pas.
- Je vous présente Nash, mon frère, ai-je déclaré.
- Enchanté, Nash. Je suis Robin, le ...
Il m'a regardé comme s'il attendait mon approbation.
- Mon petit-ami, complétai-je.
Nash sembla amusé par la situation. Même si j'étais morte, c'était le mien. Pas question de m'enlever ce titre. Je pourrais comprendre, néanmoins, si Robin trouvait mieux, et surtout s'il trouvait mieux en chair et en os.
- Et moi, je suis Nora Nyimpen Nasibe.
L'indonésienne lui a fait un large sourire en lui serrant la main brusquement. Nash a un peu grimacé, sûrement avait-il encore mal dû à son séjour chez les dingues. Nora ne sembla pas s'en rendre compte.
- Que faites-vous là ? Où est Maddie ? demandai-je.
- Le Manoir est juste à côté. On patientait, quand Angel est arrivée. Elle nous a ouvert et nous a installé. Après, Nora est venue me chercher en affirmant qu'elle t'avait "senti".
La concernée hocha dynamiquement la tête.
Cependant, je n'étais pas aussi ravie qu'elle. Angel. Ce simple nom avait gâché ma nuit. Mis à part le fait que j'avais affronté Mansyur, un psychopathe, et des retrouvailles déchirantes. Merci la vie, c'est sympa de s'acharner sur une personne déjà morte.
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