*Esméralda part 3*

Dumban était descendu dans la cave pour lui porter un peu d'eau. Esméralda n'avait pas bougé lorsqu'il avait posé le bol devant elle. Elle était décidée à mourir.

Il l'avait observé, puis s'était assis à côté d'elle.

- Donc, tu vas crever ? lui lança l'homme.

Esméralda ne répondit pas, mais lui jeta un regard qui voulait dire oui.

- Bien, continua Dumban. C'est bête quand même, de crever comme ça. Surtout pour une guerrière.

Cette fois-ci, Esméralda releva la tête brusquement et fronça les sourcils.

- Je ne suis pas comme l'autre imbécile de Gregor, je sais reconnaître un guerrier quand j'en vois un. Franchement, j'ai de la peine pour toi. Pas parce que tu es enfermée dans cette cave un brin glauque, mais parce que tu ne fais rien pour en sortir.

- Que voudrais-tu que je fasse ?

Dumban sourit en entendant la voix de cette esclave.

- Je n'en sais rien. Peut-être que ma clé pourrait glisser accidentellement de ma poche, et que tu pourrais la ramasser, juste pour découvrir cet objet merveilleux, dit Dumban avec un clin d'œil.

Il montra l'objet en question et le posa dans son bol d'eau. Esméralda fixa l'objet avec méfiance, puis fit de même avec Dumban.

- Pourquoi tu fais ça ?

- Pourquoi, dis-tu ? Je m'ennuie. Je veux voir la bête en pleine action.

- Une bête ?

- Toi, précisa Dumban. Je veux que tu tues Gregor. Je suis sous sa coupe depuis trop longtemps, et j'en ai marre.

- Je le tue, et tu me laisses filer ?

- Ça me paraît équitable, non ?

Dumban lui fit son plus beau sourire. Il lui tendit la main en signe d'accord. Esméralda se méfiait toujours, mais elle n'avait rien à perdre. Cet homme voulait le pouvoir, elle voulait sa liberté. Elle ne savait pas si Dumban respecterait son marché, elle ne savait même pas si elle ressortirait vivante de tout ça, cependant elle était déterminée.

Esméralda attrapa vivement la clé et commença à ouvrir ses chaînes.

- Attend quelques minutes avant de sortir, lui ordonna Dumban. Au fait, j'ai laissé par accident une magnifique lame près de l'entrée de la cave. Je ne sais ce qui m'a pris.

Dumban lui redonna un clin d'œil.

Esméralda se libéra de ses chaînes. Elle attendit comme Dumban lui avait dit de faire. Durant ce temps-là, elle ne pût s'empêcher de réfléchir. La jeune femme n'avait pas envie de mourir, elle ne le voulait pas, elle en était sûre maintenant. Pourquoi tenter une mission suicide ? Après tout, elle pouvait rester dans cette cave jusqu'à se faire vendre de nouveau, ou bien jusqu'à mourir de faim, de soif ou même de vieillesse. Néanmoins, ce Dumban lui avait offert une chose qui avait réveillé son esprit guerrier. Elle avait de nouveau la force de tuer et de prendre confiance en elle.

Désormais, Esméralda sentait qu'elle avait le pouvoir de changer son destin.

La jeune femme sortit de la cave en hurlant. Elle attrapa la lame posée à côté, et fonça dans la pièce la plus proche. Dans un mouvement fluide, elle poignarda le premier homme, et mit la lame sous le menton d'un autre.

- Où est Gregor ? cria t-elle.

Cet homme avait si peur de cette rage soudaine qu'il désigna la pièce au fond d'un couloir. Esméralda lui enfonça la lame avec force dans le cou. Elle l'entendit se vider lentement de son sang, les yeux grands ouverts. Elle tourna les talons et se rendit directement dans la pièce du fond.

- Eh, toi ! Reviens ici, pétasse !

Un autre sbire se tenait à l'opposé d'Esméralda, qui ne se tourna même pas pour le voir. Elle continua à avancer. Finalement, elle s'enferma dans la pièce du fond avant que l'autre ne l'attrape. Elle sentit directement une odeur étrange de fumée. Esméralda pivota en direction d'un lit sur lequel était couché, nu, Gregor. Entouré par deux prostituées romaines.

- Tiens, tiens, tu tombes à pic, rit Gregor.

Gregor ne quittait pas la lame pleine de sang des yeux. Pourtant, il souriait, comme si de rien n'était. Les filles à côté de lui ne semblaient pas rassurées.

- Tu entends ?

Esméralda tendit l'oreille et perçut le bruit de la foule au dehors.

- Cléopâtre VII et son putain d'amant viennent de débarquer ici, à Patras ! J'aime beaucoup les romains.

Gregor se releva et chassa les deux filles d'un geste de la main. Les prostituées s'échappèrent par une autre porte, qui menait à d'autres quartier privés. Gregor se leva de son lit et se posta à la fenêtre.

- Tu viens me tuer, petite merveille ?

- Tu sais déjà la réponse, il me semble.

- Effectivement, je la sais.

Gregor se tourna vers Esméralda, qui prit une position de combat.

- Je t'en prie, je suis tout à toi, sourit Gregor en écartant les bras.

Esméralda se concentra, et poussa un hurlement puissant en fonçant sur sa cible. Gregor para son coup avec rapidité, et prit un verre au passage.

- Voyons, tu peux mieux faire, a-t-il dit.

La jeune femme se sentit insultée, son âme de guerrière se sentait insultée. Elle continua d'attaquer, mais à chaque fois, Gregor n'avait aucune égratignure. Esméralda commençait à se sentir fatiguée, le souffle irrégulier et son cœur qui semblait vouloir sortir de sa poitrine.

Esméralda comprit qu'elle n'aurait pas l'avantage dans ce combat, il fallait qu'elle ruse. Alors elle continua de l'attaquer jusqu'à ce qu'il soit là où elle le voulait. Avec un coup de pied bien placé, elle poussa Gregor sur la fenêtre, qui se brisa à son contact. Esméralda entendit les craquements de ses os touchant le sol.

La jeune femme se pencha pour voir le cadavre. Quelqu'un avait été attiré par le bruit, mais il n'y avait pas grand monde. Soudain, elle vit Gregor se relever. Elle écarquilla les yeux, avant de se rendre compte que le corps était toujours au sol. L'esprit de Gregor l'a regardait avec amusement, puis une lumière verte l'enveloppa et il disparut. Esméralda ne comprenait rien. Que s'était-il passé exactement ?

Des applaudissements lui coupèrent l'envie de réfléchir.

- C'était parfait, lui sourit Dumban. Tu es libre, chère femme. Je te souhaite toute la chance du monde. Ne crève pas en si bon chemin.

Esméralda regarda la lame et la coinça dans sa ceinture avant de sauter par la fenêtre. Elle atterrit sur le toit d'en face, puis elle se mit à courir, aussi vite et aussi loin que possible. Elle voulait laisser cette vie là derrière elle. Elle avait peur d'être capturée et renvoyée là-bas. Elle ne voulait plus voir ce théâtre qui avait joué une partie de sa vie sans son autorisation.

Esméralda avait l'impression d'être un oiseau à qui on rendait les ailes.

Lorsqu'elle estima qu'elle était assez loin, elle s'arrêta et reprit son souffle. Qu'allait-elle faire maintenant ? Elle n'en savait strictement rien. Elle voulait juste qu'on lui fiche la paix. Ce n'était pas gagné.

- Ce toit est réservé, va voir ailleurs, grogna la voix d'un jeune homme.

Esméralda le vit allongé de dos, dans un coin du toit. Il avait installé une bâche bon marché en guise de pare-soleil. Au vu de ses vêtements, Esméralda comprit qu'il était lui aussi à la recherche d'un avenir.

- Ce n'est pas toi qui décide de ces choses là, répliqua Esméralda.

Avoir tué Gregor lui avait rendu plus que sa liberté, la jeune femme le sentait. Ça lui avait rendu son esprit combattif et colérique.

Le jeune homme se leva, lentement, et se tourna pour faire face à cette femme. Il l'examina de haut en bas, puis soupira.

- Je ne voudrais pas avoir à te tuer.

- Essaie juste.

- Vraiment ? Tu veux jouer à ça avec moi ? rit cet homme, toujours assis.

Il soupira derechef.

- Pars, avant que ça ne devienne sérieux. Ce toit est réservé, répéta t-il.

- Pas question, je ne me plie pas aux ordres d'un gars qui pense qu'un toit lui appartient.

- Tu te plies aux ordres de qui ?

Esméralda pâlit et repensa à cette année de servitude qu'elle avait affronté.

- Comment ça ? demanda t-elle.

- Tu ne portes pas vraiment les habits traditionnels de la cité.

Esméralda s'observa à son tour. Elle portait une robe, si on pouvait l'appeler comme cela, déchirée et couverte de sang. Le bout de ficelle qui lui servait de ceinture à la taille soutenait une lame rougeâtre.

- Tu as chassé les chiens ? plaisanta l'homme.

Il se leva et fit réellement face à Esméralda, qui ne savait plus où se mettre. Cependant, elle garda l'air sûre d'elle, et ne trembla pas d'un pouce.

- Les chiens, ce sont tes proies à toi. Je viens de tuer mon maître, avoua Esméralda.

Elle ne se sentait pas de cacher cela. Surtout pas à un pauvre qui vivait sur un toit dont il pensait être le propriétaire. Le jeune homme se mit à rire.

- Tu serais une bonne alliée, comme je le pensais.

- Quoi ?

- Ta lame m'a tout dit. C'est pas très prudent de sortir comme ça, tu sais. Mon nom est Xenar, enchanté.

- Pas moi.

Xenar lui fit un grand sourire.

- Vraiment une bonne alliée, répéta t-il, comme hypnotisé.

Esméralda fronça les sourcils.

- Une alliée pour quoi ?

Xenar retourna s'asseoir sous sa tente de fortune et se pencha pour ramasser quelque chose. Il sortit d'une sacoche en cuir marron un papyrus. Habituellement utilisé pour les hiéroglyphes, sur celui-là était représenté un homme, dessiné avec des pigments noirs. Dessous, un nombre s'affichait.

- Chasseur de prime, c'est ça ? en déduit Esméralda.

- C'est exact, sourit Xenar. Un métier passionnant. Tu pourrais travailler avec moi, tu as déjà l'expérience et le mental.

- Je ne serais l'esclave de personne.

- Je n'ai pas dit ça. J'ai dit que tu serais mon alliée, nuance.

- Ils disent tous ça, au début.

- Tous ?

Xenar se mit à rire aux éclats.

- Mais, ma chère, je ne suis pas tout le monde !

Et il repartit dans un fou rire incontrôlable, mettant Esméralda extrêmement mal à l'aise. Devait-elle rire avec lui ? Elle avait oublié comment faire. Elle ne savait même plus quelle sensation se dégageait quand l'on riait. La jeune femme continua à l'observer, exposant sa joie de vivre à une femme venant tout juste de vivre un enfer.

- Bref, reprit Xenar après s'être calmé. On fait un travail, tu gagnes des thunes. Tu gagnes des thunes, tu peux voyager. Tu peux voyager, tu dégages de cet enfer et tu es libre. Ça te tente ?

Esméralda n'hésita pas une seule seconde de plus lorsqu'elle entendit le mot libre. C'était la seule chose qu'elle cherchait, et elle savait que la liberté avait un prix inestimable.

- Tu le trahis, je te découpe la gorge en petits morceaux et je les jette aux fennecs, le prévient-elle.

- Réjouissant, comme programme, a sourit Xenar, en lui tendant la main.

La jeune femme la prit avec force, et le contrat fut scellé.

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Tadaa un chapitre très long, mais j'espère qu'il vous plaît ! Comme vous l'aurez compris, je vous oriente sur des pistes différentes, cependant, je pense que celui qui va la trahir est clairement identifiable, non ? M'enfin, je vous laisse imaginer la suite !
Zoubi ;)

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